28/11/2020
Les pires collègues
Suite de la comparaison entre Emily in Paris et Papillote in Paris:
J'ai eu le malheur de quitter ce job génial (relire ici) pour tenter ma chance à Paris. Je me suis retrouvée à bosser pour un magazine féminin, avec des filles aussi hautaines et peu sympas que la cheffe d'Emily. Dans la série, l'héroïne propose à ses collègues de déjeuner ensemble. Chacun prétexte une excuse pour décliner, mais ils se rendent tous ensemble sans elle au restaurant.
Pour moi, c'était pareil. L'été, j'allais manger seule mon sandwich dans le parc comme Emily, l'hiver, je réchauffais mon tupperware au micro-ondes dans la petite salle de pause, pendant que mes collègues se rendaient chaque midi au restaurant et revenaient en gloussant. Mon seul réconfort est venu d'un correcteur, qui a ma énième blague non comprise par les pouffes sans référence, s'est retourné vers moi pour me dire, je me souviens mot pour mot : "mais qu'est ce que tu fais ici, au milieu de ces pintades décérébrées ! T'as un cerveau toi ! t'es intelligente, drôle, fine ! pourquoi tu ne postules pas pour un vrai journal ?"
Comme Emily, les pintades aussi me trouvaient plouc, parce que les premiers jours de travail, on m'a demandé de couvrir un nouveau produit que lançait l'auréole parce que je ne le vaux pas. La promotion se déroulait dans un palace de l'avenue Montaigne, et j'ai demandé innocemment où c'était. Les pouffes ont pouffé, chose qu'elles savaient le mieux faire, et j'ai entendu ensuite les décolorées reparler de ce dialogue en me traitant de "plouc". Oui, je ne connaissais pas encore l'avenue Montaigne, la plus cotée de Paris, avec ses boutiques de luxe, ses palaces donnant sur la tour Eiffel (vue qui m'impressionne peu, je préfère un beau paysage de nature.) Je débarquais de Lyon, donc de la province, donc de la cambrousse pour eux. (Je suis née et j'ai vécu à Lyon hein, 2ème ville de France, même pas en banlieue ou une ville à côté ! Mais tout ce qui n'est pas parisien est "plouc".)
Le pire du mépris, je l'ai rencontré pendant ma longue période de chômage. Inscrite en intérim, je me suis ironiquement retrouvée à bosser pour l'une des marques qui, quand j'étais journaliste, me cirait les bottes, m'invitait à des réceptions chics, me couvrait de cadeaux pour obtenir un article, une pub. Là, je ne faisais qu'un travail de subalterne, de la mise sous pli. C'est tout ce que j'avais trouvé, après 6 mois de chômage non payé suite à un bug informatique de pôle emploi. Pour ce travail, les collègues n'ont pas jugé utile de me céder un bureau. Ni même une chaise. J'ai travaillé assise par terre, à leurs pieds, comme un chien. Ils m'enjambaient en pestant pour pouvoir passer, comme certains évitent un clodo devant l'entrée du monop'.
Les collègues parlaient à côté de moi, sans jamais m'inclure dans leurs conversations, comme si je n'étais pas là. Pourtant, ils évoquaient souvent des films et séries qu'ils avaient vu la veille, et dans les temps anciens, j'étais journaliste ciné, étudiante en cinéma bac +5 et major de promo, mais pour eux, comme désormais, je ne faisais que de la mise sous pli, ma parole ne valait rien. Tous les midis, ils débattaient longuement pour savoir dans quel resto ils allaient manger cette fois-ci "sushi ? ah non on en a déjà fait un mardi!" Quand j'ai demandé naïvement le premier jour si je pouvais les accompagner, on m'a rétorqué qu'il y avait "des distributeurs de sandwichs dans la salle de pause".
Parce qu'ils représentaient des marques de luxe, ils se croyaient au-dessus des autres, comme si leur produit déteignait sur eux. Comme les collègues de la série.
Donc non, Emily in Paris n'est pas si cliché, j'ai connu pire !
à suivre...
16:23 Publié dans On connaît la série, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : comment supporter ses collègues, travail, pôle emploi, série, emily in paris | | Facebook
26/11/2020
Emily in Paris et les Français glandeurs
Lire le début ici.
Emily débarque dans une agence de marketing de luxe. Les employés sont hautains, la traitent de plouc, commencent à bosser à 10 heures 30 et prennent 3 heures de pause déjeuner à midi. Quand elle essaie de leur imposer une charte de travail américaine, avec des horaires de travail stricts, son collègue lui rétorque "qu'en France, on ne vit pas pour travailler comme les Américains, mais on travaille pour vivre."
J'ai bossé avec des journalistes, des gens de la com et du marketing, et certains ressemblaient à ceux de la série : méprisants, superficiels et glandeurs. Par exemple, dans mon journal, on arrivait à 10 heures. Je lisais l'édition du jour, vérifiant au passage si mes articles avaient été tronqués. Après ma lecture, chacun se rendait à un déjeuner de presse, tout simplement une marque qui offrait un repas somptueux aux journalistes en échange d'un article sur leur produit : c'est à dire une pub. Les déjeuners se déroulaient dans les meilleurs restos de la ville, les plus réputés, les plus chers, aux mets les plus savoureux, et se prolongeaient pendant 3 heures, copieusement arrosés. Je rentrais à la rédaction éméchée vers 16h. J'écrivais mes publi reportages mes articles d'investigation en attendant les prochaines sorties, invitations à des cocktails de promotion le soir, où l'on me couvrait à nouveau d'alcool, de foie gras et de cadeaux.
