18/02/2020
Tout peut changer: et si les femmes comptaient à Hollywood ?
Un documentaire indispensable qui interroge la place des femmes à Hollywood et leur représentation dans les films. (voir bande annonce en lien). C'est affligeant : alors qu'elles occupent la moitié des effectifs des écoles de cinéma, les réalisatrices américaines ne dirigent que 4% des longs métrages. On ne confie aux femmes que des emplois subalternes, casting, scriptes etc. En 2016, sur les films ayant rapporté le plus d’argent au box-office, on ne comptait que 27% de femmes avec au moins une réplique à prononcer. Hors Hollywood, le constat est identique. En 72 éditions, une seule femme a reçu la palme d'or au festival de Cannes : Jane Campion pour La leçon de piano.
Dans les scénarii, les femmes restent le plus souvent hypersexualisées, ne servant que de faire valoir aux rôles masculins. La dessinatrice Alison Bechdel (j'ai beaucoup aimé le livre consacré à sa famille, Fun home) a élaboré un test qui permet l'évaluation de la présence féminine dans un film grâce à trois critères :
- Il doit y avoir au moins deux femmes nommées (nom/prénom) dans l’œuvre
- qui parlent ensemble
- et qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme.
Le verdict est sans appel : environ 60 % des films échouent au test.
Révoltée par cette situation, l'actrice Geena Davis a fondé un institut de recherche pour lutter contre les inégalités entre hommes et femmes et les stéréotypes sexistes dans les médias. Elle est l'une des rares actrices à avoir participé à un film que l'on peut qualifier de féministe, mettant en scène deux héroïnes se libérant du joug de leurs maris : Thelma et Louise. La comédienne déplore : « Tant qu'on ne leur propose pas de rôles forts ou qu'elles sont simplement absentes des écrans, le message est clair : les femmes et les jeunes filles n'ont pas la même importance que les hommes et les garçons. Cette situation a un impact considérable sur le secteur et la société dans son ensemble.»
Jessica Chastain renchérit : « Le cinéma nous a fermé la porte. Les films n'ont pas à s'intéresser aux femmes... ni à leurs désirs, ni à leurs besoins, ni à leurs peurs. »
Le cinéma véhicule une image négative de la femme, qu'il peut aussi contrebalancer. L'institut de recherche témoigne par exemple d'un "effet Scully" : après avoir enfin vu des rôles de femmes fortes dans les films policiers, comme Gillian Anderson dans X files, les femmes ont été trois fois plus nombreuses à suivre des carrières scientifiques et judiciaires. Après le succès de Hunger Games, avec une héroïne très forte qui sauve sa communauté, les jeunes filles se sont inscrites massivement au tirc à l'arc.
Meryl Streep estime que « les changements n’interviendront que lorsque les hommes s’engageront ». Sharon Stone témoigne également : « des réalisateurs me demandaient de m'asseoir sur leurs genoux. Est-ce qu'ils le demandent aussi à Tom Hanks ?»
Les comédiennes qui apparaissent dans le documentaire sont justement reconnues, oscarisées, et j'ai parfois eu l'impression d'assister à un défilé glamour de promo d'actrices hollywoodiennes. J'aurais préféré plus d'extraits de scènes problématiques et de chiffres à l'appui. Certains étaient consternants, implacables. Je n'ai pas pris la peine de les noter pendant la projection presse en pensant les retrouver ensuite dans le dossier du film, mais malheureusement, non.
On a pourtant énormément d'exemples concrets à donner. J'ai remarqué dès l'enfance la prépondérance des mâles au cinéma. J'étais choquée de voir comment les femmes étaient traitées : je me souviens d'une scène où la petite amie interroge Delon et en réponse, il lui envoie une volée de claques qui la fait tomber sur le lit. Lorsque je regardais les James Bond, les Belmondo, les Gabin, je constatais bien que les héros étaient les hommes, des durs.
Je m’identifiais alors aux rôles masculins, car ils étaient les seuls respectés. Dans les films, les personnages féminins sont souvent source de problèmes : les femmes fatales des films noirs, tentatrices, manipulatrices, qui causent la perte du héros en le poussant au crime par amour, appât du gain. Ou bien les femmes sont présentées comme des êtres faibles et stupides que l'homme doit sauver. Elles enchaînent les bourdes, c'est souvent à cause d'elles que le héros est trahi, car elles ne savent pas garder leur sang-froid, un secret... Lorsqu'elles sont menacées ou poursuivies, elles ne savent pas se défendre, trébuchent en courant, s'évanouissent... ah les gourdasses.
