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28/05/2014

Mangez-le si vous voulez

mangez le 2.jpgJ'ai vu la pièce et lu le livre de Jean Teulé, qui s'inspire d'un faits-divers atroce et incroyable : En 1870, alors que la guerre contre la Prusse ruine la population et tue ses enfants, un petit village organise sa foire annuelle.  Alain se rend à la fête, où son cousin, un homme arrogant, lit les dernières nouvelles du front aux paysans analphabètes. Les soldats français meurent en nombre, l'empereur est menacé. Les habitants enragent d'apprendre que leurs enfants sont morts au front pour rien, et en veulent au porteur de mauvaises nouvelles. Alain prend sa défense :
« Arrêtez, il ne fait que lire le journal. Ce n'est pas comme si il avait dit « à bas la France »
« Tu as dit "à bas la France !" Saleté de Prussien ! »

Et là, la foule enragée tient son bouc émissaire. Celui qui cristallise toutes leurs souffrances, sur lequel les paysans vont déchaîner leur rage jusqu'alors contenue. Ils le lynchent, le torturent. Ils ne reconnaissent plus Alain, qu'ils ont salué dix minutes auparavant, qui les a aidés, avec lequel ils ont grandi.
Seules quelques personnes gardent leur esprit et tentent de sauver le malheureux. Ils l’emmènent chez le maire afin qu'il lui porte asile. Mais l'homme respectable craint que les brutes ne saccagent sa maison, et répond « mangez-le si vous voulez ». Et ils le feront !!!

Mangez le pièce.jpgPourquoi s'en prendre à ce jeune homme ? Selon moi, impossible que les bourreaux ne le reconnaissent pas. Peut-être parce que contrairement à eux, Alain est riche, instruit, gentil, généreux et brave. Il leur a prêté de l'argent, les hommes fiers en sont peut-être honteux. Il imagine un procédé qui évitera la sécheresse dévastant les récoltes, ce qui aidera considérablement les paysans (plan astucieux toujours utilisé dans la région cent ans après...) Alain est un  bon samaritain.  En plus, il est réformé, mais contrairement à certains (qui envoient des plus pauvres sur le champ de bataille à leur place) il est volontaire et part se battre contre les Prussiens. Bref, il possède de nombreuses qualités que ses bourreaux n'ont pas, il leur renvoie leurs propres défauts. Comme il met les paysans mal à l'aise, ils s'en débarrassent !

J'ai trouvé que la pièce était meilleure que le roman, plus subtile, mieux écrite. Le dispositif paraît étrange au début : comme décor, une cuisine des années 50. Une comédienne a l'apparence de la parfaite potiche femme au foyer des publicités de l'époque : un grand sourire faux et figé, un rôle muet. Un acteur reprend tous les rôles, la victime et les bourreaux, et se contente de dire son texte sans jouer les scènes. Ceci pourrait nous rebuter, mais le propos est si fascinant et l'acteur le raconte si bien qu'on ne perd pas le fil et s'imagine parfaitement les faits. 

De plus, ceci permet une distanciation (on a aucune envie de voir des scènes de torture). L'acteur joue habilement avec le décor : il rentre dans le frigo, la femme lui claque la porte au nez pour signifier que le maire ne veut pas lui ouvrir... Parallèlement, la comédienne cuisine (pour de vrai, on sent l'odeur des oignons grillés parcourir la salle). Son jeu répond au texte (elle coupe violemment une carotte quand l'acteur dit qu'on lui arrache un doigt). La pièce utilise un humour noir bienvenu qui n'existe pas dans le roman. Je ne suis pas du tout adepte des mises en scène contemporaines ou étranges, mais celle-ci est vraiment très originale et adéquate. Une pièce de théâtre que je vous recommande.

