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28/01/2021

Bacri, Le goût des autres

on connait chanson.jpgRelire le début ici et .
Parmi les 9 films scénarisés par le couple Bacri-Jaoui, mon préféré reste On connaît la chanson (voir la géniale bande-annonce en lien), dont j'ai repris le titre pour en faire une rubrique. M'exprimant moi aussi à travers des paroles, ado je rêvais d'écrire un jour un film mettant en scène ma chansonnite aiguë. Je me voyais déjà en haut de l'affiche, et j'étais dépitée de constater que les Jacri m'avaient devancée. Peut-être qu'un jour, si j'ai la chance d'être soutenue et de concrétiser ce rêve, j'écrirai enfin "On connaît la chanson 2, le retour"... Un jour viendra je leur montrerai que j'ai du talent.

gout autres.jpgEn deuxième film, je place le touchant Le goût des autres, sur le déterminisme culturel et social, sur l'incompréhension, le jugement et le fossé entre les différents milieux, que j'ai pu vivre moi aussi, comme le personnage de Bacri.
Moi aussi, comme je ne viens pas de Paris (mais de Lyon pourtant, la 2ème ville de France) comme je suis issue d'un milieu modeste, on me fait souvent comprendre que je suis une plouc, qui ne peut pas se fondre dans les milieux culturels snobs parisiens, même si j'étais major de ma promo de fac cinéma. Dans les projections presse, des journalistes me toisent avec dédain (une blogueuse !)
Je me souviens d'un qui intervenait régulièrement dans une émission télé que j'estime bas de gamme et qui n'a rien à voir avec la culture. Il venait de sortir une biographie d'un de mes acteurs préférés, et j'avais trouvé l'ouvrage bien écrit et documenté par rapport à d'autres sur le même sujet. Je lui ai signifié que j'avais apprécié son livre. Il était d'abord étonné, puis flatté, mais quand j'ai expliqué que je tenais un blog cinéma, son visage s'est assombri et il a coupé la conversation. En entrant dans la salle de projection, il s'est moqué bruyamment, tout haut pour que je l'entende, en retrouvant ses collègues : "ah des vrais journalistes ! pas des blogueurs !". Pour moi, je le consolais en essayant de ne pas le cataloguer comme beaucoup en crétin, car participant à une émission débilitante, mais en le reconnaissant comme écrivain. Pour lui, mon avis n'était pas valable, puisque j'étais blogueuse.
Même chez les blogueurs, les clans existent. Lors des cocktails d'avant-première, comme les agences de communication invitent en priorité les influenceurs, et comme ce sont les sujets de la mode et des cosmétiques qui sont les plus vendeurs, je me retrouve souvent entourée de filles qui ne s’intéressent pas au cinéma. Lorsque j'essaie de m'intégrer à un groupe, les filles me regardent de haut en bas, et ma tenue vestimentaire n'étant pas à leur goût, elles ne me répondent pas et je me retrouve seule dans mon coin. Je me sens décalée comme Bacri dans Le goût des autres, au milieu de la troupe de théâtre branchée. 

air de famille.jpgEncore un film de l'acteur qui déplore brillamment les étiquettes qu'on assigne aux gens, ici dans la fratrie :  Un air de famille. A l'époque, on ne cessait de me dire que j'étais le sosie d'Agnès Jaoui dans ce film, physiquement mais aussi pour son personnage d'anti conformiste, qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas, à l'instar de la scène  de la jupette :
"Tu serais un peu plus féminine... Tu parles comme un homme !
- Tu dis toujours que tu veux pas qu'on te prenne pour un imbécile... mais faut faire des efforts toi aussi de ton côté."