Si l'on peut dire aujourd'hui que les femmes obtiennent des rôles forts dans les blockbusters hollywoodiens, elles n'en restent pas moins hyper sexuées. Une femme peut se battre, mais en tenue moulante et décolleté. Une femme peut remettre un homme à sa place, mais en lui parlant collée à 2 cm du visage comme si elle allait l’embrasser.
Tout peut changer, à Hollywood, à Cannes et dans la société. Ce documentaire essentiel s'attache à démontrer que les femmes doivent être traitées équitablement au cinéma, pouvoir réaliser des films, être les héroïnes principales, ne plus être des objets sexués. Pourtant après 1h30 sur le sujet, le film se clôt sur un panneau qui m'a fait sourire : "réalisé par Tom Donahue". Un homme... Tout peut changer, mais ya encore du boulot.
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13/02/2020
La femme de mon pote
Dans une station de ski, Pascal (Thierry Lhermitte) s'éprend de Viviane (Isabelle Huppert). Avec sa mini jupe en cuir, ses talons aiguilles et son rouge à lèvres hyper vif et vulgaire, on repère vite la gourgandine qui cherche à se mettre au chaud pour l'hiver. Pascal, non, il ne voit rien, et laisse son meilleur ami (Coluche) s'occuper de sa bien-aimée pendant que lui part bosser... Évidemment, le pote tombe amoureux lui aussi et se retrouve en plein cas de conscience. Choisir l'amour ou l'amitié, trahir son meilleur ami ou pas ? On se laisse emporter dans le tourbillon de la vie et faire un remake de Jules et Jim ?
Elle avait des bagues à chaque doigt
Des tas de bracelets autour des poignets
Et puis elle chantait avec une voix
Qui, sitôt, m'enjôla
A l'origine le rôle du cocu devait être tenu par Patrick Dewaere♥, grand habitué de Bertrand Blier dans les personnages de naïf. Après son suicide, c'est Thierry Lhermitte qui reprend le rôle, qu'il connaît déjà puisqu'il jouait sensiblement le même dans Les bronzés font du ski : même vendeur dans un magasin de sport, même cœur d'artichaut. Quant à Coluche, avant Tchao Pantin qui lui a valu un césar, il prouve avec La femme de mon pote qu'il maîtrise autant la comédie que le drame.
Blier se tient souvent à la lisière entre provoc vulgaire (Les valseuses) et sensibilité. Son coup de maître dans ce registre reste Beau père, un drame délicat qui aurait pu virer au sordide graveleux : une ado de 13 ans qui à la mort de sa mère, est gardée par son beau-père et tombe amoureuse de celui-ci ! (Faut dire que c'est Patrickou, comment résister). Dans La femme de mon pote, le cinéaste reprend son thème favori du triangle amoureux, mais dans le genre, je préfère l'excellent Préparez vos mouchoirs (avec Patrick Dewaere) et Tenue de soirée (Patrickou, décédé, remplacé par Michel Blanc).
J'apprécie l'humour grinçant de Blier, qui réussit tout de même à me faire accepter des scénarii souvent misogynes (les femmes sont toujours des garces écervelées, les mecs des braves types qui se font avoir, mais très cons aussi). De ce réalisateur, j'apprécie aussi Buffet froid :"Des gammes, toujours des gammes ! Pas moyen de se reposer 5 minutes ! Alors un jour, j'en ai eu marre, j'ai branché son violon sur le 220 !" (si je pouvais faire pareil avec le voisin qui beugle et me réveille chaque matin !)
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11/02/2020
Un petit boulot
Je cherche un job job job
Pour aller lui acheter sa robe !
Chômeur, Jacques (Romain Duris) accepte pour combler ses dettes de tuer la femme d'un truand (Michel Blanc). D'abord maladroit, l'apprenti assassin prend de l'assurance et plaisir à ce métier de tueur à gages, puisqu'il lui permet d'aider également financièrement ses amis ! Et accessoirement, de séduire la femme qu'il convoite (Alice Belaïdi, craquante quand elle ne joue pas la standardiste agressive de Working girls).
Je plaçais la barre haut puisque le film est réalisé par le regretté Pascal Chaumeil (L'arnacoeur) et le scénario est signé par Michel Blanc, déjà scénariste de mes comédies cultes Les Bronzés, Marche à l’ombre et Viens chez moi j'habite chez une copine. Le film ne m'a pas déçue, avec un humour noir désopilant comme je les aime, qui rappelle les losers des frères Coen ou les truands sympathiques aux répliques acerbes d'Audiard. Ah quel plaisir de voir le héros dégommer son patron infâme (Alex Lutz, toujours parfait) qui humilie et vire ses employés pour rien... Je ne supporte pas Romain Duris et son sourire d'attardé mental (voir en lien), mais ce rôle réussit à me le rendre sympathique ! (puis son visage disgracieux est masqué par sa barbe et sa tignasse.)
