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02/05/2020

Les oiseaux, partie 4

oiseaux,confinement
Fly away through the midnight air
As we head across the sea
And at last we will be free
I'm a bluebird, I'm a bluebird
Les deux fenêtres du cabinet médical sont ouvertes pour la première fois. Peut-être pour aérer entre deux patients infectés, mais moi, je connais bien la vraie raison, bien plus importante, vitale : pour écouter les petits oiseaux !
Le docteur continue son discours désabusé : "Les gens n'en peuvent plus du confinement. C'est difficile pour eux de ne pas sortir voir leurs proches... Vous tenez le coup ?
- Je vois peu de personnes d'habitude, c'est surtout me promener dans la nature qui me man.. OH j'entends une mésange charbonnière aussi !!
L'étonnement se lit à nouveau sur le visage du médecin, mais compréhensif, il se met à mon niveau : - Oui on a de la chance avec cette cour intérieure, pas de bruit, les oiseaux sont tranquilles, on les entend bien...
- Han un troglodyte cette fois ! Mais c'est le paradis ici !"
Le docteur interrompt mon cours d'ornithologie : - Bon, vous étiez venue pour des piqûres et vaccins...
 
mesange-charbonniere-.jpgJe lui parle des oiseaux, ces êtres doux et divins, et il me répond piqûre infernale qui fait mal, qui est ce démon ?
- Nan mais je préfère écouter les oiseaux en fait
- Vous pourrez le faire pendant que je vous vaccine. Ca ne fait pas mal du tout, c'est très rapide, regardez :
En un éclair digne d'un magicien, il me pique le bras gauche et je confirme : - J'ai rien senti !
- Je vous l'avais dit ! Regardez les oiseaux par la fenêtre maintenant.
Je me tourne vers la vitre à gauche, et pendant ce temps, le docteur m'empale le bras droit en douce.
Moi, choquée : - MAIS !
Docteur, content comme un gosse qui a collé un poisson d'avril dans le dos de son voisin : - Hé hé ! Je vous ai eu !! 
- Mais il fait mal celui-là !
- Oui ! C'est pour ça que je vous ai dit de regarder les oiseaux !
- On les voit même pas en plus !!"
Bernée comme une gamine de 5 ans.
 
troglodyte mignon.jpgJe reprends une conversation d'adulte : - Je peux faire des effets secondaires ? Que je me dise pas que j'ai chopé le corona quoi...
- Bof, non c'est rien...
- Ah ?
- Bon c'est possible, surtout qu'on a fait plusieurs vaccins... Peut-être de la fatigue, des douleurs au bras, des boules au niveau des injections, de la fièvre...
 
3 fois rien quoi, juste une petite gangrène. Je sors du cabinet en faisant ma guerrière revenue du front : "les piqûres, je les fais toutes d'un coup, tournée générale, cocktail molotov, même pas mal."
4 heures après, je regarde la dernière saison du Bureau des légendes et tout d'un coup je passe d'une conversation dans les locaux de la DGSE à une scène dans le désert avec un nouveau personnage et un mort ressuscité. En fait je me suis endormie comme une grosse larve et j'ai loupé un épisode. Mes bras me font atrocement mal, et je vois que deux nouveaux biceps ont poussé. Soit je suis Hulk somnambule et j'ai fait 3000 pompes sans m'en rendre compte, soit, plus plausible, je fais une réaction aux vaccins comme Coluche en fait aux moustiques dans Banzaï. Pendant 3 jours, je comate dans mon lit en me réveillant en sursaut dès que mes bras touchent le matelas.
"ça ne fait pas mal" "c'est rien du tout" qu'il disait.
 
Le 3ème jour, ce n'est pas la douleur qui me réveille du coma, mais un bruit. L'éternelle guitare du voisin, la corde à sauter de la voisine ? Non. Un son très agréable. Le chant du merle. C'est sûr, il a quitté le médecin pour moi :"Une fan apprécie mon talent à sa juste valeur, je déménage pour suivre mon public éclairé." En 13 ans à Paris, je ne l'entendais qu'exceptionnellement. Depuis, il chante du matin au soir, sa voix puissante résonne et couvre celle du clodo aviné et des perceuses. Je ne l'ai pas encore vu, il est certainement perché sur le toit car les merles aiment se placer en hauteur pour dominer, comme les chats. Merlounet nous gueule à longueur de journée (je vous fais la traduction, je parle couramment le merle) : "restez chez vous, ne faites pas de bruit, écoutez-moi, c'est moi le roi !" et je bois ses paroles religieusement. Depuis le début du confinement je mettais des chants d'oiseaux sur youtube pour oublier Paris. Plus besoin, je laisse la fenêtre ouverte. Il fait 14 degrés et un vent à décorner les cocus, mais je préfère m'enrouler dans mon plaid et risquer la pneumonie pour entendre mon nouvel ami. 
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise

30/04/2020

Les oiseaux, partie 3

masque 100 briques.jpgAprès la pharmacie, je me rends chez le docteur. Sur le trottoir d'en face, j'aperçois une des médecins très sympa qui rigole en pause avec les secrétaires. Contente de la voir (je vous rappelle que je n'ai vu personne en 5 semaines, donc mon docteure devient ma meilleure pote) je m'arrête et lui fais coucou de loin. Les 3 interrompent leurs rires pour plisser des yeux et me regarder d'un air qui signifie "mais qui c'est celle-là? " M'enfin, comment peut-elle ne pas reconnaître, moi qui suis pourtant inoubliable ?
J'ai oublié que je portais 32 couches de protections sur le visage et un bandana noir qui me recouvre jusqu'aux yeux comme une braqueuse de banque.
 
A l'accueil, la secrétaire discute avec une autre médecin. Décidément, c'est vrai, les cabinets médicaux sont désertés par crainte de choper le covid, je n'avais encore jamais vu les soignants prendre le temps de faire des pauses. En me voyant, la secrétaire me fait le geste de reculer. Je suis dans le couloir, je ne suis même pas rentrée dans le bureau. Si je recule encore, je tombe dans le pot de fleurs contre le mur. Je suppose qu'elle me demande de m'éloigner car sa conversation est privée, secret médical des hémorroïdes de M. Truc. Mais non, l'assistante me tance "périmètre de sécurité !"
Et le médecin, qui reçoit tous les matins les patients atteints du coronavirus comme me l'a dit la secrétaire au téléphone ? Elle ne porte pourtant pas de masque? Elle se tient penchée sur la secrétaire pour regarder l'ordinateur, à 30 centimètres ? La docteure est certainement plus à risque que moi qui ne côtoie personne depuis plus d'un mois...
La secrétaire me crie (vu qu'elle me maintient dans le couloir) "allez vous lavez les mains !". Sir yes sir, je m'exécute (pan) puis je me remets dans l'allée, face à une porte ouverte sur la cour intérieure. Et là, j'entends le chant d'une sirène. Emerveillée, je ne réfléchis pas, je me précipite dehors pour voir d'où provient cette douce mélodie. Je vois alors un arbre et un parterre de fleurs. Un arbre, des fleurs, je ne savais plus ce que c'était ! Avec ma fenêtre qui donne sur le trottoir gris, l'immeuble gris et le clodo gris.
Depuis son bureau j'entends la secrétaire beugler : "MAIS VOUS ETES OU ? VENEZ !"
Je reviens à contre-coeur, un sourire béat (qu'elle ne voit pas sous le masque) et j'explique :
"Nan mais j'ai entendu un...
Cerbère m'interrompt  : - Vous venez pour quoi ? Vous avez rendez-vous ?
- Oui, pour des vaccins
Elle se radoucit : - Ah oui c'est vous."
 
Le cabinet ne fait plus que des téléconsultations l'après-midi, elle me prenait peut-être pour une pestiférée du covid qui débarque sans prévenir pour lui tousser dessus.
Elle poursuit : " Installez-vous dans la salle d'attente, rez-de-chaussée juste à côté."
Mais le chant de la sirène est trop fort et je retourne dans la cour, le nez levé au ciel pour voir où se tient cet être divin qui enchante mes oreilles.
Moins de 5 minutes plus tard, je vois passer à grands pas mon médecin dans le couloir. Il regarde de droite à gauche, les bras levés dans un geste d'impuissance, le regard ébahi qui signifie : "Mais ? Où elle est ?!" En général il est en retard et lorsqu'il ouvre sa porte, le prochain patient bondit de sa chaise comme devant le messie "enfin ! il est revenu! c'est à moi !! guéris-moi seigneur, laisse moi entrer en premier dans ton royaume !" Alors en constatant que les fidèles avaient déserté son temple et qu'il était obligé d'aller à leur rencontre, le prophète a dû en perdre son vidal.
 