J'étais épatée par tant de luxe et de chance, mais comble de l'indécence : les journalistes se plaignaient qu'en échange de leur annonce publicitaire, "avant, on leur offrait des vacances d'une semaine". Ils se remémoraient leurs meilleurs souvenirs : "tu te rappelles le séjour en Afrique au club med ?" "et les 15 jours avec les miss France à Tahiti ?" tout se perd, maintenant on a juste le droit à un pauvre déjeuner..."
J'étais estomaquée et quand je protestais qu'on était déjà bien privilégiés, ils riaient de mon innocence (je débutais dans le métier).
Ensuite, j'ai eu le malheur de quitter ce job génial pour tenter ma chance à Paris. Je me suis retrouvée à bosser dans un magazine féminin, avec des filles aussi hautaines et peu sympas que la cheffe dans la série Emily in Paris...
à suivre...
18:08 Publié dans On connaît la série, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : série, travail | | Facebook
24/11/2020
Emily in Paris, une série pleine de clichés ?
Une jeune Américaine remplace au pied levé sa collègue pour un job inattendu : partir à Paris aider une agence de marketing française en difficulté à retrouver du succès. Emily est ravie de cette opportunité de découvrir la ville romantique tant vantée. Mais elle ne parle pas un mot de notre langue, et ses méthodes américaines et son style vestimentaire se heurtent à la mentalité de ses nouveaux collègues. Emily aura bien du mal à apprivoiser les Français, dont son joli voisin...
Un tel pitch rend inévitable les clichés. La foudre des Parisiens s'est abattue sur la série. Avec cette héroïne tête à claques au possible, ses gloussements hystériques devant chaque monument, ses photos en bouche de canard wc sur son instagram affichant ses moindres faits et gestes, (elle se prend en photo avec sa boulangère !) ses tenues improbables voyantes et vulgaires, j'ai pensé qu'effectivement, j'allais détester cette série. Je ne voulais donc pas la regarder, mais ce week-end, après une nuit d'insomnie, je ne pouvais rien faire d'autre que glander devant un truc pas compliqué. Est-ce la fatigue qui m'a lavé le cerveau, ou de m'attendre à un scénario nul ? En tout cas, je n'ai pas trouvé Emily in Paris si catastrophique, ni si cliché. La série est agréable à regarder et ne mérite pas autant de moqueries.
Critique qui revient le plus souvent, Emily habite une chambre de bonne beaucoup trop grande, avec une jolie vue sur une place. Un logement qu'elle trouve immédiatement alors que normalement il lui faudrait 2 garants gagnants 3 fois le loyer, après avoir poireauté 3 heures dans le hall pour visiter l'appart avec 30 autres étudiants.
L'héroïne obtient le logement rapidement, sans souci pour le payer, puisqu'il me semble que c'est un logement de fonction. Sinon, oui, cette chambre de bonne paraît bien vaste. Un collègue nouveau venu à Paris en habitait une sous les toits : 12 mètres carrés, une étuve en été et un loyer bien trop élevé (650 euros). Mais dans un immeuble aussi chic que dans la série, sur les quais de l'île de la cité, avec une vue imprenable sur la Seine, donc encore plus belle que celle d'Emily in Paris. Car comme l'explique l'agent immobilier qui fait visiter l'appartement à l'héroïne, les pièces sous les toits logeaient les domestiques servant leurs maîtres des étages du dessous (le premier étage étant réservé aux commerçants). Donc qui dit chambre de bonne, dit aussi vieil immeuble bourgeois en centre-ville bien situé.
L'immeuble est vieux, donc vétuste, avec la plomberie et l'électricité défaillantes. Emily fait sauter les plombs en branchant son vibromasseur. L'eau est coupée en pleine douche (ce qui lui donne l'occasion d'aller en prendre une chez son voisin super sexy, mais quel heureux hasard !) Le monologue du plombier sent le vécu "il manque une pièce qui n'est plus compatible et plus fabriquée, va falloir attendre des jours".
Ses faits moqués dans Emily in Paris ne sont pas si exagérés : j'ai vécu pire.
J'habite moi aussi un vieil immeuble haussmannien, aux tuyaux usagés, et les fuites d'eau sont monnaie courante. Le plafond de ma cuisine s'est effondré (je n'étais pas là) sous le poids d'une énième inondation. Lorsqu'on ouvre un robinet d'eau chaude, les tuyaux sonnent comme des cornes de brume (toujours sympa d'être réveillée en sursaut à 4 h du matin quand le voisin se lève pour aller au WC). Lorsque mon cumulus a rendu l'âme en plein hiver, j'ai attendu un mois entier que le plombier daigne se déplacer, en me contentant de casseroles d'eau réchauffées (je n'ai pas de baignoire, ma salle de bains/wc fait 1 mètre de large pour 2 mètres de long).