meilleurs copains.jpgAutre film de groupe, Mes meilleurs copains, film hilarant sur des ex hippies rangés. Bacri était le chanteur de gangrène plastique et vous pouvez voir sa performance légendaire en lien : "pour les enfants d'Asie qui meurent dans les méandres du Mékong pendant que les cochons de la CIA complotent dans les couloirs de Babylone, révolution !" Lui et ses amis faisaient du théâtre engagé à l'usine. "Quand Antoine pour symboliser la mort de la propriété privée avait rempli le casque du contremaître de mayonnaise amora, on avait dû écourter la représentation au plus vite. Nous arrivâmes à la conclusion que les choses finiraient par bouger un jour, mais que ce serait très très très long."
Je peux revoir ce film des dizaines de fois, je ne m'en lasse pas grâce aux réparties qui fusent. Mes meilleurs copains est devenu culte, mais à sa sortie, il a fait un flop car les dialogues bien écrits semblaient intellos !
"Antoine venait de lire un article insultant dans la presse bourgeoise et il revenait ivre de joie : "Le figaro nous insulte, c'est génial !
"Je peux vous poser une question très personnelle ? Qu'est-ce que vous avez pensé de moi la première fois que vous m'avez vu ?
- Sincèrement ? rien. Je ne vous vexe pas j'espère ?
- Non, ça me coupe une jambe mais j'ai l'habitude."

Autres comédies de Bacri que j'apprécie beaucoup, Le sens de la fête et Didier. Dans un genre plus intimiste, Les sentiments de Noémie Lvovsky (Camille redouble) qui me fait penser à la femme d'à côté de Truffaut, ou bien encore La Vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc, 2015 (le nom des gens, télé gaucho) ou Kennedy et moi. L'été en pente douce m'avait beaucoup troublée.

Je m'aperçois que j'ai vu la majorité des films de Bacri, que je vous livre ici. En gras, ceux que je préfère  :
ete en pente douce.jpg- Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady, 1982
- Coup de foudre de Diane Kurys, 1983
- Édith et Marcel de Claude Lelouch, 1984
- La Septième Cible de Claude Pinoteau,1984
- Subway de Luc Besson, 1985
- Escalier C de Jean-Charles Tacchella, 1985
- L'Été en pente douce de Gérard Krawczyk, 1987
- Les Saisons du plaisir de Jean-Pierre Mocky, 1988
cuisines dependances.jpg- Bonjour l'angoisse de Pierre Tchernia, 1988
- Mes meilleurs copains de Jean-Marie Poiré, 1989
- La Baule-les-Pins de Diane Kurys, 1990
- Le Bal des casse-pieds d'Yves Robert, 1992
- Smoking / No Smoking, d'Alain Resnais, 1993
- La Cité de la peur d'Alain Berberian, 1993
- Cuisine et Dépendances de Philippe Muyl, 1993
- Un air de famille de Cédric Klapisch, 1996
- On connaît la chanson d'Alain Resnais, 1997

didier.jpg- Didier d'Alain Chabat, 1997
- Place Vendôme de Nicole Garcia, 1998
- Peut-être de Cédric Klapisch, 1999
- Kennedy et moi de Sam Karmann, 1999 
- Le Goût des autres d'Agnès Jaoui, 2000
- Une femme de ménage de Claude Berri, 2002
sentiments.jpg- Les Sentiments de Noémie Lvovsky, 2003
- Comme une image, d'Agnès Jaoui 2004
- Selon Charlie de Nicole Garcia, 2006
- Parlez-moi de la pluie, d'Agnès Jaoui 2008
- Adieu Gary de Nassim Amaouche, 2009
- Avant l'aube de Raphaël Jacoulot, 2011
sens de la fete.jpg- Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer, 2012
- Au bout du conte, d'Agnès Jaoui 2013
- La Vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc, 2015
- Grand Froid de Gérard Pautonnier, 2017
- Le Sens de la fête d'Olivier Nakache et Éric Toledano, 2017
- Santa d'Alain Chabat, 2017
- Place publique, d'Agnès Jaoui  2018



 

 

 

 

 

23/01/2021

Bacri est parti

bacri main 1.jpgJe n'ai pas pu écrire plus tôt, il fallait que j'intègre l'information. Je me rappellerai du moment où j'ai découvert sa disparition, comme on se rappelle dans quelle situation on a appris les événements marquants (surprise en plein sommeil pour entendre "c'est la 3e guerre mondiale !" dans le combiné du téléphone le matin du 11 septembre 2001, un simple sms juste avant le coucher "Trump élu !!!" me faisant penser à une blague le soir des élections américaines en 2016.)

