22/09/2014
Near Death Experience : une expérience (ciné !) à tenter
« Obsolète. J’ai 56 ans et je suis obsolète.
56 ans. L’âge de mon grand-père quand j’avais 7 ans. Avant on était un vieux, un pépé. On attendait tranquillement la retraite. On ne vous demandait pas d’atteindre des objectifs. De les dépasser. On ne vous demandait pas d’être toujours séduisant. D’être habillé en jeune. D’être un homme viril, de baiser encore. De faire du sport. De manger équilibré. D’aimer sa femme comme au premier jour, d’être le meilleur copain de ses enfants… On ne vous demandait pas d’être créatifs. D’avoir de l’humour. Et des passions !
T’as eu de la chance pépé. T’as eu le droit de n’être qu’un pépé. Moi, tu vois, en étant comme t’étais, je suis devenu un pauvre gars. Obsolète. » (voir bande annonce en lien)
Near Death Experience annonce sa radicalité et son originalité dès le générique : pas de musique, sur fond d’orage, les noms du casting entier apparaissent. Puis il s’ouvre sur un long plan, mal cadré, image sale, comme une caméra cachée. On voit un homme accoudé à un comptoir, en train de boire avec d’autres types. On n’aperçoit que le buste de ces derniers, car eux se tiennent droit. Le premier essaie de capter leur attention, en leur offrant un verre, mais le contact n’a pas vraiment lieu.
Rentré chez lui, l’homme reprend à boire, se pose devant le journal télé, qui traite des superstitions qui ont lieu en ce vendredi 13. Sa femme et ses enfants rentrent des courses, les jeunes se chamaillent, la mère les recadre, le banal quotidien. L’homme ne participe pas à la conversation, concentré sur le J.T : le vendredi 13, c’est un signe. Il annonce qu’il va faire un tour en vélo et qu’il revient dans une heure. Arrivé à mi- montagne, il abandonne son VTT, erre dans la nature dans l’idée de passer enfin à l’acte : mettre fin à une vie qu’il juge dénuée de sens. Mais plusieurs personnages et événements l’empêchent de concrétiser son geste…
Near death experience. Ne vous attendez donc pas à une adaptation du troublant livre de témoignages de Raymond Moody, La vie après la vie. N’espérez pas un film hollywoodien paranormal, plein d’action et d’effets spéciaux, sur des corps flottants en l’air, qui passent un tunnel de lumière puis reviennent réintégrer leur enveloppe terrestre. Pas de Au-delà comme Clint Eastwood, pas de Prophétie des ombres, pas d’effondrement d’un pont et la mort de centaines de personnes évitée, mais un homme le plus souvent seul qui marche dans la montagne en soliloquant. Pas de séduisant Richard Gere, mais un Michel Houellebecq qui paraît 20 ans de plus, frêle, sans dents (!) qui ressemble à s’y méprendre à Louis Ferdinand Céline !
Le tableau ne paraît peut-être pas attrayant, et pourtant, ça fonctionne ! N.D.E est tellement inclassable et original qu’il exerce une sorte de fascination. Il fallait oser faire un film sur un sujet pareil, avec aussi peu de personnages et d’action (il ne dure qu’1h30,heureusement !) Pour cela, il fallait bien les deux compères Benoît Delépine, ancien auteur des Guignols, et Gustave Kervern (qu’on a vu récemment dans le très bon Dans la cour-voir ma critique- où il incarne aussi un dépressif). J’ai vu tous les films de ces auteurs rebelles et provocateurs. J’ai beaucoup aimé Le grand soir (voir mon billet en lien) et j’ai un grand faible pour Louise Michel (où des ouvrières engagent un tueur à gages bidon pour tuer leur patron qui délocalise leur usine !)