Sans même lui dire bonjour, je lui désigne ma découverte, illuminée par la grâce  : 
"Vous avez un merle dans votre cour !!
Au lieu de sauter de joie comme je l'escomptais (un oiseau qui chante ! Je ne connaissais plus que le chant des voitures, des perceuses et du clodo aviné!), le docteur penche la tête, un voile attristé devant les yeux. Je devine un sourire chagriné sous son masque, car il répond d'un air las :
blackbird.jpg- Oui. C'est dur le confinement..."
Démasquée. malgré mes 43 couches sur le nez.
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise
 
à suivre
 

25/04/2020

Les oiseaux, partie 2

 
Réveille-toi !
Debout !
Tiens-toi droit !
On va leur montrer
Qu'on peut tout changer
 
Je sors donc de chez moi. Je me rends d'abord à la pharmacie chercher mes vaccins (pas contre le coronavirus malheureusement) Pour cela, je dois me faufiler entre les clients de la boucherie qui tiennent une file d'attente de 30 mètres pour aller bouffer du pangolin. Cette fois-ci, ils ont fait un effort : ils portent des masques, des vrais, ces précieux trésors introuvables. Mais ils les laissent autour du cou. Oui, ils les baissent pour pouvoir discuter entre eux...
Quant aux distances de sécurité, déjà, un mètre, je trouvais que c'était trop peu : lors de ma dernière sortie, le gamin qui m'a doublé en trottinette a échappé (jeté ?) son mouchoir, lequel avec le vent s'est immédiatement retrouvé 10 mètres plus loin. Alors avec les crachats de joggeurs, les gens qui toussent... La distance à maintenir à été remontée à 2 mètres minimum, et des médecins admettent que les postillons et éternuements peuvent se répandre à 5 mètres à la ronde.
 
J'ai bricolé un masque à ma façon. Certains prétendaient au début que c'était inutile, mais tous les hivers, je porte mon écharpe autour du nez dans le métro, et je suis rarement malade (enfin à part des maladies chroniques non contagieuses), pas même un rhume. J'ai donc imaginé une protection avec une superposition de filtre à café, de sopalin, de foulard puis de tour du cou. Au top de la mode pour la collection printemps-été 2020. 26 degrés, j'étouffe sous mes 4 couches de protection (et même 8 car les foulards sont pliés en deux). La prochaine fois, j'en rajoute une 9ème avec une serviette hygiénique. Je pars en mission commando suicide.
Il faudrait retrouver les oiseaux blessés
Ils sont bien quelque part, on peut les sauver
Vaut mieux tout recommencer, on peut pas se suicider
 
Parvenant tant bien que mal à me glisser entre deux pestiférés, je rentre dans la pharmacie. C'est la première fois en 5 semaines que je parle à quelqu'un de visu (si l'on excepte le simple "bonjour" avec les voisins devant les poubelles). Je suis si contente de tenir enfin une conversation (ah les médicaments, ma passion) que je me montre volubile. Sauf qu'avec mes 8 couches de protection sur la gueule, la pharmacienne ne comprend rien.
Moi : "fé  fou fé fan fi fote feu faq faufou fu cou
Pharmacienne : - Pardon?
 Plus fort : FE FOU FE FAN FI FOTE... 
La pharmacienne grimace et tend l'oreille. J'articule : - F'est fou ces gens qui fautent
Elle se rapproche encore. Rah et la distance de sécurité... Par réflexe d'agacement de ne pas me faire comprendre, j'écarte un peu ma super protection sans la baisser :
" C'est fou ces gens qui portent leurs masques autour du cou !"
- Oui ! C'est ce qu'on se dit tous ici en les voyant. C'est désolant. ça ne sert à rien... Puis en touchant leur protection, ils la contaminent."
 
Un ange passe. Me croyant jouer à 1,2,3 soleil, je m'immobilise comme lorsque le maître du jeu se retourne pour voir si on a bougé : car j'ai la main sur mon foulard. J'essaie de le redresser tant bien que mal car les 28 couches de protections se disloquent. Hum.
Respire! On va leur montrer
Respire! Qu'on peut tout changer
Respire ! Debout, souffle
Réveille-toi
 
Après la pharmacienne, je dois à présent affronter le médecin...
à suivre
 

28/03/2020

J'ai testé pour vous : la méditation, fin

yes man gourou.jpgLa thérapeute nous demande ensuite de nous remémorer un souvenir désagréable, et là en revanche, j'en ai plusieurs qui me viennent immédiatement en tête. Mon cœur s'accélère et mes muscles se tendent en revivant les traumatismes, et l'hypnotiseuse nous invite à superposer l'image de joie et à prendre de grandes inspirations pour atténuer l'angoisse. L'effet fonctionne relativement bien.

Nous sentant aware, la méditante passe un cap et nous parle cette fois-ci de nos êtres et de notre âme qui ne font qu'un avec les autres et avec l'univers. L'image du gourou qui parle aux elfes me revient et je n'ai pas envie de partager mes cellules avec les autres, merci bien on n'a pas gardé les vaches ensemble. Mais pour rester dans l'ambiance ("votre âme flotte dans l'espace") je me souviens que lorsque j'étais petite et que ma mère me forçait à aller me coucher au milieu du film, tout en écoutant le reste du Bebel depuis ma chambre, je m'imaginais que mon lit était un vaisseau spatial qui naviguait comme celui d'Ulysse 31, à travers les cieux, l'espace et le temps, et que si mon pied débordait de la couverture, il allait geler dans le vide intersidéral. Mon copilote, mon chat-adoré-de-ma-photo-de-profil, me réchauffait heureusement les petons et assurait la stabilité du vaisseau en restant fidèle au poste : collé en boule contre mes pieds, inconscient du danger (et si on croisait une météorite ?)