Un hiver particulièrement virulent, j'ai eu l'audace d'oser allumer les deux radiateurs de l'appartement : l'électricité a sauté immédiatement. Les jours de grand froid, l'électricité saute systématiquement dans toute la rue, car trop de monde augmente le chauffage simultanément. Pour éviter ces désagréments, je fais des économies : je porte en ce moment un sous-pull, un pull, plus un peignoir et je me couvre d'un plaid. Alors pour moi, les désagréments que rencontre Emily dans son appartement parisien sont crédibles.
Autres clichés reprochés à la série :
Dans l'agence marketing de luxe, les employés sont hautains, prennent Emily pour une plouc, commencent à bosser à 10 heures 30 et prennent 3 heures de pause déjeuner à midi. Quand elle essaie de leur imposer une charte de travail américaine, avec des horaires stricts, son collègue lui rétorque qu'en "France, on ne vit pas pour travailler comme les Américains, mais on travaille pour vivre. "
J'ai bossé avec des journalistes, des gens de la com et du marketing, et certains beaucoup ressemblaient à ceux de la série : méprisants, superficiels et glandeurs. Par exemple, dans mon journal...
à suivre...
19:18 Publié dans On connaît la série | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : séries, emily in paris | | Facebook
17/11/2020
Nobody told me
A part "tiens tout a changé ce matin, je n'y comprends rien" j'ai aussi souvent en tête depuis le confinement "noboby told me there'd be days like these". Je vous livre donc une parodie des paroles de John Lennon. Attention, vous allez être subjugué par mon talent inné pour les rimes et le nombre de pieds. Je tiens le tube de l'hiver 2020. Poète, poète, pouet-pouet ouais!
Ecoutez la version originale de Nobody told me ici en lien. J'ai recopié la traduction sur le site coccinelle :
Everybody's talking and no one says a word
Tout le monde parle et personne ne dit un mot
Everybody's making love and no one really cares
Tout le monde fait l'amour et personne n'a vraiment d'affection
There's nazis in the bathroom just below the stairs
Il y a des nazis dans la salle de bains juste sous les escaliers
Always something happening and nothing going on
Il se passe toujours quelque chose et rien n'avance
There's always something cooking and nothing in the pot
Il y a toujours quelque chose en train de cuire et rien dans la casserole
They're starving back in China so finish what you got
Ils sont en train de crever de faim en Chine alors finis ton assiette
Nobody told me there'd be days like these
Personne ne m'a dit qu'il y aurait des jours comme ceux-ci
Strange days indeed
Des jours étranges à vrai dire
Ma version 2020 :
Tout le monde parle et personne ne dit un son
Tout le monde donne son avis et personne n'a la solution
Il y a Trump qui ne veut pas quitter la maison blanche
Il se passe toujours quelque chose et rien n'avance
il y a distance sociale mais on est serrés en classe
Ils crèvent à l'hôpital alors sois pas à la ramasse
Personne ne m'a dit qu'il y aurait des jours comme ça
Des jours étranges ma foi
Everybody's running and no one makes a move
Tout le monde court et personne ne bouge
Everyone's a winner and nothing left to lose
Tout le monde gagne et il n'y a plus rien à perdre
Everybody's flying and no one leaves the ground
Tout le monde vole et personne ne quitte le sol
Everybody's crying and no one makes a sound
Tout le monde pleure et personne ne fait de bruit
Nobody told me there'd be days like these
Tout le monde fait du jogging et personne ne bouge
Tout le monde est confiné mais personne respecte la loi
Il ya confinement mais on part de chez soi
Tout le monde sort bosser mais personne voit ses amis
Tout le monde veut lire mais personne peut acheter en librairie
Personne ne m'a dit qu'il y aurait des jours comme ceux-ci.
Everybody's smoking and no one's getting high
Tout le monde fume et personne ne plane
Everybody's flying and never touch the sky
Tout le monde vole et personne ne touche le ciel
There's a UFO over New York and I ain't too surprised
Il y a un OVNI au-dessus de New-York et je ne suis pas trop surpris
Tout le monde veut un vaccin mais personne veut se vacciner
Certains crient au complot avec un vaccin à la 5G
Il y aurait un OVNI au-dessus de Paris que je serais pas trop surpris
Personne ne m'a dit qu'il y aurait des jours comme ceux-ci.
16:08 Publié dans Con finement, On connaît la chanson | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confinement, coronavirus, shadoks | | Facebook
12/11/2020
Je fais de toi mon essentiel
"Comment s'en sortir sans sortir ? Lire des livres délivre." Pourtant le gouvernement a ordonné la fermeture des librairies. Un confinement suppose des restrictions, on ne pouvait pas laisser tous les commerces ouverts. Le problème est de s'accorder sur ceux qui obtiennent le sésame (les supermarchés ou au contraire, les petites boutiques comme en Espagne ?) Qu'allait-on supprimer ? L'accès aux coiffeurs, aux fleurs, au chocolat ? Quels produits sont considérés essentiels ?
Je fais de toi mon essentiel
Celle que j'aimerai plus que personne
Ma tartiflette
Les produits de beauté ont d'abord été jugés superflus. J'avais une pensée narquoise émue pour les mecs découvrant le vrai visage de leur copine sans artifice. Je n'utilise pas de maquillage, je suis naturellement belle. Non en réalité, c'est que je n'aime pas me maquiller, le fond de teint me colle comme du plâtre, quand je l'enlève, ma peau sensible brûle. J'ai l'impression de ressembler à un clown peint (et plutôt celui de Ca que Zavatta) et comme mes yeux pleurent à cause du vent/du froid/de la bêtise humaine/de la fin du Tombeau des lucioles-de Six feet under, le mascara coule et je me transforme en panda.
