31/01/2019
Bilan lecture : crimes, travail et biographies
Affaires criminelles :
- La serpe de Philippe Jaenada
- La petite femelle de Philippe Jaenada
- L'adversaire d’Emmanuel carrère
- Lætitia de Ivan Jablonka
- La séquestrée de Poitiers et l'Affaire Redureau, de André Gide
- Femmes fatales, les criminelles approchées par un expert de Michele Agrapart Delmas
- Crimes de femmes : 25 histoires vraies de Anne Sophie Martin
- L’empoisonneuse de Peer Meter (bd)
- Le crime des sœurs Papin, les dessous de l’affaire, d'Isabelle Bedouet
Essais :
- Beauté fatale de Mona chollet
- Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés
- King-kong théorie de Virginie Despentes
- La garçonnière de la république de Émilie Lanez
- Toxic croquettes de Jutta Ziegler
- Le charme discret de l'intestin de Giulia Enders
Travail :
- Bonjour paresse de Corinne Maïer
- Ceci n'est pas une lettre de candidature de Corinne Maier
- Lettres de non motivation de Julien Prévieux
- Tribulations d’un précaire de Ian Levison
- Ta carrière est fi-nie ! et Absolument débordée ! de Zoé Shepard
- Les heures souterraines de Delphine de Vigan
- Libre seul et assoupi de Romain Monnery
- Le petit malheureux de Guillaume Clémentine
Biographies :
- La promesse de l’ombre de Romain Gary
- Ça s’est passé comme ça de Gérard Depardieu
- Mille vies valent mieux qu'une, Jean-Paul Belmondo
- Berthe Morisot de Dominique Bona
- Quel effet bizarre faites-vous sur mon cœur de Christine Orban (lettres de Napoléon à Joséphine)
- Le dernier stade de la soif de Frédéric Exley
- Les ritals de François Cavanna
- Chroniques de la débrouille de Titiou Lecoq
- Thornytorinx de Camille de Peretti (anorexie)
13:04 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lecture, livres, corinne maier, travail | | Facebook
29/01/2019
La mule de Clint Eastwood
Earl Stone ne vit que pour son travail d'horticulteur, au détriment de sa famille. Il a préféré participer à un concours de fleurs plutôt que d'assister au mariage de sa propre enfant, qui refuse de lui adresser la parole depuis. 15 ans plus tard, c'est sa petite fille qui se fait passer la bague au doigt. Earl a l'occasion de se rattraper en payant une partie des frais de la noce. Mais il n'a plus d'argent, son entreprise fait faillite. Comme il a l'habitude de voyager pour son métier, on lui propose alors un moyen facile de se remplumer : transporter dans sa voiture des sacs de drogue, faire la mule. Il est d'autant plus insoupçonnable qu'il n'a jamais commis d'infractions routières, est d'un tempérament chaleureux et insouciant, et surtout, il a plus de 80 ans...
Le film est tiré d'une histoire vraie, ce qui en fait toute sa force, car comme je dis toujours, la réalité dépasse la fiction. La vraie mule se nommait Leo Sharp et a agi jusqu'à ses 87 ans.
Le film garde des zones d'ombre : les trafiquants précisent bien que Earl ne doit pas regarder le contenu des sacs qu'il fait traverser la frontière. Mais les types sont des caricatures de gangsters, avec leurs grosses chaînes en or, leurs tatouages et leurs flingues : pépé est-il assez sénile et naïf pour ne pas comprendre qu'il transporte de la drogue pour un cartel mexicain, ou c'est le réalisateur qui essaie de nous le rendre sympathique en éludant la question ?
De même, Earl a délaissé sa famille, préférant s'amuser avec ses copains et des filles de passage lors de ses concours de fleurs. Mais Eastwood le présente plutôt comme un joyeux hurluberlu profitant de la vie et de sa liberté. Il est aussi montré comme ayant le sens du partage et du sacrifice. S'il travaille autant, c'est pour nourrir sa famille, s'il devient passeur de drogues, c'est pour aider ses proches et sa communauté (empêcher la fermeture de son bar favori, rénover la patinoire). Au contraire il a l'air de penser que les femmes de sa famille sont des grincheuses hystériques jamais contentes.
