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07/05/2020

Les oiseaux, partie 5

goelands drone.jpgLe matin aux saisons nouvelles
Je vais au bord de la ruelle
Regarder les oiseaux
Ils viennent pas quand je les appelle
Caresser l'eau du bout des ailes
Et fientent sur les bobos
 
Depuis le temps qu'on nous le promet, enfin c'est vrai : "la nature reprend ses droits". Des goélands ont niché sur le toit de l'immeuble d'en face. Cet édifice hideux qui me gâche la vue sert enfin à quelque chose (et plus à héberger des cons qui font du bruit). Je ne vois pas les oiseaux vu que j'habite comme les gueux de Métropolis au ras du sol, mais j'entends leurs cris à la fois plaintif et moqueur si caractéristiques. Certains de mes congénères parigots têtes de veaux s'en plaignent pourtant sur BFM tv, une chaîne reflet de leur intelligence :
(J'ai enlevé leur nom de famille, car sans honte, ils ont osé le donner.) Ces cris rauques nous embêtent !" déplore Anne Connasse, une psychanalyste. (qui aurait besoin de se faire soigner, les cordonniers sont les + mal chaussés.) "C'est infernal ! C'est une catastrophe de les entendre brailler, de les entendre pleurer", vitupère Rodolphe Gerbant, un agent de sécurité. "Catastrophe", rien que ça, on ne peut pas trouver pire. La pandémie, la pollution, c'est rien à côté.
Fatigués, abandonnent
Et s'enfoncent dans le ciel
Pour aller chercher de l'air plus haut
 
Entre les cris des goélands et ceux du merdeux qui pleure en permanence :"APPOLINE ELLE M'A VOLE MON PLAYMOBIL ! NON JE VEUX PAS LA SALADE !!" Je choisis les oiseaux. Au moins eux, on ne comprend pas ce qu'ils disent. A mon avis, avec leurs cris qui ressemblent à des rires, ils se moquent de nous les confinés. 
Plus haut que nous ne pourrons aller avant longtemps
C'est si loin
 
allan-barte-la-liberte-c-est-surfait.jpgGrâce aux goélands qui couvrent enfin le bruit des perceuses et de la corde à sauter de la voisine, j'ai l'impression d'être au bord de la mer, et plus cloîtrée dans mon studio parisien. Continuez les copains, et continuez aussi à attaquer les drones de surveillance de 1984. A ce propos, je vous conseille vivement l'excellent documentaire d'Arte "Tous surveillés, 7 milliards de suspects" disponible jusqu'au 19 juin, en lien ici.
Loin de moi que mes yeux déçus
Aveuglés aux voûtes d'azur
N'y croient plus
 

02/05/2020

Les oiseaux, partie 4

oiseaux,confinement
Fly away through the midnight air
As we head across the sea
And at last we will be free
I'm a bluebird, I'm a bluebird
Les deux fenêtres du cabinet médical sont ouvertes pour la première fois. Peut-être pour aérer entre deux patients infectés, mais moi, je connais bien la vraie raison, bien plus importante, vitale : pour écouter les petits oiseaux !
Le docteur continue son discours désabusé : "Les gens n'en peuvent plus du confinement. C'est difficile pour eux de ne pas sortir voir leurs proches... Vous tenez le coup ?
- Je vois peu de personnes d'habitude, c'est surtout me promener dans la nature qui me man.. OH j'entends une mésange charbonnière aussi !!
L'étonnement se lit à nouveau sur le visage du médecin, mais compréhensif, il se met à mon niveau : - Oui on a de la chance avec cette cour intérieure, pas de bruit, les oiseaux sont tranquilles, on les entend bien...
- Han un troglodyte cette fois ! Mais c'est le paradis ici !"
Le docteur interrompt mon cours d'ornithologie : - Bon, vous étiez venue pour des piqûres et vaccins...
 