Le maquillage a finalement été rétabli, et l'accès aux livres, supprimé, jugé non essentiel.
"Nous vivons dans une société où beaucoup croient que les bibliothèques et autres activités culturelles sont d'une importance mineure. Comme si apprendre à penser était une chose qui se fait naturellement, comme apprendre à marcher. Apprendre à penser est la suite d'un travail acharné et d'un effort constant. Chaque jour, la lecture diminue et la pensée analytique aussi (...) La capacité à penser clairement et logiquement conduit à de bonnes décisions et je crois que la capacité de penser clairement augmente avec la capacité de lire." Stephen King, Le mal nécessaire. (dispo jusqu'au 21/12)
Beaucoup ont profité du premier confinement pour lire, loisir qu'ils ne prenaient pas le temps de faire auparavant. La fermeture des librairies a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Un pas de plus et on brûle les ouvrages comme dans Fahrenheit 451 !
La polémique était telle que le gouvernement a fait machine arrière. il a réautorisé les librairies, comme pour le maquillage ? Non, il a demandé aux grandes surfaces qui vendaient des livres de ne plus le faire.
Un peu comme un parent qui arbitre maladroitement un conflit entre ses mioches :
Avec l'un qui chouine "Pourquoi Gaston il a le droit de jouer à Mortal combat et pas moi !"
Et qu'au lieu d'expliquer "C'est parce qu'il est plus grand que toi !"
Le parent s'énerve "Eh bien puisque c'est comme ça, plus personne ne joue ! Je confisque la play station !"
On arrive donc à des situations ubuesques, où les grandes surfaces sont ouvertes, mais l'accès aux rayons des livres est interdit. Si l'on veut un livre, il faut faire la queue à l'accueil, le commander, pour le recevoir quelques jours plus tard dans ce même magasin.
Si le supermarché est déjà ouvert, je ne vois pas en quoi fermer des allées empêchera la propagation du virus. Au contraire, plus on cloisonne les gens dans un espace restreint, plus l'épidémie circule facilement. Lorsqu'on me colle trop dans les magasins, je me réfugie dans les allées où les gens ne viennent pas (à côté des choux de bruxelles).
Comme si le problème venait des livres et non de la propagation du virus.
Je ne suis pas la seule à m'étonner. A en croire les nombreuses réactions indignées contre la fermeture des petits commerces, les Français passeraient leur temps dans les librairies de quartiers et consommeraient les livres comme des pâtes ou du PQ. Ca me fait un peu penser aux nombreux téléspectateurs affirmant qu'Arte est leur chaîne préférée, alors que l'audimat les contredit.
Dans ma cambrousse, l'unique librairie du village a fini par fermer faute de clients. Les seuls accès aux livres restaient le supermarché, et désormais, internet seulement. Beaucoup estiment que les lecteurs se retourneront fatalement vers Amazon, mais moi je n'ai jamais rien acheté sur internet, je n'ai donc jamais utilisé ce site, je n'engraisse pas Jeff Bezos.
Ceux qui déplorent la fermeture des petites librairies sont souvent de grands consommateurs de livres. Sur internet, j'ai remarqué qu'ils aiment bien afficher leur PAL ( "Prêt à lire") et c'est un peu à celui qui en aura une plus grosse que celle du voisin. Ca me donne l'impression que le livre est plus un objet de consommation et de symbole d'érudition qu'un véritable outil de connaissance, car ces mêmes personnes se plaignent aussi de ne pas arriver au bout de leurs livres et d'en acheter de nouveaux alors qu'ils en ont encore non lus qui s'accumulent.
Je lis beaucoup de livres, mais j'en achète guère et ma bibliothèque est peu fournie. Les DVD, c'est encore pire : je n'en possède que 5, tous offerts, et pourtant je regarde un film par jour.
Evidemment je me désole pour les libraires, mais moi ce qui me perturbe surtout dans mon quotidien, c'est la fermeture des bibliothèques. Les livres, je ne les achète pas, je les emprunte. Ils coûtent chers, et quand on en lit un par semaine, ça représente une somme. De plus, je ne saurais pas où les placer dans mon 20 mètres carrés. Pour tenir jusqu'à la fin du confinement, il ne me reste que 2 livres, (Les nouvelles solitudes et les Narcisse de Marie-France Hirigoyen). Ils devraient me suffire pour la fin du confinement dans 2 semaines, mais quelque chose me dit que l'on ne sortira pas début décembre comme initialement prévu... Pas grave, je relirai les rares ouvrages que je possède, comme Idées noires de Franquin ou Le misanthrope de Molière !
18:36 Publié dans Con finement, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, confinement | | Facebook
10/11/2020
Fenêtre sur cour
Dans le film, James Stewart est contraint de rester chez lui à cause d'une jambe cassée. Il occupe son temps en épiant les voisins et se persuade qu'un crime a été commis dans l'immeuble d'en face.
