03/06/2014
We are the best !
En 1982 en Suède, la mode du disco cartonne dans un collège de Stockholm. Deux adolescentes de 13 ans, rebelles et pleines d’énergie, décident de prouver que « punk is not dead » en montant un groupe de musique. Elles se lient d’amitié avec une fille qui est tout leur contraire : soumise et sage en apparence. Ensemble, elles vont montrer qu’elles sont les meilleures ! … Voir la bande annonce en lien.
Ce film est un gros coup de cœur. Il dégage une énergie et un esprit positif qui mettent immédiatement la pêche. Il requinquerait le dernier des dépressifs. Il donne envie de danser, ou plutôt sauter en hurlant comme les héroïnes, à des mémés aux genoux rouillés comme moi. Il laisse penser que tout est possible si on ose et qu’on y croit : demain, je me mets enfin à la batterie !
Les films sur l’adolescence s’attardent habituellement sur les problèmes rencontrés à cet âge : la rébellion contre les parents (ici, d’ancien hippies), l’école (leur chanson sur leur haine du sport) la société (elles chantent « Brejnev-Reagan, fuck off ! » sans savoir que Brejnev est déjà mort), le rejet des camarades (les filles aiment Abba, le maquillage, nous on aime le punk et on s’habille comme des sacs mecs !), le premier amour non partagé (pour un gamin moche qui se prend pour une star : ridicule et hilarant)… L’incompréhension, l’agressivité, le pessimisme dominent souvent les films sur l’adolescence, les héros se vengent des humiliations subies (Carrie, Fish tank…)
We are the best est délibérément positif. Les héroïnes sont tout sauf effacées ou mélancoliques (comme l’est l’adolescent de Kes). Elles possèdent une confiance en elles rare à cet âge d’incertitude. Elles sont persuadées d’être les meilleures comme l’indique le titre, alors qu’elles n’avaient jamais touché un instrument de leur vie ! Elles pourraient être tête à claques (je déteste les gens arrogants) mais elles m’ont épatée. Le film est très drôle, ironique. Le réalisateur Lukas Moodysson se moque gentiment d’elles, avec une grande tendresse.
Il a en effet adapté le roman autobiographique de sa femme, comme il nous l’expliquait après le film. Le cinéaste se définit comme un féministe, et on sent à travers la douce moquerie une pointe d’admiration pour ces adolescentes si téméraires. Sa filmographie propose souvent comme personnages principaux des jeunes filles rebelles et courageuses (Fucking amal). Ici elles sont punks, elles sont hippies dans Together.
Dans We are the best, les parents sont super cool, j’aurais bien voulu avoir les mêmes ! « T’as rasé les longs cheveux blonds de ta copine pour lui faire une crête de punk ? C’est sympa ! » A sa place, ma mère m’aurait chassée à coup de balai et "foutue en pension" (sa menace favorite)…
Ma mère ne voulait pas que je fasse de la batterie, elle disait que c’était pour les garçons : elle m’a inscrite à la danse. Je n’ai jamais voulu y retourner après le premier cours : la prof aboyait ses ordres et les gamines en tutu roses ridicules s’exécutaient sans broncher, de vrais pantins. Mon frère a tenté de m’apprendre la guitare, mais comme je suis gauchère contrariée, je n’arrivais pas à jouer comme les droitiers. Mais demain, on y croit : je me lance, et je deviens à la fois Ringo Starr et McCartney ! Et je postule pour un job de rêve en affirmant être idéale pour le poste ! Au lieu de penser : je n’y arriverai jamais, je n’ai jamais fait ça, il y a tellement de concurrence et mieux que moi…
En rentrant chez moi après le film (enfin, le lendemain, je ne voulais pas réveiller les voisins à 23 heures) (je ne suis pas assez punk) j’ai écouté la b.o (Schweden Schweden d'Ebba Gron, The human league, Don't you want me etc...) et je bouge quotidiennement dessus depuis (cliquez sur les liens). Certains mettent Véronique et Davina pour faire du sport, moi désormais, j’écoute du punk suédois. Je ne comprends pas un traître mot, mais toutouyoutou, non plus.
