31/03/2020
Kedi, le royaume des chats
En ces temps de confinement, je vous invite à revoir ce documentaire, ode à la liberté. On suit le parcours de 7 chats qui vont où bon leur semble dans Istanbul, font ce qu'ils veulent, et sont vénérés comme il se doit par les personnes qui les côtoient.
Grizou le gentleman tape à la vitre d'un restaurant quand il a décidé que c'était l'heure de manger. Les serveurs s'empressent de lui ramener son plat préféré. Psychopathe, la "mégère pas apprivoisée du tout" défonce la tête de son partenaire dès qu'il s'approche d'une autre chatte et terrorise même les chiens du quartier.
Le film est aussi émouvant que drôle. On est touché de voir qu'un dépressif retrouve une raison de vivre et de la tendresse en nourrissant les êtres abandonnés comme lui, ou que des gens modestes dépensent leur maigre paie dans les soins vétérinaires.
Plus qu'un simple documentaire sur les félins et Istanbul, Kedi interroge la relation quasi mystique entre chats et humains, et dévoile en filigrane un art de vivre ensemble (ce que ne connaissent pas mes voisins qui font de la corde à sauter à faire trembler les murs et le sol). On se réjouit de voir des types bourrus donner le biberon à des petits chatons abandonnés et à leur contact, devenir plus tendres, plus tolérants, en somme, plus humains.
Kedi est aussi une ode à la liberté, avec ces hommes qui admirent l'indépendance de ces chats errants. Il n'est pas anodin qu'à plusieurs reprises, les bestioles soient filmées devant des graffitis "erdo-gone".
Le royaume des rats n'aurait pas été aussi vendeur et attendrissant, forcément : "plongeons dans les égouts d'Istanbul à travers le portrait de Raclure, qui se délecte de déchets, de Ramassis, qui transporte la rage"...
Kedi le royaume des chats de Ceyda Torun, à voir en lien.
19:01 Publié dans Les gentils animaux, On connaît le documentaire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chats, documentaires | | Facebook
28/03/2020
J'ai testé pour vous : la méditation, fin
La thérapeute nous demande ensuite de nous remémorer un souvenir désagréable, et là en revanche, j'en ai plusieurs qui me viennent immédiatement en tête. Mon cœur s'accélère et mes muscles se tendent en revivant les traumatismes, et l'hypnotiseuse nous invite à superposer l'image de joie et à prendre de grandes inspirations pour atténuer l'angoisse. L'effet fonctionne relativement bien.
Nous sentant aware, la méditante passe un cap et nous parle cette fois-ci de nos êtres et de notre âme qui ne font qu'un avec les autres et avec l'univers. L'image du gourou qui parle aux elfes me revient et je n'ai pas envie de partager mes cellules avec les autres, merci bien on n'a pas gardé les vaches ensemble. Mais pour rester dans l'ambiance ("votre âme flotte dans l'espace") je me souviens que lorsque j'étais petite et que ma mère me forçait à aller me coucher au milieu du film, tout en écoutant le reste du Bebel depuis ma chambre, je m'imaginais que mon lit était un vaisseau spatial qui naviguait comme celui d'Ulysse 31, à travers les cieux, l'espace et le temps, et que si mon pied débordait de la couverture, il allait geler dans le vide intersidéral. Mon copilote, mon chat-adoré-de-ma-photo-de-profil, me réchauffait heureusement les petons et assurait la stabilité du vaisseau en restant fidèle au poste : collé en boule contre mes pieds, inconscient du danger (et si on croisait une météorite ?)
L’hypnotiseuse finit son discours par un gong sur un bol tibétain, oui oui, le gros cliché, mais en entendant le son, je vois une lumière se propager sous mes yeux. Ça y est, je suis illuminée, au sens propre ! Toute pensée quitte mon esprit, moi dont le cerveau surchauffe en permanence. Une sensation étrange, mais agréable. Au cours de la méditation, je sentais aussi comme des picotements sur la tête. Lorsque la thérapeute nous demande le bilan de la séance, elle en conclut que je dois être très sensible et qu'il est rare d'arriver à un tel niveau dès la première fois (j'en fais depuis quotidiennement seule chez moi, mais l'effet "d'illumination" ne s'est pas reproduit.)
Une autre participante semble aussi réceptive. Pendant la méditation, l'hypnotiseuse nous a demandé de nous concentrer sur quelqu'un de la salle, et spontanément, j'ai pensé à cette fille, en sentant qu'elle avait mal au dos (déduction logique vu sa position assise par terre). En réalité, on s'est tous focalisé sur sa personne. Elle confirme son malaise : "parce qu'on décharge sur elle nos ondes négatives". Elle se met alors à pleurer et à discourir bizarrement pendant que sa copine l'enlace pour la consoler, dans un grand élan mélodramatique et impudique. Oh là là. Si j'ai bien compris cette fille prenait des cours auprès de la thérapeute pour en devenir une à son tour, mais je crois qu'elle ferait mieux de changer de voie et d'aller plutôt s'isoler en ermite dans une grotte. Imaginez son patient à la fin de la séance
"merci, je me sens apaisée "
Mais qui doit réconforter sa thérapeute : "- et moi je suis vidée à cause de vous ! bouhouhouh"
Je capte aussi les ambiances quand je rentre dans un lieu et je sens intuitivement les gens, même si je le refoule ("ok elle a plein de défauts mais j'exagère peut-être... Et 6 mois après : "ah non en fait") Lorsque j'arrive à la salle de pause et que je perçois l'atmosphère à couper au couteau créée par les mégères, ben je me casse. Je préfère m'isoler avant de leur jeter à la gueule mon thé brûlant.