Cloîtrée chez moi à cause du confinement, je me retrouve moi aussi à passer des heures à regarder par la fenêtre. Mais pas la mienne. Je regarde sur internet... d'autres fenêtres. Et même, ultime mise en abyme, je regarde des chats qui regardent par les fenêtres, en Russie, Argentine ou au Brésil. Sur ce site en lien, des gens du monde entier filment la vue depuis chez eux : jardin bucolique avec des écureuils qui mangent des noisettes dans le Missouri, des poules en Norvège, une biche en Pennsylvanie, la plage en Australie ou au Chili, dans le port d'Amsterdam ya des marins qui chantent et des bateaux qui passent. Beaucoup de fleurs, de belles vues qui dépaysent et invitent au rêve, accompagnées de sons reposants : les carillons qui tintent sur un balcon en Suisse, le bruit des vagues dans les Bermudes, les oiseaux qui pépient sur une mangeoire à Londres... Oui, je connais toutes les fenêtres du site, pour vous dire le temps que j'y passe.
Je pourrais rajouter la vue depuis ma fenêtre, mais ce serait un crime peu digne d'Hitchcock. Je provoquerais une vague de suicide collectif chez les visiteurs du site et le tourisme vers la capitale chuterait de 40 %. Mon appartement minuscule et sans soleil donne sur une rue grise et un immeuble hideux. Et depuis le deuxième confinement, un nouveau crime à mes yeux a été commis.
Au confinement de mars, un échafaudage et des travaux en suspens siégeaient sous ma fenêtre. Je me réjouissais de leur départ et pensais que je ne pourrais pas voir pire. Eh bien si. Depuis le début du deuxième confinement, un commerçant a garé son camion aux produits "non essentiels". L'engin est entièrement taggué de gribouillis infâmes, comme le mur mitoyen. Avant, ce dernier était rehaussé par un délicat ouvrage de Misstic, une peintre si appréciée que son oeuvre se retrouvait sur les timbres postaux et que des sorties touristiques sont organisées dans le quartier à la recherche de ses graffitis. (Comme Banksy, elle réalise des pochoirs, le plus souvent des femmes faisant des jeux de mots.)
Pourtant l'ignare syndic de l'immeuble d'en face a décidé de censurer l'artiste et de repeindre le mur en blanc.
La nuit même de ce crime, je suis réveillée par un autre encore plus odieux. Un bruit étrange, comme un crissement, accompagné d'une odeur de peinture. Je regarde à travers mes volets, comme James Stewart, et je vois deux jeunes à mèche écrire à la bombe leurs surnoms sur le mur, 5 ou 6 fois de suite, des fois qu'on ait pas compris comment ils s'appellent.
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur les murs et les camions
Débilité, j’écris ton nom.
Gribouiller son nom sur les murs et les camions, faudra m'expliquer l'intérêt; c'est un peu comme un chat qui pisse partout pour marquer son territoire. Puis l'écriture brouillonne et souvent truffée de fotes daurtaugrafe rappelle celle d'un enfant de 5 ans qui apprend à écrire maladroitement et est si content de savoir épeler les 3 lettres de son nom qu'il en couvre sa feuille de dessin. Un enfant, on lui pardonne. Quand il nous apporte le fruit de son labeur "regarde, c'est pour toi !" on fait semblant de s'extasier, on attend que le gosse ait oublié puis on planque le chef-d'oeuvre quand il a le dos tourné. Certains le jettent, mais je ne peux me résoudre à détruire un cadeau, telle Thérèse dans le Père noël est une ordure qui se force à manger les doubitchous "parce que c'est offert de bon coeur".
Mais gribouiller son nom et m'en imposer la vue tous les jours par ma fenêtre, c'est un crime, mes yeux saignent. L'affront a tenté d'être lavé par le passé, le mur et le camion ont été repeints, mais immédiatement tagués de nouveau, jusqu'à ce que les propriétaires jettent l'éponge, cas de le dire. Ainsi, privée d'une jolie vue, je me passionne pour celles des autres. En attendant d'en avoir une admirable aussi.
17:18 Publié dans Con finement | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook
07/11/2020
C'est la fête, encore
Tiens tout a changé ce matin
Je n'y comprends rien
C'est la fête, la fête
Relire le début ici et là.
Après 8 mois de pandémie et malgré sa progression, on s'y habitue et la banalise. Au premier confinement, la peur régnait, accentuée par les journaux télévisés qui chaque soir consacraient une "édition spéciale" sur le coronavirus et débutaient en donnant le nombre de décès du jour. Pour ce deuxième confinement, j'ai noté samedi dernier qu'au JT de france 2, le covid n'était abordé qu'à la 20ème minute et les statistiques brièvement, à la 25ème. On attendait la 2è vague comme prévu en novembre, qui était encore niée par certains récemment. Aujourd'hui on évoque déjà une 3è vague au printemps et d'autres qui se succèderont jusqu'en été ou la fin de l'année prochaine.
Depuis le temps qu'on en rêvait
Et qu'on en crevait
Elle est arrivée
C'est la fête, la fête
Depuis l'instauration du deuxième confinement, je remarque peu de changements. Toujours autant de monde dans ma rue, toujours autant de bruit, de voitures, de déplacements, et toujours pas de retour salutaire du chant des oiseaux.
Merde que ma ville est belle
Sans ces putains de camions
Plus de gazoil mais du gazon
Jusque sur le goudron
Je vois des voisins discuter entre eux sans masque, ou posés au parc avec leurs enfants, comme si de rien était. Pire, cette nuit, j'ai même entendu des groupes de jeunes faire la fête dans des appartements, confirmé par cet article.
