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07/02/2022

L'amour sous algorithme

amour algo.jpgUn documentaire adapté de l'enquête de Judith Duportail. J'ai trouvé le livre plus intéressant et complet que le film, qui fait trop appel à de longs plans esthétiques inutiles.
La journaliste a été la première a demandé à Tinder de lui fournir ses archives personnelles : en 3 ans d'utilisation, elle a réalisé  870 matchs, elle en imaginait 50. Tout cela a produit 802 pages de conversations !
Bien évidemment, pas de la grande littérature, d'échanges épistolaires enflammés dignes du jeune Werther, de Jane Austen ou des lettres de Napoléon à Joséphine (pas vraiment des échanges en réalité, elle le snobait souvent).
Non, une succession de conversations superficielles, le plus souvent stériles, à base de langage sms simplifié copié-collé, les mêmes phrases d'approche pour tous et des petites blagues servant à se montrer sous un profil flatteur (je suis quelqu'un de cool, de drôle, "sans prise de tête").

Des chercheuses utilisent un logiciel pour analyser les mots et les émotions qui se dégagent de ces dialogues. Le programme révèle que  l'ennui est très présent (c'est assez logique, il faut ressentir un vide intérieur pour perdre son temps sur ces applications.) Autre émotion qui s'en dégage : la peur (de déplaire, de souffrir, de se faire agresser...)

La jeune femme découvre, ou plutôt confirme, des faits dont on se doutait : l'objectif premier d'une application de rencontres est de gagner de l'argent, donc si ses utilisateurs trouvent l'amour, elle est perdante :  tout est fait pour que les célibataires restent le plus longtemps possible sur le site :
- Le fait de swiper crée une dépendance, comme le montre l'excellente série documentaire dopamine, à voir absolument en lien (6 minutes seulement par épisode). Swiper sur Tinder active dans le cerveau le circuit de "la récompense esthétique. Le cerveau cherche la beauté, et quand il la trouve, il considère ça comme une récompense et en redemande." Il fait ensuite un raccourci, et c'est au final plus le geste, (le fait de bouger le pouce, de faire défiler son fil Facebook, ou de tirer la manette d'une machine à sous) qui procure du plaisir, plus que l'objectif lui-même (gagner de l'argent, trouver l'amour).
- Les profils les plus adaptés à la personne n'apparaissent pas en premier, pour que l'utilisateur reste le plus longtemps possible sur l'appli.
- En réalité, aucun profil ne correspond vraiment à l'utilisateur, pour que celui-ci revienne sur le site.
- Certains profils ne peuvent pas se rencontrer : pas de mélange de classes sociales. Une femme surdiplômée a moins de chances de trouver l'amour, une femme dépassant les 35 ou 40 ans, encore moins. On présente aux hommes des femmes qui ont fait moins d'études et gagnent moins qu'eux.

La journaliste apprend également que les utilisateurs sont notés, selon un barème précis. 1 femme de 10 ans de moins et qui gagne moins, aura la même note qu'un homme de 10 ans de +.  A l'inverse, un homme de 10 ans de moins et qui gagne moins que la femme, aura une note + basse. "Un homme riche avec une jeunette, mais pas de réciprocité : c'est le modèle patriarcal des relations hétérosexuelles." 

Les  données compilées par le fondateur de ok cupid sont encore plus cyniques : "si vous êtes une femme hétéro célibataire de + de 21 ans, + personne ne va s'intéresser à vous : "ce n'est pas un sondage, c'est un constat érigé en observant des dizaines de millions de comportements en ligne. Une femme cherche, quelque soit son âge, à peu près un homme de son âge. Pour les hommes, une femme est au top au début de sa vingtaine. C'est tout. Les femmes les + likées par les hommes ont toujours entre 20 et 24 ans, même par les hommes de + de 40."

Les Français sont ceux qui ont les + longues conversations avant de se rencontrer sur Tinder : 1 semaine en moyenne. La France est le 4e pays ou l'appli est la plus téléchargée, surtout à Paris puis à Nice. En été, 45 millions de swipes sont réalisés en France par jour.