Lundi 18 janvier. J'allume l'ordi, et je lis partout que c'est le blue monday, le jour le plus déprimant de l'année. Haha, n'importe quoi, cette idée vient d'une agence de voyage qui a commandé une étude bidon pour vendre des billets d'avion ! D'ailleurs la preuve que c'est du pipeau, le soleil est enfin sorti, je vais en profiter pour voir mes petits canards au parc et passer un coup de fil, d'humeur à discuter avec mes congénères. Je marche d'un bon pas, en plein débat sur les meilleures tablettes de chocolat, lorsque mon interlocuteur est interrompu : "Attends, on me parle... (dialogue avec l'autre personne que je n'entends pas) Nan ?! mince...."
Qu'est-ce qui peut bien exiger qu'on interrompe un sujet aussi passionnant que le chocolat à 85 %...
Mon interlocuteur reprend le combiné :  "Bacri est mort !
Je m'arrête net  : - HEIN ?!!!!!
J'ai dû crier fort car le couple de canards qui s'était rapproché (on se connaît bien à force, avec Donald et Daisy) s'éloigne d'un battement d'ailes, et les autres promeneurs se retournent simultanément vers moi.
Je reste figée au milieu du chemin, les yeux exorbités par la stupeur : MAIS COMMENT CA ???!!!
J'écoute les explications (69 ans... cancer...) en me liquéfiant sur place, sans pouvoir parler.
Les gens alentour qui observent la scène semblent interloqués, puis peinés. Je dois vraiment faire une drôle de tête. Une femme me regarde pleine de compassion, avec la moue qui signifie qu'on est désolé. Ils comprennent que j'ai appris une mauvaise nouvelle, sûrement la pire de toute, l'irrémédiable : le décès d'un proche.

bacri main.jpgUn proche, on pense à un membre de la famille, un ami. Mais pourquoi on ne compterait pas aussi un artiste, qui nous a accompagné tout au long de notre vie, qui nous a procuré tant d'émotions et de souvenirs inoubliables ? Je voyais plus souvent Bacri à travers mon écran qu'un oncle ou un cousin. Surtout en ces temps de pandémie et d'isolement où le cinéma devient un refuge. Je m'amusais plus avec Bacri, je le comprenais plus, je m'identifiais plus à lui qu'à certains  membres de ma famille. 

J'ai réalisé qu'on était nombreux à se sentir proche de l'artiste, en découvrant les multiples hommages, et en constatant ce soir-là que le JT de France 2 s'ouvre sur son décès. Non, je ne peux pas employer ce mot, plutôt sa disparition momentanée avant sa résurrection.
Cet article de France culture tente d'expliquer "pourquoi aimions-nous tant Jean-Pierre Bacri ?"
"Ce matin, il est populaire partout (...) du Figaro à L’Humanité. Parce que le type qu'il incarnait -le bougon, le râleur- est probablement l’un des personnages les plus chers au cœur des Français. Et c’est à ce détail que l’on comprend que les Français ne sont pas américains, ils ne sont pas positifs. L’idée de voir les choses embellies, en grand, en super, très peu pour eux ! Ils veulent du ronchon, du râle (...)
Le bonheur, c’est pour les imbéciles. (...) 
Il y a quelque chose qui explique pourquoi ce ronchon est immensément aimé, parce que la râlerie en France a des vertus intégratrices. Celui qui gagne et s’intègre, c’est celui qui n’est pas content, qui refuse le système et le monde tel qu’il est organisé."

