21/06/2010
La boute-en-train de service
Lors de mon entretien d’embauche, le dirlo m’a annoncé:
« Je préfère vous prévenir... On a une mauvaise ambiance au bureau… »
Sympa. En effet, je l’ai vite constaté, mais j’en reparlerai plus tard.
Il ajoute : « l’autre principal problème, c’est qu’on fait souvent face à des clients mécontents. Par exemple aujourd’hui quelqu’un a dit qu’il allait venir me casser la gueule, la collègue était complètement affolée… La principale qualité dans ces cas-là, c’est de garder son calme. Je compte sur votre humour et votre bonne humeur pour ne pas envenimer l’ambiance au travail et apaiser les clients. »
Les premières fois où j’ai dû faire face à des personnes mécontentes, j’ai essayé de garder mon calme. Mais au fil de la conversation, à force de me faire crier dessus pour rien, je finissais par répliquer d’une voix très sèche et catégorique, en haussant légèrement le ton: « Comme je viens de vous l’expliquer, mon collègue est en train de traiter les dossiers … »
Ca coupait la chique aux mécontents, étonnés que je ne me laisse pas piétiner. Ils se calmaient direct :
« Ah ? Euh oui d’accord… excusez moi, je me suis un peu emporté… c’est vrai que ce n’est pas de votre faute… »
J’ai estimé que ma stratégie ne serait pas toujours adéquate. Parfois, rester ferme et glaciale peut encore plus énerver les gens.
Alors j’ai testé ma méthode habituelle : l’humour et l’empathie.
Ca marche du feu de Dieu. Les gens sont décontenancés ou apaisés et passent de la colère au rire.
Bon, bien sûr, pour tenter l’humour, faut d’abord sentir si la personne est réceptive ou pas. S’agirait pas de faire un flop et de passer pour une dingue…
Aujourd’hui, les blagues ont encore bien fonctionné :
Client : « Non mais vous vous rendez compte depuis combien de temps j’attends? Il faut que je fasse quoi, pour qu’on me réponde ? Que je vienne carrément ? Mais si je viens, je vais lui casser la gueule ! On m’avait dit qu’il me rappelait sans faute vendredi ! Toute la journée j’ai attendu cet appel ! C’est extrêmement important !
Moi : - c’est normal, c’était l’appel du 18 juin…
Client : - Hein ? Quoi ? (Une pause, il réfléchit, puis se calme) ah ! Le 18 juin, l’appel du général de Gaulle…haha… vous êtes marrante… enfin… qu’est ce que je disais…
Moi : vous disiez que vous alliez venir pour lui casser la gueule…
Interlocuteur : (un peu effrayé) Euh… oui… ha ha… enfin je disais ça comme ça… j’me suis emporté… je le pensais pas…
Moi : j’avais bien compris…
Client : (soulagé) ah merci… ça fait plaisir des gens compréhensifs pour une fois… parce que la dernière fois, votre collègue … »
Après, j’explique en détail comment je vais me démener pour résoudre le problème. A tous les coups, les gens, de prime abord énervés, se confondent en excuses et me répètent à quel point je suis « bien aimable… c’est rare aujourd’hui les personnes qui prennent la peine de vous répondre, etc, etc… »
Alors que mes collègues filtrent les appels, les écourtent en prétextant du travail, voire s’énerve ou raccroche au nez, j'écoute chaque personne. Mes collègues se plaignent : «j’ai raccroché, il me racontait sa vie ! » Moi je trouve ça intéressant, je laisse parler les gens et je leur pose même des questions. Mis en confiance, sentant qu’ils sont écoutés, ils s’apaisent tout de suite.
Je n’aurai jamais cru être capable de patience et de tant de bienveillance.
Après être passée pour la trublion de service, ça change de devenir la boute en train wonderwoman du bureau.
Et vous, au travail, quels sont vos rapports avec les interlocuteurs ? (Je sais que pour Marie et Titi, qui travaillent dans le commerce, ça doit pas être facile tous les jours...)
