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16/06/2021

Antoinette dans les Cévennes

antoinette et patrick.jpg

Antoinette devait profiter d'une semaine de vacances avec son amant (Benjamin Lavernhe, le marié du Sens de la fête, revoir sa danse en lien) mais ce dernier annule pour randonner à dos d'âne avec sa femme. Sans réfléchir, Antoinette part à ses trousses. A la place de son amoureux, elle rencontre Patrick, un âne récalcitrant... 

En voyant la bande annonce au cinéma, j'étais circonspecte : encore une comédie française banale, sans saveur et lourde. Mais quelle bonne surprise ! Le pitch d'une simplicité désarmante est en réalité malin, tout coule de source. Dès la première scène, je suis tombée sous le charme :  lors de la kermesse, l'héroïne, professeure des écoles, fait chanter une chanson un peu inappropriée à ses élèves, pour ensuite leur voler la vedette et crier à pleins poumons : amoureuse de Véronique Sanson. Elle parle en réalité d'elle et de sa situation :
antoinette et patrick 2.jpgUne nuit je m'endors avec lui
Mais je sais qu'on nous l'interdit
Et je sens la fièvre qui me mord
Sans que j'aie l'ombre d'un remords

Et l'aurore m'apporte le sommeil
Je ne veux pas qu'arrive le soleil
Quand je prends sa tête entre mes mains
Je vous jure que j'ai du chagrin
Et je me demande
Si cet amour aura un lendemain
Quand je suis loin de lui
Je n'ai plus vraiment toute ma tête
Et je ne suis plus d'ici
Je ressens la pluie d'une autre planète
 
Antoinette est d'une autre planète oui ! Dépendante de son amant, elle décide de le suivre sur le chemin de Stevenson. Elle refait ainsi le même parcours initiatique que l'écrivain, raconté dans son livre "voyage avec un âne dans les Cévennes". En 1878, Stevenson est un auteur sans reconnaissance (qui arrivera 3 ans plus tard avec l'île au trésor, livre de chevet de mes 11 ans). Il est amoureux d'une femme mariée, qui le quitte. Déprimé, Stevenson part seul randonner dans les Cévennes et y retrouve sa sérénité. Il épousera finalement sa bien-aimée deux ans plus tard, qui l'accompagnera jusqu'à sa mort, en 1894.
Comme Stevenson, Antoinette retrouve la paix intérieure en marchant seule : "l'important, ce n'est pas la destination, mais le voyage".
 
"Grâce" à la crise sanitaire qui limitait les sorties de films, celui-ci a connu un succès inattendu au cinéma à la rentrée dernière, amplement mérité. Une comédie pétillante de vie, étonnante de naturel, de bonhommie et solaire, à l'image de son actrice principale, Laure Calamy, la révélation de la série 10% Elle a obtenu le césar de la meilleure actrice pour sa prestation. Où se cachait-elle avant ? Je veux plus de Laure Calamy sur l'écran, dans ma vie, je veux Laure Calamy comme amie !
 
Autre révélation du film, le deuxième acteur principal : l'âne Patrick ! Il est inspiré d'un vrai bourricot du même nom aussi têtu, que la réalisatrice a connu lors d'une randonnée. En revanche, si le film donne envie d'adopter Laure Calamy, il ne m'a pas incité à partir à dos d'âne dans les Cévennes ! Marcher toute la journée avec une tête de mule qui ne veut pas avancer, pour au final dormir dans un dortoir avec des inconnus qui puent des pieds, beurk. Les paysages splendides et désertiques oui, la vie en communauté, non !
Un film rafraîchissant de vacances, parfait à voir en ce moment sur Mycanal.
Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal, 2020

13/05/2021

Le travail, c'est la santé

office uprising.jpgRien faire c'est la conserver
Les prisonniers du boulot
ne font pas de vieux os
En ce jour férié, ces temps de confinement et de télétravail, voici deux films qui permettent de relativiser et d'apprécier de ne plus côtoyer ses collègues. Je suis confinée depuis un an et je n'ai plus de nouvelles des collègues depuis, j'en suis ravie !