mesange-charbonniere-.jpgJe lui parle des oiseaux, ces êtres doux et divins, et il me répond piqûre infernale qui fait mal, qui est ce démon ?
- Nan mais je préfère écouter les oiseaux en fait
- Vous pourrez le faire pendant que je vous vaccine. Ca ne fait pas mal du tout, c'est très rapide, regardez :
En un éclair digne d'un magicien, il me pique le bras gauche et je confirme : - J'ai rien senti !
- Je vous l'avais dit ! Regardez les oiseaux par la fenêtre maintenant.
Je me tourne vers la vitre à gauche, et pendant ce temps, le docteur m'empale le bras droit en douce.
Moi, choquée : - MAIS !
Docteur, content comme un gosse qui a collé un poisson d'avril dans le dos de son voisin : - Hé hé ! Je vous ai eu !! 
- Mais il fait mal celui-là !
- Oui ! C'est pour ça que je vous ai dit de regarder les oiseaux !
- On les voit même pas en plus !!"
Bernée comme une gamine de 5 ans.
 
troglodyte mignon.jpgJe reprends une conversation d'adulte : - Je peux faire des effets secondaires ? Que je me dise pas que j'ai chopé le corona quoi...
- Bof, non c'est rien...
- Ah ?
- Bon c'est possible, surtout qu'on a fait plusieurs vaccins... Peut-être de la fatigue, des douleurs au bras, des boules au niveau des injections, de la fièvre...
 
3 fois rien quoi, juste une petite gangrène. Je sors du cabinet en faisant ma guerrière revenue du front : "les piqûres, je les fais toutes d'un coup, tournée générale, cocktail molotov, même pas mal."
4 heures après, je regarde la dernière saison du Bureau des légendes et tout d'un coup je passe d'une conversation dans les locaux de la DGSE à une scène dans le désert avec un nouveau personnage et un mort ressuscité. En fait je me suis endormie comme une grosse larve et j'ai loupé un épisode. Mes bras me font atrocement mal, et je vois que deux nouveaux biceps ont poussé. Soit je suis Hulk somnambule et j'ai fait 3000 pompes sans m'en rendre compte, soit, plus plausible, je fais une réaction aux vaccins comme Coluche en fait aux moustiques dans Banzaï. Pendant 3 jours, je comate dans mon lit en me réveillant en sursaut dès que mes bras touchent le matelas.
"ça ne fait pas mal" "c'est rien du tout" qu'il disait.
 
Le 3ème jour, ce n'est pas la douleur qui me réveille du coma, mais un bruit. L'éternelle guitare du voisin, la corde à sauter de la voisine ? Non. Un son très agréable. Le chant du merle. C'est sûr, il a quitté le médecin pour moi :"Une fan apprécie mon talent à sa juste valeur, je déménage pour suivre mon public éclairé." En 13 ans à Paris, je ne l'entendais qu'exceptionnellement. Depuis, il chante du matin au soir, sa voix puissante résonne et couvre celle du clodo aviné et des perceuses. Je ne l'ai pas encore vu, il est certainement perché sur le toit car les merles aiment se placer en hauteur pour dominer, comme les chats. Merlounet nous gueule à longueur de journée (je vous fais la traduction, je parle couramment le merle) : "restez chez vous, ne faites pas de bruit, écoutez-moi, c'est moi le roi !" et je bois ses paroles religieusement. Depuis le début du confinement je mettais des chants d'oiseaux sur youtube pour oublier Paris. Plus besoin, je laisse la fenêtre ouverte. Il fait 14 degrés et un vent à décorner les cocus, mais je préfère m'enrouler dans mon plaid et risquer la pneumonie pour entendre mon nouvel ami. 
 
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise

25/04/2020

Les oiseaux, partie 2

 
Réveille-toi !
Debout !
Tiens-toi droit !
On va leur montrer
Qu'on peut tout changer
 
Je sors donc de chez moi. Je me rends d'abord à la pharmacie chercher mes vaccins (pas contre le coronavirus malheureusement) Pour cela, je dois me faufiler entre les clients de la boucherie qui tiennent une file d'attente de 30 mètres pour aller bouffer du pangolin. Cette fois-ci, ils ont fait un effort : ils portent des masques, des vrais, ces précieux trésors introuvables. Mais ils les laissent autour du cou. Oui, ils les baissent pour pouvoir discuter entre eux...
Quant aux distances de sécurité, déjà, un mètre, je trouvais que c'était trop peu : lors de ma dernière sortie, le gamin qui m'a doublé en trottinette a échappé (jeté ?) son mouchoir, lequel avec le vent s'est immédiatement retrouvé 10 mètres plus loin. Alors avec les crachats de joggeurs, les gens qui toussent... La distance à maintenir à été remontée à 2 mètres minimum, et des médecins admettent que les postillons et éternuements peuvent se répandre à 5 mètres à la ronde.
 