Courez voir ce film et prouvez que vous êtes des rebelles punk vous aussi!
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29/05/2014
Tout est permis de Coline Serreau
1h20 de discours sur le code de la route, moi qui déteste les voitures et n’ai même pas le permis ? J'avais peur de m'ennuyer, et visiblement beaucoup pensaient pareil : on était que deux dans la salle de cinéma, le film n'a pas remporté de succès. Pourtant, il est fascinant, très révélateur des comportements, et pose des questions essentielles. J'ai appris une foule de choses, ce documentaire fait réfléchir, et en plus, il est à la fois drôle et émouvant. (Regardez la bande annonce)
Des personnes qui ont perdu les points de leur permis doivent faire un stage pour les reconquérir. Ils expliquent comment ils en sont arrivés là. Leur mauvaise foi est telle qu’elle en est comique. Comme des enfants, ce n'est pas de leur faute. « Je dis pas non plus que j’étais à jeun, j’avais un petit peu chaud quoi ». « Moi, je ne téléphone pas, je réponds simplement aux appels ». La loi est injuste, ou pire, ne s’applique pas à eux. Ils sont persuadés que tout le monde est comme eux, pourtant les chiffres montrent que 75 % des conducteurs conservent tous leurs points sur leur permis, 90 % entre 10 et la totalité. Une femme très arrogante, fortunée, pérore qu'elle a l'habitude que les autres véhicules s'effacent devant elle lorsque elle arrive avec sa Porsche. Elle est plus rapide, ils ne peuvent pas la suivre. Poussez-vous de là les gueux, laissez passer la reine. C'est moi le roi de la route, je m'amuse à 200 à l'heure, je peux faire Paris Beyrouth en une demi-heure.
On constate que la plupart des chauffards interrogés se sentent plus forts lorsqu'ils roulent plus vite. Beaucoup sont jeunes : ils ne dirigent pas encore leur vie (souvent sous le joug des parents, pas encore de situation stable). En voiture, ils ont enfin l'impression de contrôler quelque chose, ils se vengent de leurs frustrations en roulant vite. Celui-là je vais me le faire, depuis le temps que je roule derrière, avec sa vieille Fiat pourrie, je vais lui montrer qui je suis.
A moi aussi, ça me paraissait injuste de payer une amende alors qu'on a seulement dépassé de 5 km heure la vitesse autorisée. Pourtant, si la vitesse est limitée à 50 sur certaines routes, c’est parce que les tests de crash prouvent qu'à cette allure, lors d'un choc, le piéton a encore des chances de rester en vie. A 60 km heure, ce taux baisse considérablement.
Dans les années 70, 17 000 personnes mouraient sur les routes chaque année, avec entre 300 000 et 400 000 blessés. Avec l'instauration des limitations de vitesse, de la ceinture obligatoire à l'arrière et à l'avant, le nombre de décès est passé aujourd’hui à environ 3500.
Les accidents de la route coûteraient chaque année à la sécu sociale 24 milliards. Car les blessés, les handicapés, il faut les soigner souvent à vie…. Les radars eux, rapporteraient 700 à 800 millions. comme Gaston Lagaffe et ses parcmètres, je surnommais ces dispositifs « mange-fric », parfois installés là où ils n’ont pas lieu d’être, planqués pour piéger le maximum de conducteurs, empêchant de rouler normalement... mais les statistiques prouvent que ce sont dans les lignes droites, qui semblent les moins dangereuses, que les accidents surgissent : le conducteur se sent plus en sécurité, il accélère.
La prise de conscience des dangers de la route et de la nécessité d'instaurer des règles est survenue après un accident qui a choqué la population, le plus meurtrier en France : en 1982, un village a enfin pu payer des vacances à ses enfants. Tous les petits sont partis en car, pendant le week-end le plus chargé de l’année, celui qui fait la jonction entre le mois de juillet et d’août. La circulation est dense, il pleut, un chauffeur n’est pas expérimenté, il roule vite, les freins fonctionnent mal… 44 enfants meurent carbonisés, sans pouvoir être identifiés, des fratries entières anéanties... Depuis, le transport collectif d’enfants pendant ce week-end chargé est interdit, la vitesse est limitée par temps pluvieux et la réglementation plus stricte pour les cars.