Avec son côté solidaire (les pauvres qui s'entraident) le film m'évoque aussi Louise Michel (on retrouve d'ailleurs dans les deux l'attendrissant Gustave Kervern).
En revanche, pourquoi une conclusion aussi réac ? "Je suis enfin heureux, je bosse 60h par semaine, mais quand c'est pour soi, c'est bien, je rentre épuisé du travail mais je me console en me blottissant contre ma femme". Et pourquoi pas "travail famille patrie" tant qu'il y est ? Depuis quand s'abrutir au boulot est synonyme de bonheur ? (surtout dans une station service, il sauverait le monde, je dis pas). Malgré cette conclusion, Un petit boulot reste une très bonne comédie.
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09/02/2020
Les comédies de Pierre Salvadori
J'ai vu tous ses films, que je trouve toujours drôles, touchants, parfois clowns tristes (Les apprentis, Dans la cour) souvent romantiques (Après vous) parfois noirs et acerbes (Cible émouvante). Son dernier est un excellent cru :
- En liberté !
A la mort de son mari présenté comme flic exemplaire, Yvonne (Adèle Haenel) découvre qu'en réalité celui-ci était un ripou, et qu'il a fait incarcérer à sa place un brave gars (Pio Marmaï). Dans l'espoir de réparer les erreurs du défunt, Yvonne se rapproche du condamné à tort récemment libéré. Mais ce dernier à quelque peu perdu la tête en détention... Voir en lien la bande annonce, pour une fois très bien faite.
Un film jubilatoire, d'un punch et d'une inventivité rares. Par exemple, Pio marche le long d'une route la nuit en délirant, et Adèle le suit de loin pour le surveiller. Le réalisateur les filme en champ contre champ, chacun parlant tout seul, mais le découpage très dynamique laisse croire qu'ils se répondent. J'ai pleuré de rire face à des situations et répliques dingues (le type qui vient dénoncer des meurtres atroces mais se fait rembarrer à chaque fois "on n'a pas le temps, revenez lundi !" Audrey Tautou qui houspille son mec avec sa gouaille habituelle : ("c'est quoi ce truc de massacrer calmement les gens comme ça ? On avait pas l'impression que tu te battais mais que tu rangeais ton bureau !")
Pio Marmaï joue toujours à merveille le mec naïf (voir ici mes différentes critiques de films) et Adèle Haenel s'est adoucie depuis l'excellent Les combattants et prouve qu'elle compte désormais comme l'une des actrices les plus prometteuses (et les plus courageuses depuis ses dernières déclarations.) Audrey Tautou, grande habituée de Salvadori, joue ici un petit rôle, mais elle obtient le premier dans les films suivants, en femme superficielle au cœur sec. Deux comédies romantiques et acides sur les faux semblants :
- De vrais mensonges de Pierre Salvadori, 2010
Emilie (Audrey Tautou) patronne autoritaire d'un salon de coiffure, reçoit une belle lettre d'amour d'un admirateur secret. Cette inculte sans cœur la jette, sans savoir que la déclaration provient de son homme à tout faire, cultivé, doux et talentueux (Sami Bouajila, très touchant). Pour changer les idées de sa mère (étonnante Nathalie Baye) qui ne s'est jamais remise du départ de son mari, Émilie a l'idée de lui transmettre la missive qu'elle a reçue...
Des quiproquos hilarants, même si je ne comprends pas ce qu'un homme aussi intelligent et sensible peut trouver à cette greluche dure et inculte (à part son physique...) Comme quoi, le cœur à ses raisons que la raison ne connait point. J'ai été un peu déçue par la fin que j'aurais préféré plus audacieuse et moins convenue (vas-y Nathalie, cougar power !)
- Hors de prix de Pierre Salvadori, 2006
Jean (Gad Elmaleh) timide serveur d'un palace, tombe sous le charme d'Irène, qui couche avec les hommes pour leur argent. Pour séduire sa belle, le modeste employé se fait passer pour millionnaire...
Quiproquos, rebondissements, tout y est, même si j'ai du mal à éprouver de la sympathie pour des gens avec aussi peu de valeurs morales, aussi superficiels, qui ne pensent qu'à l'argent, cyniques, menteurs et manipulateurs.
16:48 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinéma français, comédies françaises | | Facebook