Dans NDE, les réflexions de Michel Houellebecq peuvent résonner en nous, comme l’extrait cité en ouverture. Pourquoi veut-il mettre fin à ces jours, alors qu’il a une femme, des enfants, un travail ? Sans doute parce qu’il s’ennuie dans cette vie tranquille : « quand je me suis marié avec toi, j’étais fier. Je ne te l’ai jamais vraiment dit mais les femmes que j’ai connues se comptaient sur les doigts d’une moufle (…) Avec toi je savais que la vie serait douce. Je ne t’ai jamais trompé. J’ai perdu ma liberté mais j’ai gagné la paix. »
Il manque de réel contact humain. Le personnage exerce un métier stressant sur une une plate-forme téléphonique : il communique avec les gens sans les voir, et ceux-ci sont souvent agressifs, il a obligation de rentabilité...
L’écrivain apporte son humour plein d’autodérision, qu’on a pu voir récemment sur Arte dans L’enlèvement de Michel Houellebecq. J’ai lu également tous les livres de l’auteur, mais je garde ma préférence pour son premier, Extension du domaine de la lutte, car je l’ai lu à l’époque de sa sortie, où je l’ai trouvé très novateur.
Tentez vous aussi cette expérience hors du commun : non n’essayez pas de vous suicider, allez simplement voir ce film qui mérite le coup d’œil ! Pour le plaisir de voir Michel Houellebecq danser sur du Black Sabbath... et que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer en voyant Houellebecq se suicider un vol d'hirondelles que l'automne vient d'arriver ?
21:18 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma français | | Facebook
10/09/2014
Bilan "je suis culturée" du mois d'août
7 Films au cinéma :
Coup de cœur :
- Les combattants de Thomas Cailley
- Le rôle de ma vie de Zach Braff
- La planète des singes : l’affrontement de Matt Reeves
- Near Death Experience de Benoît Delepine et Gustave Kervern, sortie le 10 septembre
- Mademoiselle Julie de Liv Ullmann, sortie le 10 septembre
- Les vacances du petit Nicolas de Laurent Tirard
- Hercule de Brett Ratner, sortie le 27 août
Prochain film prévu : Gemma Bovery, sortie le 10 septembre
30 Films à la télé :
Coup de cœur Canal + :
- The East de Zal Batmanglij
Coup de cœur Arte :
- La guerre de l’ombre de Kari Skogland
Prochain film prévu : Blue Jasmine de Woody Allen
8 Documentaires :
Coup de cœur :
- Le monde selon H&M de Marie Maurice
- Les animaux pensent-ils ?
- Une vie de manchot de John Downer
- 112 mariages de Doug Block
- Les animaux médecins de Jacques Mitsch
- Trop jeune pour mourir : River Phoenix
- Secrets d’histoire : Mme de Maintenon
- Le supervolcan de Toba
Prochain documentaire prévu : Dans l’antichambre des Beatles
2 Séries :
- Ripper Street
- Dernier week-end
Prochaine série prévue : The Newsroom
3 Livres :
3 Coups de cœur :
- Philomena de Martin Sixsmith
- La malédiction d’Edgar de Marc Dugain
- Le grand n’importe quoi de Jean-Pierre Marielle
Prochain livre prévu : La promesse de l’aube de Romain Gary
1 expo (et coup de cœur) :
- Palais de la miniature et des décors de cinéma
Prochaine expo prévue : Impression, soleil levant, Musée Marmottan
1 spectacle :
- Isabelle Georges, Chante
Prochain spectacle prévu : le magicien Alain Choquette
Et vous, qu'avez-vous vu cet été ?
18:42 Publié dans Je suis culturée | Lien permanent | Commentaires (6) | | Facebook
09/09/2014
Mademoiselle Julie, une femme étonnante
En 1890, en Irlande, le soir de la saint Jean. Mademoiselle Julie (Jessica Chastain) jeune aristocrate, est seule chez elle avec son valet John (Colin Farrell). Ce dernier doit se marier avec la cuisinière, mais il est attiré par Mlle Julie, sa beauté et son statut social... (voir bande annonce en lien)
Dans la première scène, l’héroïne se promène dans la forêt, sa belle robe et ses cheveux flottants au vent. Les images sont splendides et m’ont rappelé Bright star, où la jeune fille s’assied dans les fleurs pour faire un bouquet et rêver de son prince charmant, le poète John Keats. Je m’attendais à une histoire romantique et littéraire du même genre, le film étant une adaptation d’une pièce de théâtre d’August Strindberg, et se déroulant également au XIXème siècle.
