14/04/2021
Allen vs Farrow, suite
Allen et Mia
Mia Farrow se défend mal à l'époque : elle ne veut pas parler aux journaux, pour ne pas traumatiser sa fille. Woody Allen au contraire, est très offensif, il attaque son ex compagne dans les médias, la fait suivre par des détectives privés afin qu'ils prouvent qu'elle est une mauvaise mère. On pourrait dire : comme tout innocent, Farrow se défend mal : elle pense que la vérité suffit et que la justice triomphera, et que comme tout coupable, Allen crie au scandale, joue les victimes (d'une femme hystérique et jalouse), minimise en faisant de l'humour comme il sait si bien faire.
Le comportement de Woody allen n'aurait pas non plus été normal avec Mia. Il aurait instauré une relation malsaine d'emprise et de dépendance. Selon l'actrice, il ne voulait pas qu'elle tourne avec d'autres réalisateurs, était très en colère lorsqu'elle a accepté Rosemary's baby (son meilleur rôle pour moi). Il l'isolait de ses proches, la rabaissait. Lui répétait sans cesse que sans lui, elle ne serait rien, ne tournerait aucun film, déjà trop vieille. En public, dans les médias, il l'encensait, en privé, il l'humiliait. "Au bout d’un moment, ce que j’étais ou pensais n’avait plus d’importance. J’avais l’impression de n’être là que pour le servir. Je suis rentrée dans ce rôle".
Le documentaire démontre que Woody est aussi ambigu avec les femmes dans ses films. Ses personnages sont également obsédés par les jeunes filles de préférence.
Allen et les femmes dans ses films
Un journaliste étudie les ébauches de scénarios du cinéaste, et il constate que beaucoup de ses idées impliquent des étudiantes ou des serveuses de 17 ou 18 ans, éprises d'un homme adulte (joué par Woody). Par exemple, Manhattan, qui s'inspirerait de sa véritable histoire avec une lycéenne de 16 ans. Dans le film, l'héroïne a 17 ans, lui 42. C'est elle qui lui court après, veut du sexe tout le temps. Ce n'est pas lui le prédateur de chair fraîche, il retourne la situation. Ce film culte m'avait pourtant dérangée : comment une belle jeune femme pourrait vouloir coucher avec un homme aussi laid et décrépi que Woody Allen ? Franchement qui peut y croire ? Etre attirée par son humour, son intellect oui, mais son physique ? En regardant ses films, j'ai souvent pensé qu'il jouait le pauvre gars perdu qui fait craquer les belles femmes à l'usure, ou en manipulant leur corde sensible. Je ne suis pas la seule à le supposer : "opportunément, elle est folle de lui, tandis que lui feint de la repousser. "Il se sert d'elle pour justifier son comportement de prédateur", analyse la critique ciné Claire Dederer. "On a l'impression, en regardant ses films, qu'il essaie de nous habituer à une certaine conception de l'amour, à ce rapport de force. Il nous conditionne", remarque de son côté la critique Alissa Wilkinson (Vox). "Ça revient de nombreuses fois dans ses films, d'année en année."
à suivre...
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13/04/2021
Allen vs Farrow
En 1992, Woody Allen est accusé de viol sur la fillette de 7 ans qu'il a adoptée avec Mia Farrow.
Un documentaire de presque 4 heures, très fouillé, avec de nombreuses images d'archives et témoignages : psys qui ont suivi et interrogé la petite, juge en charge de l'affaire, proches, mais surtout, le témoignage de la victime Dylan, filmée à l'époque, puis adulte, et de celui de sa mère, Mia. Je craignais un documentaire racoleur, difficile, mais j'ai trouvé que les témoignages restaient fins et pudiques. Je tente un résumé ici.