18:35 Publié dans Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : comment supporter ses collègues de boulot, comment rester zen au travail, travail | | Facebook
18/06/2010
Dorothy Parker, la vie à deux
Alors, ces réponses au bac philo ? "Dépend-il de nous d'être heureux ?"
Dorothy Parker donne t-elle les réponses ?
suite de la critique des livres de cet écrivain:
Désespoir, humour, absurdité, incommunicabilité… tout pour me plaire. J’ai néanmoins préféré le recueil La vie à deux à Mauvaise journée demain. Sans doute parce qu’au début j’ai été surprise par la qualité, et que je me suis habituée au style caustique par la suite.
J’ai adoré la cruelle nouvelle Monsieur Durant, où un employé engrosse sa secrétaire et paie pour son avortement clandestin : « Rose s’était fait prier longtemps avant d’accepter cet argent, mais M. Durant avait eu la générosité d’insister. Et pourtant, ces 25 dollars, il n’aurait pas été embarrassé pour les employer, avec les dents du petit qu’il fallait faire redresser, sans parler de tout le reste ».
Il rentre tranquillement chez lui voir sa femme et ses enfants en pensant « qu’une bonne chose a été faite » et qu’il reste un époux et homme modèle. Comme toujours chez Parker, les personnalités sont dévoilées à travers d’autres faits anodins mais symboliques : ici, les enfants pleurent pour garder un chien perdu, mais monsieur Durant se rétracte en constatant que l’animal n’est pas mâle (c’est la frime, j’fais des rimes):
« C’est toujours la même chanson, dès qu’il y a une femelle quelque part… tous les chiens du voisinage vont lui courir après, et en 2 temps 3 mouvements elle aura des petits. (…) Tu trouves que c’est un spectacle convenable à montrer aux enfants ? Je ne comprends pas que tu n’aies pas pensé aux enfants. (..) Laisse-moi faire, je leur ai dit qu’ils pouvaient garder ce chien, et tu sais que je tiens toujours mes promesses. J'attendrai que les enfants dorment et je mettrai ce chien dehors. Et demain matin, nous leur dirons qu’il s’est sauvé pendant la nuit. Nous sommes d’accord ? »
Elle fit un signe de tête. Son mari lui tapota paternellement l’épaule. Il se retrouvait en harmonie avec le reste du monde grâce à la solution heureuse qu’il venait d’apporter à un petit problème du quotidien»
Cette nouvelle est directement inspirée de la vie de Dorothy Parker, séduite et abandonnée par un crâneur, comme le révèle Dominique de Saint Pern dans sa biographie de l’écrivain : « il en coûte à cette époque de faire l’amour hors du mariage. La solution est la même, clandestine, humiliante et hors de prix. (…) Dorothy a beaucoup trop attendu, accrochée à l’espoir vague que Charlie reviendrait et que tout s’arrangerait… »
La nouvelle Les bonnes amies est également caractéristique du style de l’auteur. Une femme vient soi-disant consoler sa copine abandonnée par son fiancé, mais elle ne fait que l’enfoncer encore plus :
« Mais si, tu peux si tu veux, Mona. Ce qu’il faut, c’est que tu te reprennes en main et que tu regardes les choses en face. Bon, tu as gâché trois ans de ta vie, il n’y a qu’à tirer un trait dessus. Et ne t’en fais pas chérie, Dieu sait qu’il ne s’en fait pas pour toi en ce moment… »
Alors que la fiancée délaissée ne dit pas le moindre mot, on comprend pourtant les tourments qui l’animent. C’est tout l’art et le style de Dorothy Parker :
« Mais non Mona, tu ne peux pas être bien comme tu es, après les avoir tortillés et froissés (les draps) comme tu le fais depuis un quart d’heure ! Attends, mon chou, je vais t’aider à te soulever tout doux, tout doux… Quoi ? Mais naturellement que tu pourrais t’asseoir toute seule, ma chère, personne n’en a jamais douté… »
J’ai également adoré Le petit Curtis, La grande blonde, Le merveilleux vieux monsieur, mais je ne vais pas recopier tout le recueil non plus. Alors, une seule solution s’impose: lisez Dorothy Parker !