mangez le si vous voulez.jpegQuant au roman, je trouve qu’il n’est pas très bien écrit. L’auteur amène les informations malhabilement, dans les dialogues, qui sonnent donc faux. Par exemple, dans les premières pages, ils situent le contexte social, historique, familial à travers les dialogues entre Alain et ses parents. Comme si les personnages ne connaissaient pas déjà toutes ces informations ! 
« Tu aurais pu échanger pour mille francs ton mauvais numéro de conscrit (…)
- Mais il t’a répondu cent fois ! Cette histoire de tirage au sort pour rejoindre les troupes, où les miséreux qui ont tiré un bon numéro le revendent à des garçons plus aisés en ayant tiré un mauvais, ne lui plaît guère »
Evidemment, les personnages connaissent ce principe, il est donc ridicule qu’ils le décrivent. C’est simplement l’auteur qui veut le rappeler aux lecteurs qui ne le connaissent pas. Mais pourquoi le faire dans les dialogues, et pas dans le texte, ou en note de bas de page ? Dans la pièce, ce sont des musiciens qui sonnent un gong et le signalent aux spectateurs. Cette astuce crée un humour décalé, qui permet de respirer un peu dans cette atmosphère étouffante et violente. Le roman, lui, est froid. Ma mère l’a lu aussi. Elle est pourtant avare en compliments, mais elle m’a dit « bof, tu pourrais en faire autant ! »

Jean Teulé aime se consacrer aux faits-divers glauques, comme celui de Darling, une femme battue (je n’ai vu que le film avec Marina Foïs et Guillaume Canet, ça m’a suffi). Le romancier vend des milliers de livres, si quelqu’un veut me raconter sa vie extraordinaire, je pourrais la retranscrire aussi platement que lui je pense. N’hésitez pas. Par contre, je me consacrerai uniquement aux récits joyeux ! Ou alors, je détaille enfin mes incroyables aventures de chômeuse (et parfois travailleuse) comme on me le conseille si souvent…

 

27/05/2014

Au théâtre ce soir : Antoine Duléry et Agnès Jaoui

uns sur les autres.jpg- Antoine Duléry fait son cinéma, Le grand point virgule, jusqu'au 6 juin.

Le comédien imagine une soirée avec Luchini, Patrick Chesnais et Daniel Prévost. Il en profite pour imiter ses acteurs favoris et raconter des anecdotes de cinéma et théâtre qu'il a vécues durant sa carrière. Duléry reproduit parfaitement Prévost (d'ailleurs ils ont un air de ressemblance) Chesnais, mais je suis plus dubitative pour Luchini. De même, je n'ai pas reconnu son Claude Rich.
La première moitié du spectacle est hilarante. On sent un grand respect pour les comédiens. On a plaisir à revivre ses histoires, à redécouvrir nos acteurs fétiches (Noiret♥). Mais le spectacle se répète à la fin et aurait gagné à mon avis à être élagué. Duléry parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, comme Louis Jouvet par exemple. On faisait baisser la moyenne d'âge de la salle d'environ 40 ans. Je mérite bien mon surnom de mémé. Un spectacle qui parlera d'abord aux vieux comme moi.

- Les uns sur les autres, avec Agnès Jaoui, théâtre de la Madeleine

Le quotidien d'une famille : la mère (Agnès Jaoui) qui se sacrifie pour tout le monde sans rien recevoir au retour, son mari qui la délaisse, la fille anorexique obsédée par sa minceur, le fils ado et rebelle, le grand père grabataire. Les répliques sonnent justes et chacun peut retrouver un membre de sa famille dans l'un des personnages. Le décor est soigné et ingénieux : un appartement entier reconstitué, où les comédiens déambulent, sont en permanence visibles. Il permet de constater que chacun reste dans son coin à vaquer à ses occupations sans s'occuper des autres, le manque de communication est évident. Pourtant ils sont ensemble, habitent sous le même toit, « les uns sur les autres »...
Une pièce intéressante, mais qui manque un peu d'humour et de légèreté, et est parfois un peu bizarre (la fille maigrit tellement qu'elle en devient invisible. Euh ?)