On retrouve dans La mule les thèmes chers à Eastwood : la valeur du travail, le courage, le sens du sacrifice, les regrets, la famille, le goût de la liberté et de l'indépendance (illustrées par les grands espaces traversés et l'esprit libre penseur de ses héros). Le cinéaste considère qu'un homme, un vrai, travaille comme un bœuf, en étant son propre patron (pas une feignasse de fonctionnaire !) Il ne remet pas en question qu'à presque 90 balais, le dos plié en deux, Earl bosse toujours : la retraite, c'est pour les chochottes ! Le vieux avait l'occasion d'arrêter de trimer puisqu'il a fait faillite, mais non. Expulsé de chez lui comme d'autres habitants (la raison économique n'est pas évoquée, crise des subprimes ?) le personnage veut s'en sortir par ses propres moyens, même illégaux. Je me souviens d'avoir lu qu'Eastwood dénonçait les aides sociales, juste bonnes selon lui pour les feignants. Easwood ne cache pas ses valeurs politiques républicaines. Il a soutenu Trump, Reagan -un acteur héros de western comme lui- et a même été maire de sa ville. Earl s'en sort seul et doit se comporter en héros sacrificiel, car la famille, c'est sacré.
Il n'est pas anodin que le rôle de l'enfant qui reproche au père ses absences soit joué par la véritable fille d'Eastwood : en 88, il a renoncé à sa carrière de maire pour être plus proche de ses gamins...
En dépit de son rôle crapuleux, Earl stone nous est éminemment sympathique, aussi par son côté vieux dépassé par la modernité. Comme mémé nulle en nouvelles technologies, il ne sait pas se servir d'un portable (scène très drôle où il découvre le texto). Il se moque des jeunes qui ne peuvent plus rien faire sans téléphone ni google. Il est aussi touchant par sa façon de parler à tous, avec une naïveté et sincérité désarmante, sans calcul : "je crois que je n'ai jamais eu de filtre".
Par exemple lorsqu'il change la roue d'un couple de Noirs en panne :
"Ça me fait plaisir d'aider un copain négro
- Mais monsieur, c'est un terme offensant !
- Ah bon ?
- Oui il faut dire "black" (le mot nègre est utilisé jusque dans les années 60 sans être considéré péjoratif, comme "black" sera certainement jugé offensant dans 50 ans et remplacé par un autre terme.)
Par son attitude et son langage décalés, et l'humour que cela produit, Earl fait penser à un autre vieux dépassé par le monde moderne, celui de Gran Torino. Les deux films sont écrits par le même scénariste, Nick Schenk, on retrouve clairement sa patte. Les deux personnages sont des vétérans de guerre marqués par ce qu'ils ont vécu, et ils en sont revenus endurcis (Earl transporte 300 kg de drogue en chantant et n'a pas peur des plus grands barrons: "fiston, j'ai fait la guerre moi, c'est pas un gamin qui va m'impressionner"). Earl a dépassé le traumatisme d'avoir menacé (tué?) des gens en devenant altruiste (j'ai fait du mal, maintenant je le répare) et optimiste (je ne pourrais jamais rien vivre de pire, autant profiter de la vie, à quoi bon se tracasser). Le vieux de Gran Torino est à l'inverse ressorti de la guerre misanthrope (les hommes sont des ordures meurtrières et méritent de crever). Si le héros de Gran Torino est un vieux ronchon raciste qui s'ouvre peu à peu à autrui, celui de La mule est présenté comme un brave gars sociable aimé de tous. Comme il est vieux et fragile, il est touchant, on lui pardonne tout.
Entre les deux films, j'ai néanmoins préféré Gran torino, qui comporte plus d’enjeux, plus de rebondissements. car finalement, que voit-on le plus souvent dans La mule ? Surtout un vieux qui fait des aller-retour en voiture. Eastwood réussit néanmoins à nous passionner pour cet homme si étonnant et ambigu.
Le réalisateur paraît très affaibli dans ce dernier rôle, et je me suis inquiétée de devoir écrire bientôt sa rubrique nécrologique. Pépé a tout de même 88 ans ! Mais Bradley Cooper, son partenaire à l'écran, précise : "Ce qui est génial chez Clint, c’est qu’il a dû jouer le fait d’être vieux tellement il est en forme, il saute de sa chaise comme un kangourou."
Eastwood a le chic pour dénicher des histoires incroyables : L'échange et cet enfant disparu que la police remplace par un autre, Sully qui évite de justesse l'écrasement d'un avion, American sniper, Million dollar baby... Et désormais, ce passeur de drogues improbable. Si vous avez apprécié Gran Torino, vous aimerez La mule.