Et vous, qu’avez-vous lu récemment ?
19:27 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bac philo 2010, littérature, livres, dorothy parker, la vie à deux, les sous doués | | Facebook
17/06/2010
Les sous-doués passent le bac
Aujourd’hui mon neveu a passé son bac philo. Ca ne nous rajeunit pas…
Les sujets étaient:
Pour la filière scientifique :
« L’art peut-il se passer des règles ? »
« Dépend-il de nous d'être heureux ? »
Pour la section ES :
Une vérité scientifique peut-elle être dangereuse ?
Le rôle de l’historien est-il de juger ?
Et enfin pour les littéraires :
La recherche de la vérité peut-elle être désintéressée ?
Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?
J’aurai choisi le dernier sujet si je devais repasser mon bac. Il paraît que revivre cette épreuve est un cauchemar récurrent chez les gens, comme de rêver de se trouver nu dans la cour de récré. Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant, d’une femme inconnue et que j’aime et qui m’aime : je suis en cours d’espagnol. Ce rêve peut paraître anodin, mais il suffit à me réveiller en sursaut et en sueur. Il me replonge dans l’ennui profond que je ressentais à l’époque. J’attendais désespérément d’être sauvée par le gong : la sonnerie marquant la fin des cours.
Seulement 17 % des élèves optent pour la filière littéraire. Je l’ai choisi car j’étais forte en français (seule matière que j’appréciais avec l’histoire).J’étais surtout motivée par le fait qu’en « L », qui signifie aussi « langues », on avait trois heures en moins que dans les autres sections, et en cours de langues on ne fichait rien.
Mes profs de langues se bornaient à nous donner des textes que l’on devait commenter à l’oral. Ils refusaient de nous les traduire, pour que l’on fasse « l’effort de comprendre ». C’était une joie quand les enseignants acceptaient enfin de nous expliquer les termes, je m’empressais de noter leur signification, apprenant enfin quelque chose. Comme je ne comprenais pas la signification du texte, j’étais incapable de participer au cours. De toute façon, j’étais beaucoup trop timide pour oser lever la main et parler approximativement dans une langue étrangère. Seuls les deux ou trois collégiens qui avaient la chance de comprendre suivaient la leçon. Les profs ne tentaient même pas de sauver la classe de son apathie, et se contentaient de dialoguer avec les bons élèves. Jamais ils ne nous ont donnés des rédactions à faire, ce qui nous aurait obligées à manier la langue. Je faisais mes devoirs en écoutant de la musique et en recopiant simplement les réponses au fond du livre...
Pour le cours d’italien, j’avais fait l’effort d’apprendre la première leçon. En constatant lors du premier contrôle que la prof laissait mes camarades copier sur leur livre sans intervenir, j’ai décidé de faire comme d’habitude : des pompes planquées dans ma trousse. C’est donc pour ça que, malgré 5 années de cours, je peux uniquement vous dire dans cette langue : « mi chiamo Papillote ».
Pourtant, j’ai lu sans problème un livre en italien pour mon mémoire de fin d’études, mais je ne parviens pas à parler la langue, faute de pratique. Il en est de même pour les autres. Lundi au travail j’ai reçu un appel téléphonique d’un Américain, j’ai compris tout ce qu’il me disait, mais j’ai été incapable de formuler une seule phrase en réponse.
Pour le bac, l’examinateur était éberlué en vérifiant ma trousse : j’avais oublié d’enlever mes pompes… certaines étaient là depuis des mois… heureusement je ne me suis pas démontée, j’ai rigolé et jeté les papiers avant que le prof ne comprenne leur nature, en prétextant je ne sais plus quoi.
Quand j'étais petite, j'adorais le film des sous doués. On va dire que c'est à cause de son influence que j'ai bien foiré mon bac la première fois...
Et vous, qu’auriez vous répondu aux sujets de philo ? Prenez vos copies, vous avez quatre heures. Demain, le bac histoire, préparez-vous.
Quizz on connaît le poème : quel auteur à écrit le vers barré dans ce texte ?
Quizz on connaît la série aussi, évoquée en italique...