Que nenni. Après cette jolie introduction dans la nature verdoyante, le film se situe principalement dans le décor rudimentaire de la cuisine. Les personnages s’y enferment pour échapper aux « vulgaires » paysans qui fêtent la Saint Jean, la nuit la plus longue et chaude de l’année, où l’on danse autour du feu. La nuit est longue et chaude aussi pour les personnages et un feu brûle en eux : le valet est irrésistiblement attiré par la flamboyante Mlle Julie. Celle-ci en joue, flattée et curieuse des choses de l’amour qu’elle ne connaît pas encore. Elle somme la cuisinière, sa rivale jalouse, de s’enfermer dans sa chambre. Pendant ce temps elle reste seule avec John. Un jeu de charme et de manipulation s’installe entre eux.
Le début est plaisant. Les répliques et situations font mouche. Sauf que le film tourne à l’hystérie et au sordide, et ne fait plus du tout rêver. Mlle Julie agit de façon inconséquente et ridicule (elle demande à son valet de baiser son soulier, puis elle se jette à ses pieds pour faire de même, et là je ne vous raconte que le moins étrange…) J’espérais des répliques et des retournements de situation plus fins, qui ne venaient pas. La mécanique finit par tourner à vide et à être répétitive, je cite : « je vous hais » la scène suivante « je vous aime » puis « je vous déteste » etc… On décroche devant tant d’hystérie et de manque de discernement.
Seule la cuisinière, incarnée par Samantha Morton, est réaliste, en ne se faisant aucune illusion contrairement aux deux autres : elle ne sortira jamais de sa condition médiocre, les classes sociales ne se mélangent pas. Elle préfère se résigner et mener une petite vie rangée mais intègre sans remettre en cause l’ordre établi, en allant bien fidèlement à la messe et en servant ses maîtres et son mari sans être dupe. Elle n’a pas de revendication égalitaire, sociale comme John, ou féministe comme Julie.
Les acteurs sont comme toujours plein de sensibilité. Colin Farrell se lance dans une déclaration d’amour qui m’a rappelé son rôle dans Le nouveau Monde (où il est amoureux de Pocahontas). Mais il devient vite le contraire, cynique et intéressé. Selon la réalisatrice Liv Ullmann, « Colin Farrell a joué comme quelqu’un qui refuse sa condition de domestique mais ne peut y échapper, dans sa manière de marcher, de parler ou de se tenir. » Il dit à Julie : « vous êtes tout ce que je n’aurai jamais »
La rousse incendiaire Jessica Chastain est parfaite pour ce rôle de passionnée insatisfaite, qui rêve d’être libre d’aimer qui elle veut et d’égalité entre hommes et femmes. Elle révèle : « je suis toujours en quête d’un ailleurs. »
La pièce a été interdite dans toute l’Europe à la fin du XIXème siècle, jugée moralement et socialement subversive, et trop moderne. La réalisatrice l’a adaptée car elle évoque des sujets qui la concernent : « Etre vue ou demeurer invisible, donner une image de soi qui ne correspond pas à ce que l’on est vraiment, être aimé pour soi-même et non pour ce que les autres voient en vous, les rapports de sexe, les crises qui en découlent (…) Comme dans la vie, les gens ont beau parler, leurs interlocuteurs n’entendent que ce qu’ils veulent entendre. (…) Les personnages ne demandent qu’à se confier, mais ils ne sont pas entendus et restent seuls… comme nous avec nos téléphones ! »
J’ai apprécié les thèmes de cette pièce, le jeu parfait des acteurs, mais pourquoi tant de rebondissements délirants qui gâchent tout ? L’histoire se veut certainement subtile et profonde, mais au contraire, elle manque d’acuité… La nuit de la Saint Jean est chaude et longue pour les personnages, elle est longue aussi pour nous (2h15 !) et réfrigérante.