Merde que ma ville est belle
Avec ces gosses qui jouent
Qui rigolent et qui cassent tout
Qui n'ont plus peur du loup !
Au point que j'ai vérifié si je ne m'étais pas trompée dans la date du confinement. Je sors bien avec mon attestation, calculant le temps et quittant à regret mes petits canards du parc pour être rentrée chez moi dans les délais. Mais contrairement à ma mésaventure du premier confinement raconté ici, je n'ai croisé aucun policier pour me contrôler.
Venez danser dans la rue
Ce n'est plus défendu
C'est la fête, la fête
En vérité je vous le dis, c'est le paradis
C'est la fête, la fête
En revanche, j'ai remarqué immédiatement deux caractéristiques du premier confinement : ceux qui se ruent dans les supermarchés pour acheter du PQ, et le retour des corona joggeurs, ceux qui ne courent que pendant le confinement. Retour à l'anormal.
C'est comme un grand coup de soleil
Un vent de folie
Rien n'est plus pareil aujourd'hui
On a les yeux écarquillés sur la liberté
Et la liberté
C'est la fête, la fête.
13:22 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confinement, coronavirus, cinéma | | Facebook
05/11/2020
C'est la fête, suite
Tiens tout a changé ce matin
Je n'y comprends rien
C'est la fête, la fête
Comme la plupart d'entre nous, j'ai attendu comme le messie la parole divine mercredi dernier : le discours de Macron, nous expliquant les nouvelles consignes.
C'est comme un grand coup de soleil, un vent de folie
Rien n'est plus pareil aujourd'hui
J'ai trouvé qu'il ne tentait pas de cacher la gravité de la situation, en employant des termes forts et alarmistes : "Bilan dramatique" "Pire que la première vague" "Pas assez de lits dans les hôpitaux, Tri entre les malades" "Si rien n'est fait, 400 000 morts dans quelques mois." "on va tous crever c'est horriiible branle-bas de combat sauve qui peut au secouuurs je déclare les Hunger games ouverts, puisse le sort vous être favorable."
Le monde mort et enterré a ressuscité
On peut plus respirer
C'est la fête, la fête
Le président n'y allait pas avec des pincettes, même s'il tournait autour du pot : bien 10 minutes avant qu'il crache sa pastille pour nous dire à quelle sauce on allait être mangé. Vu sa longue introduction qui nous préparait au pire (attaque de zombies ? Pénurie de chocolat ?) je m'attendais à des mesures encore plus strictes que la première fois (un confinement de 2 mois direct, toute personne vue le nez dehors abattue au lance-rocket sans sommation...)
Macron emploie enfin le mot confinement, ce qu'il n'avait pas fait pour le premier (voilà, on ressortira en 2023...) Et puis là, il annonce enfin les mesures : on continue de sortir pour aller travailler ou étudier.
M'enfin ? Il explique que c'est pire qu'avant, mais il assouplit le confinement ? Il précise que les jeunes propagent le virus, mais il laisse les écoles ouvertes ? (où il est compliqué d'aérer en plein mois de novembre, de faire respecter les distances dans les salles de classe, le masque dans la cour, encore moins à la cantine). Il précise que "jamais" il ne sacrifiera la santé à l'économie, mais ils nous laissent partir travailler, prendre les transports en communs bondés pour se rendre dans des bureaux en open space et côtoyer les collègues à la machine à café ?
En quoi ce confinement change du couvre-feu à 21 heures ? (j'apprends aujourd'hui avec la polémique du couvre-feu rétabli, annoncé puis démenti, que le couvre-feu était en fait annulé par le confinement. Décidément, rien n'est clair).
Il instaure un confinement d'un mois minimum, mais vu que le premier plus strict devait durer 15 jours et qu'on est resté cloîtré 55, à ce rythme-là, on n'est pas sorti de l'auberge et on fête noël en juillet comme préconise sérieusement une scientifique.
C'est la fête, la fête
Je tente une supposition : comme la population commence à être lassée des mesures restrictives, le gouvernement n'a peut-être pas voulu être trop sévère au début, pour pouvoir dire dans 15 jours, quand il réévaluera la situation : "voilà, je vous avais prévenu qu'on courait à la catastrophe et qu'il fallait faire attention, mais la pandémie a encore empirée. Vous n'avez pas été sages ! maintenant on est obligé d'être plus sévère et de vous punir au coin !" Il nous fait porter le chapeau, le bonnet d'âne.
Pourtant, la population n'est pas la seule à blâmer. Les entreprises aussi, qui n'instaurent pas autant qu'elles pourraient le télétravail, pourtant vivement encouragé. Dans mon boulot, on est 2000 mais mes collègues continuent d'aller bosser et la cantine reste ouverte.
Le gouvernement est critiqué aussi, qui n'a pas donné de consignes claires ou a tardé à les instaurer (nous inciter à partir en vacances à la Toussaint, pour 15 jours plus tard nous interdire de sortir à plus d'un km parce que le virus s'est propagé dans toute la France. Ne pas savoir quels commerces laisser ouverts, puis ne pas s'accorder sur les produits jugés essentiels -maquillage je m'en fiche, tant que vous me laissez ma raclette et mon chocolat...)