Dans Cuisines et dépendances qu'il a écrit avec sa compagne Agnès Jaoui, on lui demande :
- Pourquoi tu tires la gueule et tu souris jamais ?
- Je suis un être humain, pas un animateur de variété. Y a qu'à la télévision qu'on voit des gens éclater de rire à longueur de temps comme des crétins."

Si j'avais la chance de partager son talent de la répartie (vous pouvez entendre un court exemple en interview ici) c'est ce que je répondrais aux collègues qui me reprochent de ne pas assez sourire, ou de refuser la bise (enfin une bonne conséquence de la pandémie : l'arrêt de cette atrocité qu'est ce partage de microbes et cette intrusion dans mon espace vital). Assise à mon bureau, plongée dans mes pensées, je me tiens comme le fait souvent Bacri : la tête posée sur la main, sourcils froncés. (En ce moment, en me relisant). On me tance pour cette posture, mais si Bacri se tient pareil et est adulé, mes collègues m'adoreraient-ils en réalité ?

Les gens qui sourient tout le temps m'insupportent, je trouve ça louche.  Soit ils sont imbéciles heureux, soit ils sont hypocrites, soit ils meurent de peur et sourient pour désamorcer une éventuelle attaque (ce qui donne encore plus envie de les mordre). 
« Les gens qui sont toujours joyeux, je n'ai pas envie de les jouer, parce que ça n'existe pas… J'ai de la tendresse surtout pour les gens chez qui je vois de l'humanité et c'est souvent dans l'angoisse ou dans la fragilité qu'on la voit

bacri main 2.jpgOn caractérise en premier lieu Bacri de "bougon, râleur, ronchon." mais pour moi qui suis un peu pareille, il était avant tout authentique. Il n'employait pas la langue de bois que les hypocrites appellent "l'intelligence sociale", il ne se forçait pas à faire semblant d'être content s'il ne l'était pas. "Son non besoin de séduire et de plaire" comme explique Agnès Jaoui et qu'il confirme ici. "Je me fiche que l'on me trouve bougon, sourire n'est pas un acte banal."
Pour moi qui m'identifie à lui, Bacri n'était pas un râleur. C'était un grand sensible qui détestait l'hypocrisie et l'injustice (comme le pensent d'ailleurs les intervenants de cette émission sur l'hypersensibilité).
Quelqu'un qui critique tout, on peut le juger misanthrope, mais selon moi, c'est plutôt qu'il voudrait simplement que la condition humaine s'améliore, donc qui souffre de voir les gens subir tant de déboires ou créer leur propre malheur. Comme Alceste dans la pièce de Molière, un de mes livres préférés.

Bacri n'était pas un râleur, il était simplement sincère et humain, à s'indigner d'un rien, mais aussi à s'émouvoir. Il le prouve particulièrement dans Le goût des autres, où il interprète un brave type un peu beauf, pas très cultivé, qui se retrouve contraint d'aller au théâtre. Il pense s'ennuyer, s'agace en découvrant que la pièce est en vers, mais se retrouve subjugué par une actrice qui déclame brillamment la tirade de la femme quittée. Le gros plan sur Bacri touché par la grâce, submergé par l'émotion, est bouleversant. Comme il l'est plus tard, à déprimer en silence sur son banc, dos voûté, quand son poème où il déclare maladroitement sa flamme n'a pas obtenu le résultat escompté. On connaît surtout Bacri pour ses répliques fameuses, mais il était si bon acteur que les émotions jaillissaient également à travers ses silences.