14:17 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : cinéma, clint eastwood | | Facebook
26/01/2019
Bilan lecture : les B.D
Biographies :
- Jirô Taniguchi : Le gourmet solitaire
- Un avenir radieux
- Le journal de mon père
- Quartier lointain
- L’arabe du futur de Riad Satouf, tome 1 à 4
- Culottées ! de Pénélope Bagieu
- Les maîtres de l’orge de Jean Van Hamme (fausse biographie)
- Corinne Maier : Einstein
- Marx
- Freud
Humour :
Marc Dubuisson :
- Ab absurdo, la fin du monde est pour hier
- Les grands moments de solitude de Michael Guérin
- Les grands moments de solitude, vers l’enfer et au-delà ! tome 2
- La nostalgie de Dieu, l’intégrââl (3 tomes)
Allan Barte :
- Petit illustré des gros clichés d’Hollywood
- Le journal du lutin (2 tomes)
Voutch :
- Les joies du monde moderne
- Ouragan sur le couple
- Le monde merveilleux de l’entreprise
- L’amour triomphe toujours
- Le pire n’est même pas certain
- Modeste et pompon de Franquin (tome 1 à 4)
- Tu mourras moins bête de Marion Montaigne (tome 1 et 4)
- Putain de chat de Lapuss
- Calvin et Hobbes l'intégrale de Bill Watterson
- What a wonderful world de Zep
Science-fiction / fantastique :
- Les mondes d’Aldébaran de Léo (5 tomes)
- Bételgeuse de Léo (5 tomes)
- Universal War 1 et 2 de Denis Bajram
- Aama de Frederik Peeters (4 tomes)
- Locke and key de Joe Hill (fils de Stephen king) (6 tomes)
- Blast de Manu Larcenet (4 tomes)
Mangas :
- Monsters de Naoki Urasawa (tome 1 à 9)
- Great Teacher Onizuka de Tôru Fujisawa (tome 1 à 20)
15:52 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, livres, littérature, bd humour | | Facebook
24/01/2019
Le misanthrope au travail, suite
Je répète souvent cette réflexion du misanthrope :
"C'est n'estimer rien, qu'estimer tout le monde."
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités, avec tous, font combat,
Et traitent du même air, l'honnête homme, et le fat.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse,
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et fasse de vous, un éloge éclatant,
Lorsque au premier faquin, il court en faire autant?
Au boulot, un collègue a hérité du caractère irascible et brut de décoffrage d'Alceste encore plus que moi. A son âge proche de la retraite, il ne s'imagine plus améliorer les conditions de travail, alors comme le misanthrope "il lui prend des mouvements soudains, de fuir, dans un désert, l'approche des humains." Son désert est en réalité un refuge dans l'imaginaire, des séries et des livres qu'il engloutit en moins de deux, comme son travail, ce qui lui laisse le temps de bouquiner. Il limite les contacts le plus possible avec ses pairs, grognant un bonjour bourru si certains se risquent à lui adresser la parole. Il s'emporte facilement contre ceux qui font mal leur job, et même contre les clients, ce qui fait qu'il a la chance d'être relégué dans un poste sans contact avec autrui (contrairement à moi) car selon la direction : "on a peur qu'il s'en prenne à quelqu'un". En effet il ne s'est pas gêné pour traiter de "connasse" une collègue méprisante.
Les chefs ménagent cet Alceste qui n'a pas la langue dans sa poche, les collègues le fuient de peur d'être victimes de son courroux.
Mais moi, je l'apprécie, et il me le rend bien. Comme lui, je déteste les amabilités exagérées. Je ne fais pas la bise et ne me force pas à demander à de vagues collègues dont je ne connais même pas le nom tellement je m'en fous comme de l'an 40 : "Vous allez bien ?" Quand je pose la question, c'est parce que la réponse m’intéresse. Quelle formule de politesse ridicule, qui s'attendrait à ce que son patron réponde : "non, ça ne va pas, j'ai surpris ma femme sur un site de rencontres sous le pseudo "Germaine la sans gêne" et j'ai des problèmes gastriques depuis hier, peut-être à cause du cassoulet de la cantine..."
Je ne donne pas mon amitié à n'importe qui. C'est donc un privilège que je parle avec mon collègue, et un privilège que ce misanthrope me parle en retour.
Évidemment, à notre façon bourrue. Pour se dire bonjour, on ne va pas reproduire cette manie saugrenue de plaquer sa joue contre celle de l'autre pour se refiler des virus (mais qui a inventé "la bise" ?). On se salue de cette façon :
Lui : "Alors, toujours en train de glander /bouffer ? (ça dépend du contexte : si je mange mes papillotes ou si je bouquine) (ou les deux)
Moi : - Alors pépé, toujours en train de râler ?"