Les autre femmes portent un bilan mitigé, elles n'ont pas réussi à se concentrer (à part sur les aboiements du chien). Au final, je reste la plus satisfaite. Je ne renouvelle néanmoins pas l'expérience en groupe, car je suppose que j'ai bénéficié de la "chance du débutant". Depuis, les tarifs ont baissé, et là je constate qu'ils sont même carrément au bon vouloir des participants, "don conscient", comme un humoriste débutant payé au chapeau.
Depuis, j'ai pris comme bonne résolution 2020 de méditer quotidiennement, et je n'ai failli que deux jours. J'écoute des thérapeutes sur le net, selon leur voix. Ainsi le doux timbre de Christophe André m'endort parfois, tandis qu'un autre qui possède un accent du sud très prononcé est moins efficace. J'ai l'impression qu'après un "vous vous sentez apaisé" il va enchaîner par "putaing tu vas me l'acheter mon poisson peuchère, tu me fends le cœur !" Un autre insiste trop pour qu'on s'abonne à sa page pour lui rapporter des sous et je déteste ce côté marchand de tapis qui force la main. Une femme prend un ton de maîtresse d'école sévère qui me stresse à l'idée d'être punie : "tu vas dormir oui ! Ou tu feras 100 lignes !"
Certains proposent un "scan" du corps, en se focalisant sur chaque partie : "pensez à votre pied droit. à votre cheville. à votre genou." Je trouve l'exercice rébarbatif, et surtout, je me rend compte que j'ai mal partout, c'est plutôt déprimant. Je me déconcentre alors et ma chansonnite revient : "j'ai la rate qui s'dilate, j'ai le foie qui est pas droit" "Mon âne, mon âne, a bien mal à la tête. Madame lui a fait faire, un bonnet pour sa tête. Un bonnet pour sa tête. Une paire de lunettes bleues. Et des souliers lilas la la, et des souliers lilas !"
Une prochaine fois, je vous raconterai ma séance dans un temple zen (j'avais envie d'assommer le moine avec sa cloche).
19:02 Publié dans J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : méditation, christophe andré | | Facebook
26/03/2020
Parodie de journal des gueux, suite
Marie Darrieussecq, auteure de Truismes, Le bébé, Être ici est une splendeur et Il faut beaucoup aimer les hommes, nous livre son journal de vacances dans une maison de campagne.
Mercredi. Conseil de famille. Nos ados acceptent de se lever au plus tard à dix heures. Dans cette maison normalement de vacances, la consigne s'avère rude. Mais chacun retrouve du temps. Plus de trajets à l'école, d'accompagnement au sport, etc. J'aimerais qu'ils goûtent ce qui m'occupait tant, ici, enfant : l'ennui. Donc la rêverie. Empêchée par les écrans, dont la compagnie est pourtant si précieuse.
Dans l'immédiat, la petite joue de la guitare au sous-sol. J'ai un contrat avec elle : elle fera ce qu'elle voudra, mais lira trente pages par jour.
Deux biches broutent dans notre jardin en friche. Dans le ciel sans avion un milan fait des cercles… Les animaux sauvages profitent de l'absence des hommes.
Papillote, auteure de Truites, Le morveux, Être ici est un cauchemar et Il faut beaucoup aimer les chats, nous livre son journal de confinement dans un studio en ville.
Mercredi. Conseil à moi-même. J'accepte de me lever au plus tard à midi. Dans ce studio pourri, la consigne s'avère rude. Mais je retrouve du temps. Plus de travail, de promenade au parc, etc. Je goûte ce qui m'occupait tant, enfant : l'ennui. Donc la rêverie. Empêchée par les écrans qui relatent en boucle les mêmes infos sur l'épidémie, mais dont la compagnie est pourtant si précieuse.
Dans l'immédiat, le voisin joue de la guitare au-dessus. La voisine fait de la corde à sauter à faire trembler les murs, l'autre met son cours de yoga à fond. Je mets un contrat sur leur tête. Ils font ce qu'ils veulent, mais en silence.
Deux clodos se battent sur le trottoir dégueulasse. Je ne vois pas le ciel car j'habite le premier étage d'une rue étroite. J'aimerais bien que les animaux sauvages profitent de la quasi absence des hommes pour bouffer ceux qui restent encore à faire du jogging dans la rue.
Midi mon mari ce héros le plus beau n'existe toujours pas. Je me demande si les femmes, comme toujours dans les crises, ne vont pas en pâtir, les infirmières, les caissières en premières lignes, et ne vont pas faire tourner l'essentiel, la maison, la vie, l'hopital, le supermarché…
14 heures. Nous planquons au garage notre voiture immatriculée à Paris et prenons la vieille que nous gardons ici. Je sens qu'il n'est pas bon de rouler avec un 75 aux fesses…
Nous partons voir la mer. Elle bat, lourde, forte, indifférente. La plage est déserte. J'ai une vision de planète sans humains. L'hypothèse Gaia, un rééquilibrage de la planète par elle-même, la Terre comme entité globale qui compense l'action des humains (leurs antibiotiques aux poulets, leur surchauffe polluante, leur déforestation, leurs étals d'animaux morts…) par une sorte de surpuissance donnée à l'infiniment petit, le virus qui nous supprimerait, enfin je romance déjà, mon mari (ou des chercheurs comme Bruno Latour) vous l'expliquerait de façon plus carrée.