Le pain et le vin sont gratuits
Et les fleurs aussi
C'est la fête, la fête
Il est facile de critiquer, mais face à la nouveauté et à l'ampleur de l'épidémie, face aux avis contradictoires des "experts", il est difficile de prendre des décisions claires. Il faut maintenir l'éducation et l'économie, tout en étant confinés.
Ce flou nourrit la lassitude, la colère et la rébellion. Les consignes sont bien moins respectées. Partout autour de moi, j'entends la même réflexion : "j'ai porté mon masque, respecté les distances sociales, je suis peu sorti, mais je n'ai plus le droit d'aller voir mon copain / ma soeur/ mon chat ? Je dois juste faire "métro/boulot/dodo ? Si je veux éviter les transports bondés, je dois me taper une heure à pieds sous la pluie et le froid pour me rendre au travail ? Hors de question ! "
Plus de bruit, plus de fumée
Puisqu'on va tous à pieds
C'est la fête, la fête
à suivre...
19:14 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : confinement, coronavirus | | Facebook
04/11/2020
C'est la fête
Tiens tout a changé ce matin
Je n'y comprends rien
C'est la fête, la fête
J'ai cette chanson en tête depuis une semaine, en remplaçant malgré moi "c'est la fête" par "c'est la merde".
La veille de l'allocution de Macron, je fais mes courses du mois et je croise un gars qui veut me racketter ma raclette, raconté ici (notez l'allitération). Plus tard, comme j'ai oublié d'acheter un truc, je retourne rapidement dans la supérette en bas de chez moi. A l'intérieur du petit magasin je ne vois que 2 personnes, qui n'achètent qu'un seul produit : du papier toilette. C'est un signe : c'est la merde, c'est reparti comme en 40.
Les deux idolâtres du PQ parviennent en même temps à la caisse et se disputent pour passer en premier : "j'étais là avant ! Arrêtez de me coller, un mètre de distance !" Ils mettent plus de temps à s'invectiver qu'à payer leur précieux : ça valait le coup.
Je me rends ensuite à la pharmacie renouveler mes médicaments. En remarquant l'affiche "Plus de vaccins anti grippe" un vieillard baisse son masque pour s'adresser au pharmacien : "mais comment je vais faire ? je suis à risque !"
Son interlocuteur s'impatiente : "Oui vous vous plaignez tous, mais j'y peux rien, ya pénurie ! Et mettez votre masque !" avec un geste sur l'autre affiche, sur le port du masque, pourtant collée à celle du vaccin anti-grippe.
A chaque fois, je vois des gens qui baissent leur protection ainsi quand c'est à leur tour de parler. Pareil quand certains croisent des voisins qui les interpellent dans la rue. Ils cachent peut-être derrière leurs masques de la laine de verre, des parpaings isolants ou des bouts de fenêtre triple vitrage. Ou bien 12 couches de foulards et mouchoirs improvisés comme moi en avril, quand les masques n'étaient pas encore obligatoires (voire déconseillés!) et introuvables. Ou alors ils pensent que leurs interlocuteurs sont tous sourds et doivent lire sur les lèvres. C'est plutôt eux qui sont durs de la feuille et aveugle, à ne toujours pas comprendre les consignes d'hygiène pourtant répétées en long et en large partout depuis des mois et affichées sous leur nez comme des panneaux publicitaires clignotants à Times square...
Jeunes et vieux, grands et petits
On est tous amis
C'est la fête, la fête
Comme la plupart d'entre nous, j'ai attendu comme le messie la parole divine mercredi dernier : le discours de Macron, nous expliquant les nouvelles consignes.
C'est comme un grand coup de soleil, un vent de folie
Rien n'est plus pareil aujourd'hui
suite demain...
19:52 Publié dans Con finement, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : confinement, coronavirus | | Facebook
01/11/2020
Vous n'aurez pas un radis
Au pays d'Aragon, il y avait une fille qui aimait les glaces au citron et vanille
Au pays de Castille, il y avait un garçon qui vendait des glaces vanille et citron
Mais moi j'aime mieux les glaces au chocolat, poil aux bras.
Lundi, avant l'annonce du confinement, je pars en expédition en territoire hostile : le supermarché. Je déteste tellement faire les courses, et encore plus en cette période de pandémie, que je n'y vais qu'une fois par mois. Ce qui me motive cette fois-ci, ce n'est pas la prévision du confinement (je pensais qu'il arriverait mi-novembre, pas si vite) mais c'est le changement d'heure. Je dois faire des réserves de graisse pour rentrer en hibernation, donc acheter de la raclette, de la tartiflette, un kilo de noix et une douzaine de tablettes de chocolat.
La caissière me lance "bon courage" quand elle me voit repartir chargée comme une mule, avec mon sac à dos, mon énorme cabas carrefour (alors que je vais à lidl, quelle rebelle) et mon caddie à chats (pas dedans malheureusement, mais dessus, des dessins de chatons mignons.)