Ensuite on parle de ces trois choses essentielles : culture, bouffe et chats. Les animaux sont les êtres qu'il apprécie le plus, comme souvent chez les gens déçus par les humains. Ce n'est pas une exclusivité féminine : c'est un pépère à chats. Pour noël il a aligné plus de 3 phrases volontairement (un exploit) pour me décrire les cadeaux et le festin qu'il leur offrait (des jouets et crevettes). Il passe les fêtes seul avec ces minous, il faut bien qu'il les gâte. Parfois il me donne les livres qu'il a finis, ou des gâteaux qu'il pique à la cantine : "j'en achète une part puis hop j'en glisse une autre dans ma poche". En retour, je lui fais parfois le café et je lui donne le cadeau privilège extrême : des papillotes. Il chourre aussi du pain pour le donner aux pigeons de la terrasse, il leur à même attribué des prénoms.
A part les animaux, il ne fait pas d'effort pour aller vers les autres, et ils le lui rendent bien. Mais moi j'ai toujours apprécié ces gens en retrait, difficiles d'accès : j'ai envie de savoir pourquoi ils se cachent, et souvent ils ont une grande profondeur. Je n'ai pas encore percé tous les mystères du vieil ours.
Oronte : "Souffrez qu'à cœur ouvert, Monsieur, je vous embrasse,
Et qu'en votre amitié, je vous demande place.
Touchez là, s'il vous plaît, vous me la promettez
Votre amitié ? Quoi ! vous y résistez ?
Alceste : - Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me voulez faire
Mais l'amitié demande un peu plus de mystère,
Et c'est, assurément, en profaner le nom,
Que de vouloir le mettre à toute occasion."
19:14 Publié dans On connaît le livre, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : travail, littérature, livre, étude de texte du misanthrope, comment supporter ses collègues | | Facebook
22/01/2019
Le misanthrope au travail
Comme Alceste, les hypocrites comme Philinte m'horripilent. Ce dernier pourrait représenter le juste milieu entre Célimène, la profiteuse populaire, et Alceste, l'excessif asocial, mais pour moi Philinte n'est qu'un faux-jeton complaisant. Il ne se mouille jamais, il ne fait donc pas bouger les choses et ne sert à rien. Il s'exclame par exemple :
"Et c'est une folie, à nulle autre seconde
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J'observe, comme vous, cent choses, tous les jours
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours
Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître
En courroux, comme vous, on ne me voit point être
Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont
J'accoutume mon âme à souffrir ce qu'ils font."
Dans un ancien boulot, j'avais dénoncé tout haut ce que tout le monde blâmait tout bas (de gros problèmes de consignes contradictoires et de harcèlement), et un collègue m'avait sorti : "il en faut des gens comme toi, car ils font bouger les choses. Le problème, c'est que c'est toi qui prends tout après, car personne ne te soutiendra par peur, alors que tu as raison."
Philinte prétend être ami avec un homme, mais s'en moque quand ce dernier a le dos tourné. Alceste est horrifié. Cette scène ressemble à celle que j'ai surprise avec une ancienne connaissance : elle croise un collègue, lui fait un large sourire en lui disant bonjour et d'autres amabilités. Tant d'insistance et de gentillesse ne pouvaient sembler que sincères, mais pourtant dès que l'homme passe la porte, la fille s'exclame : "quel connard celui-là !" Cette situation s'est reproduite à l'identique devant d'autres témoins, aussi choqués que moi par une telle hypocrisie. La fille, imperturbable, nous répondait : "ça s'appelle de l'intelligence sociale".
Ce que Philinte exprime ainsi en 1666 :
"Mais quand on est du monde, il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils, que l'usage demande"
Alceste se défend mieux que moi :
"Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié
Ce commerce honteux de semblants d'amitié :
Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais, sous de vains compliments."
Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur
On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur.
J'ai vu une scène similaire au travail. Une femme un peu empotée arrive pour la première fois en robe. Les collègues s'extasient devant sa tenue :
"Han comme elle te va bien !"
La fille rosit, elle n'a pas l'habitude d'être au centre de l'attention : - "C'est vrai ?
- Oui, ces fleurs ! Et ces couleurs !"
La fille se confond en remerciements balbutiants. Dès qu'elle repart, les deux compères éclatent de rire :
"Nan mais t'as vu comme ça la boudine !
- Et ce motif ! Elle a piqué la robe de sa grand-mère ?"