Quatre flics masqués contemplent les vagues avec mélancolie. Nous avons coché la case « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes ».
Alors pour m'aérer, je descends ma poubelle. Elle pue, lourde, fortement, indifférente. La minuscule cour intérieure goudronnée est déserte. J'ai une vision face au mur et au grillage qui le surplombe, d'être dans une cour de prison. Mais même un prisonnier a le droit de marcher dans un endroit plus grand et a plus de contacts humains, même si c'est avec des gardiens. Enfin, je romance déjà, mon mari (le plus fort qui sait tout qui n'existe pas) me raisonnerait.
Aucun flic pour empêcher les joggeurs, les cyclistes, les innombrables personnes dans ma rue. Je respecte les consignes et je ne sors pas de chez moi.
18:43 Publié dans Con finement, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : confinement, on va tous crever, comment supporter ses voisins | | Facebook
25/03/2020
Parodie de journal, suite
Marie Darrieussecq, auteure de Truismes, Le bébé, Être ici est une splendeur et Il faut beaucoup aimer les hommes, nous livre son journal de vacances dans une maison de campagne.
Lundi. Courte sieste au bout des 8 heures de route. Supermarché. J'appelle ma mère pour lui faire ses courses mais elle entend se débrouiller seule sur Internet.
Gants et masques. Les autres clients nous regardent avec stupeur. Mon mari est chercheur, son quotidien c'est l'invisible, les très petits corps, il y croit. Je me sens bien accompagnée. Mark Ruffalo dans Blindness, c'est lui. Un excellent film de pandémie, adapté d'un roman de Saramago. À quoi bon la science-fiction ? Eh bien, pour être prévenus.
Le discours de Macron refroidit mes ados, qui comprennent mieux notre départ.
Papillote, auteure de Truites, Le morveux, Être ici est un cauchemar et Il faut beaucoup aimer les chats, nous livre son journal de confinement dans un studio en ville.
Lundi. Courte nuit après 5 heures d'insomnie. J'appelle ma mère pour vérifier si elle n'est pas malade, vu que toute la famille autour d'elle l'était (en ne l'apprenant qu'après, puisque le gouvernement a décidé de ne pas généraliser les tests.) Elle me raconte qu'une association l'a contactée pour lui demander si elle avait besoin d'aide pour ses courses vu son âge. Elle a répondu que non, qu'elle se débrouillerait seule à pied (atteinte de cataracte, elle ne peut plus conduire). Je l'engueule. Quand j'étais ado, elle m'interdisait de sortir. Aujourd'hui, c'est l'inverse.
Supermarché. Sans gants ni masques, puisque pénurie, affichée devant les pharmacies. Une écri-vaine tape la discute au pauvre caissier, sans maintenir de distance de sécurité. Je la regarde avec stupeur. Mon mari c'est le meilleur, il sait tout sur tout, je crois en mon messie. Je me sens bien seule. L'homme invisible dans Hollow man, c'est lui. Un film de Verhoeven, vaguement inspiré de HG Wells. A quoi bon la science-fiction ? Eh bien, pour trouver une solution. Si on est invisible on pourra sortir sans attestation.
Le discours de Macron me consterne, il est peu compréhensible et contradictoire.
Mardi. Internet résiste à ma mère. Je peine pour lui remplir clic par clic un panier récalcitrant, je reste en « queue-it », de nouveaux mots idiots apparaissent, le site patine mais j'y parviens. Un numéro local s'affiche soudain sur mon téléphone : c'est le gérant, il me dit ne pas pouvoir grouper ses équipes pour remplir les cartons. Douceur paradoxale de constater qu'il y a des humains derrière les robots. Ma mère réinvente l'e-commerce en appelant l'épicerie de son village. D'un bout à l'autre du salon froid (elle n'a plus beaucoup de bois), la gestuelle de nos corps, leur distance, est modifiée.
14 heures, grâce à leurs profs, mes deux grands, en lycées publics, sont penchés sur leurs exercices… Comment font les élèves qui n'ont pas d'ordinateur ?
J'appelle une amie enceinte, c'est le cauchemar, l'arrivée d'un bébé en pleine crise sanitaire… Elle va l'allaiter pour ne pas dépendre des stocks.
Un ami adepte des rencontres rapides se lamente, lui, que Grindr soit à l'arrêt.
Au CNC où je préside l'avance sur recettes, nouvelles catastrophiques de films dont le tournage implose en vol. Tous nos copains du spectacle vivant sont aux abois. Et mes librairies chéries… L'idée qu'Amazon puisse s'engraisser encore de la crise me débecte. Je relis Hervé Guibert.
14 heures, j'envoie des messages à des copines pour savoir si elles vont bien et proposer qu'on se téléphone, elles me répondent qu'elles n'ont pas le temps car elles doivent faire l'école à la maison. Elles se rendent compte combien il est difficile d'être prof.
Ma mère m'a appris lundi que ma meilleure amie d'enfance est enceinte. Mais quel cauchemar, l'arrivée d'un bébé.
