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02/05/2014

Libre et assoupi, places de ciné à gagner

libre et assoupi affiche.jpgSébastien sort de la fac sur diplômé. Ses deux colocataires se lancent avec enthousiasme dans la vie active : les stages non rémunérés pour l’une « stagiaire, la version moderne d’esclave » ; les petits boulots mal payés pour l’un. Sébastien lui, préfère contempler le monde, réfléchir, lire et regarder des films… (Voir ici la bande annonce)

Ça vous rappelle quelqu’un ? Oui, moi évidemment. Inutile de vous dire que j’ai adoré le film, véritable profession de foi. Il est adapté du roman de Romain Monnery, Libre seul et assoupi, que j’avais lu dès sa sortie, en recopiant des passages entiers de ma nouvelle Bible (je vous en mettrai demain).

J’ai adoré le livre, et chose très rare, le film est encore supérieur ! Le réalisateur et scénariste Benjamin Guedj a eu la grande finesse d’alléger le propos, plus sombre et désabusé de Monnery, pour en faire une histoire comique et universelle

libre et assoupi lagaffe.jpgTout le monde peut se retrouver dans l’un des personnages. Sébastien (Baptiste Lecaplain), le doux rêveur immature. Anna (Charlotte Le Bon) la battante, qui encaisse beaucoup de choses dans ses stages mais qui croit en elle et sait que plus tard, ses efforts lui apporteront un bon emploi. Bruno (Félix Moati, le fils de Serge, déjà vu dans Télé gaucho, voir ma critique en lien)  ne se pose pas trop de questions et fait des petits boulots improbables (père noël, chauffeur de corbillard). Richard le conseiller RSA (Bruno Podalydès) qui se définit comme un homme moyen mais qui aime aider les gens, et qui comprend Sébastien. Au lieu de le culpabiliser, le conseiller RSA l’écoute. Et c’est au contraire le jeune homme qui le conseille, lui fait découvrir les derniers romans qu’il a lus (quand on ne travaille pas, on a le temps de se cultiver) et l’incite à vivre enfin son rêve : ouvrir une crêperie.

libre et assoupi persos.jpgLes personnages ne sont pas caricaturaux et les interprètes formidables. A commencer par mon chouchou l’humoriste Baptiste Lecaplain (voir en lien ma critique de son spectacle). A l’image de son interprète principal, le film est très drôle et inventif. Par exemple Anna cache un faux journal intime, car elle sait que Bruno, amoureux d’elle, va le lire. Elle y déclare aimer les hommes qui boivent leur bière à la paille, ou portent des pantalons de cuir… et Bruno reproduit ensuite ces faux désirs dans des scènes hilarantes. L’humour, le réalisateur connaît bien : il a écrit certains sketches de Florence Foresti, Franck Dubosc, Laurent Ruquier…

libre et assoupi felix moati.jpgAvec ces dialogues très construits, la description de l’amitié virile, le goût de la provoc et du je m’en foutisme (Bruno est « slipiste » : il aime vivre en slip) on reconnaît l’univers de Bertrand Blier. D’ailleurs les personnages citent Les valseuses « on est pas bien là ?... » Et Benjamin Guedj confesse son admiration : « Ce qui me plait chez Blier, c’est que les personnages se définissent plutôt par le verbe que par l’action. » Pour le rôle de Bruno, le réalisateur s’est inspiré du côté « loser flamboyant » de mon acteur préféré Patrick Dewaere.

libre et assoupi charlotte le bon.jpgLibre et assoupi apporte une bonne touche de réflexion sur la société actuelle (si on ne travaille pas, on est rien, l’homme se définit par son travail). Lors d’une soirée, Sébastien a le droit à la phrase rituelle « tu es un assisté », aux regards d’envie de ceux qui n’aiment pas leur job et rêveraient d’oser faire comme lui. Mais qui n’a pas hésité dans sa jeunesse ? Qui n’a pas eu envie plus tard de faire une pause et de réfléchir à ce qu’il voulait vraiment ? De profiter enfin de la vie, de se consacrer à ses passions, ou à sa famille ? Même les travailleurs acharnés et passionnés, ceux qui ne remettent pas en cause le boulot métro dodo, même les pessimistes qui subissent leur sort  (« je déteste mon travail, mais je suis obligé de le faire, c’est la crise, je ne trouverai rien d’autre, d’ailleurs je ne cherche même pas »). 