J'étais outrée. Je ne prétends pas qu'il faut dire à la Alceste : "écoute, tu ferais mieux d'éviter, tu ressembles à l'hippopotame en tutu dans Fantasia (bon, Alceste s'exprimerait mieux et en vers, mais on n'est plus en 1666 et vous avez saisi le sens), mais de là à mentir à ce point ! Surtout que la fille ne leur avait pas demandé leur avis !
Si elle l'avait fait, je n'aurais pas pu mentir ("ma chéwie ! tou é magnifique !"), mais j'aurais adouci mes propos. On me reproche parfois ma franchise, mais pourquoi me demander mon opinion si c'est pour ne pas l'accepter ?
Oronte : "Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet...
Alceste : - Franchement, il est bon à mettre au cabinet."
Suite demain
20/01/2019
Le misanthrope
Déçue par mes dernières lectures, je décide de relire mes classiques. En premier, celui qui reste mon préféré depuis que je l'ai découvert l'été de mes 13 ans. Je m'en souviens comme si c'était hier, un choc, une révélation : il reflétait exactement mes pensées, mettait les mots sur ce que je ressentais. Je passais des journées entières à recopier des pages et des pages de ces monologues formidables, dans l'idée de les retenir pour les ressortir à mes détracteurs.
Les goûts changent en grandissant (Les Fantômette, Club des 5 et Super picsou géant ne trônent plus dans ma bibliothèque aujourd'hui, étonnant non ?) Ado, j'avais pris une claque avec le K de Dino Buzzati, La chute de Camus, Les mots de Sartre ou La conjuration des imbéciles, mais ils m'ont bien moins impressionnée à la relecture. Seul un livre traverse toutes les époques, un livre qui a 350 ans et reste d'actualité. Sauf pour le langage. Imaginez la tête des gens si je leur rétorquais, lorsque je constate une énième injustice et malveillance :
"J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond
Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font
Je ne trouve, partout, que lâche flatterie
Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie"
Ces propos sont pourtant toujours opportuns. Au travail, je m'indigne quand des gens hautement toxiques, bêtes, méchants et glandeurs sabordent le travail et l'ambiance par leurs médisances, mais accusent les autres à leur place. Je m'insurge quand ces grandes gueules s'attribuent le travail des humbles et timides, mais on me répond, pas plus tard que ce vendredi : "on sait, mais tu comprends, on ne peut rien lui dire, elle est intouchable et elle attaquerait dix fois plus fort. Il vaut mieux se la mettre dans la poche et faire semblant de l'apprécier".
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit
Tout le monde en convient, et nul n'y contredit.
Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue
On l'accueille, on lui rit; partout, il s'insinue
Et s'il est, par la brigue, un rang à disputer
Sur le plus honnête homme, on le voit l'emporter.
Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures
De voir qu'avec le vice on garde des mesures
Et, parfois, il me prend des mouvements soudains
De fuir, dans un désert, l'approche des humains.
Si tout le monde supporte des actes intolérables, si personne n'agit, comment peut-on améliorer les choses ? J'ai parfois envie de répondre comme Alceste :
"Je hais tous les hommes : les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants
Et les autres, pour être aux méchants, complaisants."
Vous l'avez compris, j'évoque Le misanthrope de Molière, pièce écrite en 1666 et toujours aussi d'actualité. Elle est d'ailleurs régulièrement jouée et actuellement à Paris avec Lambert Wilson. J'estime cependant le titre peu approprié : pour moi, Alceste n'est pas vraiment misanthrope. Il est simplement profondément honnête, sincère et passionné. Il se révolte contre le mensonge et l'injustice. Il ne déteste pas tous les humains, puisqu'il meurt d'amour pour Célimène. Elle est pourtant une pétasse superficielle, à l’opposé du caractère d'Alceste, entier et profond.
Célimène fait preuve de la popularité et de l'aisance en société qui font défaut à Alceste. Elle flatte et est entourée de flatteurs. Elle me faisait penser quand j'étais au collège aux pouffes populaires, moqueuses, manipulatrices et futiles : les filles qui pavanaient avec leur dernière tenue à la mode, qui flirtaient avec les garçons et les manipulaient pour obtenir des faveurs et être traitées en princesse. Elles prétendaient également être amies avec des camarades mal dans leur peau, qui leur servaient en fait d'aide aux devoirs et de faire-valoir ("regardez, à côté de ce boutonneux renfermé, je parais très belle et charismatique"). La majorité riait de leurs moqueries, pour ne pas devenir le prochain souffre-douleur de ces tyrans.