Je n'ai pas d'amis inscrits sur les sites de rencontre, mais j'aimerais bien qu'on me raconte les rendez-vous foireux, car les articles "tinder surprise" sont réservés aux abonnés du journal. Quand j'ai emprunté le bouquin du même nom, j'ai découvert qu'il n'était pas un recueil de témoignages, mais un roman d'une bobo qui raconte des rendez-vous imaginaires dans les bars branchés de Paris : peu d'intérêt.
Depuis que le dernier journal où je bossais a fait faillite, je n'ai plus de copains dans le monde du cinéma. Et ma bibliothèque chérie... L'idée qu'Amazon puisse s'engraisser encore de la crise me débecte. Je relis Naomi Klein.
à suivre...
16:26 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : confinement, on va tous crever, je vais tuer mes voisins | | Facebook
24/03/2020
Journal de confinement des gueux, suite
Papillote, auteure de Truites, Le morveux, Être ici est un cauchemar et Il faut beaucoup aimer les chats, nous livre son journal de confinement dans un studio en ville.
Dimanche. Je regarde depuis ma fenêtre les gens remplir leurs voitures en rigolant, comme s'ils partaient en vacances : ils désertent avant les annonces officielles, pour transporter le virus chez leurs vieux parents en campagne et hériter plus vite.
Dans la rue, premières tensions, les gens s'agglutinent devant les commerces. Tensions aussi quant au "choix" que j'ai fait de me cloîtrer seule dans mon studio ou de squatter dans ma famille, mais ma mère est âgée et mes frères qui travaillent dans le service public à 600 km d'ici sont infectés (et mes belles soeurs, mes neveux).
Une petite voix me dit, dans ma tête : "j'ai oublié d'écrire mon testament". Demi-tour, donc. Les images de films d'apocalypse me poursuivent...
à suivre...
17:29 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : confinement, on va tous crever | | Facebook
22/03/2020
Le doutage : journal de confinement des gueux
Le « Journal du confinement » de Leïla Slimani, jour 1 : « J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant » Leïla Slimani, Ecri - vaine.
Dans le premier article du journal qu’elle tiendra dans Le Monde, la romancière raconte sa sidération.
Le « Journal du confinement » de Papillote, jour 1 : « J’ai dit à mon ordi que c’était un peu comme dans Zombie » Papillote, blo - gueuse.
Dans le premier article du journal qu’elle tiendra dans Le cinéma de Papillote, la gueuse raconte sa dépression.
Jour 1. Cette nuit, je n’ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de ma chambre, j’ai regardé l’aube se lever sur les collines. L’herbe verglacée, les tilleuls sur les branches desquels apparaissent les premiers bourgeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis à la campagne, dans la maison où je passe tous mes week-ends depuis des années.
Pour éviter que mes enfants côtoient ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous nous sommes séparés, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrions. Ma mère est restée à Paris et nous sommes partis. D’habitude, nous remballons le dimanche soir. Les enfants pleurent, ils ne veulent pas que le week-end se finisse. Nous les portons, endormis, dans la cage d’escalier de notre immeuble. Mais ce dimanche, nous ne sommes pas rentrés. La France est confinée et nous restons ici.
Jour 1. Cette nuit, je n'ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de mon studio, j'ai regardé midi continuer sur la rue. Le trottoir dégueulasse, les échafaudages sur les branches desquels apparaissent les premières fientes de pigeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis encore à Paris, dans le 20 mètres carrés où je passe toutes mes journées depuis des années.
Pour éviter que je côtoie ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous avons continué à ne pas nous voir, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrons. Ma mère est restée dans sa cambrousse et je suis restée à Paris. D'habitude, je suis chez moi le dimanche soir. Je pleure, je ne veux pas que le week-end se finisse. Je me porte, déprimée, de la chaise de bureau au lit 40 cm à côté. Mais ce dimanche, je ne suis encore pas sortie. La France est confinée et je suis restée ici.
Tout s’est arrêté. Comme dans un jeu de chaises musicales. Le refrain s’est tu, il faut s’asseoir, ne plus bouger. Un, deux, trois, soleil. Tu as perdu, il faut recommencer. D’un coup, le manège a cessé de tourner.
Il y a une semaine, je faisais encore la promotion de mon dernier roman. Je me réjouissais de rencontrer des lecteurs dans les librairies de France. Certains disaient, « Je vous fais la bise, ça n’a jamais tué personne », et d’autres se moquaient de moi quand je refusais les selfies ou les poignées de main. « On ne va quand même pas croire à ces conneries », ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain.
Non non rien a changé, tout a continué. Le manège enchanté, tournicoti Tournicoton, moi je suis Pollux et je tournicote en rond.
Il y a une semaine, je faisais encore des examens pour ma dernière maladie. Je me réjouissais de rencontrer des docteurs dans mon hôpital parisien. Certains disaient "je ne vous serre pas la main, ça pourrait vous tuer" et d'autres se moquaient de moi quand je refusais les poignées de main: "c'est sûr qu'avec ce que vous avez et votre boulot, vous allez choper cette connerie !" ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain.
Nous sommes confinés. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. Il est 6 heures du matin, le jour pointe à peine, le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, le camélia a fleuri. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre son amoureux, en cachant son visage dans son cou quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction.
Nous sommes cons-finis. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. C'est une barbarité, je trouve ça tout à fait bouleversif. Je ne sais pas, je ne sais plus. Il est midi, le jour est bien entamé, il paraît que le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, l'échafaudage est désert. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être, enfin plus de travaux en permanence, plus de bruits insupportables. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre sa bouillotte, en cachant son visage sous la couette quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction.