La sécurité routière doit faire face à deux puissants lobbies : celui de l'automobile et celui de l'alcool. Les tests de crash montrés dans le film prouvent que même avec le taux d'alcoolémie autorisé, les réflexes sont considérablement amoindris. Je ne l’aurai jamais cru. On est en France quoi, le pays du vin, de la bonne chère, ne pas boire lors d’un bon repas familial, ça me paraît impensable. Il faut toujours attendre des heures pour pouvoir prendre le volant et rentrer chez soi, c’est contraignant (parce que moi, jouer aux tarots en attendant, je m’en tape).
L'alcool est la principale cause d'accident de la route, et les accidents de voiture la première cause de mortalité chez les jeunes. Dans l'idéal, aucune consommation d’alcool ne devrait être autorisée avant la prise de volant. Mais au pays du vin, impossible à appliquer... Un ancien lobbyiste des alcooliers témoigne devant la caméra : son travail était d'alpaguer les jeunes à la sortie du lycée, ou dans les boîtes de nuit, et de leur distribuer de l'alcool gratuitement...
Le lobby de l'automobile est aussi très puissant : pourquoi construire des voitures qui peuvent rouler à + de 200 km heure, si la vitesse est limitée bien en dessous ? Une fausse donnée circule : en Allemagne, la vitesse ne serait pas restreinte sur les autoroutes. C'est vrai sur certains tronçons, mais sur les autres, la loi est encore plus sévère qu'en France. La réalisatrice a beaucoup de mal à obtenir les chiffres d'accidents, et lorsqu'elle y parvient, elle constate que sur ces fameuses parties non limitées, les incidents sont 4 fois plus nombreux !
J'ai peur en voiture. J'ai connu trop de personnes mortes sur les routes. Je n’ai jamais voulu passer mon permis et je ne rentre dans un engin de la mort qu’en cas de nécessité. (à la campagne, quand il n’y a pas de car). Mon meilleur ami d'enfance, un garçon adorable, d'une gentillesse extrême, qui s’occupait avec une grande tendresse de sa petite sœur, généreux et timide, est mort sur la route à 17 ans. Son oncle qui tenait le volant avait bu... Je pense encore souvent à lui, ce qu'il serait devenu. A sa pauvre mère aussi, qui ne s'était déjà pas remise de la mort de son mari (elle faisait croire à sa fille qu'il dormait dans la pièce à côté !)
J'ai passé mon année de terminale à la campagne, et 5 élèves de ma classe sont morts en voiture. Le weekend, j'allais au bal (masqué ohé ohé), les jeunes se soûlaient à la marquisette (5 francs le verre). Sur le chemin de retour, on voyait souvent une voiture dans le fossé. Mais les jeunes trouvaient ça fun et rebelle et se vantaient de leurs exploits éthyliques le lundi au lycée (« j'ai vomi ! Je me souviens plus de rien ! Tiens, j'accouche 9 mois après alors que j'ai 15 ans, comment ça se fait ? Mais madame je vous jure que j'ai jamais couché avec un garçon ! »).
On me traitait de ringarde et de vieille (mémé ne nie pas) parce que je gueulais lorsque le mec au volant, croyant impressionner les filles passagères, roulait à 100 sur les routes de campagne, la petite R5 volant sur les nids de poule.... Les potes de mon copain ont éclaté de rire lorsque j'ai refusé de monter dans leur voiture qu'ils prenaient après s'être soûlés au salon des vins !
Le proverbe « femme au volant, mort au tournant » est faux : les femmes sont en général plus prudentes et conscientes des dangers, les statistiques le prouvent. Les assurances de voiture sont moins chères pour les femmes, car elles ont moins d'accidents. Comme le dit un professeur dans le film « vous pouvez faire confiance aux assurances qui ne veulent jamais perdre leur argent! »
Je pourrais encore citer une foule d'exemples, mais je préfère vous encourager à regarder ce documentaire essentiel.