Allen et les femmes
Mia Farrow et Woody Allen ont vécu 12 ans ensemble. Mia avait déjà adopté de nombreux enfants, et Woody, d'abord réticent, accepte une nouvelle adoption à condition qu'il choisisse lui-même la petite selon des critères physiques : blonde aux yeux bleus. Le cinéaste devient très proche de cette enfant, Dylan, et Mia se réjouit de ce soudain instinct paternel. Mais il est justement trop proche, la fillette se plaint de gestes déplacés. Confiée à des psys, ces derniers confirment que le cinéaste se comporte bizarrement et qu'il ne faut jamais le laisser seul avec la petite. Dylan échappe pourtant à la vigilance de ses baby-sitters, et Allen en aurait profité pour l'agresser. Les jours suivants, la petite ressasse ce qu'elle a subi et sa mère la filme. Les vidéos apparaissent dans le documentaire, ainsi que de nombreux enregistrements des conversations téléphoniques entre Mia et Allen.
On y découvre un Woody Allen à l'antipode de l'image de brave gars pataud comique qu'il se donne dans les films : il se montre glacial, détaché, sans émotion. Mia pleure, bouleversée, lui demande pourquoi il a fait ça, et il se contente de répondre "tu sauras quand le moment sera venu".
On pourrait reprocher au documentaire d'être à charge : il ne donne la parole qu'à Mia Farrow et à ses défenseurs (les proches, les témoins, les psys, le juge...) Mais le cinéaste a refusé d'être interviewé. Woody Allen est néanmoins souvent entendu dans le documentaire : à travers les enregistrements de ses conversations téléphoniques avec Mia Farrow, d'anciennes interviews, et surtout son autobiographie qu'il récite en livre audio, où il décrit sa relation avec la fillette, puis sa future femme, Soon yi, l'autre fille de Mia.
Allen et la petite Dylan
Il explique ainsi qu'il adorait Dylan et accédait à ses moindres désirs : elle oublie son doudou, il réserve une place en première dans un avion pour aller le chercher. Elle regarde Le magicien d'Oz et aime les chaussures de l'héroïne, il lui fait fabriquer la réplique le jour même pour qu'elle trouve la paire sur son lit le soir. Il raconte ces détails pour se discréditer, mais à l'inverse, cela démontre son obsession pour la fillette, ce ne sont pas des agissements normaux.
Dylan devenue adulte, mais aussi l'entourage, témoignent longuement de son comportement ambigu (lui faire sucer son pouce et d'autres détails scabreux que je vous épargne). Les parents d'élèves et professeurs révèlent que Woody passait des heures devant l'école à observer la petite derrière la fenêtre de sa classe par exemple.
Allen et Soon yi
Un autre comportement de Woody dérange, avec une autre fille adoptée par Mia, Soon yi. Peu avant l'agression de Dylan, Mia découvre des photos pornographiques de Soon yi prises par Woody Allen. La jeune fille est âgée de 21 ans à l'époque, lui 56. Il la connaît depuis son adoption, une dizaine d'années auparavant.
Ce dernier ne peut qu'avouer devant les preuves, en se justifiant : "ce n'est qu'une passade". Les portiers de son immeuble, ses femmes de ménage qui trouvaient les préservatifs usagés après le passage de l’adolescente chez le cinéaste, estiment que la relation dure en réalité depuis des années, la fille était encore mineure, au lycée.
C'est une enfant renfermée, qui n'a jamais eu de petit ami avant Woody. Pour la sortir de sa coquille, Mia demande à Allen de l'emmener à des matchs de basket et des séances de ciné. Le réalisateur confirme dans son autobiographie que leur relation a débuté ainsi, parce que Mia lui demandait de s'occuper de sa fille : comme si c'est Mia qui l'avait voulu et provoqué. Pourtant elle lui demandait juste de la sortir, pas de coucher avec...
Lorsque Mia porte plainte après le viol de la petite Dylan, Allen change de stratégie : finalement, il ne vit plus une passade avec Soon-yi, mais une vraie histoire d'amour. Il convoque les médias et se justifie ainsi : il n'a pas pu violer sa fille adoptive Dylan, puisqu'il est amoureux d'une autre de ses filles, Soon yi. Mia est jalouse, elle invente le viol pour se venger.
à suivre demain
18:50 Publié dans On connaît le documentaire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, documentaire | | Facebook
09/04/2021
Les films du mois : les histoires vraies
Suite des films de mars, après les lanceurs d'alerte (Dark waters, Official secrets, L'ombre de Staline), voici d'autres histoires vraies :
- BlacKkKlansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee, Mycanal, 2018
Au début des années 70, un policier noir infiltre le KKK... par téléphone. Il se lie avec ses dirigeants, et un collègue blanc complice (et juif, aussi haï par le KKK) se fait passer pour lui lors des réunions du groupe... voir la bande-annonce en lien.
