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19/10/2020

Sharp objects, une série qui coupe le souffle

sharp objects.jpgEn lançant la série, je ne connaissais pas son sujet. J’ai suivi au hasard les “recommandations pour vous” de Mycanal, mais comme mes goûts sont éclectiques, je ne savais pas si j’allais tomber sur une série policière (Engrenages, Le bureau des légendes), comique (Catastrophe ou Irresponsable, très bonnes séries vues récemment), dramatique (I know this much is true, excellente aussi) d’horreur (comme The head, pas mal). J’ai donc débarqué en toute innocence dans Sharp objects. Qui m’a laissée exsangue. 

Une journaliste (Amy Adams, Premier contact) se rend dans son village natal du Missouri pour couvrir les meurtres d'adolescentes. Son enquête et le retour dans sa famille la font replonger dans son enfance douloureuse. Voir bande annonce en lien.
Un pitch courant dans les films noirs : le flic ou le journaliste à problèmes, introverti et alcoolo, qui fait face aux "démons du passé", ou qui se consacre tellement à sa mission qu'il en perd la raison. Les meurtres d'innocentes, au sein de communautés atypiques, ont été exploités dans des films comme Mystic river, Gone baby gone, Dans la brume électrique, ou des séries comme True detective (première saison de facture classique, mais très bonne, seconde ratée.) 
Petites variantes sur ce schéma, dans Sharp objects, le personnage principal est une femme, et non seulement elle boit, mais elle se scarifie. 
Surtout, j'ai rarement vu une série aussi glauque (à part l'immonde Outlander, qui reste hors catégorie, avec des tortures et des viols présentés comme des romances.) 

La série est adaptée du livre "Sur ma peau" de Gillian Flynn, l'autrice de Gone girl, dont j'avais beaucoup aimé l'adaptation au cinéma par David Fincher. J'en ai parlé à deux mecs, qui ont eu la même réaction immédiate : "c'est malsain !" "elle est tordue cette fille !" Eh bien à côté de sharp objects, Gone girl, c'est "Martine part en vacances chez les bisounours".
Dans Gone girl, la dégradation du couple suit un schéma assez courant (l’amour qui ne résiste pas aux disputes et tromperies), c'est la réaction des personnages qui est tordue et excessive ("divorcer ? trop facile ! si je faisais croire que mon mari m'a tuée plutôt ?”) Mais dans Sharp objects, aucune relation n'est normale. L'enquête est secondaire et avance mollement, le plus important, ce sont les rapports entre les personnages : complexes et captivants.
La mère avec ses filles, manipulatrice, la fille avec son mec, brutale, même le patron avec la journaliste, trop paternaliste...

Les personnages sont si tordus qu'ils en sont fascinants. Rien n'est démontré brutalement, le poison est distillé subtilement. C'est ce qui provoque cet envoûtement : on essaie de comprendre qui sont les personnages, ce qu'ils veulent.
Ambivalents, ils soufflent le chaud et le froid : des gestes tendres, mais des propos durs. Un compliment, puis un reproche. Une manipulation qui trouble la personne en face, qui ne sait pas comment réagir,  devient parano et culpabilise ("j'exagère, elle n'est pas toxique, elle peut être aussi gentille”) et qui perturbe aussi le spectateur ("c'est pas un peu bizarre comme réponse ? Elle est sympa ou non en fait ?"). Par exemple, la mère caresse doucement le visage de sa fille, puis lui assène brutalement :"tu as toujours été une enfant difficile..." Des mots tranchants que l'héroïne se grave ensuite sur la peau. Et cet extrait est encore gentillet… la série s’enfonce dans le trouble. 

Sharp Objects picole.jpgJ'attendais avec espoir la romance entre l'inévitable flic sexy (Chris Messina) et l'héroïne, qui aurait enfin apporté un peu de fraîcheur. Quelle naïveté ! ça commençait pourtant bien, ils se lançaient des piques : "vous n'êtes absolument pas mon genre". Le fameux "chien et chat", les deux qui ne peuvent pas se piffrer au début puis finissent par tomber amoureux, comme Darcy et Elizabeth dans Orgueil et préjugés ! On est loin de ce romantisme, de la déclaration enflammée et du chaste bisou dans une nature enchanteresse :
Quand le flic parvient à décrocher enfin un premier rendez-vous, il plaisante : "j'espérais plutôt un ciné". Car la sortie, c'est une balade dans les bois où ont eu lieu des crimes. Les deux acolytes sont ivres, et dans ce décor sordide, l'homme estime que c'est le bon moment de tenter une approche. La femme refuse un baiser, mais elle lui prend la main et la met au panier. Direct, sans même un bisou, debout entre une cabane de chasseurs tapissée d'images porno et une clairière de viols collectifs... premiers baisers, échangés, sur la plage un été, ça ne s'oublie pas, quand c'est la première fois… 
Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance.

Le flic est pourtant le seul personnage à peu près normal. Comme le spectateur, il débarque dans cette ville de cinglés sans rien en connaître ni en comprendre les gens et les coutumes (des sudistes qui célèbrent un étrange jour de résistance contre les yankees). Comme lui, on se demande où on est tombé.
sharp patins.jpgComme lui, on est fasciné par l'héroïne, incarnée à merveille par Amy Adams. J'étais focalisée sur sa magnifique crinière de feu, comme sur la beauté des adolescentes sur leurs patins, roulant en pleine route, le reflet du soleil dans leurs cheveux au vent, tenues légères, insouciantes et libres.
Le
réalisateur Jean-Marc vallée a l'habitude de sublimer les femmes à l'écran, à travers la série Big little lies ou les films Wild (avec Reese Witherspoon) et Victoria (avec Emily Blunt).
La beauté et la photographie soignée contrebalancent, mais aussi
esthétisent l'horreur des faits. La bande originale souligne l'état d'esprit des personnages : l'héroïne écoute du Led zeppelin brut de décoffrage, qui reflète son trouble intérieur, sa mère dans son immense maison coloniale d'une autre époque écoute du Michel Legrand suranné et délicat (les moulins de mon coeur, les parapluies de cherbourg...)

Le scénario est aussi pervers et retors que les personnages, et la série atteint son but : provoquer le malaise. La résolution de l'énigme m'a déconcertée : dois-je être fascinée ou révulsée ?
Je vérifie les critiques, elles encensent la série :
"On est scotchés" "incarnation de nos plus troubles cauchemars" (elle)
"à ne pas rater" . "Un univers de violence inédit, fascinant et indélébile" (les inrocks)
"Une fois pris au piège, on ne veut plus en sortir." (le parisien)
"Va vous donner des sueurs froides." (première)
"Passionne par l’étude de ses personnages à fleur de peau". (le monde)
"obsédante" "étourdissante" "aussi excitante que tragique" (rolling stones)
"Un thriller effrayant, un mélodrame gothique" (yahoo tv)
"Bien meilleure que Gone Girl, avec sa propre atmosphère humide, sensuelle, hypnotisante"

En tout cas, un fait me paraît problématique....
à suivre...

 

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Commentaires

Une série que je voulais voir mais comme il n'y aura pas de saison 2 j'ai laissé tomber... à moins que la saison 1 se suffise à elle-même ?

Écrit par : Carole Nipette | 02/11/2020

oui pas besoin de suite ! Mais j'ai encore préféré "i know this much is true"

Écrit par : Papillote | 02/11/2020

Les commentaires sont fermés.