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30/04/2020

Les oiseaux, partie 3

masque 100 briques.jpgAprès la pharmacie, je me rends chez le docteur. Sur le trottoir d'en face, j'aperçois une des médecins très sympa qui rigole en pause avec les secrétaires. Contente de la voir (je vous rappelle que je n'ai vu personne en 5 semaines, donc mon docteure devient ma meilleure pote) je m'arrête et lui fais coucou de loin. Les 3 interrompent leurs rires pour plisser des yeux et me regarder d'un air qui signifie "mais qui c'est celle-là? " M'enfin, comment peut-elle ne pas reconnaître, moi qui suis pourtant inoubliable ?
J'ai oublié que je portais 32 couches de protections sur le visage et un bandana noir qui me recouvre jusqu'aux yeux comme une braqueuse de banque.
 
A l'accueil, la secrétaire discute avec une autre médecin. Décidément, c'est vrai, les cabinets médicaux sont désertés par crainte de choper le covid, je n'avais encore jamais vu les soignants prendre le temps de faire des pauses. En me voyant, la secrétaire me fait le geste de reculer. Je suis dans le couloir, je ne suis même pas rentrée dans le bureau. Si je recule encore, je tombe dans le pot de fleurs contre le mur. Je suppose qu'elle me demande de m'éloigner car sa conversation est privée, secret médical des hémorroïdes de M. Truc. Mais non, l'assistante me tance "périmètre de sécurité !"
Et le médecin, qui reçoit tous les matins les patients atteints du coronavirus comme me l'a dit la secrétaire au téléphone ? Elle ne porte pourtant pas de masque? Elle se tient penchée sur la secrétaire pour regarder l'ordinateur, à 30 centimètres ? La docteure est certainement plus à risque que moi qui ne côtoie personne depuis plus d'un mois...
La secrétaire me crie (vu qu'elle me maintient dans le couloir) "allez vous lavez les mains !". Sir yes sir, je m'exécute (pan) puis je me remets dans l'allée, face à une porte ouverte sur la cour intérieure. Et là, j'entends le chant d'une sirène. Emerveillée, je ne réfléchis pas, je me précipite dehors pour voir d'où provient cette douce mélodie. Je vois alors un arbre et un parterre de fleurs. Un arbre, des fleurs, je ne savais plus ce que c'était ! Avec ma fenêtre qui donne sur le trottoir gris, l'immeuble gris et le clodo gris.
Depuis son bureau j'entends la secrétaire beugler : "MAIS VOUS ETES OU ? VENEZ !"
Je reviens à contre-coeur, un sourire béat (qu'elle ne voit pas sous le masque) et j'explique :
"Nan mais j'ai entendu un...
Cerbère m'interrompt  : - Vous venez pour quoi ? Vous avez rendez-vous ?
- Oui, pour des vaccins
Elle se radoucit : - Ah oui c'est vous."
 
Le cabinet ne fait plus que des téléconsultations l'après-midi, elle me prenait peut-être pour une pestiférée du covid qui débarque sans prévenir pour lui tousser dessus.
Elle poursuit : " Installez-vous dans la salle d'attente, rez-de-chaussée juste à côté."
Mais le chant de la sirène est trop fort et je retourne dans la cour, le nez levé au ciel pour voir où se tient cet être divin qui enchante mes oreilles.
Moins de 5 minutes plus tard, je vois passer à grands pas mon médecin dans le couloir. Il regarde de droite à gauche, les bras levés dans un geste d'impuissance, le regard ébahi qui signifie : "Mais ? Où elle est ?!" En général il est en retard et lorsqu'il ouvre sa porte, le prochain patient bondit de sa chaise comme devant le messie "enfin ! il est revenu! c'est à moi !! guéris-moi seigneur, laisse moi entrer en premier dans ton royaume !" Alors en constatant que les fidèles avaient déserté son temple et qu'il était obligé d'aller à leur rencontre, le prophète a dû en perdre son vidal.
 