J’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi et quand je suis en pleine écriture d’un roman, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon bureau. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Je sais rester en repos dans ma chambre. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement protégé. Le confinement ? Pour un écrivain, quelle aubaine !
J’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi parce que personne ne m'invite, et quand je suis en pleine écriture d’un roman que personne ne lira jamais, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon studio. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Mais je ne sais pas rester en repos dans ma chambre plus de 3 heures. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement contraint. Le confinement ? Pour un écrivain dans une grande maison en famille à la campagne, quelle aubaine ! Pour un nerveux hyperactif coincé seul dans un petit studio à Paris, quelle plaie !
Le doutage, un journal de confinement bouleversif, à suivre.
17:19 Publié dans Con finement, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : confinement, littérature, on va tous crever | | Facebook
20/03/2020
Epidémie de joggeurs dans Paris
Mon horoscope du jour : "Le climat est favorable pour les rencontres et pour les projets. Envie de voyager, de découvrir de nouvelles contrées ou de vous faire plaisir, aujourd'hui vous pouvez tout vous permettre. Vous avez besoin de changer d'air, en plus, cette période de printemps s'y prête tout à fait. Profitez donc de cette belle journée pour vous promener, si vous avez du temps devant vous."
Jour 4 de confinement, dans un studio de 20 mètres carrés. Pire, un F1, avec une grande cuisine et une deuxième pièce qui sert de salon/chambre/bureau/salle de sport. Je prépare mes plats moi-même, mais je découpe les légumes en regardant des documentaires, donc dans la deuxième pièce. Au final, je vis dans moins de 10 mètres carrés. Au premier étage d'un immeuble, avec les fenêtres qui donnent sur la rue moche et étroite, et les rayons de soleil qui ne pénètrent pas dans l'appartement.
Habituellement, je fais une heure de sport par jour (peu intensif : abdos, gainage etc, puis 2 séances + sportives par semaine : zumba, jumping jack...) + 1h de marche rapide par jour dans le parc, + un travail physique où je parcours de grandes distances à pied, monte des escaliers et porte des charges. Un collègue a ramené un podomètre et a calculé qu'il marchait, rien qu'au boulot, 12 km par jour. Bref, j'ai besoin de beaucoup bouger sinon je m'énerve et j'ai envie de buter les cons.
Autant vous dire que j'attendais la fin de mon arrêt maladie de 3 semaines qui m'empêchait de faire du sport, et le printemps, pour sortir de mon hibernation, gambader dans le parc, voir les fleurs et écouter les petits oiseaux. Sauf que comme beaucoup se sont promenés ce week-end alors qu'on était censés rester confinés (mais qu'on avait le droit de sortir voter, incompréhensible) je dois à nouveau rester cloîtrée. Et un mois, ça commence à faire long. Et aujourd'hui, je vois les rayons de soleil qui se reflètent dans les fenêtres de l'immeuble... d'en face.
Je lis qu'il est censé faire 20 degrés. Censé, car dans mon appart sans lumière, je porte toujours mon col roulé et mon plaid d'hiver. J'ai longtemps hésité, mais comme le gouvernement autorise "les déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique des personnes" J'ai décidé de sortir prendre le soleil en bas de la rue, sur l'esplanade avec des fleurs, à 200 mètres.
Ce serait vraiment pas de bol de croiser des flics et qu'ils trouvent mon argument invalide. Je sors avec mon ordonnance de kiné pour montrer que j'ai besoin de 50 séances de rééducation physique ? Mon médecin s'est trompé et a rédigé la prescription pour le patient d'avant. Un homme, de 30 ans de plus que moi, en fauteuil roulant : compliqué de me faire passer pour lui. Je sors en jogging baskets ? Je fais du sport, mais des mouvements cools adaptés à mémé. Courir, donc se péter les articulations, le dos et les genoux, moi : jamais.
Je sors donc de ma grotte, mon papier rédigé à la main en poche, avec manteau, écharpe et bonnet. Ah oui effectivement, il fait chaud dehors. Je croise des gens en T-shirt. Enfin, je croise : je change de trottoir pour ne pas les croiser. Tiens, la rue n'est pas si déserte. J'arrive sur l'esplanade. Je vois une femme avec son chien. Je lui souris avec envie de lui dire "vous avez une bonne excuse pour sortir !" mais je me tiens à bonne distance. Je ne vais pas crier, ni me rapprocher et lui faire peur, donc je me ravise, je ne lui parle pas. Situation bizarre. Je fais le tour du parterre de fleurs. 6 fois. Un homme fait pareil 10 mètres derrière moi. Comme des prisonniers qui ont le droit de sortir 20 minutes par jour tourner dans la cour sans se parler. Décidément, situation insolite. Je décide de poursuivre à côté. Et là...
Je vois des parents avec leurs gosses qui font du vélo. D'autres, un foot. Un homme est allongé sur un banc, à dormir au soleil. Un couple est assis côte à côte, un autre se promène main dans la main. 3 personnes discutent gaiement. Deux ont carrément ramené un poste de musique et dansent le tango. Deux font un tennis.
