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11/05/2020

Ca puire !

visiteurs parfum.jpgAlors les déconfinés, ça bosse ? ça se contamine ?
Pas moi ! Non merci sans façon, après vous, je vous en prie. Je vous laisse faire les cobayes pour ce retour à l'anormal, vous me raconterez les nouvelles du front.
Ceux qui sont obligés de sortir travailler, je les plains. Mais les files d'attentes interminables devant Sephora comme on peut en voir depuis ce matin... Les pouffes vont se maquiller sous leur masque qui couvre le visage ? A un mètre de distance, personne ne verra leurs points noirs, et on n'a pas envie de choper la migraine en sentant leurs parfums polluer les environs. S'asperger de parfum pour se faire remarquer de loin, c'est comme un chien qui pisse dans tous les coins pour marquer son territoire. ("j'ai dépensé 120 balles dans ce remugle censé montrer ma personnalité, alors qu'il est le dernier relent à la mode et qu'on est des milliers à le porter.") 
 
A propos d'odeur nauséabonde, certains pensaient courir de joie dans la rue à minuit pour fêter le déconfinement, comme si à minuit pile, le virus disparaissait aussi d'un goût de baguette magique. Mais une exhalaison pestilentielle s'est répandue dans la région francilienne au même moment. Le parfum de ma collègue ? Après avoir réussi à envahir tout l'étage et les ascenseurs, elle a atteint tout Paris ? Ca sentait le soufre. Comme au travail avec la collègue harceleuse donc. Comme en enfer. Comme pour nous avertir : "si vous sortez, vous allez crever".
Après le covid, l'incendie à Tchernobyl, les incendies en Australie, l'invasion de criquets en Afrique, les pluies diluviennes de samedi puis dimanche le soufre et les entrailles de l'enfer qui se réveillent, Paco Rabanne et les mayas s'étaient juste trompés de date, l'apocalypse n'était pas pour 1999, ni 2012, mais 2020. Je lance donc ma propre secte : la secte des confinés tous seuls. Je prêcherai la bonne parole depuis mon ordi : rejoignez ma secte... en restant chez vous.
 
Officiellement pour l'odeur pestilentielle, pour ne pas alarmer la population, on évoque les égouts qui refoulent après les violents orages de samedi. Ce phénomène se produit fréquemment avec les canalisations du village reliés à la rivière dans le jardin familial, malgré nos plaintes à la mairie. Je peux donc dire que je connais bien l'odeur des égouts (avec la rivière, mais aussi les propos et le parfum de ma collègue), et ce n'est pas du tout celle que j'ai perçue hier. Le soufre, l'odeur d'oeufs pourris, non plus. Je l'ai senti dans les fumerolles en Islande, ou moins exotique, à la station madeleine à Paris, creusée à proximité d'une nappe phréatique riche en soufre. Ca sentait plutôt le brûlé toxique, comme un insecte grillé sur une lampe halogène. Le directeur de recherche au CNRS au labo de physique chimie de l’environnement estime que ce se serait plutôt : un rejet en douce, ponctuel, comme une centrale d’appoint ou un incinérateur qui se remet en marche et dont les panaches auraient été dispersés par le vent ». On fait cramer en douce tous les morts du covid non déclarés ?
 
confinement,covidJe ne pensais pas qu'on allait permettre aux Franciliens de sortir aujourd'hui, puisque les hôpitaux sont toujours saturés, mais visiblement, l'économie est plus importante que la santé. ça pue vraiment. Préparez vos surfs pour la deuxième vague.