Sans même lui dire bonjour, je lui désigne ma découverte, illuminée par la grâce  : 
"Vous avez un merle dans votre cour !!
Au lieu de sauter de joie comme je l'escomptais (un oiseau qui chante ! Je ne connaissais plus que le chant des voitures, des perceuses et du clodo aviné!), le docteur penche la tête, un voile attristé devant les yeux. Je devine un sourire chagriné sous son masque, car il répond d'un air las :
blackbird.jpg- Oui. C'est dur le confinement..."
Démasquée. malgré mes 43 couches sur le nez.
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise
 
à suivre
 

25/04/2020

Les oiseaux, partie 2

 
Réveille-toi !
Debout !
Tiens-toi droit !
On va leur montrer
Qu'on peut tout changer
 
Je sors donc de chez moi. Je me rends d'abord à la pharmacie chercher mes vaccins (pas contre le coronavirus malheureusement) Pour cela, je dois me faufiler entre les clients de la boucherie qui tiennent une file d'attente de 30 mètres pour aller bouffer du pangolin. Cette fois-ci, ils ont fait un effort : ils portent des masques, des vrais, ces précieux trésors introuvables. Mais ils les laissent autour du cou. Oui, ils les baissent pour pouvoir discuter entre eux...
Quant aux distances de sécurité, déjà, un mètre, je trouvais que c'était trop peu : lors de ma dernière sortie, le gamin qui m'a doublé en trottinette a échappé (jeté ?) son mouchoir, lequel avec le vent s'est immédiatement retrouvé 10 mètres plus loin. Alors avec les crachats de joggeurs, les gens qui toussent... La distance à maintenir à été remontée à 2 mètres minimum, et des médecins admettent que les postillons et éternuements peuvent se répandre à 5 mètres à la ronde.
 
J'ai bricolé un masque à ma façon. Certains prétendaient au début que c'était inutile, mais tous les hivers, je porte mon écharpe autour du nez dans le métro, et je suis rarement malade (enfin à part des maladies chroniques non contagieuses), pas même un rhume. J'ai donc imaginé une protection avec une superposition de filtre à café, de sopalin, de foulard puis de tour du cou. Au top de la mode pour la collection printemps-été 2020. 26 degrés, j'étouffe sous mes 4 couches de protection (et même 8 car les foulards sont pliés en deux). La prochaine fois, j'en rajoute une 9ème avec une serviette hygiénique. Je pars en mission commando suicide.
Il faudrait retrouver les oiseaux blessés
Ils sont bien quelque part, on peut les sauver
Vaut mieux tout recommencer, on peut pas se suicider
 
Parvenant tant bien que mal à me glisser entre deux pestiférés, je rentre dans la pharmacie. C'est la première fois en 5 semaines que je parle à quelqu'un de visu (si l'on excepte le simple "bonjour" avec les voisins devant les poubelles). Je suis si contente de tenir enfin une conversation (ah les médicaments, ma passion) que je me montre volubile. Sauf qu'avec mes 8 couches de protection sur la gueule, la pharmacienne ne comprend rien.
Moi : "fé  fou fé fan fi fote feu faq faufou fu cou
Pharmacienne : - Pardon?
 Plus fort : FE FOU FE FAN FI FOTE... 
La pharmacienne grimace et tend l'oreille. J'articule : - F'est fou ces gens qui fautent
Elle se rapproche encore. Rah et la distance de sécurité... Par réflexe d'agacement de ne pas me faire comprendre, j'écarte un peu ma super protection sans la baisser :
" C'est fou ces gens qui portent leurs masques autour du cou !"
- Oui ! C'est ce qu'on se dit tous ici en les voyant. C'est désolant. ça ne sert à rien... Puis en touchant leur protection, ils la contaminent."
 