L’hypnotiseuse finit son discours par un gong sur un bol tibétain, oui oui, le gros cliché, mais en entendant le son, je vois une lumière se propager sous mes yeux. Ça y est, je suis illuminée, au sens propre ! Toute pensée quitte mon esprit, moi dont le cerveau surchauffe en permanence. Une sensation étrange, mais agréable. Au cours de la méditation, je sentais aussi comme des picotements sur la tête. Lorsque la thérapeute nous demande le bilan de la séance, elle en conclut que je dois être très sensible et qu'il est rare d'arriver à un tel niveau dès la première fois (j'en fais depuis quotidiennement seule chez moi, mais l'effet "d'illumination" ne s'est pas reproduit.)

jeff airplane.jpgUne autre participante semble aussi réceptive. Pendant la méditation, l'hypnotiseuse nous a demandé de nous concentrer sur quelqu'un de la salle, et spontanément, j'ai pensé à cette fille, en sentant qu'elle avait mal au dos (déduction logique vu sa position assise par terre). En réalité, on s'est tous focalisé sur sa personne. Elle confirme son malaise : "parce qu'on décharge sur elle nos ondes négatives". Elle se met alors à pleurer et à discourir bizarrement pendant que sa copine l'enlace pour la consoler, dans un grand élan mélodramatique et impudique. Oh là là. Si j'ai bien compris cette fille prenait des cours auprès de la thérapeute pour en devenir une à son tour, mais je crois qu'elle ferait mieux de changer de voie et d'aller plutôt s'isoler en ermite dans une grotte. Imaginez son patient à la fin de la séance
"merci, je me sens apaisée "
Mais qui doit réconforter sa thérapeute : "- et moi je suis vidée à cause de vous ! bouhouhouh"

Je capte aussi les ambiances quand je rentre dans un lieu et je sens intuitivement les gens, même si je le refoule ("ok elle a plein de défauts mais j'exagère peut-être... Et 6 mois après : "ah non en fait") Lorsque j'arrive à la salle de pause et que je perçois l'atmosphère à couper au couteau créée par les mégères, ben je me casse. Je préfère m'isoler avant de leur jeter à la gueule mon thé brûlant.
Les autre femmes portent un bilan mitigé, elles n'ont pas réussi à se concentrer (à part sur les aboiements du chien). Au final, je reste la plus satisfaite. Je ne renouvelle néanmoins pas l'expérience en groupe, car je suppose que j'ai bénéficié de la "chance du débutant". Depuis, les tarifs ont baissé, et là je constate qu'ils sont même carrément au bon vouloir des participants, "don conscient", comme un humoriste débutant payé au chapeau.

Depuis, j'ai pris comme bonne résolution 2020 de méditer quotidiennement, et je n'ai failli que deux jours. J'écoute des thérapeutes sur le net, selon leur voix. Ainsi le doux timbre de Christophe André m'endort parfois, tandis qu'un autre qui possède un accent du sud très prononcé est moins efficace. J'ai l'impression qu'après un "vous vous sentez apaisé" il va enchaîner par "putaing tu vas me l'acheter mon poisson peuchère, tu me fends le cœur !" Un autre insiste trop pour qu'on s'abonne à sa page pour lui rapporter des sous et je déteste ce côté marchand de tapis qui force la main. Une femme prend un ton de maîtresse d'école sévère qui me stresse à l'idée d'être punie : "tu vas dormir oui ! Ou tu feras 100 lignes !"
Certains proposent un "scan" du corps, en se focalisant sur chaque partie : "pensez à votre pied droit. à votre cheville. à votre genou." Je trouve l'exercice rébarbatif, et surtout, je me rend compte que j'ai mal partout, c'est plutôt déprimant. Je me déconcentre alors et ma chansonnite revient : "j'ai la rate qui s'dilate, j'ai le foie qui est pas droit" "Mon âne, mon âne, a bien mal à la tête. Madame lui a fait faire, un bonnet pour sa tête. Un bonnet pour sa tête. Une paire de lunettes bleues. Et des souliers lilas la la, et des souliers lilas !"

Une prochaine fois, je vous raconterai ma séance dans un temple zen (j'avais envie d'assommer le moine avec sa cloche).