Euh... On est pas censé rester confinés, sortir exceptionnellement et se tenir à distance les uns des autres ? Je me promène quotidiennement (enfin, avant l'épidémie) depuis 13 ans ici. En semaine, habituellement, je ne croise quasiment personne, et surtout, peu de sportifs. Et là, je vois plus de monde dehors que d'habitude !!!
Le parc est fermé, et on se retrouve tous comme des cons agglutinés autour. Ce qui signifie qu'au lieu de se promener dans un grand espace, on fait le tour depuis un petit trottoir, à regarder derrière les barreaux l'intérieur du parc. Je dois slalomer entre les gens pour maintenir le périmètre de sécurité. Eux ne s'en préoccupent pas. Ubuesque.
En 20 minutes, je compte 6 personnes en vélo ("déplacement à proximité ?" en vélo ??) 18 joggeurs, 6 sur une trottinette, 4 jeunes qui font un foot, 2 qui dansent le tango, 2 qui jouent au tennis, 1 qui fait des squats, 1 des pompes. Avec de grands râles pour faire le cador qui accomplit un exploit surhumain. Ils ne peuvent pas faire leur gym chez eux comme moi ? Parce que là, comme ce sont des gens qui ne font habituellement pas de sport, ils soufflent comme des boeufs, courent en faisant la locomotive (tchou tchou), et même avec une distance de 3 mètres, le vent transporte leurs postillons.
Certains ne courent pas, mais hyper ventilent en remuant les bras comme pour s'étirer, font de grandes enjambées qui ressemblent à des squats... Bref, beaucoup font semblant. On a autorisé les sorties pour le jogging, et ils se sont soudain découverts une passion pour la course. Si Jacques avait dit : “vous avez le droit de sortir, pour faire la danse des canards par exemple” ils auraient tous quittés leur appart déguisés en Saturnin qui secouent le bas des reins. Le gouvernement aurait mieux fait de citer comme exemple de sortie “faire du bénévolat” ou autre action civique. On incite les gens à faire du sport, marcher au minimum 30 minutes par jour pour réduire l'obésité et les maladies cardio-vasculaires, ils ne suivent pas les recommandations. Mais quand on leur interdit de sortir pour ne pas propager l'épidémie, ils se transforment en grands sportifs. Pour sa prochaine allocution, je propose à Macron de dire exactement le contraire de ce qu’il souhaite pour l’obtenir : “sortez tous de chez vous ! toussez-vous tous dessus ! Un pour tousse, tousse pour un, c’est un ordre !”
Je peux faire madame Irma : vu le nombre de personnes dans les rues aujourd'hui, je prédis un confinement total pour les prochains jours. En tout cas moi demain, je reste dans mon trou.
17:56 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : coronavirus, on va tous crever, restez chez vous bordel | | Facebook
19/03/2020
Nous sommes en guerre
Jour 3 de confinement
Comme beaucoup, j'ai écouté le discours présidentiel lundi, et comme beaucoup, j'ai trouvé qu'il manquait de clarté. Macron a annoncé les règles du confinement, sans pourtant employer le mot. Pour ne pas affoler ? "Surtout ne cédez pas à la panique" mais il a répété 6 fois : "nous sommes en guerre" contre "un ennemi invisible".
Nos ancêtres ont combattu fusil à la main, à slalomer entre les obus, mais nous, on sauve la nation en se lavant les mains et en restant chez nous devant la télé. Ca devrait être plus facile. Je préfère tenir une télécommande qu'un fusil.
Une semaine en amont, le couple présidentiel incitait la population à se rendre au théâtre. Ensuite, à rester chez soi, mais quand même sortir pour aller voter. Les transports en commun sont maintenus. Puis Bribri s'est indignée de voir des gens se promener sur les quais, pendant qu'elle... se promenait sur les quais. Alors, comme on n'a pas été sages et qu'on n'a pas écouté le maître, on est maintenant punis au coin avec un bonnet d'âne. On est passé de "c'est rien, une simple grippe, pas de quoi s'affoler" à "50 à 70% de la population infectée, planquez-vous, sinon vous allez crever, on envoie 100 000 flics pour vous contrôler"
On peut sortir "pour faire de l'exercice physique, comme un jogging", ou bien pour les courses, ou promener son chien. Enfermée dans un studio minuscule avec vue sur la rue, où le soleil ne pénètre pas, j'ai besoin de prendre l'air (normalement je me promène quotidiennement au parc, mais il reste désormais fermé). Vais-je devoir enfiler un survet, voler le chien de la voisine et faire le tour du pâté de maison avec un poireau ?
Quant à l'attestation, je ne possède pas d'imprimante. Dois-je la recopier avec mes pattes de mouches, mon écriture illisible digne d'un docteur ? Ou alors je dessine un rébus, des petits coeurs :
"Je soussignée Papillote, certifie que mon déplacement est lié au motif suivant : "laissez-moi sortir sinon je vais me transformer en vampire, gros poutous"... Je propose de rajouter une ligne : "déplacement long et loin du domicile, car mon mec, ma femme, mon gosse, mon chien, ma télé, mes voisins me soulent". Si j'écris que je sors "pour effectuer des achats de première nécéssité : acheter des choux de Bruxelles", les flics ne vont jamais me croire "c'est un fake ! personne ne mange ces trucs-là !"
Avec cette attestation, j'ai l'impression de retourner au collège, quand je devais montrer mon carnet au surveillant et que j'avais imité la signature de ma mère.
