20/09/2015
Guy Béart, il n'y a plus d'après
Guy Béart est décédé mercredi 16 septembre, à 85 ans, d’une crise cardiaque en pleine rue, alors qu’il se rendait chez le coiffeur.
Je l’ai toujours dit : ces individus sont dangereusement stressants. Ma question existentielle du jour était justement « vais-je chez le coiffeur ou pas ? Il va encore me mettre le moral à zéro : « han ! Mais que vos cheveux sont fins ! j’ai jamais vu ça, de vrais cheveux de bébés ! (donc très doux pourtant !)
Je suis sûre que le coiffeur de Guy Béart était aussi peu diplomate et que le chanteur angoissait avant de le voir. Oui, le coiffeur l’a tué.
Ma chanson a dit la vérité, vous allez m’exécuter.
J’aimais bien la tendresse des chansons de Guy Béart et sa bonne bouille de père tranquille. Ma mère chante souvent en cuisinant, et ça m’a rappelé quand elle préparait son fameux gâteau au chocolat en chantant « Je voudrais changer les couleurs du temps, changer les couleurs du monde… » Attirée par le bruit du fouet (à gâteaux hein, je suis pas maso) je me tenais tapie dans l’ombre, attendant qu'elle aille chercher son plat pour plonger une grosse cuillère dans la pâte, avant que ma mère se retourne en rouspétant (pourtant le mélange œufs-sucre cru est bien meilleur que le gâteau en lui-même, non ?)
De Guy Béart, ma chanson préférée reste l’eau vive. Elle m’évoque le Manon des sources de Claude Berri, gros choc de ma jeunesse, avec Emmanuelle Béart, la fille du chanteur. Comme un présage, le musicien a composé L’eau vive en 1958, cinq ans avant la naissance de son enfant, et 18 ans avant le film emblématique qui a popularisé Emmanuelle Béart. Comme dans Manon des sources, la chanson parle d’une fille très belle et sauvage, qui mène son troupeau de chèvres et les hommes à la baguette : ils en tombent amoureux mais elle garde sa liberté.
Quand j’ai vu Emmanuelle Béart pour la première fois, j'ai pensé comme Ugolin (Daniel Auteuil) : voici la plus belle femme du monde ! (Avant qu’elle ne décide de se massacrer en transformant ses lèvres délicates en bec de canard w.c.) Et si libre, si gaie ! Pauvre Ugolin, gentil, simple, éperdument amoureux de la femme inaccessible ! Comme je compatissais ! Il ne faisait pas le poids face au jeune et bel instituteur Hyppolyte Girardot, sûr de lui et de son intelligence. Mais je me consolais en apprenant que dans la vie réelle, le vilain canard avait triomphé : Daniel Auteuil a épousé Emmanuelle Béart.
Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive
Elle court comme un ruisseau, que les enfants poursuivent
Courez, courez, vite si vous le pouvez
Jamais, jamais, vous ne la rattraperez.
Guy Béart a repris de vieilles chansons françaises, qui plaisent aux vieux comme ma mère :
« Mon amant me délaisse, o gué vive la rose ! Je ne sais pas pourquoi, vive la rose et le lilas, il va en voir une autre, o gué, vive la rose ! Ne sais s’il reviendra, vive la rose et le lilas. »
« Sur le pont de Nantes, un bal y est donné, la belle Hélène voudrait bien y aller, ma mère, m’y laisserez-vous y aller ? Non non ma fille, vous n’irez point danser »
Les enfants apprécient aussi les chansons de Guy Béart pour leur aspect conte d’apprentissage. On leur apprend souvent à l’école, ou en colo, au coin du feu. Comme par exemple : les souliers que j’aimais bien chanter :
« Dans la neige, il y avait deux souliers, deux souliers, dans la neige, qui étaient oubliés. Passe un homme, qui marche à grands pas, à grands pas, passe un homme qui ne les voit pas. Une femme qui regarde mieux, une femme n’en croit pas ses yeux. Combien d’hommes qui passent sans voir ? Combien d’hommes qui n’ont pas d’espoir ? Quelle chance, je suis arrivé ! Quelle chance, je les ai trouvés ! J’ai couru nu-pieds tant de chemins, j’ai couru, je les prends dans ma main. Je les chauffe, ils sont encore froids, je les chauffe, je les garde sur moi. Ô miracle, les petits souliers, ô miracle, sont juste à mon pied ! Dans la neige, ils m’étaient promis, dans la neige, je cherche une amie. »
En apprenant le décès de Guy Béart, j’ai envoyé le traditionnel sms à mon frère :
« T’as vu qui est mort ?
- Oui, je ne passerai pas voir la mère aujourd’hui, elle va me chanter tout le répertoire… »
Ce que je me suis empressée de faire jeudi à mon collègue des chansons :
« Viens ! C’est la fête en semaine, viens ! Je t’attends tu ne sais plus rien ! Plus rien ne nous sépare, viens !