 

26/05/2014

Mémé a testé pour vous la grande culture : l'opéra

capulet et montaigu.jpgLes Capulet et les Montaigu, opéra Bastille

Partie sur ma lancée de culture élitiste, après Le lac des cygnes, je tente l'opéra. J'en avais vu deux lorsque j'étais étudiante. A Lyon, on pouvait accéder à la représentation 15 minutes avant s'il restait des places, pour 10 euros (au lieu de parfois 150, ça vaut le coup !) On avait adoré le premier opéra, très connu, musique splendide, et trouvé le deuxième sans intérêt. I Capuleti e i Montecchi fait partie de la seconde catégorie. Un scénario brodé autour de l'histoire archi connue de Roméo et Juliette, sauf qu'ici on ne parle pas d'amour, mais de guerre. (Je suis une fille moi, la guerre, je m’en tape, All we are saying, is give peace a chance !)

Je vous résume l'intrigue du premier acte en une phrase (pourtant je suis bavarde) : Roméo Montaigu a tué le fils Capulet, celui qui tuera Roméo épousera Juliette. Une phrase. Dans cet opéra, il leur faut 45 minutes de radotage pour exprimer la même chose. Et tout ça en beuglant en italien (je me suis cassé le cou en regardant la traduction pendue au plafond comme trois petits cochons) :
(Père de Juliette) « Oh ce salaud de Roméo a tué mon petiot »
(L’armée des Capulet en chœur) « Oh, ce salaud de Roméo a tué ton petiot
(Père) « Roméo a tué mon petiot »
(Truc, pas retenu son nom) « Roméo a tué ton petiot, je lui ferai la peau 
(Père) « Oh, tu lui feras la peau ?
(Truc) « Oui, je lui ferai la peau !
(L’armée en chœur) « Bravo ! Il lui fera la peau à ce salaud ! »
(Père) «  Et en échange t'épouseras Juliette, ce sera chouette ! »
(Truc) « Oh oui j'épouserai Juliette, ce sera chouette »
(L’armée) « Oh oui il épousera Juliette, ce sera chouette ! »

capulet romeo et juliette.jpgEt moi au moins, je fais des rimes. Dans le deuxième acte, Roméo (joué par une femme ?!) demande à Juliette de s'enfuir avec lui (euh, elle) puisqu'ils s'aiment comme des enfants, avant les menaces et les grands tourments. Sinon Roméo sera tué et Juliette épousera l'assassin qu'elle déteste. Mais non, la cruche préfère compliquer les choses pendant encore 40 minutes « Oui mais c'est l'honneur tu vois, on peut pas faire ça, si on se suicidait plutôt, c'est tellement plus rigolo, hohoho ? »

Après on a eu la libération, l'entracte, et la moitié de la salle s'est enfuie. Le personnel nous donnait comme des suppliques des tickets retour « Vous revenez hein ? » mais on s'est barré en courant. En plus il faisait beau dehors sur les quais, et c'était l'heure du dîner pour l’estomac sur pattes.

Voilà, après le lac des cygnes, c'était mon incroyable excursion chez les culturés. Je vous laisse, ya Kick-Ass qui commence sur W9.

Petit quiz "On connaît la chanson", avec trois titres à retrouver dans le texte. 