Traiter des faits tragiques en dévoilant l'absurdité des rites et des membres du KKK à travers une comédie, c'est le parti pris réussi du cinéaste engagé (Malcom X) . Une satire au vitriol de l'Amérique profonde de Trump, qui rappelle les reportages du regretté Effet papillon. "Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer" comme disait Beaumarchais. La fin du film, avec des images d'archives récentes, nous ramène brutalement à la réalité : tout cela est réel. A ce propos, je ne peux que vous encourager à regarder l'excellent documentaire d'arte sur le KKK.
Spike Lee choisit l'humour et l'inventivité de la mise en scène, avec des enchaînements parfois trop rapides, sans transition. Voici un nouveau film d'espionnage qui lui souffre au contraire d'une narration trop classique :
- The spy de Jens Jonsson, Mycanal, 2019
Lors de la seconde guerre mondiale, une célèbre actrice suédoise devient une espionne chargée de séduire un haut dignitaire nazi. Contrainte ainsi de passer pour une collabo et taire son implication, notamment à sa famille et à son amoureux, elle ne sera crue et réhabilitée que 20 ans après sa mort. Voir la bande annonce en lien.
Un bon film d'espionnage, mais trop classique, il s'oublie vite. Dans le genre, je préfère largement Black book de Verhoeven.
- Le coupable idéal de Mikael Hafstrom, Mycanal, 2020
Autre histoire vraie venant de Suède, celle du plus grand serial killer du pays. Il est emprisonné à vie dans un asile. Une quinzaine d'années après les faits, un journaliste ressort l'affaire : il découvre que l'homme très solitaire a tout inventé, s'est attribué des meurtres et disparitions non élucidés pour plaire à ses psychiatres et faire parler de lui...Voir la bande annonce en lien.
Cannibalisme, faux traumatismes d'enfance qui expliqueraient sa folie... L'homme a recyclé toutes les théories psys et livres policiers qu'il a pu lire. + c'est gros, + ça passe, + ça réjouit les médias amateurs de sensationnalisme, + ça plaît aux psys qui inventent des théories ("il recrée son frère jumeau décédé en découpant d'autres corps") Incroyable mais vrai ! Une bonne histoire, mais là aussi traitée de façon trop classique et sommaire pour rester dans les annales, dommage.
16:04 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, histoire vraie, thriller | | Facebook
08/04/2021
L'ombre de Staline
Gareth Jones est un jeune journaliste intrépide. Il a interviewé Hitler en 1931 et prévenu le premier ministre britannique, pour lequel il travaille en tant que conseiller, du danger que représente le chancelier et de la guerre qu'il prépare. Mais personne ne veut le croire. Il part à Moscou en 1933, dans le but d'interviewer cette fois-ci Staline. Il y découvre une presse muselée et un secret maintenu autour de l'Ukraine. Il se rend alors clandestinement dans le pays et découvre l'horreur de l'holodomor : la famine généralisée qui fait entre 3 et 5 millions de victimes... Là aussi, personne ne veut l'entendre, à part George Orwell qui en tirera son livre allégorique La ferme des animaux... Voir la bande-annonce en lien.
Lanceur d'alerte contre les fake news des médias (entre un journaliste renommé qui a obtenu le prix Pulitzer et un jeune inexpérimenté : qui croire ?) Un scénario qui fait écho encore aujourd'hui... Une bonne histoire, parfois très sombre (les jeunes enfants affamés contraints de manger le cadavre de leur frère mort...) mais qui souffre d'une narration trop classique et de longueurs.
A l'inverse, voici un film basé sur des faits réels sordides mais qui lui ne manque pas de dynamisme, d'inventivité et même d'humour : BlacKkKlansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan de Spike Lee.
à suivre demain
L'ombre de Staline d'Agnieszka Holland, 2020, sur Mycanal.
16:26 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, histoire vraie | | Facebook