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06/09/2021

OSS 117, alerte rouge en Afrique noire

oss 3 affiche.jpgEn découvrant il y a quelque temps qu'un troisième OSS était en préparation, j'étais euphorique : enfin la suite des films cultes dont je connais les dialogues par coeur ! L'enthousiasme retombe comme un soufflé en apprenant que Michel Hazanavicius ne réaliserait pas OSS 3. Qui d'autre pour égaler l'esprit parodique qu'il montrait dans La classe américaine (voir film complet en lien), dans les sketchs des Nuls ou son multi-oscarisé The artist

Nicolas Bedos. Ses réflexions narcissiques et grandiloquentes m'horripilent, surtout la fameuse anti restrictions sanitaires en pleine pandémie : « Vivez à fond, tombez malades, allez au restaurant […] Nous devons vivre, quitte à mourrir ». (sic) Il ne manque pas d'r, contrairement à ceux qui agonisent dans les hôpitaux. Dans son film La belle époque (voir en lien), si j'ai apprécié le personnage de Daniel Auteuil, j'ai été atterrée par l'exhibitionnisme malsain de l'histoire glauque de Bedos avec sa compagne Doria Tillier (ce qui m'a découragée de regarder son précédent film, M. et mme Adelman, car cette "passion" tient la place centrale). En revanche, j'ai salué sa soigneuse reconstitution des années 80.

Ce talent se remarque à nouveau dans ce dernier OSS, qui se déroule en 1981, juste avant l'arrivée au pouvoir de Mitterrand et des "ses chars communistes". Dès le générique parodiant les James Bond, on est plongé dans de nombreuses références aux films d'espionnage de l'époque. 
Je m'attendais tellement à être déçue par ce dernier OSS que finalement, j'ai été agréablement surprise. J'ai souvent éclaté de rire.

oss 117 3.jpgDans ce nouveau film, OSS 117 n'est plus seul : il a un rival, le jeune 1001, bien plus au fait des moeurs de son temps.
L'ajout de Pierre Niney est judicieux : c'est un excellent acteur qui vole parfois la vedette à Dujardin (dans la série La flamme par exemple, regroupant pourtant une multitude de comédiens talentueux, il est celui qui m'a le plus marquée). Son rôle vient ringardiser et remettre en cause l'assurance machiste d'OSS. Mais il se fait au détriment des personnages féminins, qui restent très secondaires contrairement aux précédents films. Dans ceux d'Hazanavicius, OSS était remis à sa place par sa coéquipière, ou la plupart du temps se mettait dans la panade tout seul. Hazanavicius faisait confiance à l'intelligence et au second degré du spectateur pour comprendre qu'OSS est un vieux con. Dans le film de Bedos, le rôle de Pierre Niney explique un peu trop ce que OSS fait et dit de mal, et lui montre comment doit se comporter un bon espion et un homme respectueux des femmes. j'ai eu l'impression que le rôle de 1001 servait surtout à nuancer l'outrance de 117 : "attention, vous ne pouvez pas dire ça".

Hazanavicius présentait un OSS enchaînant les pires horreurs en totale liberté. J'ai pensé que Bedos s'était retenu d'être trop irrévérencieux afin de ne blesser personne, mais aussi de ne pas être confondu avec son anti-héros : par exemple, le réalisateur narcissique ne peut pas s'empêcher de faire un caméo et d'apparaître à l'écran, avec pour seule réplique se moquer d'OSS, comme s'il disait au spectateur : "c'est pas bien les enfants d'agir comme lui, et moi je suis pas comme lui hein !"

Dans les deux premiers OSS, chaque réplique est culte. Alors que dans le film de Bedos, les meilleures vannes restent dans la bande annonce. Hazanavicius a refusé de tourner ce film car il a jugé le scénario trop faible. Effectivement, non seulement les dialogues truculents ne sont pas assez nombreux, mais l'histoire aussi s'étire. Même si j'ai passé un très bon moment, j'ai trouvé le film trop long et moins drôle.

Pour conclure sur de l'humour noir, le rôle d'Armand Lesignac, le directeur de la DGSE, était tenu dans le premier film par Claude Brosset. Il est mort un an après. Il a ensuite été remplacé par Pierre Bellemare. Décédé un an avant le tournage du deuxième film. Wladimir Yordanoff lui succède. Décédé un an après. Qui pour reprendre ce rôle maudit dans un prochain volet de la saga ?