Jusque-là, j'avais réussi à tenir sans me promener. Mais aujourd'hui, je suis sortie...
à suivre...
17:47 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : confinement, on va tous crever | | Facebook
18/03/2020
Jour 2 de confinement
Mon horoscope : "Une belle journée se profile. Les rencontres s'enchaînent, vous êtes à l'aise avec les personnes que vous croisez pour la première fois."
J'ai effectivement croisé de nombreuses nouvelles personnes ce matin devant les magasins. Elles semblaient très à l'aise avec leurs masques et la distance de sécurité d'un mètre, et en les voyant, j'ai rebroussé chemin. Avec les files monstrueuses devant les commerces et les rayons vides, on se croirait en ex RDA ou en temps de guerre. Macron l'a répété d'ailleurs 6 fois dans son allocution : "nous sommes en guerre".
A midi pile, heure du confinement, un rayon de soleil est venu me narguer à ma fenêtre : "tu m'attendais depuis 6 mois ? Voilà, maintenant je suis là, mais tu ne peux plus en profiter, na !"
J'ai laissé passer l'heure d'interdiction de sortie pour justement, sortir... faire mes courses. J'ai pensé que les gens s'étaient précipités dans les commerces juste avant le confinement, et en effet, cette fois-ci, le magasin était vide de monde. De pâtes aussi, mais comme je me nourris d'aliments étranges, j'ai pu trouver sans problème ce que j'étais venue chercher : des brocolis et épinards surgelés. C'est bon, je peux tenir le siège.
Ravie d'avoir croisé aucun pestiféré personne, j'installe mes trésors sur le tapis de caisse.
C'est là que débarque de nulle part une femme venue taper la discute avec le vendeur, à 30 cm de moi. Et mon espace vital ? Je recule pour respecter le périmètre de sécurité, mais déposer les aliments bras tendus, pas pratique. Je ne vais pas les lancer au caissier : "attrape ! Buuuuuut !" Je ne peux même pas m'adresser à la femme, elle parle fort et doit envoyer des postillons à 3 mètres à la ronde, je ne veux pas qu'elle se tourne vers moi. Qu'elle continue de cracher sur le pauvre caissier, tant pis (il porte un masque).
Elle blablate : - Vous n'avez plus de pâtes ? (si, ils se sont amusés à les planquer et faire un jeu de pistes dans le magasin "sauras-tu les retrouver ? 1er indice")
Le caissier hoche la tête, il ne parle pas pour lui faire comprendre qu'il vaut mieux qu'elle fasse de même, mais ça ne la décourage pas :
- Ca doit pas être facile pour vous, vous êtes très exposé (donc elle a décidé de lui compliquer la tâche)
- Mais vous êtes jeunes, vous ne risquez rien (Bah si, et pourquoi jeunesse signifierait bonne santé ? Les pathologies ne sont pas forcément visibles. J'ai entendu le caissier raconter à un client qu'il devait faire des examens pour un problème pulmonaire, et je suis aussi à risque pour l'infection.)
Elle continue : - Moi vous savez le confinement, ça ne me fait rien. Je travaille depuis chez moi. Je suis écrivain, vous comprenez..."
Et là elle me regarde. Je crois qu'en réalité, elle parlait fort pour que tout le monde l'entende (entre temps une deuxième personne est venue se coller derrière, et une autre à ma droite, je suis cernée de toutes parts). En temps normal ça aurait fonctionné, j'aurais demandé : "ah oui ? vous avez publié quoi ?" mais là je ne voulais pas qu'elle me refile ses microbes.
Elle continue de monologuer (personne ne lui répond) : "j'occupe mes journées en faisant du yoga, en ce moment c'est utile, avec tous ces gens qui paniquent pour rien !" Pour conclure : "bon ben je reviendrai demain !"
Va te faire voir chez les Grecs, faire la folle à Bandol, faire tes trucs chez les Turcs, fais ce que tu veux mais surtout va te va te va te faire voir !
Donc j'ai un scoop, attention : l'horoscope, c'est du bidon.
18:04 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : confinement, on va tous crever | | Facebook
16/03/2020
Je veux chanter pour ceux qui sont cloîtrés chez eux
Article que j'ai commencé à écrire vendredi 13... Je ne pensais pas qu'il serait d'actualité si tôt...
Comme les Italiens qui donnent des concerts depuis leur balcon, je veux chanter pour ceux qui sont cloîtrés chez eux. Ainsi après des mois d'hiver et de pluie, le retour du soleil tant attendu a été brutalement interrompu par une casserole beuglante et une pluie torrentielle, car malheureusement je ne prenais pas la douce voix de Michel Berger, mais la reprise le massacre de Laam.
La pandémie m'évoque aussi la scène de Sacré graal des Monty Python : "Bring out your dead!" John Cleese trimballe un vieux sur son dos et veut s'en débarrasser : "mais je ne suis pas mort !
- Oui mais c'est pour bientôt !"
J'attendais avec impatience le retour du printemps afin de mettre un terme à mon hibernation, je sors de 3 semaines d'arrêt maladie, j'avais presque hâte de retourner au boulot. Pour vous dire. Mais vlan, je dois rester dans ma grotte. Mon boulot s'arrête jusqu'à nouvel ordre. Mon premier réflexe a été de penser : "j'aurais dû emprunter des livres à la médiathèque du personnel !" mais celui de certains a été de dévaliser les supermarchés pour des pâtes et du papier toilette. Ils vont passer leur quarantaine dans les wc ? Ils vont manger du papier ?