J'ai lu un article expliquant que ces personnes populaires à l'école, peu habituées à l'effort et aux contraintes, puisque tout le monde va dans leur sens et devance leurs besoins, réussissent moins bien leur vie ensuite. Elles peinent à continuer leurs études, obtenir des diplômes et un bon travail. Alors qu'au contraire, certains anciens mis au rebut réussissent mieux, par souci de reconnaissance et de revanche. Justice, enfin !
Suite demain
19:19 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres, lecture, littérature, molière, le misanthrope, étude de texte du misanthrope, travail, comment supporter ses collègues, comment supporter les connards | | Facebook
14/01/2019
Bilan littérature
Si vous regardez la colonne de gauche, vous pouvez conclure que je suis toujours en train de lire les mêmes livres : "je vais pas me taire parce que t'as mal aux yeux" (sur les paroles parfois saugrenues des chansons françaises) et "comment rater complètement sa vie en 11 leçons".
Je suis censée lire ces romans depuis... 2015. ce qui doit correspondre à 3 mots par jour, c'est rapide.
A croire que mémé train de retard prend au pied de la lettre les préceptes de ce dernier livre... De même, je n'ai pas actualisé ma colonne lecture depuis 2012, alors que depuis j'ai lu + de 300 bouquins !
Je vous épargne le récapitulatif des six dernières années : tout simplement parce que j'ai perdu le décompte des quatre premières. Pourquoi ? Car mémé nulle en nouvelles technologies note tout à la main sur des petits carnets : - "c'est tellement plus joli"
- "c'est tellement plus vivant que le froid clavier et l'écriture standard de l'ordinateur".
Je devrais plutôt dire :
- " je note tout à la main sur un carnet que je vais perdre ensuite"
- "je note tout à la main sur un carnet que je ne vais pas pouvoir relire parce je n'arrive pas à déchiffrer mon écriture de sagouin" (ou de docteur comme on me l'a déjà dit)
- "je note tout à la main sur un carnet que je ne vais pas pouvoir relire parce que l'estomac sur pattes aura renversé son cacao/sa choucroute dessus"
En 2016, révolution : mémé nulle en nouvelles technologies note ses récapitulatifs sur ordinateur !
Je peux ainsi vous proposer une liste de 150 livres.
J'en profite pour créer une nouvelle catégorie "on connaît le livre". J'ai reclassé à l'intérieur mes articles sur le sujet (sur 10 ans de blog, c'était looong), comme les quiz littérature, mes critiques de livres sur le cinéma hollywoodien, ou des biographies comme celles de Patrick Dewaere ou Simone de Beauvoir, et des livres de Dorothy Parker, la vie à deux.
La réalité dépassant la fiction, je privilégie toujours autant les biographies. Fascinée par ce qui est étrange, disproportionné et incompréhensible, je suis donc toujours adepte des études sur les affaires criminelles (ah, les soeurs Papin qui arrachent les yeux de leur patronne parce qu'elle s'était plaint du linge mal repassé). Fascinée par ce qui est étrange, disproportionné et incompréhensible, je suis donc toujours adepte des livres sur... le travail. J'ai relu les Corinne Maier comme Bonjour paresse, en bonne Gastonne Lagaffe (mon idole, mon mentor, mon guide spirituel).
Déçue par certains écrits, j'ai relu ceux qui m'avaient enthousiasmé. Je me suis donc replongée dans tous les Philippe Jaenada, les Romain Monnery et les Emmanuel Carrère. J'ai également découvert Delphine de Vigan et ses romans semi-autobiographiques sur le harcèlement au travail, l'amitié perverse, le deuil...
J'ai du mal à classer tous ces livres vu leur nombre, et encore plus à donner mon avis. Mémé Alzheimer en a oublié la plupart ! Mais j'ai pris des notes sur les plus intéressants. A découvrir ici bientôt...
23:33 Publié dans Je suis culturée, On connaît le livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, livres, biographies, affaires criminelles, bilan lecture 2018 | | Facebook
08/01/2019
Border, aux frontières de l'étrange
Tina est une douanière au physique aussi particulier que son talent. Les passagers défilent devant son poste, et elle sent ceux qu'elle doit arrêter, qui transportent de la contrebande ou de l'alcool. Elle sent, justement, littéralement. Avec son curieux nez qui ressemble plus à un groin, elle flaire les individus et sent leur culpabilité et leur honte. Un jour, elle voit arriver un homme au physique aussi étrange que le sien, qui va perturber son univers et ses certitudes...Voir la bande annonce en lien.