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07/05/2020

Les oiseaux, partie 5

goelands drone.jpgLe matin aux saisons nouvelles
Je vais au bord de la ruelle
Regarder les oiseaux
Ils viennent pas quand je les appelle
Caresser l'eau du bout des ailes
Et fientent sur les bobos
 
Depuis le temps qu'on nous le promet, enfin c'est vrai : "la nature reprend ses droits". Des goélands ont niché sur le toit de l'immeuble d'en face. Cet édifice hideux qui me gâche la vue sert enfin à quelque chose (et plus à héberger des cons qui font du bruit). Je ne vois pas les oiseaux vu que j'habite comme les gueux de Métropolis au ras du sol, mais j'entends leurs cris à la fois plaintif et moqueur si caractéristiques. Certains de mes congénères parigots têtes de veaux s'en plaignent pourtant sur BFM tv, une chaîne reflet de leur intelligence :
(J'ai enlevé leur nom de famille, car sans honte, ils ont osé le donner.) Ces cris rauques nous embêtent !" déplore Anne Connasse, une psychanalyste. (qui aurait besoin de se faire soigner, les cordonniers sont les + mal chaussés.) "C'est infernal ! C'est une catastrophe de les entendre brailler, de les entendre pleurer", vitupère Rodolphe Gerbant, un agent de sécurité. "Catastrophe", rien que ça, on ne peut pas trouver pire. La pandémie, la pollution, c'est rien à côté.
Fatigués, abandonnent
Et s'enfoncent dans le ciel
Pour aller chercher de l'air plus haut
 
Entre les cris des goélands et ceux du merdeux qui pleure en permanence :"APPOLINE ELLE M'A VOLE MON PLAYMOBIL ! NON JE VEUX PAS LA SALADE !!" Je choisis les oiseaux. Au moins eux, on ne comprend pas ce qu'ils disent. A mon avis, avec leurs cris qui ressemblent à des rires, ils se moquent de nous les confinés. 
Plus haut que nous ne pourrons aller avant longtemps
C'est si loin
 
allan-barte-la-liberte-c-est-surfait.jpgGrâce aux goélands qui couvrent enfin le bruit des perceuses et de la corde à sauter de la voisine, j'ai l'impression d'être au bord de la mer, et plus cloîtrée dans mon studio parisien. Continuez les copains, et continuez aussi à attaquer les drones de surveillance de 1984. A ce propos, je vous conseille vivement l'excellent documentaire d'Arte "Tous surveillés, 7 milliards de suspects" disponible jusqu'au 19 juin, en lien ici.
Loin de moi que mes yeux déçus
Aveuglés aux voûtes d'azur
N'y croient plus
 

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02/05/2020

Les oiseaux, partie 4

oiseaux,confinement
Fly away through the midnight air
As we head across the sea
And at last we will be free
I'm a bluebird, I'm a bluebird
Les deux fenêtres du cabinet médical sont ouvertes pour la première fois. Peut-être pour aérer entre deux patients infectés, mais moi, je connais bien la vraie raison, bien plus importante, vitale : pour écouter les petits oiseaux !
Le docteur continue son discours désabusé : "Les gens n'en peuvent plus du confinement. C'est difficile pour eux de ne pas sortir voir leurs proches... Vous tenez le coup ?
- Je vois peu de personnes d'habitude, c'est surtout me promener dans la nature qui me man.. OH j'entends une mésange charbonnière aussi !!
L'étonnement se lit à nouveau sur le visage du médecin, mais compréhensif, il se met à mon niveau : - Oui on a de la chance avec cette cour intérieure, pas de bruit, les oiseaux sont tranquilles, on les entend bien...
- Han un troglodyte cette fois ! Mais c'est le paradis ici !"
Le docteur interrompt mon cours d'ornithologie : - Bon, vous étiez venue pour des piqûres et vaccins...
 