Un ange passe. Me croyant jouer à 1,2,3 soleil, je m'immobilise comme lorsque le maître du jeu se retourne pour voir si on a bougé : car j'ai la main sur mon foulard. J'essaie de le redresser tant bien que mal car les 28 couches de protections se disloquent. Hum.
Respire! On va leur montrer
Respire! Qu'on peut tout changer
Respire ! Debout, souffle
Réveille-toi
 
Après la pharmacienne, je dois à présent affronter le médecin...
à suivre
 

20/04/2020

Les oiseaux, partie 1

coronavirus, confinement, chanson française, musiquePleure pas, crie pas
N'oublie pas que tu n'as plus vingt ans
Ne te laisse pas sortir
Ou tu vas mourir
Notre vie n'est pas foutue
Faut pas qu'on s'habitue
 
Deux pigeons roucoulent devant ma fenêtre ouverte à 1 mètre de moi. Ils ne respectent pas la "distance de sécurité" ni les "gestes barrières" ni la limite "d'une heure autorisée". Ils me narguent en marchant sur la margelle, faisant crisser leurs serres sur le zinc : "alors comme ça, on ne peut pas sortir ? Frustrant hein ?" 
Confinement J+ je sais plus combien. Et on n'a même pas subi la moitié. Parce que le 11 mai, j'y crois autant qu'à la marmotte qui met le chocolat dans le papier d'alu. En plus je fais partie des "personnes à risque" (contre toutes les apparences : pas parce que je suis une mémé) qui "vont devoir rester confinées plus longtemps". Pas près de revoir mes oiseaux ni les marmottes (et vérifier si c'est vrai pour le papier d'alu). (J'ai un doute, elles sont capables de tout ces petites bestioles).
 
J'ai eu une bonne excuse pour sortir : me faire soigner, car les médecins s'alarmaient que "la situation est aussi dramatique pour les malades chroniques que l'on a perdus, ils n'osent plus venir nous voir."
coronavirus, confinement, chanson française, musiqueRéveille-toi
Debout, tiens-toi droit!
On va leur montrer
Qu'on peut tout changer
Je sais bien que les oiseaux perdus
Ne reviendront jamais
 
Alors je me suis résolue à me rendre chez le docteur, qui m'a sorti son sempiternel "mais pourquoi vous avez attendu !" Déjà parce qu'à chaque fois je pense "nan c'est rien, ça va passer, oublie que t'as aucune chance, on sait jamais sur un malentendu ça peut marcher". Puis en ce moment, la "petite grippette" ne m'encourage pas à sortir. Et pour des piqûres, encore moins. La dernière fois ya deux mois, après 5 jours d'empalements par des perfusions grosses comme le pipeau du déconfinement prochain, mes veines ne pouvaient tellement plus supporter que les infirmières ont dû s'y prendre à 3 pour me piquer 7 fois : "désolées pour le massacre" à la tronçonneuse. Mes bras ont ressemblé pendant 3 semaines à ceux d'une toxico du canal saint martin. J'aurais bien tenté les piqûres par téléconsultation sinon, je suis sûre que mon médecin a un petit côté marabout. Il pourrait sinon me lancer la seringue de loin comme l'infirmière le fait à De funès dans L'aile ou la cuisse (voir en lien) mais mon docteur n'est pas aussi sadique.
Mais arrête de dire dans ton lit
Que tu vas faire tout sauter
Toussoter 
 
Je téléphone d'abord pour savoir comment on procède, car je n'ai pas spécialement envie de me retrouver dans une salle d'attente bondée alors que je slalome déjà entre les joggeurs et crachats dès que je sors de chez moi.
Secrétaire :
- Oui vous pouvez venir cet après-midi, il est réservé aux patients atteints du covid.
- Mais je l'ai pas moi ! Et je suis à risque en + ! 
- Ah non pardon, je voulais dire que le covid, c'est le matin, l'après midi, c'est les téléconsultations.
- Il va me vacciner par téléphone ? (un marabout, j'en étais sûre !)
- Non (ah flûte) mais vous pouvez venir, la salle d'attente sera vide."
Allons viens et calme-toi
Parle-nous, ouvre-toi
 
Je sors donc de chez moi...
à suivre...