Border a fait sensation au dernier festival de Cannes, où il a remporté le prix Un certain regard et a été encensé par la critique. J'ai vu le film il y a plus d'un mois, et je m'en souviens encore, moi mémé Alzheimer qui oublie ce qu'elle a vu la veille ("c'était sympa. Ça parlait de quoi déjà ?") Surtout, j'y repense encore souvent, tant Border est un ovni qui ne ressemble à aucun autre film et laisse une impression bizarre.
Il est tiré d'un roman de John Ajvide Lindqvist, qui a déjà été adapté au cinéma à travers le film Morse, que j'avais adoré. Vous pouvez relire ma critique ici, je l'avais à l'époque classé deuxième meilleur film de l'année 2009.
On retrouve dans Border la même atmosphère étrange. Comme dans Morse, le réalisme bascule peu à peu dans le fantastique. Comme dans Morse, deux exclus vont s'assembler. Dans Morse, un collégien souffre-douleur se lie d'amitié avec une nouvelle élève, qui se révèle être un vampire. Dans Border, Tina est rejetée en raison de son physique, elle ne bronche pas pour se faire accepter. Elle vit en couple avec un homme qui profite simplement de sa gentillesse pour être nourri et logé gratuitement. Mais l'arrivée de Vore, cet être qui lui ressemble, va la faire changer. Lui n'hésite pas à affirmer ses différences et à s'opposer aux hommes qui le rejettent. Il va inciter Tina à vivre comme elle le souhaite et à ne plus refréner ses instincts.
Border, c'est la frontière entre normalité et étrangeté, réalisme et fantastique, entre animalité et humanité. Qu'est-ce qui définit être humain ? Agir avec bonté ? Alors pourquoi certains hommes sont "des animaux sans cœur", ne respectant rien, ni les humains, ni la nature ?
J'ai beaucoup aimé ce dernier point sur l'écologie. La grande sensibilité de Tina lui permet d'être proche de la nature et des animaux. Elle se ressource à leur contact, en marchant pieds nus dans la mousse, les renards et les cerfs viennent la voir spontanément... Lorsqu'elle emmène aux urgences sa voisine sur le point d'accoucher, elle s'arrête car elle a senti qu'une famille de chevreuils allait traverser la route. Comme j'aimerais être comme elle ! Enfin, avoir ce don, mais avec le physique de Blanche-neige qui gambade avec les animaux de la forêt en chantant "un jour mon prince viendra", pas avec la tête de Tina qui attire un monstre comme Vore !
Pour son rôle, l'actrice Eva Melander (vue dans les séries The bridge et Real humans) n'a pas hésité à subir 4 heures de maquillage par jour et à prendre 20 kilos (moi qui crise dès que j'en prends deux...) Elle est excellente, comme son acolyte.
Border est un film qui ne laisse pas indifférent, si l'on ne reste pas sur le port et se laisse embarquer dans cette histoire bizarre, qui prend des virages imprévus. Le film est parfois à la frontière du grand guignol, comme lorsque les deux héros aux physiques grotesques courent nus dans les bois et se laissent aller à leurs élans les plus bestiaux. On est sans cesse étonné, choqué, amusé, et parfois si désorienté qu'on peut décrocher. J'ai trouvé que le film aurait mérité d'être plus court et j'ai préféré Morse, plus délicat. Mais les amateurs de film de genre comme moi ou ceux qui veulent de l'originalité seront comblés !
Border, un film de Ali Abbasi, en salles demain.
23:16 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinéma fantastique | | Facebook
07/01/2019
Les animaux fantastiques 2
Emprisonné à la fin de l'épisode 1, Grindelwald s'évade dans ce second volet. Il veut combattre les moldus, les non sorciers, et pour cela veut utiliser Croyance et ses pouvoirs particuliers. Les héros partent à leur recherche...
Mémé Alzheimer ayant subi un sortilège d'oubliette, j'ai pris soin de revoir l'épisode 1 avant de découvrir la suite. Bien m'en a pris, j'aurais été complètement larguée sans ça. Je n'ai pas trouvé l'histoire si complexe, mais les difficultés viennent du fait que l'on suivent beaucoup de personnages et leurs parcours dans des lieux différents, et que l'on alterne les scènes de l'un à l'autre : on est au ministère de la magie qui cherche Grindelwald, puis on se retrouve à Paris avec Grindelwald qui cherche Croyance, puis dans un cirque avec Croyance qui cherche sa mère, puis à Londres avec Dumbledore qui demande à Norbert de chercher Grindelwald et Croyance, puis Norbert va à Paris pour chercher Grindelwald, Croyance mais aussi sa copine Tina (qui cherche Croyance), puis Queenie cherche sa soeur Tina, puis Jacob cherche sa fiancée Tina, qui s'est perdue. Un peu comme le spectateur : mais où on est ? Qui suis-je où vais-je dans état gère ? qui c'est celui-là déjà ? Mais ils sont tous frères ?