- Justement je suis bien content de quitter ce boulot ! Plus de chansons à subir ! Oh oui « c’est l’espérance folle ! »
- Maintenant que tu vis, à l’autre bout de Paris, quand tu veux changer d’âge, tu t’offres un long voyage, tu viens me dire bonjour au coin de la rue du four, tu viens me visiter, à saint Germain des prés
- Ah mais Il n'y a plus d'après !! Je suis pas maso !!!
- Petit à petit tout s’effiloche, tout finit, je ne reçois plus que des taloches de la vie…
- oui, c’est ça !
- Mais demain je recommence ! mais demain je vais retrouver ma chance, c’est certain, j’ai gardé comme une flamme, qui éclaire un peu mon âme, j’ai craqué une allumette dans ma tête !
- C’est sûr t’es bien cramée !! »
Il rouspète mais je sais très bien que mes chansons vont lui manquer. Comme manquera Guy Béart à la chanson française :
La mort c’est une blague
La même vague nous baigne toujours
Et cet oiseau qui passe porte la trace d’étranges amours.
Quiz On connaît la chanson, retrouvez 9 titres dans le texte.
23:57 Publié dans La rubrique nécrologique, On connaît la chanson | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : guy béart, manon des sources, musique, chanson française | | Facebook
17/09/2015
Highasakite, complètement perché
Les vendeurs ne connaissaient pas quand j’ai bredouillé :
« Je cherche l’album Silent treatment de « i gaz a quitte »
- Hein ?
- I gaz a qui thé ?
- Meuh ?
- Aïe azeu cat ? »
En fait on prononce à l’anglaise (donc je ne sais toujours pas comment) « high as a kite », qui signifie planer comme un cerf-volant. Mais moi je ne sais pas conduire, pas même un cerveau lent.
J’ai découvert ce groupe norvégien à travers l’émission Tracks d’Arte qui diffusait un concert. Les tambours, le cithare et les hululements de la chanteuse me donnent envie de danser autour d’un feu en tunique d’indienne, des plumes dans les cheveux, en chantant à pleins poumons. Ce que je ne peux pas faire dans mon appart de Paris, mais à la cambrousse, en tournant autour de la table du salon (j’ai 8 ans). Pendant que j'effectuais ma danse de la pluie en martelant le rythme des percussions sur mes cuisses, ma mère qui parle tout le temps m’a évoqué le énième mort du village que je ne connais même pas, comme si c’était tout à fait normal, comme si elle n’interrompait pas un spectacle magique. En revanche le chat me regardait tourner du haut de son perchoir avec curiosité ("ces humains sont décidément timbrés").
Contrairement au nom du groupe, les paroles ne volent pas très haut. Certainement conscients de leur pauvreté, les musiciens n’ont inscrit qu’une seule phrase de chaque chanson dans le livret du CD Silent treatment, une phrase qui revient en général en boucle.
Par exemple cette mélodie, qui m’inspire une danse joyeuse, innocente et enfantine, mais où la chanteuse évoque son désir de partir en… Iran. Mais oui quelle bonne idée, dans ce pays de la liberté comme dirait Marjane Satrapi ! « it’s common sense, a moral stand, but if I can choose, i go to Iran, I bring some booze and go on a bender, and I’ll be friend a married man » En gros : « j’amènerai du ricard et j’irai me pochtronner avec un homme marié » Finalement, le groupe mérite bien son nom de « complètement perché ».
Ou encore cette chanson, Leaving no traces, qui me laisse imaginer un indien sillonnant la crête des montagnes sur son cheval, l’horizon à perte de vue, un sentiment de liberté indomptable... Mais qui parle en fait de fille tirée par les cheveux et traînée dans les escaliers, puis de guerre nucléaire ou je ne sais quoi… comme dans la chanson Hiroshima.
Au lieu de fumer la moquette, vaudrait mieux fumer le calumet de la paix. (mais pas trop non plus, vu les yeux défoncés de la chanteuse sur la pochette de l'album)
Pour le concert au Trianon, Highasakite a commencé par la première chanson de Silent treatment, un air planant mais calme, aux paroles toujours très recherchées : « lover, where do you live ? In the sky, in the clouds, in the ocean ? » dans ton c ! La chanteuse ne portait pas des mocassins à franges mais des espèces d’énormes baskets-bottes de neige. Elle avait l’air d’avoir 17 ans, pourtant dans les clips elle en paraît le double. Elle ne parcourait pas la scène à cheval et ne lançait pas de flèches sur le public, mais restait assez statique et timide.
Une qui était complètement déchaînée par contre, c’est la chanteuse du groupe islandais qui suivait, Of monsters and men. Elle est carrément descendue dans la fosse pour danser avec le public. Le guitariste mettait également beaucoup d’ambiance en nous encourageant à taper dans nos mains, à chanter les refrains… Comme sur Little talks, leur chanson la plus connue : « Don’t listen to a word I say, Hey ! »
La petite salle du Trianon et les jeux de lumière renforçaient ce sentiment de communauté. L’un des meilleurs concerts que j’ai jamais faits. Bonne nouvelle, Of monsters and men repasse en concert à Paris en novembre !