21/07/2021

Wild

wild.jpgAprès Antoinette dans les Cévennes, une autre histoire de femme qui part randonner seule. Je sors d'une semaine de marche au milieu des marmottes et je me sens comme les deux personnages, sauf que moi, pas bête, je suis partie accompagnée si jamais le dahu m'attaquait, et je rentrais chaque soir dormir dans une résidence 5 étoiles.
Wild est l'adaptation de l'histoire vraie de Cheril Strayed, qui, après l'échec de son mariage, part seule faire une randonnée de 1700 km sur la côte ouest sauvage des Etats-Unis, afin de se reconstruire.
Le rôle principal est tenu par Reese Witherspoon, qui s'est battue pour l'avoir, puisqu'il est calibré pour gagner un oscar (se transcender physiquement.) Mais elle en a bavé pour rien : elle a bien été nommée meilleure actrice dans plusieurs cérémonies, mais n'a obtenu aucune récompense. Wild est réalisé par Jean-Marc Vallée, qui donne souvent les rôles principaux à des femmes (Big little lies, Victoria, ou la troublante série Sharp objects). 
Comme son nom l'évoque, le film est une sorte de Into the wild au féminin. Je m'attendais à retrouver les sensations que j'éprouve en marchant : euphorie et fierté quand on arrive au sommet de la montagne, émerveillement et humilité devant les paysages sublimes. Mais dans le film, on voit à peine les décors, car la caméra se fixe sur l'actrice. Je veux voir des montagnes et des petits renards, pas les gros plans sur l'actrice en sueur ! Wild ne parle pas vraiment de respect de la nature, mais plutôt de l'envie de la conquérir, et de dépassement de soi. J'admets aussi que le passé destroy et les tourments du personnage m'importaient peu, ne m'identifiant pas vraiment à son parcours (le personnage de Laure Calamy m'a semblé plus sympathique).

Plutôt que de ressentir le bien-être procuré par la randonnée, j'ai au contraire revécu la peur dans mon coin perdu quand je me promenais seule loin de tout et me faisais aborder par des mecs louches, comme il arrive à l'héroïne du film. Moralité : wild ne donne absolument pas envie de suivre l'exemple de son héroïne et de randonner seule (Into the wild non plus d'ailleurs).

Marcher seule sans peur, j'y parviens difficilement, contrairement à l'héroïne du film. La B.O soignée met en valeur les errements du personnage, à travers par exemple la chanson Walk unafraid de First aid kit :
cinéma,randonnéeTout le monde marche de la même façon
Espérant que je fasse de même
Sur le passage étroit qu'ils ont mis en place
Ils prétendent marcher sans avoir peur
Mais je serais plutôt maladroite

Le film aurait pu aussi choisir un autre morceau (bien plus connu et que je préfère) du même groupe, my silver lining (ma lueur d'espoir) :
I won't take the easy road
The easy road, the easy road

Autre air parfaitement utilisé : lorsque l'héroïne parvient dans un lieu sublime, on entend juste les premières notes de El condor pasa. A chaque fois que je les entendais, je frissonnais. Lorsqu'on écoute la chanson en entier, j'ai enfin ressenti l'exaltation procurée par la splendeur de la vie sauvage. Wild reste un film plaisant à regarder, mais dommage qu'il ne soit pas toujours à la hauteur de la beauté de cette chanson et du message qu'elle délivre : ode à la nature et à la liberté, que la vie et le travail dans les villes ne nous offrent pas. Je préférerais voguer à l'horizon, mais je suis clouée au sol et je vous transmets ma chanson mélancolique :

I'd rather be a sparrow than a snail 
Je préférerais être un moineau plutôt qu'un escargot
Yes I would, if I could, I surely would
Oui j'en serais un, si je le pouvais, j'en serais un sans nul doute

Away, I'd rather sail away
A l'horizon, je préférerais sillonner les flots à l'horizon
Like a swan that's here and gone
Tel un cygne s'éclipsant 
A man gets tied up to the ground
Un homme est retenu au sol
He gives the world its saddest sound
Il transmet au monde sa mélodie la plus mélancolique
Its saddest sound
Sa mélodie la plus mélancolique