Petit quiz On connaît la chanson dans le texte...
20:44 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : cinéma | | Facebook
19/05/2014
Toute ascension vers un endroit merveilleux se fait par un escalier en spirale
J'étais dans mon trou perdu sans Internet, mais les gagnants ont pu être prévenus dès le lendemain de la fin du jeu « libre et assoupi ». En effet, miracle ! Mémé nulle en nouvelles technologies possède un téléphone portable avec Internet ! Pas un aïe phone ni un strawberry bien sûr, faut pas trop m'en demander. Juste un appareil compris dans le forfait et avec encore un clavier à touches.
On capte mal dans le trou perdu, j'ai mis 13 minutes à me connecter à ma messagerie, et deux heures pour envoyer les mails aux gagnants... Qui sont donc Laura, Betty, Grégory, Moussa et Sandrine.
Merci aux nombreux participants. Une grande majorité a trouvé les bonnes réponses au quiz, même la deuxième question très difficile, vous êtes vraiment forts. Je rappelle le Quiz On connaît le film :
- Dans quel film Félix Moati a-t-il joué et a-t-il été nommé comme césar du meilleur espoir masculin ?
Il s'agit de Télé gaucho ; la réponse était dans le texte.
- La nouvelle bannière de mon blog est tirée d’une de mes comédies préférées, avec Patrick Dewaere évidemment, j’en ai souvent parlé ici. Quel est ce film ?
Coup de tête ! Certains ont proposé Série Noire. C'est en effet un des films avec Dewaere que je préfère, mais pas franchement une comédie... A l'époque de sa sortie, les critiques de cinéma conseillaient : « si vous êtes sous Prozac, mieux vaut s'abstenir » Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir. Si j'adore ce film, il laissait un message négatif sur une bannière de blog : « vous qui entrez ici, perdez tout espoir ».
D'accord, j'aime bien écrire des rubriques nécrologiques. Je conseille parfois des documentaires « qui donnent envie de se réfugier dans une grotte » (on est empoisonnés par les pesticides dans nos aliments, le lobby des médicaments, les documentaires sur la crise, le chômage, les guerres, le nucléaire, on va tous crever !) J'aime parfois des films tristes avec des musiques mélancoliques. J'ai longuement parlé de faits énervants, le chômage, les lettres de motivation laissées sans réponse, les offres de travail révoltantes, pôle emploi qui laisse les chômeurs sans ressources (six mois sans indemnités pour moi) mon conseiller que je n'ai vu qu'une seule fois en... 7 ans. Il suit 256 chômeurs, qu'il est censé rencontrer tous les mois... Comment peut-il le faire ? On m'a attribué un nouveau conseiller l'année dernière pour ma dernière période de chômage. Je ne l'ai jamais vu, il n'a jamais pris contact avec moi. J'ai juste constaté que le nom avait changé en consultant mon dossier, pas un courrier pour le signaler, rien.
Oui, j'aurais pu proposer Série noire en nouvelle bannière de blog. Mais dans la vie faut pas s'en faire, ces petites misères seront passagères, tout cela s'arrangera. J'ai préféré mettre Coup de tête, mon film culte de Jean-Jacques Annaud. Une autre série noire, mais prise sur le ton de la comédie. Patrick Dewaere y incarne un sympathique perdant (François Perrin, comme souvent avec le scénariste Fancis Veber). Il décide de quitter son village pour tenter sa chance dans une grande ville « Je me suis dit : j’ai réussi à être le dernier à Trincamp, avec un peu d'ambition, je réussirai bien à être le dernier à Paris ». Mais il est accusé à tort d'agression...
