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01/11/2020

Vous n'aurez pas un radis

gaston morue.jpgAu pays d'Aragon, il y avait une fille qui aimait les glaces au citron et vanille
Au pays de Castille, il y avait un garçon qui vendait des glaces vanille et citron
Mais moi j'aime mieux les glaces au chocolat, poil aux bras. 

Lundi, avant l'annonce du confinement, je pars en expédition en territoire hostile : le supermarché. Je déteste tellement faire les courses, et encore plus en cette période de pandémie, que je n'y vais qu'une fois par mois. Ce qui me motive cette fois-ci, ce n'est pas la prévision du confinement (je pensais qu'il arriverait mi-novembre, pas si vite) mais c'est le changement d'heure. Je dois faire des réserves de graisse pour rentrer en hibernation, donc acheter de la raclette, de la tartiflette, un kilo de noix et une douzaine de tablettes de chocolat.
La caissière me lance "bon courage" quand elle me voit repartir chargée comme une mule, avec mon sac à dos, mon énorme cabas carrefour (alors que je vais à lidl, quelle rebelle) et mon caddie à chats (pas dedans malheureusement, mais dessus, des dessins de chatons mignons.)
Sur le chemin du retour, je dois m'arrêter plusieurs fois car les anses des sacs cisaillent mes doigts et épaules. Dans la dernière montée, les consommateurs attablés à la terrasse du café (vous vous souvenez de ce que c'est ?) me regardent suer sang et eau en sirotant leur bière, sans proposer d'aide. La seule fois où un brave l'a fait 15 ans auparavant, je portais 12 litres d'eau et je l'ai bien vu regretter quand il s'est aperçu que j'habitais en réalité à 500 mètres, au 4e étage, avec l'ascenseur en panne ce jour-là. (depuis, je n'achète plus d'eau en bouteille). Pendant le premier confinement, mon sac à dos trop chargé s'est même ouvert. J'ai perdu ma nourriture sur le trajet comme le petit poucet sème les cailloux. Personne de tout ceux qui s'amusaient de me voir peiner ne me l'a signalé, je m'en suis rendue compte que le soir au dîner.

gaston crepes.jpgPuis ce jour-là, au moment le plus dur, en pleine ascension, un type m'arrête :
"Oh ma pauvre, vous voilà bien chargée !"
Enfin une âme charitable qui m'aide à porter ma croix ?
Il poursuit : "Vous n'auriez pas un truc salé à manger ?"

Ah, en fait il mendie. Pourquoi pas faire ma b.a. Je me souviens qu'en sortant d'une boulangerie, un homme m'avait déjà interpellée : "j'ai faim ! une p'tite pièce svp !" mais lorsque je lui avais tendu mon quignon de pain, il l'avait jeté par terre en maugréant qu'il voulait de l'argent. Un autre m'avait également abordée alors que je stationnais proche d'un macdo : "vous auriez pas un euro pour que je m'achète des frites ?" et il avait tellement insisté que j'avais cédé (l'argument  "ce n'est pas bon pour la santé !" achetez du quinoa plutôt !" ne me semblait pas approprié). Je l'avais vu ensuite passer devant le fast-food sans s'arrêter.

gaston crepes montgolfiere.jpgJamais 2 sans 3, le nouveau insiste : "un truc salé que je ferai réchauffer au foyer des (je sais plus qui)."
Un truc salé dans mes sacs de courses, je pense tout de suite à mon reblochon et mes 500 grammes de raclette, mais suis-je vraiment prête à retourner dans le magasin en acheter alors que je pensais être tranquille pour le mois entier ? Car évidemment, il est hors de question de renoncer à une raclette et une tartiflette. Ne me vient que plus tard à l'esprit : "qu'est ce qu'il ferait de tout ce fromage sans les patates et les lardons qui vont avec ?"

Il me voit cogiter et me donne des pistes : - Des cacahuètes, des chips sinon ? Des trucs à grignoter ?
Est-ce que j'ai une tête à manger ces cochonneries ? Tu crois que j'entretiens comment ce corps de bombasse ? à coups de raclette oui.
 Je réponds : - Bah pour grignoter, j'ai 1 kg de noix à décortiquer... ou alors des carottes et du radis noir !
L'homme me regarde effaré, mais persiste : - une pizza surgelée ?
- C'est-à-dire que je n'achète pas de plats préparés, je cuisine tout moi-même...

gaston saucisse abricot.jpgSur le coup je ne trouve même pas déplacé que l'homme me donne des exemples, comme s'il était au resto : "alors en entrée je prendrais la salade lyonnaise, mais vous remplacerez les lardons par des gésiers s'il vous plaît."

Comme preuve, j'entrouve mon gros sac : - Vous voyez, j'ai des carottes, un poireau, des patates pour faire une soupe... 
L'air dépité : - Ah oui, vous mangez sain... 

Il me tient la jambe, mais pas mes sacs. Je pensais qu'il demandait à manger en échange de son aide, mais même pas, et je peine à porter mes victuailles. Il espère peut-être que je plie sous leur poids et les lâche pour s'enfuir avec mon précieux reblochon ?
Je continue mon énumération : -  Du céleri rave, une butternut...
- Je sais même pas ce que c'est ! L'homme commence à reculer.
- Des choux de bruxelles...

gaston cuisine epouvante.jpgDes choux de bruxelles ! répète-t-il avec une mine de dégoût. J'entame alors ma promotion à la Cyril Lignac :
- Mais c'est délicieux, ce mélange gourmand croquant ! le petit chou qui croque, légèrement amer, compensé par la douceur et le salé des lardons... Je suis contente d'en avoir trouvé car plus personne n'en mange et l'année dernière j'ai pu en cuisiner que deux fois ! Puis...

Le gars reste pourtant insensible au charme des petits choux.
- Nan mais sinon, vous avez de la monnaie ?
- Je ne retire plus d'argent et je paie tout par carte depuis le covid
D'ailleurs je me rends compte ensuite qu'il ne porte pas de masque, mais s'il doit déjà lutter pour trouver à manger, c'est bien le cadet de ses soucis. Aujourd'hui que je reprends ce texte, ma carte bancaire ne fonctionne plus : elle doit être démagnétisée.

- Même des petites pièces jaunes ? Allez c'est sûr que vous en avez !
Pour vérifier, il faudrait que j'accède à ma poche, mais toutes mes mains sont prises par mes sacs. Il n'espère tout de même pas que réponde : "allez-y regardez vous même, servez-vous ! "
" Un ticket resto ?
- On a une cantine au boulot, qui d'ailleurs n'est pas mal car...
- Bon ben je vais vous laisser..."

Le mec insistant a fini par capituler face à une plus relou que lui. Il n'a pas eu un radis, ni ma raclette !

Ah! On en a des légumes !
Des carottes pis des naveaux, des betteraves pis des poireaux
Ah! oui on en a des beaux choux ! Des patates pis des tomates (cliquez sur la chanson rigolote en lien)

 

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Commentaires

Je donne souvent dans les transports en commun mais là j'avoue je pense pas que j'aurais tenu aussi longtemps, j'aurais tracé mon chemin (même si en disant ça je vois que c'était pas facile avec les sacs !)

Écrit par : Carole Nipette | 02/11/2020

oui d'habitude je ne m'attarde pas, mais là le mec m'a lancé sur la bouffe, mon sujet de prédilection :-D

Écrit par : Papillote | 02/11/2020

Les commentaires sont fermés.