Bacri qui était un être sincère, au franc parler légendaire, a pourtant choisi le métier d'acteur, de jouer à faire semblant d'être un autre, dire des mots et mimer des attitudes qu'il ne pense pas. Pourtant, dans tous ses rôles, même beauf, inculte ou méchant, sa personnalité transparaissait. D'abord parce qu'il a écrit la plupart de ses personnages les plus célèbres, ensuite car il a admis ne choisir que des films qui lui plaisaient "Si je dois me faire chier trois mois à tourner, puis ensuite trois mois à promouvoir une merde dont je suis pas fier...  c'est pénible, c'est pas pour ça que je fais ce métier." 

Il choisit si bien ses personnages, que j'apprécie la grande majorité de ses films. Même les moins marquants, il les a éclairés de sa personnalité.
à suivre...

15/09/2020

Joe Dassin, 40 ans déjà

dassin.jpgAprès Annie Cordy la semaine dernière, on continue dans la variété française avec Joe Dassin !
Pour les 40 ans de sa mort le 20 août, France 3 a diffusé le roman de sa vie. Ce documentaire m'a replongée en enfance, lorsque j'écoutais les vinyles du chanteur. Malgré les dizaines d'années passées sans les écouter, à part quand elles sont diffusées sur radio nostalgie pour mon réveil, j'ai constaté que je connaissais toujours par cœur les chansons de Joe Dassin. Enfant, mes camarades de classe adulaient les chanteurs contemporains (je ne peux même pas les citer : Céline Dion ?) et en étaient aux walkman puis très vite aux cd. Moi, toujours à la pointe de l'actu, j'écoutais un chanteur décédé, sur la vieille platine que la famille avait acheté à ma naissance (pour se consoler et couvrir les pleurs de bébé ?) N'empêche, les 33 tours sont au sommet du hype désormais. Je compte donc remettre au goût du jour Joe Dassin !

Fils du réalisateur Jules Dassin, très estimé pour ses films noirs (du rififi chez les hommes) et pour sa lutte contre le maccarthysme, Joe réussit à tuer le père en devenant plus célèbre que lui. Pourtant, toute sa vie, il reste convaincu que son paternel ne l'apprécie pas, lui et sa carrière de chanteur populaire (50 millions d'albums vendus.)  Il ne se destinait pas à une carrière de musicien, mais de médecin (il abandonne en 3e année) puis anthropologue ! Il obtient son master, avec un mémoire sur une tribu d'indien d’Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurai.

Sa compagne qui travaille dans une maison de disques décide en surprise d'en graver un, à partir d'un enregistrement qu'elle a fait en douce où il chante tranquille pépère dans son coin, afin de lui offrir pour son anniversaire. Mais ses patrons qui tombent sur l'enregistrement estiment : "tiens, pourquoi on essayerait pas plutôt de le diffuser sur  toutes les radios ?" Au début, Joe est réticent à se lancer dans une carrière qui n'a rien à voir avec ses ambitions, mais en cherchant bien, on peut dire que des chansons joyeuses guérissent l'âme et qu'il étudie ses contemporains comme un anthropologue, à travers ses textes d'amours déçues ou d'achat de pain au chocolat !

Joe garde de ses longues années d'études exigeantes, et du sentiment d'être rejeté par son père, des doutes et un perfectionnisme qui le perdront. Il s'entoure des meilleurs paroliers, comme Pierre Delanoë ou claude Lemesle. Il leur fait modifier les paroles pour un mot, une virgule, une intonation. Grâce à  leurs textes travaillés, on qualifie les chansons de Joe Dassin de "variété de qualité".

Le chanteur répète ses textes, ses chorégraphies, enchaîne les tournées jusqu'à s’écrouler sur scène comme Molière. Lorsqu'il accepte enfin d'écouter son médecin et de se reposer, il est trop tard et il meurt prématurément d'une crise cardiaque en 1980, à 41 ans, en pleine gloire.