Le héros rejoint la femme riche qu'il est censée avoir agressée. Elle ne le reconnaît pas. Pourtant il a travaillé pour elle, lors de l'un de ses énièmes petits boulots : il était serveur pour sa fête d'anniversaire. Dans l'extrait que j'ai choisi comme photo pour ma nouvelle bannière, il explique (regardez, à 38 min 50 du film !) : « J'étais beau pourtant, dans mon costume blanc. Un peu le style agent secret, James Bond (…) Si j'avais été une femme, je serais immédiatement tombée amoureuse de moi ». Il fanfaronne devant la glace. Il emprunte ensuite le grand escalier de la demeure, tel un lord. "on s’est croisés comme dans les films. Je descendais l’escalier, et vous montiez à ma rencontre." Il regarde la jeune femme, fier comme un paon, mais elle le redescend brutalement sur terre en lui lançant un condescendant : « vous pouvez commencer à dresser le buffet... »
Il en conclut : « J’étais certainement plus beau que James bond, mais personne ne m'a remarqué, et je sais pourquoi : parce que j'étais du mauvais côté du buffet. »
Vous conviendrez que l'image de ma nouvelle bannière me correspond bien... La personne et son reflet (personnage ?) dans le miroir (le blog ?). J'aurais aussi pu choisir comme bannière François Merlin devant sa machine à écrire, qui réinvente sa vie. Une image issue d'une autre de mes comédies préférées : Le magnifique. François Merlin s'imagine sous les traits du magnifique Bob Saint Clar dans les romans d'espionnage qu'il écrit. Son éditeur qui l'exploite est transposé en espion « l'immonde Karpov ». Sa charmante voisine dont il est secrètement amoureux mais qui ne le remarque pas est folle de lui dans ses romans...
Ça ne signifie pourtant pas que je réinvente ma vie sur le blog ! Tout ce que je raconte est vrai...
La nouvelle bannière montre bien sûr toujours des papillotes, (mon nom de chat) des chocolats (l'alimentation de base de l'estomac sur pattes) de Lyon (ma ville d'origine) de noël (ma date de naissance) qui comportent des citations. J'en ai toujours dans ma poche et cette année j'ai réussi l'exploit de les faire tenir jusqu'à Pâques, jusqu’à ma poule en chocolat cachée dans le jardin. Voici les deux phrases extraites de ma dernière papillote de l'année :
"Apprends à vivre comme si tu devais vivre pour toujours et vis comme si tu devais mourir ce soir" (proverbe tibétain)
"Toute ascension vers un endroit merveilleux se fait par un escalier en spirale" (Francis Bacon)
Parlant, non ?
Un grand Merci à Mélanie pour la réalisation de la bannière (vous vous doutez bien que mémé Papillote nulle en nouvelles technologies n'a pas su faire : quand j'ai allumé Photoshop pour effacer un mot, j'ai carrément gommé toute l'image)
Petit quiz On connaît la chanson : quelles sont les deux chansons citées dans le texte ?
21:19 Publié dans Mémé et la technologie, On connaît la chanson, On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : télé, cinéma, patrick dewaere, coup de tête le film | | Facebook
03/05/2014
Libre, seul et assoupi, de Romain Monnery
Je vous parlais hier du film Libre et assoupi, pour lequel vous pouvez toujours gagner des places de cinéma. Voici maintenant ma propre expérience et des extraits du livre dont le film est adapté :
Avant, j’étais comme le personnage de Bruno, à accepter n’importe quel boulot, et je postulais à tout (cliquez sur ces quelques liens, pour ceux qui n'ont pas suivi mes péripéties de chômeuse) J’ai enchaîné les emplois merdiques, mal payés, avec les collègues aigris, bêtes et méchants. J’ai vu des choses qui m’ont rendues malades (un porc qui tripote les gamines dans une école mais personne ne le signale à part moi « parce qu’on ne veut pas créer d’histoires », une femme qui maltraite ses enfants, etc…) Plutôt que de crever au boulot, j’ai décidé d’arrêter. Sois feignant, tu vivras longtemps. Aujourd’hui, je profite de mon chômage pour chercher enfin un travail qui me corresponde mieux, même si je ne rêve pas trop, je ne trouverai pas de boulot en rapport avec ma formation (cinéma). Même si dans 3 mois, je n’ai plus droit aux allocations, et que faute d’argent, je serai obligée de reprendre la longue suite des petits boulots en intérim. Et puis si les bac+5 prennent les emplois qui ne nécessitent aucun diplôme, comment font ceux qui n’ont même pas le bac ? Le boulot, y en a pas beaucoup, faut le laisser à ceux qui aiment ça. Sois feignant, tu vivras content.