- Office uprising de Lin Oeding, 2018

Dans une entreprise américaine qui fabrique des armes, une boisson destinée aux soldats est distribuée par erreur lors d'un congrès. Elle transforme les employés en brutes sanguinaires. Seuls ceux qui allaient se faire virer et n'ont pas participé à la réunion restent indemnes : un Gaston Lagaffe rigolo et glandeur, qui arrive toujours en retard au travail et développe son propre jeu vidéo au boulot plutôt que ses dossiers, un homme âgé endetté jusqu'au cou pour sa santé et les études universitaires de ses enfants, un musulman en plein ramadan et une femme... Bref, les mis au rebut de la société.

The office version film d'horreur : jubilatoire ! Une satire au vitriol du travail et de la société américaine : système de santé et de retraite défaillants, ultra patriotisme ("nous sommes américains !" répétés à tout bout de champ en défonçant le crâne de son voisin à coups de chaise de bureau).
Le film dénonce aussi l'hypocrisie du monde de l'entreprise qui met sur la touche les gens qui ne rentrent pas dans le système, la compétition ici poussée jusqu'à la mort, les rumeurs qui détruisent les carrières...
Le scénariste exploite à fond le quotidien du travail pour le détourner de façon ultra inventive en film d'horreur. Les employés se battent à coups d'agrafeuse et de stylos, une palette de transport devient un tank... La scène des publicitaires qui inventent des slogans pour vendre leurs armes est hilarante d'humour noir. L'hésitation à tuer une vieille dame zombie aussi : "mais elle travaille encore à 80 ans ?
- ben oui elle est obligée, elle ne perçoit pas de retraite !
"
- ah non je la touche pas, vas-y toi !
- Qu'est ce que tu veux qu'elle me fasse, m'attaquer avec son dentier ?
"

Un shaun of the dead version américaine, quoique moins bien rythmé. Quel dommage que le film ne soit pas sorti en salles ! Je ne vous mets pas la bande annonce en lien car elle est catastrophique : elle fait passer le film pour un simple film d'action zombie décérébré, aucun gag subversif n'est maintenu : elle ne vise pas le bon public. Mais qui fait des bandes-annonces pareilles et massacre l'espoir d'audimat du film ? 

Comme the belko experiment, le film fait référence à de nombreux autres classiques du film d'horreur : la trilogie cornetto, battle royale, où des lycéens doivent s'entretuer, Zombieland, Idiocracy ( avec la boisson qui rend con).
Petit bémol : l'acteur principal est très mignon mais il a l'air d'avoir 12 ans et demi. 
Autre film d'horreur se déroulant au travail :

- The belko experiment  de Greg McLean, 2016

belko.jpgUn grand bâtiment de travail isolé est soudainement scellé avec ses employés enfermés à l'intérieur. Une mystérieuse voix surgit des haut-parleurs internes pour leur soumettre un dilemme : soit ils s'entretuent dans un temps imparti, soit, s'ils refusent, ils mourront chacun de manière aléatoire. Les vrais visages se révèlent et les hypocrisies propres au monde du travail tombent.

Un escape game mortel qui se déroule dans une entreprise : je ne peux qu'apprécier. Pour moi, pas de dilemme : j'élimine immédiatement les tyrans manipulateurs pervers qui détruisent la vie de leurs collègues, les poussant à la démission ou à la dépression. Hâte de lancer le remake dans ma boîte et de pouvoir défoncer la tête des harceleurs à coups d’extincteurs : "t'as vu je sais m'en servir, j'ai bien retenu la formation anti-incendie !" ou "Je vais te montrer comment utiliser le broyeur papier maintenant !
Le rôle principal est tenu par John Gallagher, mon chouchou de la série The newsroom. On retrouve aussi le docteur Perry Cox de Scrubs. Le réalisateur Greg McLean est aussi l'auteur de The darkness et de Jungle avec Daniel radcliffe, un film haletant que j'ai beaucoup apprécié, tiré d'une histoire vraie (des hommes perdus dans la jungle).

Beko est plus sombre, mais je trouve que Office uprising va plus loin dans la satire du monde de l'entreprise. Un mix entre les 2 films aurait été parfait.