On se perd car les personnages sont nombreux et tous liés : Leta Lestrange était la fiancée de Norbert mais va se marier avec le frère de celui-ci, Thésée (mais pourquoi changer de fiancé ?! rien n'est expliqué). Croyance est peut-être le frère de Truc, et Truc la demi-sœur de Bidule, mais peut-être plutôt de Machin en fait...
Cet imbroglio est le reflet des luttes fratricides entre sorciers, et on arrive à l'aspect le plus intéressant du film : le parallèle sombre entre la politique de 1930 et notre époque. Ce second volet montre comment l'on peut arriver à la guerre en se laissant berner par une propagande démagogue. Grindelwald séduit ses troupes en leur expliquant que le ministère de la magie est trop liberticide, que ses lois sont trop contraignantes : pourquoi les sorciers ne peuvent pas épouser qui ils veulent, pourquoi doivent-ils se cacher, et surtout pourquoi protéger les moldus, alors que ces hommes pratiquaient la chasse aux sorciers et vont provoquer la seconde guerre mondiale ?
Les personnages sont déchirés et doivent prendre parti, pour ou contre Grindelwald, pour ou contre la guerre contre les moldus et le ministère. Le grand méchant est incarné par un Johnny Depp albinos plutôt convaincant. Son alter ego, Dumbledore, est représenté par Jude Law, assez étonnant dans ce rôle (j'imaginais le grand sorcier vieux depuis toujours, avec son immense barbe blanche et son peignoir débraillé, et pas en hipster à veston).
Les plus intéressants selon moi sont le couple formé par la belle et naïve Queenie et le pataud sympatoche Jacob, seul moldu de la série et qui symbolise le spectateur découvrant l'univers des sorciers. Le héros, Norbert Dragonneau, refuse au début de s'engager comme Auror au service du ministère (son épouvantard -ce qui lui fait le plus peur- est de travailler dans un bureau, comme je comprends ce Gaston Lagaffe).
Il est à l'opposé de la fille dont il s'amourache, Tina, aussi rigide et stricte que les lois qu'elle fait respecter. Mais vraiment, que lui trouve t-il a cette porte de prison austère qui ne sourit jamais et qui se tient droite comme un i avec son balai dans le cul? Leur histoire d'amour ne fait pas rêver. L'ex de Norbert est beaucoup plus intéressante, la très belle Leta Lestrange (Zoé Kravitz, fille de), rejetée pour sa singularité, comme Norbert l'était. Dans ce volet celui-ci apparaît d'ailleurs franchement autiste, avec son refus de s'engager (une guerre ? je m'en fiche, laissez-moi avec mes animaux) ses regards de biais et son obsession pour les animaux ("tu es trop belle, tu as les yeux d'une salamandre")
Les animaux justement. Où sont-ils ? Ils devraient former le principal sujet, puisque la saga porte leur nom. Dans le premier film, les bestioles avaient leur importance, avec une intrigue qui tournait autour d'eux. Le héros cherchait (déjà) des animaux évadés et des scènes entières leur étaient consacrées (la magnifique séquence où Norbert présente à Jacob son zoo havre de paix pour les espèces menacées. Dans ce deuxième film, les animaux sont très secondaires : Norbert ne les cherche plus, il cherche Grindelwald et Croyance. Les bébêtes n'ont même plus d'utilité, à part crocheter une serrure qui pourrait s'ouvrir facilement avec un sortilège allohomora. Pourquoi Norbert ne se sert-il pas par exemple de la puissance du dragon qu'il a libéré pour neutraliser Grindelwald ?
En résumé un film plus sombre et complexe que le premier, qui m'a plu, avec de magnifiques décors et un Paris des années 30 très bien rendu. Mais un film à voir uniquement si l'on a vu récemment le premier volet et si l'on est familier de l'univers de Harry Potter. Moldus, passez votre chemin, apprentis sorciers, courez en salle !
20:24 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, harry potter, les animaux fantastiques | | Facebook