J’ai non seulement été affectée à des postes sans intérêt pour moi (aucune créativité), mais souvent aussi, parfaitement inutiles. La plupart du temps, je jouais le rôle d’intermédiaire entre deux personnes qui auraient pu communiquer directement. Ou je recopiais sur ordinateur des textes techniques incompréhensibles, des suites de chiffres écrits à la main par des types qui avaient la flemme d’allumer leur PC ou d’apprendre à s’en servir. Ou j’accueillais des gens dans un lieu où personne ne se présentait, etc. Franchement, je me sens plus utile à écrire un blog, faire connaître des films, des documentaires, des pièces de théâtre et des livres ! Si on pouvait m’embaucher pour ça !
Avant d’être un film, Libre et assoupi était d’abord un livre, devenu un peu ma nouvelle Bible. Ecrit par un Lyonnais de naissance (comme moi) de mon âge et dont le personnage me ressemble beaucoup, comme vous pouvez le constater :
Libre, seul et assoupi de Romain Monnery, édition Le diable Vauvert :
« J’étais un enfant de la génération précaire et très vite, je compris que viser un emploi dès la sortir de ma scolarité revenait à sauter d’un avion sans parachute. C’était brûler les étapes. Jeune diplômé comme on en trouvait des milliers sur le marché, j’étais de ceux à qui les entreprises disaient « sois stage et tais-toi ». Les années 2000 étaient fièrement installées sur leur piédestal mais l’esclavage semblait toujours prospérer. (...) Je pouvais toujours prendre un job alimentaire, plier des pulls chez gap ou vendre des big mac, mais bon sang, j’avais fait des études. Je choisis alors de faire un stage en le prenant pour ce qu’il n’était pas : un tremplin vers l’embauche.
« Trois mois s’étaient écoulés depuis mon 1er rendez-vous RMI (RSA désormais). Comme on me l’avait annoncé, je fus convoqué pour un nouvel entretien censé déterminer si, oui ou non, mon contrat méritait d’être renouvelé. C’était la règle du jeu. Retour à la case départ, comme au Monopoly. Alors, qu’avais-je fait durant ce laps de temps ? La question méritait d’être posée.
Selon les brefs calculs que j’avais effectués :
- j’avais dormi + de 1000 heures (siestes comprises)
- j’avais vu 72 films (pas que des bons)
- j’avais passé 500 heures devant la télé (clips, pubs, séries)
- j’avais lu 34 livres (que des poches)
- je m’étais demandé 272 fois ce que j’allais faire de ma vie.
En somme, je n’avais pas perdu mon temps. Restait à voir si l’emploi de celui-ci serait du goût de la conseillère censée me recevoir, mais, très vite, je compris que non. En arrivant au rendez-vous, une petite femme à l’air sévère vint à ma rencontre.