Ah, tous ces chiffres, ces algorithmes, quel romantisme ! Judith Duportail espérait trouver le prince charmant sur Tinder, elle n'a rencontré que des crapauds... Autre exemple qui ne donne pas envie, l'anarqueur de Tinder en ce moment sur Netflix (l'histoire dingue d'une crapule sans scrupules).

L'amour sous algorithme, Infrarouge, sur France.tv jusqu'au 21/03

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29/01/2022

Les rêves brisés de l'entre-deux guerres, suite

reves brises.jpgRelire le début ici.
Dans ces nouveaux épisodes, on suit les mêmes protagonistes, de 1918 à 1939. Certains s'engagent pour Hitler ou Mussolini, d'autres contre Staline ou Franco.
En Russie, un jeune homme est contraint d'espionner les habitants de son logement collectif, pour montrer qu'il est un bon communiste et pour que sa mère ne soit pas déportée. Comme il n'a aucun méfait à reporter, il demande qu'on sauve au moins sa mère. Il apprend alors que celle-ci faisait comme lui : dénoncer les autres pour sauver son fils, et comme elle n'avait rien à reprocher à ses voisins, on l'a fait "disparaître"...
A cette époque stalinienne paranoïaque, chacun espionne et dénonce les autres pour des faits imaginaires, pour sauver sa peau. Chacun veut paraître plus patriotique que l'autre, au point d'en arriver à des extrémités qui seraient comiques si elle n'étaient pas véridiques : par exemple, le premier soldat qui s'arrête de crier en boucle "hourra !" à la moindre  évocation du nom de Staline, est soupçonné d'être anticommuniste : "aujourd'hui, notre cher camarade Staline a dit que
- HOURRA HOURRA HOURRA HOURRA !!
Ce récit m'a fait penser à la comédie anglaise La mort de Staline, j'en ai parlé en lien. Lorsque le dictateur a fait une attaque, il a mariné dans une flaque d’urine pendant des heures, car ses propres gardiens étaient trop terrifiés pour entrer dans la pièce. Ensuite, ses camarades ont hésité une journée avant d'appeler un médecin, car le despote craignait qu’on l’empoisonne.

reves.jpgLes protagonistes de la série subissent les restrictions de l'après-guerre et la crise de 1929, mais les femmes encore plus que les hommes. la journaliste Elise Ottesen témoigne des épouses qui ne parviennent plus à nourrir leurs enfants et s'entassent à 6 dans une pièce insalubre. Pourtant, leurs maris leur imposent "le devoir conjugal", refusent d'utiliser des préservatifs et les femmes affamées de 40 kg tout mouillé finissent par mourir en couche… Les épouses gèrent les membres du foyer et les finances, se privent pour leurs enfants, tandis que leurs maris ne pensent qu'à leur propre confort. 
Même le courageux Hans Beimler (relire le premier épisode) préfère sa cause politique à sa famille. Absent, volage, il laisse sa conjointe s'occuper seule et sans ressources du foyer. Elle se suicide, et il confie ses enfants plutôt que de s'en occuper enfin. Ainsi, après avoir perdu leur mère, les gosses perdent aussi leur père, c'est malin.

Autre destin marquant, celui d'Edith Wellspacher, jeune Autrichienne orpheline qui étudie la médecine. Seule femme dans sa discipline, elle est dénigrée par ses professeurs qui considèrent qu'une femme n'est pas assez intelligente pour être docteure. Trop pauvre, elle a le choix entre souffrir de froid ou de faim, et ne mange pas des jours entiers pour pouvoir se chauffer. Un  jeune interne juif lui propose alors de l'accompagner au hammam. Elle s'éprend de lui, mais la mère de celui-ci s'oppose au mariage avec une chrétienne en cette période sombre... Plus tard, lorsque ses collègues prêtent allégeance à Hitler pour conserver leur poste, seule Edith refusera de le faire.