Le stress et le chagrin l'ont aussi achevé : alors qu'il menait une vie stable avec son épouse depuis 15 ans, ils perdent leur nouveau-né. Joe selon sa femme qu'on sent un peu aigrie quand même "fait sa crise d'adolescence sur le tard" ou plutôt découvre le démon de midi qui l’entraîne jusqu’au bout de la nuit, en se perdant dans la drogue, les fêtes et les tromperies. Il divorce et quitte le cocon rassurant pour épouser une fille "complètement timbrée" (analyse de l'expert psychologue du dossier : le parolier de Joe Dassin) "instable et droguée, qui hurlait en détruisant le mobilier" (c'était le point potins).
Et au final, c'est le père qui enterrera son fils. Jules Dassin lui survivra 28 ans, jusqu’à ses 96 ans, en 2008.
Malgré cette fin tragique, le doc met de bonne humeur grâce aux chansons !
Et justement, je vous ai concocté un petit quiz, ça faisait longtemps !

Je crois que ma chanson préférée reste celle-ci. Le rythme, les paroles, l'humour, tout. J'imaginais parfaitement la scène, et moi dont le surnom reste "la sauvage", je me réjouissais de la réaction de la fille héroïne de la chanson. Des années après, je sors la phrase telle qu'elle, sans la chanter, avec l'air le plus sérieux possible, dès que je peux la placer dans une conversation, que ce soit entre amis ou au travail. Je n'ai pas encore osé la dire au dirlo pour une augmentation :
"J'ai attendu attendu, elle n'est jamais venue. Zaï zaï zaï zaï."

Quiz on connait la chanson : quel est le titre ?
A suivre...

07/09/2020

Annie Cordy, rendez-moi mon enfance

annie cordy, chatTATA YOYO QU'EST-CE QU'IL Y A SOUS TON GRAND CHAPEAU
Désolée mais j'ai cet air qui persiste en tête depuis vendredi soir et je me devais de faire partager ce calvaire cette expérience. Niark niark.

J'envoie un sms à mon frère pour le traditionnel jeu "devine qui est mort ?" (on sait rigoler dans la famille)
- Ciné ?
- Oui mais pas que, surtout connue pour la musique. Une femme.
- Marie Laforêt ?
- Elle est déjà morte en novembre ! Non, des chansons rigolotes, pas comme "Viens, viens, sans toi l'existence n'est qu'un long silence qui n'en finit pas..."
- Françoise Hardy.
- Tu la trouves marrante ?!
"Si le dégoût de la vie vient en toi
Si la paresse de la vie s'installe en toi,
Pense à moi ?"
"On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Est morte ce matin ?"

Non, une énergique un peu fofolle.
- La foldingo du film de Kervern et Delepine, Le grand soir ?
- Brigitte fontaine, l'inadaptée? Parce qu'elle "déteste les gens qu'on recouvre de miel et qu'on attache sous le soleil à midi. Pourtant c'est bien normal, y faut bien que les fourmis bouffent, mais c'est plus fort que moi, il faut que je voie le mal partout."
Elle n'est pas morte, elle faisait même un concert samedi à l'Olympia ! Non, des chansons légères et surtout : qui restent en tête.
- Annie Cordy !!

"Les chansons qui restent en tête" : l'indice qui caractérise celles d'Annie Cordy. Je fredonne "chaud cacao, chaud chocolat" à chaque fois que je bois mon van houten, c'est-à-dire... tous les jours.
Je n'ai retenu que cette phrase. Pour les besoins de mon enquête d'investigation à haut risque dans les méandres de la chanson populaire, je vérifie les paroles :
Si tu me donnes tes noix de coco
Moi je te donne mes ananas
(...) Rikiki tes petits kiwis
T'es baba de mes baobabs

J'ai l'esprit mal tourné ou elle nous joue une variante de Annie aime les sucettes ? Je me souviens de "l'humiliation" comme elle le dit elle-même de France Gall en apprenant que Gainsbourg  le pervers a abusé de son innocence et de sa gueule d'ange. De la même manière, Chaud cacao est destiné aux enfants, mais les paroles me paraissent pour le moins tendancieuses...