Le réalisateur explique : « La question qui m’intéressait était de savoir si on peut emprunter un autre chemin que celui de ceux qui bossent, prennent leur retraite et meurent dix ans plus tard ! Voilà pourquoi le flic dans la scène du parc déclare à Sébastien : « à la rigueur, si vous voulez ne rien faire, allez près d’un supermarché, prenez un chien et faites la manche». Il deviendrait alors possible de l’identifier et de le rattacher à une catégorie d’individus. Mon personnage n’est pas dans une nécessité de survie et c’est ce qu’on lui reproche. » 

Libre et assoupi présente un subtil équilibre entre humour, réflexion et émotion. La déclaration d’amour manqué d’Anna est vraiment très émouvante. Les dialogues et situations sonnent justes.

J’ai eu la chance d’assister à une rencontre avec le réalisateur et l’acteur principal, Baptiste Lecaplain. J’aurais voulu briller dire que j’avais retrouvé l’univers de Bertrand Blier et lu le bouquin (j’étais certainement la seule dans l’assistance) mais comme d’habitude, même si j’ai des questions pertinentes, je n’ai pas osé les poser… car je suis assoupie…

J’ai le plaisir en partenariat avec Gaumont de vous faire gagner 10 places pour ce merveilleux film. Pour cela, répondez à ce petit quiz et envoyez-moi avant mardi 6 mai minuit vos réponses par mail (et non dans les commentaires, voir « me contacter » en haut à gauche sous mon avatar). Vous pouvez aussi me suivre sur facebook et twitter pour augmenter vos chances. Les gagnants seront prévenus par mail mercredi. Les places sont valables uniquement en France métropolitaine.

Quiz On connaît le film :

- Dans quel film Félix Moati a-t-il joué et a-t-il été nommé comme césar du meilleur espoir masculin ? (réponse dans le texte)

Question subsidiaire plus difficile, pour départager les gagnants :

- La nouvelle bannière de mon blog est tirée d’une de mes comédies préférées, avec Patrick Dewaere évidemment, j’en ai souvent parlé ici. Quel est ce film ?

Bonne chance à tous !

 

28/04/2014

A la télé cette semaine : Blue valentine, Mars attacks, Minority report

blue valentine.jpgCe soir, Arte programme Blue Valentine, avec Ryan Gosling et Michelle Williams. Film amer sur la dislocation d’un couple, avec des flash-back sur les souvenirs heureux, qui rendent d’autant plus cruel le présent. A l’époque, les blogs féminins qui en parlaient décriaient le personnage de Ryan Gosling. L’échec du mariage était de sa faute. C’est sûr, il n’est plus beau comme au début, chauve, gras du bide, avec des lunettes… Il est ridicule quand il vient chercher son épouse sur son lieu de travail, et qu’il la menace parce qu’elle ne veut pas le suivre. Comportement impardonnable, mais il est simplement désespéré de se voir rejeter sans explication…

Pour moi, le problème vient d’abord de la femme. Elle sortait avec un minable. Elle n’a même pas été foutu de se protéger, tombe enceinte, déclare à l’hôpital qu’elle a déjà avorté une dizaine de fois (elle est complètement arriérée ou quoi ? Le préservatif, elle connaît pas ?!) Elle décide de garder cet enfant. Ne le dit pas au père (sympa). Et c’est Ryan Gosling qui a la gentillesse d’élever le gosse d’un autre. Qu’elle veut ensuite lui enlever des années plus tard quand Ryan ne lui plaît plus. Et c’est lui le salaud ? Evidemment qu’il a beaucoup de torts, mais elle en partage également… Ce film sombre est soutenu par la musique mélancolique de Grizzly Bear. On peut aussi entendre une reprise de You always hurt the one that you love, jouée par Ryanounet (comment ne pas craquer, regardez le lien) 

MinorityReport.jpgSur D8, ambiance moins déprimante, avec Minority report de Spielberg, adapté de mon chouchou Philip K.Dick♥♥. Dans le futur, des voyants prédisent les crimes et la police arrête les criminels avant que les meurtres n’aient lieu. Mais peut-on condamner quelqu’un sur une simple pensée ? Le flic incarné par Tom Cruise ne remet pas en cause ce système, jusqu’au jour où les "pré-cogs" voient qu’il tuera quelqu’un qu’il ne connaît pas encore…