Une série documentaire intéressante, mais je déplore que certaines personnalités des premiers épisodes ne soient plus évoquées ensuite : Marina Yurlova, l'enfant soldat du tsar ? Marie-Jeanne Picqueray, l'anarchiste ? J'ai dû vérifier sur internet ce qu'elles étaient devenues. Mais peut-être qu'on le saura dans une suite du documentaire, 1939-45 !

1918-1939, les rêves brisés de l'entre-deux guerres sur Arte.tv jusqu'au 10/02

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27/01/2022

Don't look up, déni cosmique

dont look up persos.jpgDeux astronomes (Léo di Caprio et Jennifer Lawrence) découvrent qu'une comète va s'écraser sur Terre dans 6 mois. La nouvelle alarmante est occultée ou tournée en ridicule par les journaux, car le divertissement et les articles people sont plus rentables.
Le film évoque le traitement de la question climatique dans les médias. Par exemple, le dernier rapport du GIEC, révélant la catastrophe écologique imminente si aucun changement n'est fait, a été éclipsé par l'annonce de l'arrivée de Messi au PSG, annoncée le même jour. Lorsque Salomé Saqué parle du réchauffement climatique sur le plateau tv de 28 minutes, les autres intervenants minimisent, blaguent ou l'interrompent, la tournent en ridicule, comme Cate Blanchett face à Jennifer Lawrence. De même sur cette vidéo qui fait le parallèle entre le film et des journalistes dénigrant des scientifiques.

dont look up tv.jpgPour savoir comment traiter un sujet, les médias regardent les réactions de la population sur les réseaux sociaux puis s'adaptent aux prétendues attentes du public. On ne s'attache plus au fond mais à la forme. On n'écoute pas le discours du scientifique, on regarde son look. Ce n'est pas le discours du scientifique Léo di caprio qui est commenté sur twitter, mais sa beauté : les médias le relookeront pour qu'il attire plus de likes. Ce n'est pas le discours pourtant juste de Jennifer qui interpelle, mais sa manière trop passionnée de le dire : elle est qualifiée de folle et hystérique. 

dont look milliardaire.jpgLa destruction de la comète sauverait la terre, mais elle est composée de minerais précieux valant des milliards, utiles pour la fabrication des téléphones portables. Un riche entrepreneur convainc la présidente d'exploiter cette nouvelle ressource, maintenant que celles de la terre se tarissent. Le parallèle avec les multi milliardaires Steve Jobs, Jeff Bezos, Elon Musk est évident : ils ont largement participé à la pollution (relire ici l'article sur le docu amazon) mais plutôt qu'investir pour préserver l'environnement de la terre, ils préfèrent construire des fusées pour un jour conquérir de nouveaux mondes, comme s'ils admettaient que notre planète est déjà foutue. 

Ces milliardaires sont soutenus par le gouvernement américain, avec dans le film une Meryl Streep histrionique à sa tête, sorte de Sarah Palin ou Trump au féminin. La catastrophe est imminente, irréfutable, il suffit de regarder le ciel, mais la présidente la nie encore, en exhortant ses foules à ne pas lever le nez pour la voir (don't look up) comme Trump qui nie le réchauffement climatique.

dont look up meryl.jpgSatire des médias, du monde politique, de la cupidité des multinationales qui détruisent l'environnement pour s'enrichir... Un film très drôle, le meilleur du réalisateur selon moi. Ce dernier dénonçait déjà les problèmes de la société à travers The big short sur la crise des subprimes, puis Vice, portrait de Dick Cheney, vice-président de Bush. Même à travers une parodie hilarante des films d'action comme Very bad cops pointe une dénonciation de la corruption.