22/04/2021

La llorona

llorona.jpgAu Guatemala, un général est jugé pour le génocide de la population maya, 30 ans auparavant. Lui et ses proches sont retranchés dans la maison familiale, assiégée par les médias et les victimes qui réclament justice. La nuit, le général désormais âgé, entend une femme pleurer. Pour ses proches, il est atteint de démence, mais pour ses domestiques indigènes, il entend la llorona... voir la bande annonce en lien.

Comme souvent, je ne savais pas de quoi parlait le film avant de le lancer, je ne connaissais ni l'histoire douloureuse du Guatemala, ni la légende de la llorona. J'ai donc dû décrypter au fur et à mesure, et ce côté énigmatique a renforcé le suspense.

Le général jugé dans le film s'inspire ainsi de Efraín Ríos Montt. Après un coup d'état en 1982, il a été condamné en 2013 pour génocide et crimes contre l’humanité. Les villages mayas étaient brûlés, les hommes et enfants tués, les femmes violées. Le conflit a provoqué plus de 100 000 morts, les militaires auraient participé à 626 massacres, l'armée reconnaissant la destruction de 440 villages mayas entre 1981 et 1983, durant l'apogée des événements. Le général n'a pourtant dormi qu'une seule nuit en prison, le procès se voyant annulé par le classique "vice de procédure". Le bourreau s'est éteint chez lui, à 91 ans, paisiblement. 

Paisiblement... ce n'est pas ce qu'espère le cinéaste. Si les hommes n'ont pas rendu justice, ce sont les morts qui s'en chargent dans son film, en évoquant la légende de la llorona (pleureuse en espagnol). L'âme en peine d'une femme ayant perdu ses enfants, les cherchant dans la nuit près d'un cours d'eau, effrayant ceux qui entendent ses pleurs de douleur. 

Une fois que l'on a compris l'histoire du Guatemala et de la llorona, on devine les rebondissements et le film peut sembler longuet. D'autant plus que le côté fantastique joue sur des ressorts éculés (la femme aux longs cheveux noirs qui sort lentement de l'eau, déjà vue dans Dark water, The ring etc...).
Plus que le traitement fantastique, trop classique, c'est le récit historique et politique, mêlé au drame familial en huis-clos, qui rend le film original et intense : que se passe t-il dans la tête d'un tortionnaire, et dans celle de ses proches ? Il est intéressant que le général se retrouve entouré de femmes : son épouse, sa fille, sa petite-fille, sa domestique. Ses femmes l'admirent, voient en lui le sauveur de la nation. Il leur offrait tout ce qu'elles désiraient pour éviter qu'elles se posent des questions et se rebellent. Elles vivent retranchées dans un cocon doré sans connaître la réalité du sort des indigènes (ou plutôt refusant de la voir). Le procès leur fait ouvrir les yeux et se rebeller contre ce patriarche tout puissant.

Toute l'injustice du génocide, la douleur d'un pays, de ces femmes, se retrouve dans la chanson La llorona. C'est une chanson traditionnelle mexicaine dont il existe plusieurs versions, on peut l'entendre dans le (très bon) film d'animation Coco par exemple. Le film de Jayro Bustamante en propose une version dans son générique final qui réussit son coup : la pleureuse m'a émue. Au point que j'ai eu envie de connaître les paroles. Je ne les ai pas trouvées sur internet, j'ai alors eu l'idée saugrenue de les traduire... ça m'a pris 2 heures. Une traduction devrait être une punition comme au temps de l'école, mais les contresens possibles m'ont amusée ! J'ai traduit à l'oreille, j'ai sûrement fait des fautes, je n'ai pas pratiqué l'espagnol depuis le lycée... (une éternité donc).

