24/06/2020
Mauvais esprit
Je modifie un billet de 2009, car l'histoire pourrait encore m'arriver. Je n'ai pas changé, je prends toujours le chemin qui me plaît.
Au boulot, dans l'open space m'a tuer, le big boss ouvre soudainement la porte. Quand le chat est là, les souris ne dansent pas. Les employés se pétrifient, interrompant leur sieste activité pour regarder l'étonnante arrivée du roi descendu inhabituellement de son trône et se mêler à la populace. Le sire traverse solennellement l'immense salle, sans dire un mot (il ne va tout de même pas s'abaisser à un "bonjour"), l'air grave. Il arrive tout au fond de la pièce, c'est-à-dire à la place des cancres qui peuvent glander en douce, c'est-à-dire la mienne :
« Suivez-moi, j’ai à vous parler. »
Comme un seul homme, tous les employés se retournent vers moi, l'air interrogatif qui signifie "mais qu'est-ce que t'as fait ?!"
Je leur réponds avec la mimique qui veut dire "Bah j'en sais rien ! (rien, justement ?) : je hausse les sourcils et les épaules, paumes vers le ciel, joues remplies d'air que je vide d'un coup. (Il paraît que la moue dite "de la bouche qui pète" pour symboliser l'ignorance ou le désintérêt est typiquement française !) Une porte se trouve à côté de moi pour fuir en douce, mais emprunter une voie de garage pour se retrouver dans le couloir désert, ça ne fait pas partie de la mise en scène de terreur du souverain. Il préfère retraverser toute la salle en prenant l'allée centrale, sous les regards de l'assistance. J'ai l'impression d'être un condamné qui suit son bourreau jusqu'à l'échafaud en place publique.
Arrivé à la guillotine, dans le bureau du directeur, ce dernier me révèle enfin la raison de son show :
Boss : « Tout d’abord, votre travail est excellent. Vous êtes vraiment très efficace. Là-dessus il n’y a aucun problème.
Ah s'il savait... Je suis tellement rapide que je finis mon boulot de la journée à midi et je passe le reste du temps à surfer sur internet...
Le boss poursuit : En revanche, je trouve que vous faites du mauvais esprit. J’ai peur que vous influenciez les autres. Quand vous êtes venue demander pour…enfin… »
Il s’interrompt car il n’ose pas me révéler la vraie raison qui lui pose problème :
J’ai été la seule à oser demander pourquoi notre salaire sur la fiche de paie était inférieur de 100 euros au chiffre annoncé dans l'offre d'emploi. Certains ne l'avaient même pas remarqué !
Le dirlo ne peut pas m'en blâmer. Alors il me reproche ce que j’estime être des détails :
Lors d’une réunion de bilan, une responsable nous a dit :
« vous avez fait le double de travail demandé ! C’est génial ! »
J'ai répliqué sur le ton de la plaisanterie : « On a le droit à une prime ? »
La femme a éclaté de rire : « Je voudrais bien mais ce n’est pas de mon ressort ! »
Sauf que le patron n’a pas trouvé ça drôle du tout. Il me blâme donc aujourd’hui :
« JAMAIS vous n’aurez de primes, c’est bien clair ? »
Moi : - Je le sais bien, c’était une plaisanterie…
Boss :- Ici, on ne plaisante pas. Votre humour est très malvenu.»
J'ai de la peine à réprimer un sourire. Sérieusement ? C'est le bagne ici ?
Il me regarde au fond des yeux, sans sourciller, pendant tout l’entretien. Il tente de déceler le trublion qui sommeille en moi.
Il s’attend peut-être à ce que je me lève et fasse le salut militaire: « Sir, yes sir ! »
Ou il pense que je vais chanter, la main sur le cœur : « C’est la lutte finale, groupons-nous et demain… »
Me reprocher d’influencer les autres par mon humour, au lieu de me faire peur, je trouve ça plutôt flatteur. Lorsque je reviens dans l'open space, je reprends l'allée centrale et parade avec le sourire triomphant, en repensant à Patrick Dewaere dans Coup de tête. Il se fait virer de son entreprise, fait un coup d'éclat dans le bureau du directeur et revient acclamé par les collègues (voir scène en lien).
« Monsieur le président, j’aimerais vous dire deux mots. On m’a viré du foot il y a trois semaines, aujourd’hui on me vire de l’usine… Je suppose que vous allez me reprendre mon logement… Je vous dois tout monsieur le président, alors je vous rends TOUT ! (Il se déshabille, puis voit le regard narquois de la présidente) Je vous enverrai mon slip par la poste ! (Il salue) et mes chaussettes !»
Je ne pousse pas le bouchon jusqu'à me désaper comme mon acteur fétiche: "vous nous refusez les 100 euros ? Très bien, alors la somme représentant les vêtements que je porte, je vais donc les retirer..."
Je me contente de raconter l’anecdote à mes collègues, en mimant la scène et la tête du dirlo. Mes camarades sont morts de rire :
"Ouais, demain t’amènes ta banderole !"
"C’est pour quelle heure la manif ? "
Au lieu de me faire taire, en agissant ainsi, le boss a au contraire renforcé mon esprit narquois et la cohésion du groupe contre lui.
Siffler en travaillant
C'est un bon stimulant
Qui vous rend le coeur plus vaillant
C’était un communiqué du SCME, Syndicat des Chats au Mauvais Esprit.
16:35 Publié dans Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : travail, comment supporter son boss | | Facebook
Commentaires
Je CROIS que c'est pas trop, trop légal d'annoncer un salaire dans une annonce et de ne pas l'appliquer...
Écrit par : Betty | 24/06/2020
oui ! je ne me souviens + quelle était l'excuse mais je crois qu'on n'a jamais eu le salaire annoncé finalement. J'étais la seule à me plaindre, mes collègues, des jeunes étudiants s'en fichaient, ils étaient là pour quelques mois voire 1 seul (certains ont démissionné dès le premier jour) je suis restée la dernière, + de 6 mois "car je travaillais bien" :-D
Écrit par : Papillote | 24/06/2020
Les commentaires sont fermés.