Je suis persuadée que le registre de l'humour est plus efficace pour passer un message qu'un discours sérieux et alarmiste. Les documentaires sur le réchauffement climatique ne sont vus que par les gens déjà intéressés par le sujet et ne prêchent que les convaincus. Cette comédie netflix grand public, avec plein de stars, a plus touché la population que le dernier rapport du GIEC. Malheureusement j'ai déjà lu des critiques comme "c'est un bon film, mais je l'aurais oublié dans un mois". Comme ceux qui se désolent en voyant les catastrophes au journal télévisé, puis passent vite à autre chose, sans réagir...

Un bémol cependant : on ne voit dans le film que la réaction des Américains ! Eux seuls construisent les fusées permettant la sauvegarde de la planète, mais ne devrait-elle pas être coordonnée mondialement ? Dans l'excellent Mars attacks par ex, le président incarné par Jack Nicholson, se concerte avec ses homologues allemand ou Français (on voit la Tour Eiffel à l'arrière-plan, forcément).

 

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24/01/2022

Chaplin

charlie.jpgChaplin, le génie de la liberté sur France.tv jusqu'au 13/02

Pour vous signifier l'intérêt que je porte à cet artiste, un poster du Kid trônait dans ma chambre d'ado, et le tout premier livre que j'ai acheté avec mes premiers sous, à 16 ans, est l'autobiographie de Chaplin. Je l'ai prêté à quelqu'un qui s'en est inspiré pour un court métrage, il ne me l'a jamais rendu.

Je pensais tout connaître de Chaplin, et la durée de ce film (2h30 !) me rebutait. Mais ce documentaire est une vraie pépite, car il est constitué d'images d'archives rares. Aucune longueur ressentie tant la vie de l'artiste est passionnante. C'est Mathieu Amalric (je n'aime pas sa voix mais je suis vite passée outre) qui narre l'ascension de l'auteur. Il rappelle que l'histoire bouleversante du kid est en réalité celle de Chaplin. Charlie a reconstitué pour le film dans les moindres détails la chambre misérable qu'il habitait enfant avec sa mère. Comme le kid, il s'est ensuite retrouvé seul, à la rue, et c'est le théâtre qui l'a sauvé, jusqu'à devenir le cinéaste le plus célèbre et le plus riche de son époque. Il résultera de ses débuts dans la misère une volonté de faire rire de ses déboires pour les surmonter, et une tendresse pour les pauvres et délaissés. Charlot, le clochard rigolo, c'est lui, Charlie.

- Sydney, l'autre Chaplin sur Mycanal, Ciné classic

sydney.jpgFrère aîné de Charlie, comédien réputé et doué, c'est lui qui a lancé la carrière de son cadet, pour au final se retrouver distancé et oublié.
Pourtant pas de jalousie ni de rivalité entre les deux frères. Ils s'aident et travaillent ensemble, et Charlie n'aurait sans doute pas atteint de tels sommets sans Sydney à ses côtés.
Grâce à de nombreuses images d'archives, pour la plupart inédites (le making of du dictateur, filmé en couleur par Sydney) on peut comparer le style des deux frères

Sydney réalise un film, sans succès. Des années plus tard, Charlie en reprendra le scénario et des scènes quasiment identiques dans le dictateur. Ainsi, le barbier qui rase son client en écoutant la danse hongroise numéro 5 de Brahms : les gestes ne suivaient pas le rythme de la musique dans le film de Sydney, donc le gag tombait à plat, tandis que dans le film de Charlie, la parfaite coordination des mouvements du barbier avec la mélodie, tel un chef d'orchestre, en fait une scène d'anthologie (voir en lien).

Sydney est un excellent comédien, mais Charlie, lui, est un artiste. Charlie peaufine ses œuvres, s'attache à la qualité, tandis que Sydney privilégie l'aspect rentable. Ses films ne remportant pas le succès escompté, Sydney se lance dans d'autres affaires. C'est lui par exemple qui a instauré la première ligne de transport aérien.
S'il n'est pas resté à la postérité, sa vie rocambolesque n'avait rien à envier à celle de Charlie en matière d'aventures, de succès et de scandales retentissants. 

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