 

23/05/2014

Mémé a testé pour vous la grande culture : Le lac des cygnes

lac des cygnes.jpgLe lac des cygnes, avec le ballet et l'orchestre du Bolchoï de Minsk

En avril, je décide que la culture n'appartient pas qu'à l'élite bourgeoise, et que moi aussi, je peux voir des ballets et des opéras sans que ça me coûte un bras. Il faut juste avoir de bons yeux pour voir de loin, et ne pas être trop gros pour s'asseoir sur les minuscules places du poulailler. Au théâtre de la porte saint Martin où nous avons vus (enfin, le sommet du crâne) Muriel Robin, les sièges en bois du poulailler sont encadrés de barres de fer et si petits que les types de plus de 80 kilos ne passaient pas. Celui qui a conçu ces planches fauteuils a dû penser que les pauvres sont maigres car ils n'ont pas de quoi se payer à bouffer (ils préfèrent vivre de spectacles et d'eau fraîche). Je fais 50 kilos, mon frère 10 de plus, et on était serrés comme des sardines. On a fini assis sur l'escalier, accoudés au balcon : on voyait mieux !

Pour le lac des cygnes, par chance, l'immense salle du palais des Congrès n'est pas complète, une ouvreuse nous propose donc de passer du dernier rang des gueux pour nous installer directement à la moitié de la salle ! Les enfants du paradis, des jeunes probablement étudiants fauchés ou chômeurs comme moi, rejoignent donc les vieilles trop maquillées, aux colliers de perles, boucles d'oreilles en or et parfum qui pue (ce n'est pas un cliché, dès que je suis bien placée dans une salle, ce type de vieille est là. Elle me poursuit.) J'ai envie de faire un grand sourire à ma nouvelle vieille voisine botoxée : "Salut ! je suis assise à côté de toi et pourtant j'ai payé ma place deux fois moins chère ! Niark niark !"

wallace collection.jpgLa culture appartient à l'élite, mais le lac des cygnes, même si mémé écoute surtout radio nostalgie, je connais les chansons principales : Daydream de Wallace Collection ! (Ce groupe des années 70 s'est inspiré du thème principal du ballet) Et on entend les mélodies de Tchaïkovski dans des films et des pubs ! Puis l'histoire, je connais aussi, j'ai vu le film Black Swan !
Évidemment, le ballet n'est pas tout à fait identique... Mémé ne comprend pas trop pourquoi on se trouve dans un château au début (c'est qui tous ces gens ? Ils sont où les cygnes ?)

lac des cygnes couple.jpgJuste avant la représentation, on consulte un site qui indique une durée de spectacle de 4 heures. J'appréhende donc et essaie de m'installer confortablement sur mon siège (bien moelleux, pas comme au poulailler), dans l'intention de pioncer en douce pour que le temps passe plus vite (« tu me réveilleras quand les cygnes arriveront »).  Mémé pique du nez lors du premier acte (j'y peux rien, à un moment le personnage est seul sur scène, la musique devient douce, avec de simples violons... ça endort). Le premier acte dure une heure ("c'est bien ça alors, 4 heures de spectacle, qu'est ce qu'il m'a pris de venir, quand je pense qu'il y avait Weeds sur Canal+") le second acte dure 30 minutes, et le dernier 15. Sont pas matheux. Finalement le ballet n'est long « que » de 2h30 avec les entractes.

J'ai toujours pas capté qui était qui (ils étaient au moins 60 là-dedans, avec les costumes et décors qui changent tout le temps, plus l'orchestre, je comprends que ça coûte si cher). J'ai pas trop compris ce qu'ils exprimaient en gigotant tout le temps (c'est un peu répétitif non ? Pourquoi ils ne se parlent pas tout simplement ? On comprendrait mieux ce qu'ils veulent dire. Un type m'exprime son intéret en gesticulant comme ça, désolée, je comprends pas. Et quand je m’adresse à quelqu'un je ne lève pas la patte, qu'est-ce que c'est que cette manie de faire des pointes ?)

Pourtant au final, j'ai bien aimé. J'avais même des frissons en écoutant le thème principal. Mais je vibrais plus pour le concert du nouvel an de l'opéra de Lyon, car l'orchestre n'était pas dans son trou, on l'entendait mieux. Comme quoi, même mémé peut apprécier la grande culture.

La prochaine fois, mémé vous racontera comment elle a testé l'opéra (je fais des rimes, c'est la frime).