I'd rather be a hammer than a nail
Je préférerais être un marteau plutôt qu'un clou
Yes I would, if I only could, I surely would
Oui j'en serais un, si seulement je le pouvais, j'en serais un sans nul doute

I'd rather be a forest than a street
Je préférerais être une forêt plutôt qu'une rue
Yes I would, if I could, I surely would
Oui j'en serais une, si je le pouvais, j'en serais une sans nul doute
I'd rather feel the earth beneath my feet
Je préférerais sentir la terre sous mes pieds
Yes I would, if I only could, I surely would
Oui je le ferais, si je le pouvais, je le ferais sans nul doute

 

01/07/2021

Teddy

cinéma,cinéma fantastiqueDans un village des Pyrénées, Teddy vit avec son oncle adoptif. Sans diplôme, il travaille comme intérimaire dans un salon de massage. Sa petite amie Rebecca elle, passe bientôt son bac et est promise à un avenir radieux. Pour eux, c’est un été ordinaire qui s’annonce. Mais des bêtes sont tuées mystérieusement et les paysans accusent comme souvent le loup. Un soir de pleine lune, Teddy est griffé par cette créature. Les semaines qui suivent, il est pris de curieuses pulsions animales… Voir la bande annonce en lien.

Prix du jury au festival du film fantastique de Gérardmer, Teddy est encensé par la critique. Il a tout pour me plaire : mélange de film d'horreur et de comédie romantique décalée (Shaun of the dead, "une comédie romantique avec des zombies" fait partie de mes films préférés). Satire sociale, avec des ploucs inadaptés qui se vengent des mieux nantis se moquant d'eux (comme d'autres films adorés : Parasite, Coup de tête...) Chronique adolescente avec la première histoire d'amour...

cinéma,cinéma fantastiqueJe loue également l'utilisation de peu de moyens pour un maximum d'effets. Les frères Boukherma ont compris que la suggestion est bien plus efficace que de montrer des monstres de synthèse qui coûtent une blinde. Teddy m'a pris aux tripes, littéralement. J'ai senti mon ventre se serrer devant certaines scènes, comme celle où le héros se rase la langue, ou celle des yeux (je ne peux pas vous dire ce qu'il s'y passe, j'ai carrément détourné la tête !)

Les réalisateurs ont saisi l'essence du film de loup-garou, qui touche à la transformation du corps du héros, qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Utiliser un ado qui découvre la puberté et les pulsions sexuelles est ainsi une brillante idée : lorsque Teddy s'inquiète d'une pilosité inhabituelle, le médecin paternaliste le tranquillise "c'est normal, tu deviens un homme !" Quand le jeune homme se plaint d'avoir trouvé des poils sur sa langue, le docteur le blâme d'avoir pris de la drogue, bref d'avoir tenté des expériences pour tester les limites, comme beaucoup de jeunes.
Ce corps qui se transforme à l'adolescence m'a fait penser au génial Carrie (de Stephen King, adapté au ciné par De palma), Carrie est surprise et dégoûtée par la venue de ses premières règles, moquée par ses camarades, et comme Teddy, elle se découvre un pouvoir qui va lui permettre de se venger. Dans Teddy, du sang aussi, des tripes, parfois même un peu trop (la scène des toilettes bouchées était dispensable selon moi !)

Le loup est aussi la créature incomprise, hors normes et exclue. Ici, les bergers l'accusent de tuer leurs bêtes et le chassent, comme Teddy est accusé de perturber la tranquillité du village et mis à l'écart par les gens de son âge, qui ont poursuivi leurs études, eux. Comme son oncle et sa tante handicapée, il est exclu car il ne rentre pas dans la norme, il obéit à ses pulsions, comme le loup-garou qu'il devient. 

Les réalisateurs ont également compris qu'il est inutile de mettre la moitié du budget dans le salaire exorbitant des acteurs. Ici, certains villageois jouent leur propre rôle : quoi de mieux pour faire vrai ? La plupart des personnages sont interprétés par des non professionnels. Ludovic Torrent, qui joue l'oncle Pépin (car il s'appelle Le bref) est hors du commun : avec son phrasé si particulier, son air complètement déphasé, il est hilarant. Le film fait tout de même appel à une actrice comique reconnue : Noémie Lvovsky (Camille redouble, la mère intrusive des Beaux gosses...) Elle donne encore toute la mesure de son talent dans son rôle de patronne du salon de massage, qui cache sous un sourire et une voix douce une autorité abusive flippante.