12:00 Publié dans On connaît la chanson | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, concert | | Facebook
15/09/2015
Visite guidée du Panthéon
J’avais déjà vu ce monument toute seule comme une grande : « mouaif, c’est des tombes quoi, puis qu’est-ce qu’il caille ici » Mais la visite guidée est passionnante, le guide alerte et drôle. Il nous révèle plein d’anecdotes significatives, que je m’étais promis de noter très vite pour ne pas les oublier. Ca fait donc déjà deux mois et je n’ai pas tout retenu :
Le panthéon servait d’abord d’église, puis d’édifice à la gloire de Napoléon, puis en l’honneur de la révolution française et de la laïcité (on vire sainte Geneviève), pour redevenir un édifice religieux (ah ben on va remettre la sainte finalement). Pour demeurer enfin le Panthéon, où l’on inhume les grands personnages ayant marqué la France. Comme Voltaire, Victor Hugo, Zola, Pierre et Marie Curie, Jean Moulin et 4 autres résistants depuis cette année.
Seules 4 femmes (deux justement dans la dernière fournée) sont enterrées au Panthéon, contre 74 hommes, dont le valet de chambre de je ne sais plus qui. « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » : parce qu’il le vaut bien : il a vidé des pots de chambre !
Certains ont été transférés au panthéon un peu vite, avant qu’on se rende compte qu’ils n’étaient pas vraiment des enfants de chœur indispensables à la nation et qu’on les enlève, l’air de rien. Par exemple Mirabeau, vanté comme un homme formidable au service de la révolution, avant qu’on s’aperçoive qu’il magouillait avec le roi pour restaurer la monarchie. Ça fait tâche.
Certaines familles n’ont pas voulu que les corps soient transposés au Panthéon, par exemple celle de Camus, dont Sarkozy avait pourtant annoncé dans les médias le transfert imminent. D’autres ont trouvé un compromis : on fait moitié-moitié : je garde le corps, tu gardes le cœur. Qui veut un bras ? c’est cadeau !
Et plein d’autres anecdotes savoureuses et significatives sur les différentes époques, les récupérations et enjeux politiques... A voir !
08:00 Publié dans Je suis culturée | Lien permanent | Commentaires (2) | | Facebook
13/09/2015
David Bowie à la Philharmonie de Paris
Pas en concert hein, ne vous précipitez pas pour acheter vos billets. Juste une expo sur lui. Ne cherchez pas à y aller : c'était jusqu'en juin, mémé et son éternel train de retard... Consolez-vous, vous n'avez rien raté.
Déception pour cette expo très attendue. On porte un casque, dans lequel on entend divers extraits d’interview, en v.o non traduite. Mémé parle anglais comme une vache espagnole, donc je ne comprends pas tout. Je lis tranquillement des articles de journaux, qui me demandent des efforts de concentration, car il ne peut pas être né en France et avoir des documents rédigés en français comme tout le monde ? Ajouté à ça j’ai Bowie qui me baragouine dans les oreilles : trop d’infos pour mon petit cerveau. Plus tard je passe devant un écran, et je comprends qu’en fait j’avais déclenché la bande son d’un documentaire, et que le même discours revenait en boucle dans le casque …
Beaucoup de confusion, confirmée dans la salle principale, où tout est mélangé. Des chansons diffusées dans la salle, et d’autres en même temps dans le casque ! Ils veulent nous rendre schizo ou quoi ? D’intéressants costumes de scènes excentriques sont mêlés à des objets anodins (un mouchoir en papier sur lequel Bowie a essuyé son rouge à lèvres après un concert, euh ?) On sent qu'ils n'avaient pas beaucoup de documents pour l'enfance et les débuts du musicien, manque qu'ils comblent comme ils peuvent avec des coupures de journaux anecdotiques.
De plus, je ne connais pas autant ce chanteur que les Beatles, pourtant cette exposition ne m’a pas appris grand-chose…
- Jean-Paul Gaultier, Grand palais
Encore des costumes excentriques. 130 vêtements « qui restent toujours dans le bon goût et la décence » selon un panneau explicatif. Euh, le pantalon de mec avec une tête de tigre sur l’entrejambe ? Les corsets aux seins comme des obus ? Puis on en rencontre souvent dans la rue, c’est délicat et discret, « ça va avec tout » parfait pour se rendre au bureau. Je préfère sa marinière classique, mais c’était très sympa de voir ses costumes extravagants et immettables (à moins de s’appeler Madonna ou Mylène Farmer, pour lesquelles Gaultier a confectionné des tenues de scène). J’étais quand même bien contente de ne pas payer (13 euros !) et de subir la longue file d’attente (une heure !)
Demain, suite des expos avec une visite du Panthéon qui m'a enchantée
08:00 Publié dans Je suis culturée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david bowie, expositions paris | | Facebook