Mardi, Spider-man 2 de Sam Raimi sur M6. Je préfère largement l’aspect réaliste de ces films, le quotidien du personnage principal, que les histoires de super héros, film d’action et blockbuster, qui m’ennuient. Je préfère quand Tobey Maguire fait ses courses, va à la laverie comme tout le monde et se pose des questions existentielles que lorsqu’il combat les méchants… 

mars attacks.jpgSur D8, la comédie délirante de Tim Burton, Mars Attacks. Je me souviens que cette parodie, cette satire féroce des valeurs américaines, est sortie en même temps qu’Independance day, sur le même sujet (l’attaque d’extra-terrestres). Le film de Roland Emmerich (déjà auteur des très lourds 2012 et Godzilla) est très premier degré, sans humour, portant en avant l’héroïsme et le patriotisme indéfectible des Américains... Bref, tout le contraire du film de Burton. « Nous venons en paix... (vlan, ils dégomment la colombe) Et si c'était seulement une incompréhension culturelle ? Oui. Peut-être que pour eux la colombe est symbole de guerre ? »

Je vous laisse avec cette fameuse réplique : 

"En tous cas, les Martiens, la télé, ils l'auront pas !"

 

27/04/2014

A la télé ce soir : Un cœur en hiver, Quelques jours avec moi

coeur en hiver.jpgA la télé ce soir, ne ratez pas sur Arte un film que j’adore, le meilleur de Claude Sautet selon moi : Un cœur en hiver. Emmanuelle Béart y est sublime (avant de se massacrer en transformant sa bouche en bec de canard WC). Elle incarne Camille, une violoniste passionnée et pleine de vie. Elle sort avec Maxime (André Dussolier) un luthier très amoureux d’elle. Elle rencontre le collègue et ami de son amoureux, Stéphane (Daniel Auteuil). Ce dernier est tout le contraire de Camille : froid, méprisant, silencieux. Il préfère la musique à l’amour, à la vie, et rester seul dans sa tour d’ivoire. La romanesque Camille est attirée par cet homme si mystérieux. Qui est-il vraiment ? Trop sensible, trompé par l’amour, il a décidé de se réfugier sous une carapace, de ne plus rien ressentir, de se venger en faisant souffrir ceux qui osent l’aimer ? Le feu va t-il briser la glace ?

Après Manon des sources, ou Daniel Auteuil-Ugolin éprouvait un amour sans retour pour la belle Manon, l’acteur prend en quelque sorte sa revanche ici. Savoir qu’Auteuil et Béart étaient en couple à l’époque de ces deux films renforce la fascination… Un cœur en hiver est un film bouleversant, qui va au plus profond des sentiments, de la passion, de la cruauté. Les acteurs échangent des regards lourds de sens. Et la musique de Ravel est aussi magnifique et révélatrice des émotions. Regardez ce court extrait emblématique : "Je peux pas. J'y arrive pas. On peut pas en rester là. Je ne peux pas l'accepter. Mais dites quelque chose ! (...) J'ai pas rêvé, cette façon de me regarder, tout ce que nous nous sommes dit (...) Mais si c'était un jeu, il fallait aller jusqu'au bout ! (...) Ah il paraît qu'il aime la musique. Parce que c'est du rêve la musique. Parce que ça n'a rien à voir avec la vie. Mais le rêve pauvre type, tu sais pas ce que c'est. T'as pas d'imagination, pas de cœur, pas de couilles, pas de sève. Ya rien là-dedans !" A voir absolument.

Le film est suivi d’un autre excellent cru de Sautet : Quelques jours avec moi. Daniel Auteuil y joue déjà un homme froid, pédant, énigmatique, fascinant. Il interprète le directeur d’une chaîne de supermarchés. Dépressif, il tente de régler son désordre intérieur en le transmettant à d’autres. Il s’installe en « province » chez un de ses employés (Jean-Pierre Marielle♥♥♥) qu’il perturbe en critiquant ses méthodes de travail. Il trouble également le cœur de Francine (Sandrine Bonnaire)…

mauvais fils.jpgAutre film de Claude Sautet lundi sur France 2, à minuit 25 (!) Un mauvais fils, avec Yves Robert ♥ et Patrick Dewaere♥♥♥. Après les rapports amoureux et sociaux conflictuels, le film s’attarde cette fois-ci sur les relations père-fils, avec toujours une grande profondeur et justesse. Il délaisse également la classe aisée pour se concentrer sur le milieu modeste. Dewaere, écorché vif et à fleur de peau, est comme toujours parfait dans le rôle de ce loser, ex drogué, qui a déçu son père. Dewaere avait un gros souci avec la drogue, on suppose qu’incarner ce personnage a dû être difficile pour lui… 

 

Et vous appréciez-vous ces films et acteurs ?