llorona manif.jpgTodos lloraban tu tierra, llorona
Ils pleuraient tous ta terre, pleureuse
Tu tierra ensangrentada
Ta terre ensanglantée
Sollozos de un pueblo herido, llorona
sanglots d'un peuple blessé, pleureuse
Y de su voz silenciada
et de sa voix bâillonnée
No sé que tienen las flores
j'ignore ce qu'ont les fleurs
Las flores del camposanto
les fleurs du cimetière
Que cuando las mueven viento
car quand le vent souffle sur elles
Parece que estan llorando
elles semblent pleurer
Te escondias entre las milpas
tu te cachais dans les champs de maïs
Para no ser perseguida
pour ne pas être pourchassée
llorona general.jpgLas almas perdidas vagan
les âmes perdues errent
Y sus lamentos no se olvidan
et leurs lamentations ne s'oublient pas
Los ninos se vistieron de hojas
les enfants se sont vêtus de feuillage
Las ropas quedaron en trapos
une fois leurs vêtements devenus haillons
Un grito agonico sueltas (?)
tu pousses un cri d'agonie
Te quedan (??) en mil pedazos
ils te brisent en mille morceaux
La luz que alumbraba
la lumière qui brillait
Enteniebras te lejo
t'a laissée soudain dans les ténèbres
Arrebataron tus suenos
on t'a arraché tes rêves
Pero tu fuerza quedo
mais ta force est demeurée
Teniste por los cafetales
tu as surgi dans les champs de café
llorona famille.jpgDoliente clamando justicia
affligée et clamant justice
Las balas callaron sus llantos
les balles ont tu leurs sanglots
Desde sabes no eres la misma
depuis tu n'es plus la même
Lava tus penas
lave tes peines
Con agua bendita del rio
avec l'eau bénite de la rivière
Convierte tu angustia en calma 
transforme ton angoisse en sérénité
Y la madrugada en rocio
et l'aube en rosée

09/04/2021

Les films du mois : les histoires vraies

cinéma, histoire vraie, thrillerSuite des films de mars, après les lanceurs d'alerte (Dark waters, Official secrets, L'ombre de Staline), voici d'autres histoires vraies  :

- BlacKkKlansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee, Mycanal, 2018

Au début des années 70, un policier noir infiltre le KKK... par téléphone. Il se lie avec ses dirigeants, et un collègue blanc complice (et juif, aussi haï par le KKK) se fait passer pour lui lors des réunions du groupe... voir la bande-annonce en lien.

Traiter des faits tragiques en dévoilant l'absurdité des rites et des membres du KKK à travers une comédie, c'est le parti pris réussi du cinéaste engagé (Malcom X) . Une satire au vitriol de l'Amérique profonde de Trump, qui rappelle les reportages du regretté Effet papillon.  "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer" comme disait Beaumarchais. La fin du film, avec des images d'archives récentes, nous ramène brutalement à la réalité : tout cela est réel.  A ce propos, je ne peux que vous encourager à regarder l'excellent documentaire d'arte sur le KKK
Spike Lee choisit l'humour et l'inventivité de la mise en scène, avec des enchaînements parfois trop rapides, sans transition. Voici un nouveau film d'espionnage qui lui souffre au contraire d'une narration trop classique :

- The spy de Jens Jonsson, Mycanal, 2019

cinéma, histoire vraie, thrillerLors de la seconde guerre mondiale, une célèbre actrice suédoise devient une espionne chargée de séduire un haut dignitaire nazi. Contrainte ainsi de passer pour une collabo et taire son implication, notamment à sa famille et à son amoureux, elle ne sera crue et réhabilitée que 20 ans après sa mort. Voir la bande annonce en lien.
Un bon film d'espionnage, mais trop classique, il s'oublie vite. Dans le genre, je préfère largement Black book de Verhoeven.

- Le coupable idéal de Mikael Hafstrom, Mycanal, 2020

cinéma, histoire vraie, thrillerAutre histoire vraie venant de Suède, celle du plus grand serial killer du pays. Il est emprisonné à vie dans un asile. Une quinzaine d'années après les faits, un journaliste ressort l'affaire : il découvre que l'homme très solitaire a tout inventé, s'est attribué des meurtres et disparitions non élucidés pour plaire à ses psychiatres et faire parler de lui...Voir la bande annonce en lien.

Cannibalisme, faux traumatismes d'enfance qui expliqueraient sa folie... L'homme a recyclé toutes les théories psys et livres policiers qu'il a pu lire.  + c'est gros, + ça passe, + ça réjouit les médias amateurs de sensationnalisme, + ça plaît aux psys qui inventent des théories ("il recrée son frère jumeau décédé en découpant d'autres corps") Incroyable mais vrai ! Une bonne histoire, mais là aussi traitée de façon trop classique et sommaire pour rester dans les annales, dommage.