- Alors c’est vous le plaisantin ? (...) Je vais vous lire un extrait de la lettre de motivation que j’ai découverte en ouvrant votre dossier : « je n’ai rien contre l’idée de travailler du moment qu’on ne m’y oblige pas ». Vous pouvez me dire ce que ça signifie ? (...) Le problème, c’est que vous avez pris le rmi pour ce qu’il n’est pas : des vacances. » Je protestai comme je pus, arguant du fait que j’avais été à la bibliothèque quasiment tous les jours et que je m’étais cultivé dans l’optique de mon prochain travail (…) « C’est pour votre bien que je dis ça. Vous m’avez l’air de quelqu’un de sympathique, mais il serait temps de grandir. Dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut. Tenez moi par exemple, je voulais devenir danseuse étoile. Mais je ne viens pas au travail en tutu, vous comprenez ? Vous croyez sincèrement que ça m’amuse d’être là ? »
« Je regardais dehors et me demandais alors à quoi ressemblerait le film tiré de ma vie. S’agirait-il d’un drame ? D’une comédie ? De science-fiction ? (…) Peut-être faisais-je fausse route. Peut-être qu’une vie n’avait rien à voir avec le cinéma. »
« L’idée d’un livre me vint alors. (…) Je voulus me convaincre que j’avais trouvé ma raison d’être. Je m’imaginais sur les plateaux télé, parlant de moi, ma vie, mon œuvre et j’anticipais les critiques criant au génie (...) Je rêvais d’un grand livre au goût de madeleine qui se vendrait comme des petits pains mais, en attendant, je ne faisais rien. Comme d’habitude, je préférais penser aux conséquences plutôt que de me consacrer à l’action. Le poil que j’avais dans la main m’empêchait de m’y mettre. Je passais mon temps dans mon lit, l’ordinateur sur les genoux, le regard dans le vague, Internet en toile de fond. Malédiction de la technologie, ma connexion anéantissait tous mes efforts de concentration. Toutes les séries que je pouvais télécharger en un clic me donnaient mal à la tête. J’avais tellement de raisons de ne rien faire ! Je me familiarisais avec l’univers carcéral dans Oz, je m’initiais à la vie de famille aux cotés des Sopranos, je me prenais pour un cow-boy devant Deadwood et je sauvais le monde dans la peau de Jack Bauer. Toutes ces histoires m’empêchaient peut-être d’écrire la mienne mais elles me donnaient l’illusion d’en vivre par procuration. J’aurais pu continuer de la sorte pendant des jours mais j’avais atteint un seuil d’inaction qui remettait en cause mon statut de mammifère. Je ne me levais plus. La forme de mon corps s’était incrustée dans le matelas. J’étais devenu un invertébré, je ne faisais rien, je ne pensais plus. Internet s’en chargeait pour moi. »
Alors, certains jeunes se retrouvent dans ces extraits ? Si vous en voulez d’autres, j’en ai copié encore deux pages…
En faisant des recherches pour cet article, j’ai appris que Romain Monnery a sorti un nouveau livre : Le saut du requin. Je suis pourtant abonnée à sa page facebook depuis son premier roman, mais je ne l’avais pas vu ! Facebook n’affiche plus toutes les actualités. J’ai donc raté les organisations d’interview et rencontres avec l’auteur, quel dommage… mais je m’empresse de lire le nouveau livre et je vous en parlerai… surtout que le personnage principal ressemble à Ignatus, le héros de La conjuration des imbéciles, mon roman préféré. Et que Romain Monnery revendique Philippe Jaenada comme référence.
J’ai lu ici une de ses interview qui conforte nos points communs :
- Que réponds-tu quand on te demande ce que tu fais dans la vie ? (Note de Papillote : mon principal problème dans les soirées)
« Quand je réponds « je ne fais rien », ça met les gens mal à l’aise. Quand je dis que je suis journaliste, les gens te demandent où et là, tu réponds « nulle part », ça rend aussi les gens mal à l’aise. »
« Je ne me sentirai jamais légitime. C’est une question d’éducation et d’origine sociale. »
« Je suis mal à l’aise avec le côté solennel et sérieux. Du coup, ça me joue des tours à tous les niveaux, car je ne sais jamais comment me positionner par rapport aux gens. Je fais du second degré en permanence et beaucoup de personnes le prennent au premier. »
ça me rappelle quelqu'un... Sur ce, je vous laisse car je n'ai regardé qu'un seul film aujourd'hui (Panic sur Florida beach de Joe Dante) un seul épisode de série (Weeds saison 8) et j'ai encore un bouquin à finir (Demande à la poussière de John Fante) avant d'aller au théâtre (Riviera sur Maurice Chevalier).
15:00 Publié dans Je suis culturée, On connaît le film, On connaît le livre, Parfois, je travaille, Toujours, je suis au chômedu | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : livre, littérature, libre seul et assoupi, romain monnery, pôle emploi, chômage, travail | | Facebook