 

25/04/2014

Dans la cour de Pierre Salvadori

dans la cour.pngDans la cour, il y a un concierge rockeur dépressif, des fleurs à arroser, des vélos volés, un vigile SDF, un chien à mater, des voisins à supporter, un ami à aider, un mari à calmer, des paradis artificiels, de l’amour à donner, une fissure à colmater… Dans la cour, il y a un monde fou… (Voir bande annonce en lien).

Antoine (Gustave Kerven) est musicien. On l’attend sur scène. Mais il ne peut plus. Il s’en va et quitte tout. Une conseillère pôle emploi dévouée (paraît queça existe, je n’ai vu la mienne qu’une seule fois en plusieurs années de chômage) lui trouve un boulot de gardien d’immeuble. Lui qui ne sait plus s’occuper de sa vie, va maintenant s’occuper des autres. A commencer par Mathilde (Catherine Deneuve) une retraitée très impliquée dans la vie associative de son quartier, mais qui a l’impression que son mari ne fait plus attention à elle. Elle découvre une fissure dans son salon, qui l’obnubile. Elle croit que l’immeuble va s’effondrer. A l’image de sa vie, de celle d’Antoine…Ensemble, ce duo improbable va tenter de colmater la brèche. 

dans la cour kerven deneuve.pngJ’ai vraiment beaucoup aimé ce film, à l’image du meilleur selon moi de Pierre Salvadori : Les apprentis. Comme souvent, on retrouve une kyrielle de personnages drôles et attachants (Jean Rochefort en tueur à gages dans Cible émouvante, Marie Trintignant en mythomane dans Comme elle respire…) Ici par exemple, Pio Marmaï (le beau gosse médecin bien sous tous rapport du Premier jour du reste de ta vie) dix kilos en plus et cheveux gras, est tordant en voleur-revendeur de vélos fumeur de joints. Le rôle du loser torturé mais gentil, habituellement dévolu au regretté Guillaume Depardieu, revient à Gustave Kerven. Ce dernier est méconnaissable et assagi depuis Groland et les films avec son compère Benoît Delépine, Mammuth ou Aaltra. Dans ce film, Kerven le rebelle grande gueule ressemble à un gros nounours. Il est « rassurant » comme le dit Catherine Deneuve, qui se reposera sur lui.

Dans la cour porte sur le monde un regard décalé et poétique. La scène de l’entretien d’embauche est hilarante. J’aimerais beaucoup tomber sur un employeur aussi conciliant que Catherine Deneuve !  « Je le trouve très bien : il est gentil, poli et il n’a pas l’air sûr de lui. Moi j’aime les gens pas sûrs d’eux, au moins ils s’appliquent » « Il parle tout seul ! – Eh ben tant mieux, comme ça au moins, il s’ennuiera pas ». 

L’humour prime, les réparties fusent et les spectateurs étaient pliés de rire. Si le film est aussi drôle que les précédents, il est aussi plus mélancolique. Comme lorsque Catherine Deneuve visite la maison de son enfance, qu’elle se rend compte qu’elle a été modifiée et ne correspond plus à ses souvenirs… On revoit les personnages dépressifs comme François Cluzet dans Les apprentis ou José Garcia dans Après vous. Mais ces personnages sont irrésistiblement drôles. On peut rire de tout, même de la dépression, et avec finesse. Un mot résume le cinéma de Pierre Salvadori : tendre.

Petites fissures, grandes fêlures… Un sous-titre qui correspond parfaitement à ce film, l’un des meilleurs de 2014. Je vous conseille vivement de rentrer dans cette cour.

Tous les acteurs sont formidables. J’ai eu la chance d’assister au cocktail après la séance, et pour une fois, les comédiens sont restés avec nous toute la soirée, accessibles, gentils et drôles, à l’image de leurs personnages. Et Catherine Deneuve est aussi belle de près que dans ses films, le temps n’a pas de prise sur son visage lumineux.