Je déteste faire les magasins et les endroits bondés, je ne me rends donc qu'une fois par mois en moyenne surface, pour faire un stock de produits indispensables. Pour moi, c'est le chocolat. Face au regard étonné de la caissière devant mes 15 tablettes : "vous êtes pâtissière ?" je fais croire que j'achète pour toute ma famille "on est nombreux !" (dans ma tête). Pour le reste des courses, je me rends tous les 10 jours au commerce de fruits et légumes, et pour les produits d'appoints, au fortprix du coin.
Il me reste 12 tablettes de chocolat. C'est bon, je suis parée, vous pouvez m'enfermer, je tiendrai. En revanche, je vais bientôt manquer de fruits et légumes, lundi, c'est fermé, et je pense qu'il serait peut-être bon d'aller à la supérette en bas de chez moi, même si elle coûte un bras. Moins loin, moins risqué. Vu les vidéos, les gens se ruent sur les pâtes et pizzas. Le kilo de brocolis bio surgelés, ya qu'un estomac sur pattes bizarre comme moi qui en mange (ainsi que le foie de veau, le boudin, les choux de bruxelles...) Je me dis que je ne crains rien, les gens préfèrent crever de faim plutôt que de bouffer des épinards.
Arrivée devant la supérette : rideau de fer. 5 personnes attendent devant, avec des chariots. Et des masques. Bon, je me rationnerai, j'ai encore de quoi tenir 3 jours...
Revenue dans l'immeuble, j'entends une voisine qui parle à l'étudiante en médecine qui habite au-dessus.
La jeune fille fait des soirées régulièrement. Elle n'a pas manqué vendredi soir. Juste après le discours présidentiel qui conseillait de rester chez soi afin de ne pas faire circuler le virus. Je l'entendais rire avec ses invités "une dernière pour la route !" "ça va on va pas s'empêcher de vivre !"
Le soir du réveillon du 31, elle a sonné à ma porte, paniquée, à 1h30 du matin (je ne dormais pas, vu le boucan qu'elle faisait avec ses copains)
- Vous auriez du doliprane ? Mon ami s'est cogné le pied, c'est un peu rouge et ça commence à enfler, il ya même une blessure. On pense que c'est une (nom compliqué de maladie) ou un (nom exotique).
- Bah il s'est cogné et éraflé le pied quoi ?
- Ah... euh oui peut-être. Vous comprenez nous sommes étudiants en médecine...
D'où le besoin de faire son docteur House et trouver une maladie rare pour un truc que n'importe qui diagnostiquerait facilement avec bon sens : une pierre richardite dû à un état alcoolisé avancé.
Je lui donne son doliprane et lui demande de me tenir au courant. Quand je la recroise quelques jours plus tard, elle a oublié l'épisode (un début d'alzheimer? Elle était trop bourrée oui) puis elle confirme qu'effectivement, "c'était rien".
Hâte qu'elle devienne mon médecin traitant.
A l'instant, je l'écoute raconter :
"nous les étudiants en médecine, on est réquisitionné... Je suis à l'hôpital mais je sais pas quoi faire, je connais pas"
Si on est soigné par des gens comme ça, on va tous crever !
Elle poursuit :"Je vais peut-être faire du standard "
Oui voilà, c'est bien ça. Le 15 est saturé, avec des heures d'attente. En même temps on se doute qu'ils n'allaient pas mettre une étudiante de 1ère année en réanimation.
Elle continue : - Je ne m'attendais pas au confinement total, que ce serait si grave...
La voisine enchaîne : - Plus aucun magasin ouvert dans tout le quartier (elle les énumère). Ils ont tous été pillés. Il reste le supermarché, mais les flics viennent de le fermer car la cohue règne à l'intérieur.
J'ai des images des films de Romero et des supermarchés envahis par les zombies qui me viennent en tête.
Jour 1 de réclusion.
Derrière les barreaux de ma cellule, je regarde les familles qui remplissent leurs véhicules pour fuir Paris. Je me faufile dans le coffre et tente La carapate comme Lanoux et Pierre Richard ? Mon frère m'a proposé de venir chez lui dans sa cambrousse, mais je n'ai pas de voiture et les TGV sont complets ou supprimés. Puis c'est le meilleur moyen de choper le virus et de le faire circuler. Je ne veux pas risquer le remake de Dernier train pour Busan. Quand je lui ai dit que je devrais squatter un mois, je le sentais moins emballé aussi (je mets pourtant l'ambiance en chantant du Hervé Vilard, et je ne mange que 3 tonnes de nourriture par jour). Et il tousse depuis une semaine.
Pas un bruit dans la rue et dans l'immeuble aujourd'hui. A part des gens qui toussent et les sirènes des ambulances. Le gars de EDF qui devait contrôler les compteurs n'est pas passé. Rentrer dans tous les appartements, tous les immeubles... Au lieu de se présenter comme d'habitude :
"- Bonjour, c'est pour vérifier le compteur !
Il aurait pu remplacer par : - Bonjour, c'est pour refiler le corona !"
A suivre... demain sûrement, j'ai du temps pour écrire maintenant !
18:27 Publié dans Con finement, J'ai bobo là, Oh ? y a des gens autour ! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : on va tous crever ! cinéma, zombies | | Facebook