13/04/2020

Le lundi au soleil, c'est une chose qu'on n'aura jamais

28 jours affiche.jpgChaque fois c'est pareil
C'est quand on est derrière les carreaux
Qu'on est confinés que le ciel est beau
Qu'il doit faire beau sur les routes
 
Ca y est, on y est. 28 jours plus tard, comme dans le film. Les gens se transforment en zombies agressifs. Les insultes fusent en bas de chez moi :
" Vous prenez toute la place madame !
- Va te faire tringler !"
Ou encore : "ça va 6 paquets de farine, ça vous suffit peut-être ?!"
J'imagine le carnage à la American nightmare après ce soir, quand Macron annoncera la prolongation du confinement. Vous pariez sur quoi ? Mi-mai, début juin, et plus si affinités ?
 
marmotte.jpgA part la réclusion forcée avec des voisins que je méprise, le confinement ne change pas grand chose à mon quotidien au final. Avant je me lavais déjà les mains 20 fois par jour (obligée, l'estomac sur pattes mange beaucoup). Je ne fais pas la bise (je trouve cette manie dégueulasse) ni ne serre la main, évite la foule, en sortant peu le week-end et en prenant le métro à peine une fois par mois (je préfère marcher). J'enlève mes chaussures en rentrant chez moi, enfile une tenue uniquement pour la maison, ôte les emballages des aliments avant de les mettre dans le frigo. Je fais mes courses une fois toutes les 6 semaines (je déteste faire les magasins) Je cuisine moi-même, n'achète pas de pain en boulangerie. Je fais déjà du sport, yoga et relaxation quotidiennement et je sors peu voir des gens (en tout cas presque jamais hors du quartier à + de 2 km de chez moi accessible à pied).
Donc quand je lis les conseils pour survivre au confinement, j'ai plutôt l'impression de lire mes habitudes de vie : "Ah y en a qui ne se lavaient pas les mains avant ? Qui supportent pas d'être seuls face à eux-mêmes ?"
 
Pour mon planning quotidien, j'ai juste remplacé le travail par l'écriture et ça me convient très bien. Je suis ravie de ne plus bosser ni de voir les têtes de cons du boulot. Mais c'est le défoulement physique que le taf me procurait (beaucoup de marche, de montées d'escaliers) qui me manque, et plus que tout, ma promenade quotidienne au parc. Je les remplace par une heure de sport en +, mais même 2 à 3h par jour n'équivaut pas à  l'effort physique de la marche rapide, car je ne transpire pas en faisant des abdos. Le sport face à une fenêtre avec vue sur un immeuble hideux et les gamins qui braillent ne remplace par une promenade au milieu des mésanges qui gazouillent et des rosiers qui commencent à fleurir.
 
Je suis tellement sevrée de verdure que je rêve régulièrement, tous les hivers, que je marche en montagne. Si je ne peux pas aller cet été dans les Alpes voir mes marmottes parce que l'épidémie perdure à cause du confinement non respecté, au lieu d'observer les joggeurs depuis ma fenêtre, je vous préviens, je vais faire du tir aux pigeons dessus. Je ne pars pas en vacances sur les plages crades et bondées de la Méditerranée (quelle horreur) mais dans les alpages où je ne croise personne en 4 heures de balade (je me promène entre 15 et 19 heures quand les rares randonneurs rentrent et donc que les animaux sortent). Je ne vais pas contaminer les marmottes et les bouquetins à 20 mètres de distance.
 
alpes.jpgDis, ça fait combien de temps
Que tu n'as pas vu un peuplier, une fleur des champs?
Si tu as quelques chagrins
Pour les oublier il y a toujours une gare, un train
Change de ciel, viens voir la terre
Voir le soleil et les rivières
Viens à la maison y a le printemps qui chante