mesange-charbonniere-.jpgJe lui parle des oiseaux, ces êtres doux et divins, et il me répond piqûre infernale qui fait mal, qui est ce démon ?
- Nan mais je préfère écouter les oiseaux en fait
- Vous pourrez le faire pendant que je vous vaccine. Ca ne fait pas mal du tout, c'est très rapide, regardez :
En un éclair digne d'un magicien, il me pique le bras gauche et je confirme : - J'ai rien senti !
- Je vous l'avais dit ! Regardez les oiseaux par la fenêtre maintenant.
Je me tourne vers la vitre à gauche, et pendant ce temps, le docteur m'empale le bras droit en douce.
Moi, choquée : - MAIS !
Docteur, content comme un gosse qui a collé un poisson d'avril dans le dos de son voisin : - Hé hé ! Je vous ai eu !! 
- Mais il fait mal celui-là !
- Oui ! C'est pour ça que je vous ai dit de regarder les oiseaux !
- On les voit même pas en plus !!"
Bernée comme une gamine de 5 ans.
 
troglodyte mignon.jpgJe reprends une conversation d'adulte : - Je peux faire des effets secondaires ? Que je me dise pas que j'ai chopé le corona quoi...
- Bof, non c'est rien...
- Ah ?
- Bon c'est possible, surtout qu'on a fait plusieurs vaccins... Peut-être de la fatigue, des douleurs au bras, des boules au niveau des injections, de la fièvre...
 
3 fois rien quoi, juste une petite gangrène. Je sors du cabinet en faisant ma guerrière revenue du front : "les piqûres, je les fais toutes d'un coup, tournée générale, cocktail molotov, même pas mal."
4 heures après, je regarde la dernière saison du Bureau des légendes et tout d'un coup je passe d'une conversation dans les locaux de la DGSE à une scène dans le désert avec un nouveau personnage et un mort ressuscité. En fait je me suis endormie comme une grosse larve et j'ai loupé un épisode. Mes bras me font atrocement mal, et je vois que deux nouveaux biceps ont poussé. Soit je suis Hulk somnambule et j'ai fait 3000 pompes sans m'en rendre compte, soit, plus plausible, je fais une réaction aux vaccins comme Coluche en fait aux moustiques dans Banzaï. Pendant 3 jours, je comate dans mon lit en me réveillant en sursaut dès que mes bras touchent le matelas.
"ça ne fait pas mal" "c'est rien du tout" qu'il disait.
 
Le 3ème jour, ce n'est pas la douleur qui me réveille du coma, mais un bruit. L'éternelle guitare du voisin, la corde à sauter de la voisine ? Non. Un son très agréable. Le chant du merle. C'est sûr, il a quitté le médecin pour moi :"Une fan apprécie mon talent à sa juste valeur, je déménage pour suivre mon public éclairé." En 13 ans à Paris, je ne l'entendais qu'exceptionnellement. Depuis, il chante du matin au soir, sa voix puissante résonne et couvre celle du clodo aviné et des perceuses. Je ne l'ai pas encore vu, il est certainement perché sur le toit car les merles aiment se placer en hauteur pour dominer, comme les chats. Merlounet nous gueule à longueur de journée (je vous fais la traduction, je parle couramment le merle) : "restez chez vous, ne faites pas de bruit, écoutez-moi, c'est moi le roi !" et je bois ses paroles religieusement. Depuis le début du confinement je mettais des chants d'oiseaux sur youtube pour oublier Paris. Plus besoin, je laisse la fenêtre ouverte. Il fait 14 degrés et un vent à décorner les cocus, mais je préfère m'enrouler dans mon plaid et risquer la pneumonie pour entendre mon nouvel ami. 
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise

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30/04/2020

Les oiseaux, partie 3

masque 100 briques.jpgAprès la pharmacie, je me rends chez le docteur. Sur le trottoir d'en face, j'aperçois une des médecins très sympa qui rigole en pause avec les secrétaires. Contente de la voir (je vous rappelle que je n'ai vu personne en 5 semaines, donc mon docteure devient ma meilleure pote) je m'arrête et lui fais coucou de loin. Les 3 interrompent leurs rires pour plisser des yeux et me regarder d'un air qui signifie "mais qui c'est celle-là? " M'enfin, comment peut-elle ne pas reconnaître, moi qui suis pourtant inoubliable ?
J'ai oublié que je portais 32 couches de protections sur le visage et un bandana noir qui me recouvre jusqu'aux yeux comme une braqueuse de banque.
 