On m'aurait menti ! Rendez-moi mon enfance, mon innocence ! Dois-je trouver des sous-entendus dans toutes les chansons d'Annie Cordy? Qu'y a-t-il réellement sous le chapeau de Tata yoyo ? Qui était vraiment Frida oum papa ? Son père était-il vraiment brasseur de bières ? Est-elle vraiment née en Bavière ? Jean-Marc Morandini est sur le coup.

Petite, j'étais aussi un peu choquée par les paroles de la bonne du curé :
Mais quand le diable me tire par les pieds
ça me grattouille, ça me chatouille
ça me donne des idées
Je fais des bêtises, derrière l'église
Je peux point m'en empêcher.

La chanson était passée dans un mariage un peu plouc, et les adultes avinés riaient grassement. Aujourd'hui j'apprécie la bonne qui préfère Claude François aux cantiques, mais les enfants sont facilement dégoûtés par les histoires étranges de la petite graine et des garçons qui naissent dans les choux.

La bonne du curé n'est pas en priorité une chanson destinée aux enfants, comme beaucoup du répertoire d'Annie Cordy en réalité. Par exemple, le titre éloquent : pourquoi tu me bats Léon
annie cordy, chatIl a bu mon cognac
Et calmement il m'a fichu
Une drôle de paire de claques

Quand Léon La Bagarre a tourné les talons
J'étais pas belle à voir
J'avais le nez en compote, les tibias en coton
Et de grands yeux noirs
C'est ce qui a fait rire la grande Mado
Pour la calmer, je l'ai mise K.O.

Qu'est-ce qu'on se marre oui...
Autre exemple, la chanson six roses :

Comme s'il ne m'avait même pas vue
Il a bu mon cognac
Et calmement il m'a fichu
Une drôle de paire de claques
https://lyricstranslate.com
Il a bu mon cognac
Et calmement il m'a fichu
Une drôle de paire de claques
https://lyricstranslate.comla chanson "six roses" :

On est samedi ce soir
Et moi au bout du comptoir
Du bar de Monsieur Edouard
Je pense... je pense...

Les copains m'appellent "Six roses"
Et je ne comprends pas pourquoi
Bien sûr ils savent que j'aime les fleurs
Mais pourquoi justement "Six roses"
Plutôt que une ou deux ou trois

Papa s'appelait pas "Six roses"
Puisqu'on l'appelait "Bois sans peur"
Grand-père on l'appelait "la liqueur"
Tonton, c'était "l'irrigateur"
Je vois pas le rapport avec les fleurs

Annie Cordy n'était pas seulement chanteuse, mais aussi actrice. Je me souviens de sa prestation dans le film Le chat de Pierre Granier-Deferre et la musique déprimante de Philippe Sarde, adapté de Simenon. Le film d'un grand pessimisme explore la déliquescence d'un vieux couple qui n’arrive plus à communiquer, dans un monde qui se transforme et qu'il ne reconnait plus, une banlieue en train de se construire et se déshumaniser. Jean Gabin reporte son affection sur son chat. Sa femme incarnée par Simone Signoret en est jalouse et commet l'irréparable, la faute impardonnable (comme le sort de Chaussette de Danse avec les loups).
Comme très souvent, j'ai vu ce film trop jeune et il m'a traumatisée, moi dont mon chat-adoré-de-ma-photo-de-profil était mon meilleur ami à qui je racontais tous mes malheurs d'enfant. Autre fait qui choquait mon innocence de petite fille qui lisait des contes de fées et croyait au prince charmant, non seulement Gabin délaissait et se moquait de Signoret, mais il fréquentait une prostituée, et une femme que j'identifiais dans un tout autre rôle, dans des chansons joyeuses pour bambins ! Devinez qui ? Annie Cordy !
Décidément étonnante !