J’ai apprécié la musique, de Schubert, Tchaïkovski, Chopin, mais pourquoi reprendre, plusieurs fois en plus, le trio pour piano de Schubert indissociable de Barry Lindon, le chef d’œuvre de Stanley Kubrick…
17:18 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma | | Facebook
07/09/2014
A la télé cette semaine
Ce soir sur France4, Morning Glory, sur le quotidien d’une émission télé matinale. Une jeune productrice (Rachel McAdams) est engagée pour redresser les audiences, mais elle se heurte au présentateur vieux jeu (Harrison Ford) qui ne veut pas changer ses méthodes. Une comédie intéressante pour découvrir l’envers du décor de la télé, les coups bas, la course à l’audimat, l’ambition… Mais la morale de l’histoire est désolante : la productrice n’hésite pas à reléguer l’information au second plan et préfère ridiculiser son présentateur en le mettant en scène dans des sujets sans intérêt. A l’inverse, je vous conseille vivement la série The newsroom : les journalistes résistent à l’info people et aux pressions de la hiérarchie. Ils font du vrai travail d’investigation, sur des sujets importants, et restent le plus possible neutres. Passionnant.
sur Arte, un classique du western, Il était une fois dans l’Ouest.
Lundi sur HD1, Gone Baby gone, un thriller très sombre où un couple de détectives recherche une enfant disparue. Pour vous donner une idée, le film est une adaptation du roman de Dennis Lehane, qui a également écrit Mystic River et Shutter Island. Le meilleur film de Ben Affleck selon moi (avant (The town et Argo).
Mardi, autre film avec Ben Affleck sur NT1, Paycheck de John Woo, une adaptation du roman de science-fiction de Philip K.Dick. Un ingénieur qui travaille sur des dossiers secrets accepte de voir sa mémoire effacée à la fin de chaque contrat. Mais après le dernier CDD de 3 ans, il s'aperçoit qu’il a refusé son salaire colossal pour le remplacer par des objets en apparence anodins. Il tente alors de retrouver le fil des années oubliées.
A 22h25 sur M6, Kick-Ass. Un adolescent ordinaire, un père et sa fillette, malgré leur absence de supers pouvoirs, décident de devenir des héros justiciers. L’humour noir du film est irrésistible. J’adore la scène du « Tu voudrais quoi pour ton anniversaire ? - Une Barbie et un petit poney. Mais non je rigole, un flingue ! » Le début qui montre avec justesse les affres de l’adolescence, me fait penser aux prologues des films de Spiderman, quand on voit le héros batailler avec son quotidien (ces passages réalistes sont d’ailleurs mes préférés). Même si la fin cède aux techniques de films d’actions violents, elle est tournée avec tellement de virtuosité, d’humour et de détachement que je l’ai appréciée. Du même réalisateur Matthew Vaughn, j'avais déjà beaucoup aimé Stardust et Layer cake.
Mercredi, TMC diffuse le dernier spectacle de Florence Foresti à Bercy. Je ne l’ai pas vu mais j’ai adoré ses précédents shows, Mother Fucker et surtout ses sketches à la Cigale.
Jeudi, soirée série, avec le retour de 24 heures chrono et la dernière saison de Mad Men sur Canal+. J’ai adoré les premières saisons révolutionnaires de 24, mais les invraisemblances m’ont vite lassée. Je continue par habitude et curiosité à regarder Mad Men, série d’ambiance où il ne se passe pas grand-chose.
Arte propose ses séries le même soir, avec un biopic romancé de Ian Fleming, l’auteur de James Bond, puis la rediffusion d’Ainsi soient-ils, sur les prêtres. La vie de Fleming ne me fascine pas vraiment jusque-là (et pourquoi choisir un acteur aux yeux aussi hideux, Dominic Cooper ! Il m’avait déjà gâché Raisons et sentiments !)
18:35 Publié dans A la télé cette semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : télé, cinéma, séries | | Facebook