Sur le chemin du retour, je dois m'arrêter plusieurs fois car les anses des sacs cisaillent mes doigts et épaules. Dans la dernière montée, les consommateurs attablés à la terrasse du café (vous vous souvenez de ce que c'est ?) me regardent suer sang et eau en sirotant leur bière, sans proposer d'aide. La seule fois où un brave l'a fait 15 ans auparavant, je portais 12 litres d'eau et je l'ai bien vu regretter quand il s'est aperçu que j'habitais en réalité à 500 mètres, au 4e étage, avec l'ascenseur en panne ce jour-là. (depuis, je n'achète plus d'eau en bouteille). Pendant le premier confinement, mon sac à dos trop chargé s'est même ouvert. J'ai perdu ma nourriture sur le trajet comme le petit poucet sème les cailloux. Personne de tout ceux qui s'amusaient de me voir peiner ne me l'a signalé, je m'en suis rendue compte que le soir au dîner.
Puis ce jour-là, au moment le plus dur, en pleine ascension, un type m'arrête :
"Oh ma pauvre, vous voilà bien chargée !"
Enfin une âme charitable qui m'aide à porter ma croix ?
Il poursuit : "Vous n'auriez pas un truc salé à manger ?"
Ah, en fait il mendie. Pourquoi pas faire ma b.a. Je me souviens qu'en sortant d'une boulangerie, un homme m'avait déjà interpellée : "j'ai faim ! une p'tite pièce svp !" mais lorsque je lui avais tendu mon quignon de pain, il l'avait jeté par terre en maugréant qu'il voulait de l'argent. Un autre m'avait également abordée alors que je stationnais proche d'un macdo : "vous auriez pas un euro pour que je m'achète des frites ?" et il avait tellement insisté que j'avais cédé (l'argument "ce n'est pas bon pour la santé !" achetez du quinoa plutôt !" ne me semblait pas approprié). Je l'avais vu ensuite passer devant le fast-food sans s'arrêter.
Jamais 2 sans 3, le nouveau insiste : "un truc salé que je ferai réchauffer au foyer des (je sais plus qui)."
Un truc salé dans mes sacs de courses, je pense tout de suite à mon reblochon et mes 500 grammes de raclette, mais suis-je vraiment prête à retourner dans le magasin en acheter alors que je pensais être tranquille pour le mois entier ? Car évidemment, il est hors de question de renoncer à une raclette et une tartiflette. Ne me vient que plus tard à l'esprit : "qu'est ce qu'il ferait de tout ce fromage sans les patates et les lardons qui vont avec ?"
Il me voit cogiter et me donne des pistes : - Des cacahuètes, des chips sinon ? Des trucs à grignoter ?
Est-ce que j'ai une tête à manger ces cochonneries ? Tu crois que j'entretiens comment ce corps de bombasse ? à coups de raclette oui.
Je réponds : - Bah pour grignoter, j'ai 1 kg de noix à décortiquer... ou alors des carottes et du radis noir !
L'homme me regarde effaré, mais persiste : - une pizza surgelée ?
- C'est-à-dire que je n'achète pas de plats préparés, je cuisine tout moi-même...
Sur le coup je ne trouve même pas déplacé que l'homme me donne des exemples, comme s'il était au resto : "alors en entrée je prendrais la salade lyonnaise, mais vous remplacerez les lardons par des gésiers s'il vous plaît."
Comme preuve, j'entrouve mon gros sac : - Vous voyez, j'ai des carottes, un poireau, des patates pour faire une soupe...
L'air dépité : - Ah oui, vous mangez sain...
Il me tient la jambe, mais pas mes sacs. Je pensais qu'il demandait à manger en échange de son aide, mais même pas, et je peine à porter mes victuailles. Il espère peut-être que je plie sous leur poids et les lâche pour s'enfuir avec mon précieux reblochon ?
Je continue mon énumération : - Du céleri rave, une butternut...
- Je sais même pas ce que c'est ! L'homme commence à reculer.
- Des choux de bruxelles...
Des choux de bruxelles ! répète-t-il avec une mine de dégoût. J'entame alors ma promotion à la Cyril Lignac :
- Mais c'est délicieux, ce mélange gourmand croquant ! le petit chou qui croque, légèrement amer, compensé par la douceur et le salé des lardons... Je suis contente d'en avoir trouvé car plus personne n'en mange et l'année dernière j'ai pu en cuisiner que deux fois ! Puis...
Le gars reste pourtant insensible au charme des petits choux.
- Nan mais sinon, vous avez de la monnaie ?
- Je ne retire plus d'argent et je paie tout par carte depuis le covid
D'ailleurs je me rends compte ensuite qu'il ne porte pas de masque, mais s'il doit déjà lutter pour trouver à manger, c'est bien le cadet de ses soucis. Aujourd'hui que je reprends ce texte, ma carte bancaire ne fonctionne plus : elle doit être démagnétisée.
- Même des petites pièces jaunes ? Allez c'est sûr que vous en avez !
Pour vérifier, il faudrait que j'accède à ma poche, mais toutes mes mains sont prises par mes sacs. Il n'espère tout de même pas que réponde : "allez-y regardez vous même, servez-vous ! "
" Un ticket resto ?
- On a une cantine au boulot, qui d'ailleurs n'est pas mal car...
- Bon ben je vais vous laisser..."
Le mec insistant a fini par capituler face à une plus relou que lui. Il n'a pas eu un radis, ni ma raclette !
Ah! On en a des légumes !
Des carottes pis des naveaux, des betteraves pis des poireaux
Ah! oui on en a des beaux choux ! Des patates pis des tomates (cliquez sur la chanson rigolote en lien)
17:29 Publié dans Con finement, L'estomac sur pattes, On connaît la chanson | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chanson française, cuisine | | Facebook