J'ai néanmoins pensé contrairement à la majorité des critiques que l'interprétation de certains n'était pas toujours très juste, faire appel à des non professionnels à ses limites. J'ai aussi trouvé que la mise en scène était parfois faiblarde, me faisant penser à un film d'étudiant, encore maladroit. Mais cet effet est peut-être délibéré, pour renforcer le côté décalé, bouts de ficelle. Teddy m'a rappelé la série P'tit quinquin, si vous y avez été sensible, vous apprécierez certainement Teddy.

Teddy, de Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma, actuellement en salles.

22/06/2021

La fille de Ryan

fille de ryan affiche.jpg1916, dans un village d'Irlande en bord de mer. Rosy est une jeune fille fantasque qui adore se promener en rêvant, ce que le curé et les habitants ne voient pas d'un bon œil. Elle s'attend à une vie aussi romanesque que les livres qu'elle dévore. Elle se marie avec le sérieux, gentil et cultivé maître d'école, de 15 ans son aîné (Robert Mitchum). Mais elle découvre vite que la vie de couple dans un village aux mentalités étriquées ne peut lui apporter ce dont elle rêve. C'est alors que des soldats anglais, les ennemis jurés de ses compatriotes Irlandais, s'établissent dans le village, avec à leur tête un beau major, traumatisé de guerre... Voir la bande-annonce en lien.

J'avais adoré La fille de Ryan à l'adolescence, et il tient toujours ses promesses aujourd'hui. Souffle épique, romanesque, comme les autres films de son réalisateur : Lawrence d’Arabie, Le pont de la rivière Kwai, Docteur Jivago... Pourtant à sa sortie, ce film sublime a été éreinté par la critique !

fille de ryan.jpgL'héroïne fait penser à Madame Bovary, femme passionnée souhaitant se libérer des carcans. Elle est sublimée par les décors absolument splendides de l'Irlande, la photo et la mise en scène. Chaque image est un tableau parfaitement agencé, une explosion de couleurs qui rappelle les impressionnistes immortalisant la côte bretonne. Rosy se promenant avec son ombrelle évoque La femme à l'ombrelle de Monet. Le décor appuie les pensées des personnages : la mer ensoleillée et infinie, les falaises qui les surplombent que l'héroïne gravit, représentent la grandeur de ses rêves. Les délicates fleurs de lys symbolisent son innocence et son amour naissant... Rosy est écrasée par la nature immense comme par le poids des traditions, menacée par la tempête comme par sa passion interdite... La mise en scène et les décors montrent à merveille les débordements de la passion. La scène d'amour cachée dans la forêt, entrecoupée de détails symboliques de la nature, est saisissante d'originalité et de naturel. Pourtant, à l'époque, ce parti-pris a été jugé ridicule ! "Le public va-t-il se laisser séduire par les orgasmes de pacotille et l'artisanat superficiel ?" ainsi a jugé Pauline Kael. J'ai pensé le contraire, la scène fait vrai : pas de hurlements simulés justement. On sent la journaliste aigrie et frustrée qui ne sait pas de quoi elle parle...

Malheureusement l'influence de Pauline Kael était grande. Ses critiques peu objectives, maniant les bons mots méchants et mesquins, détruisaient des réputations. Preuve de son manque de discernement : elle détestait Kubrik, surtout Orange mécanique et 2001 l'odyssée de l'espace, mais aussi Clint Eastwood et Meryl Streep !  A propos de la fille de Ryan, elle a écrit : "le vide apparaît à chaque image"  alors que c'est justement tout l'inverse ! On pourrait même reprocher au film le contraire : d'être lourd de symboles. Chaque image est travaillée, arrière plan, second plan, tout à un sens !

Traumatisé par cet accueil incompréhensible pour moi, David Lean ne touchera plus une caméra pendant 15 ans... Une tragédie aussi grande que ces films : combien de chef-d’œuvre avons-nous perdus ainsi ? Aujourd’hui, la fille de Ryan a enfin obtenu son statut de film culte. Bémol  pour moi : la musique de fanfare grotesque de Maurice Jarre, trop décalée et outrancière (on n'est pas dans Freaks !)
La fille de Ryan de David Lean, 1970 sur TCM cinéma