A l'accueil, la secrétaire discute avec une autre médecin. Décidément, c'est vrai, les cabinets médicaux sont désertés par crainte de choper le covid, je n'avais encore jamais vu les soignants prendre le temps de faire des pauses. En me voyant, la secrétaire me fait le geste de reculer. Je suis dans le couloir, je ne suis même pas rentrée dans le bureau. Si je recule encore, je tombe dans le pot de fleurs contre le mur. Je suppose qu'elle me demande de m'éloigner car sa conversation est privée, secret médical des hémorroïdes de M. Truc. Mais non, l'assistante me tance "périmètre de sécurité !"
Et le médecin, qui reçoit tous les matins les patients atteints du coronavirus comme me l'a dit la secrétaire au téléphone ? Elle ne porte pourtant pas de masque? Elle se tient penchée sur la secrétaire pour regarder l'ordinateur, à 30 centimètres ? La docteure est certainement plus à risque que moi qui ne côtoie personne depuis plus d'un mois...
La secrétaire me crie (vu qu'elle me maintient dans le couloir) "allez vous lavez les mains !". Sir yes sir, je m'exécute (pan) puis je me remets dans l'allée, face à une porte ouverte sur la cour intérieure. Et là, j'entends le chant d'une sirène. Emerveillée, je ne réfléchis pas, je me précipite dehors pour voir d'où provient cette douce mélodie. Je vois alors un arbre et un parterre de fleurs. Un arbre, des fleurs, je ne savais plus ce que c'était ! Avec ma fenêtre qui donne sur le trottoir gris, l'immeuble gris et le clodo gris.
Depuis son bureau j'entends la secrétaire beugler : "MAIS VOUS ETES OU ? VENEZ !"
Je reviens à contre-coeur, un sourire béat (qu'elle ne voit pas sous le masque) et j'explique :
"Nan mais j'ai entendu un...
Cerbère m'interrompt  : - Vous venez pour quoi ? Vous avez rendez-vous ?
- Oui, pour des vaccins
Elle se radoucit : - Ah oui c'est vous."
 
Le cabinet ne fait plus que des téléconsultations l'après-midi, elle me prenait peut-être pour une pestiférée du covid qui débarque sans prévenir pour lui tousser dessus.
Elle poursuit : " Installez-vous dans la salle d'attente, rez-de-chaussée juste à côté."
Mais le chant de la sirène est trop fort et je retourne dans la cour, le nez levé au ciel pour voir où se tient cet être divin qui enchante mes oreilles.
Moins de 5 minutes plus tard, je vois passer à grands pas mon médecin dans le couloir. Il regarde de droite à gauche, les bras levés dans un geste d'impuissance, le regard ébahi qui signifie : "Mais ? Où elle est ?!" En général il est en retard et lorsqu'il ouvre sa porte, le prochain patient bondit de sa chaise comme devant le messie "enfin ! il est revenu! c'est à moi !! guéris-moi seigneur, laisse moi entrer en premier dans ton royaume !" Alors en constatant que les fidèles avaient déserté son temple et qu'il était obligé d'aller à leur rencontre, le prophète a dû en perdre son vidal.
 
Sans même lui dire bonjour, je lui désigne ma découverte, illuminée par la grâce  : 
"Vous avez un merle dans votre cour !!
Au lieu de sauter de joie comme je l'escomptais (un oiseau qui chante ! Je ne connaissais plus que le chant des voitures, des perceuses et du clodo aviné!), le docteur penche la tête, un voile attristé devant les yeux. Je devine un sourire chagriné sous son masque, car il répond d'un air las :
blackbird.jpg- Oui. C'est dur le confinement..."
Démasquée. malgré mes 43 couches sur le nez.
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise
 
à suivre
 

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