21:44 Publié dans Je suis culturée | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : bac 2010, les sous doués | | Facebook
16/06/2010
La vie à deux
Révolution, je parle enfin de livres! (Je vous ai eu hein, vous croyiez que j'allais évoquer ma vie de couple, avouez). A part les bilans annuels de 2008 et 2009, je n’avais pas encore franchi le pas. Pourtant, si vous avez remarqué le changement dans la colonne de droite, j’ai lu 30 bouquins depuis le mois de janvier. Vu que 30 % des Français majeurs ne lisent jamais, je suis plutôt une bonne liseuse.
Etant assez difficile, je préfère me fier aux goûts certains de mes amis culturés. En général leurs conseils font toujours mouche : par exemple avec Le matin des magiciens, L'étrangleur de Boston ou Les falsificateurs. Cette fois je me suis fiée à l’opinion de Madame Kévin, la blogueuse « intellectuelle mais pas trop ». J’ai donc emprunté des livres de Dorothy Parker, les recueils de nouvelles La vie à deux et Mauvaise journée demain. J’ai adoré.
En ce jour de deuil national (le dernier Marc Lévy est en vente aujourd’hui), évoquons enfin la bonne littérature.
Déjà, contrairement à la majorité des lecteurs, je préfère largement les nouvelles aux longs romans. Leur nombre de pages limité oblige à raconter avec concision et précision une histoire : pas de superflu, de descriptions ronflantes, on va droit au but. Mes livres préférés sont souvent des nouvelles : celles de Matheson, celles de K.Dick et de Maupassant (les réalistes plus que les fantastiques).
Dorothy Parker maîtrise à merveille l’art de la nouvelle. (D’ailleurs, elle n’a jamais pu finir le seul roman entamé). En quelques mots, à travers une réplique cinglante, elle sait définir entre les lignes un personnage, ses pensées, son caractère, mieux qu’une lourde description ou analyse psychologique. Ses histoires sont simples, elles traitent de sujets banals qui peuvent être jugés faciles (l’incompréhension entre hommes et femmes, l’hypocrisie de l’amitié, des mondanités etc…) mais elles sont incroyablement bien racontées. Il est impossible de les résumer sans les dénaturer, il faut en recopier des extraits pour que vous puissiez comprendre toute la finesse de l’écriture…
Pour évoquer Dorothy Parker, je laisse faire les pros (ça me reposera, c’est facile de recopier) je vous livre des extraits de la pertinente préface écrite par Benoite Groult :
« La vie de Dorothy Parker est celle de ses personnages. Célèbre à 25 ans, à 30 ans l’un des plus brillants auteurs des années folles, elle termina misérablement sa vie en 1966 à l’âge de 73 ans, dans une chambre d’hôtel de Manhattan, avec son vieux chien pour tout compagnon et une bouteille d’alcool pour l’illusion. On prétendait qu’elle n’avait jamais su renoncer à un mot d’esprit, fût ce aux dépens d’un ami. Celle qui avait incarné si parfaitement l’esprit brillant des années 30, l’émancipation sexuelle, le droit à la liberté pour les femmes (…) le désespoir élégant qui caractérisaient cette époque, passa de mode avec la grande dépression et survécut 30 ans à ce désastre, oubliée de tous.( …)
Le fait que ses personnages n’aient pas pris une ride avec l’âge témoigne qu’elle était parvenue à ce niveau profond des êtres, où les comportements échappent aux modes pour révéler ce qu’il y a de pathétique, dérisoire et d’immuable dans la condition humaine. Son sujet de prédilection ? L’incommunicabilité, la solitude à deux des couples, la recherche désespérée de l’amour. Somerset Maugham («comme dans les nouvelles pour dames, de Somerset Maugham ») écrivait d’elle que « son humour était l’expression naturelle de son ironie devant l’absurdité de l’univers ».
Je suis trop bavarde, suite demain soir…
Quizz on connaît la chanson : quel chanteur (que j’aime beaucoup pour une fois) interprète la phrase entre parenthèses sur Somerset Maugham ?
18:42 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : livres, littérature, marc lévy, dorothy parker | | Facebook