J'ai bricolé un masque à ma façon. Certains prétendaient au début que c'était inutile, mais tous les hivers, je porte mon écharpe autour du nez dans le métro, et je suis rarement malade (enfin à part des maladies chroniques non contagieuses), pas même un rhume. J'ai donc imaginé une protection avec une superposition de filtre à café, de sopalin, de foulard puis de tour du cou. Au top de la mode pour la collection printemps-été 2020. 26 degrés, j'étouffe sous mes 4 couches de protection (et même 8 car les foulards sont pliés en deux). La prochaine fois, j'en rajoute une 9ème avec une serviette hygiénique. Je pars en mission commando suicide.
Il faudrait retrouver les oiseaux blessés
Ils sont bien quelque part, on peut les sauver
Vaut mieux tout recommencer, on peut pas se suicider
 
Parvenant tant bien que mal à me glisser entre deux pestiférés, je rentre dans la pharmacie. C'est la première fois en 5 semaines que je parle à quelqu'un de visu (si l'on excepte le simple "bonjour" avec les voisins devant les poubelles). Je suis si contente de tenir enfin une conversation (ah les médicaments, ma passion) que je me montre volubile. Sauf qu'avec mes 8 couches de protection sur la gueule, la pharmacienne ne comprend rien.
Moi : "fé  fou fé fan fi fote feu faq faufou fu cou
Pharmacienne : - Pardon?
 Plus fort : FE FOU FE FAN FI FOTE... 
La pharmacienne grimace et tend l'oreille. J'articule : - F'est fou ces gens qui fautent
Elle se rapproche encore. Rah et la distance de sécurité... Par réflexe d'agacement de ne pas me faire comprendre, j'écarte un peu ma super protection sans la baisser :
" C'est fou ces gens qui portent leurs masques autour du cou !"
- Oui ! C'est ce qu'on se dit tous ici en les voyant. C'est désolant. ça ne sert à rien... Puis en touchant leur protection, ils la contaminent."
 
Un ange passe. Me croyant jouer à 1,2,3 soleil, je m'immobilise comme lorsque le maître du jeu se retourne pour voir si on a bougé : car j'ai la main sur mon foulard. J'essaie de le redresser tant bien que mal car les 28 couches de protections se disloquent. Hum.
Respire! On va leur montrer
Respire! Qu'on peut tout changer
Respire ! Debout, souffle
Réveille-toi
 
Après la pharmacienne, je dois à présent affronter le médecin...
à suivre
 

20/04/2020

Les oiseaux, partie 1

coronavirus, confinement, chanson française, musiquePleure pas, crie pas
N'oublie pas que tu n'as plus vingt ans
Ne te laisse pas sortir
Ou tu vas mourir
Notre vie n'est pas foutue
Faut pas qu'on s'habitue
 
Deux pigeons roucoulent devant ma fenêtre ouverte à 1 mètre de moi. Ils ne respectent pas la "distance de sécurité" ni les "gestes barrières" ni la limite "d'une heure autorisée". Ils me narguent en marchant sur la margelle, faisant crisser leurs serres sur le zinc : "alors comme ça, on ne peut pas sortir ? Frustrant hein ?" 
Confinement J+ je sais plus combien. Et on n'a même pas subi la moitié. Parce que le 11 mai, j'y crois autant qu'à la marmotte qui met le chocolat dans le papier d'alu. En plus je fais partie des "personnes à risque" (contre toutes les apparences : pas parce que je suis une mémé) qui "vont devoir rester confinées plus longtemps". Pas près de revoir mes oiseaux ni les marmottes (et vérifier si c'est vrai pour le papier d'alu). (J'ai un doute, elles sont capables de tout ces petites bestioles).
 
J'ai eu une bonne excuse pour sortir : me faire soigner, car les médecins s'alarmaient que "la situation est aussi dramatique pour les malades chroniques que l'on a perdus, ils n'osent plus venir nous voir."
coronavirus, confinement, chanson française, musiqueRéveille-toi
Debout, tiens-toi droit!
On va leur montrer
Qu'on peut tout changer
Je sais bien que les oiseaux perdus
Ne reviendront jamais
 
Alors je me suis résolue à me rendre chez le docteur, qui m'a sorti son sempiternel "mais pourquoi vous avez attendu !" Déjà parce qu'à chaque fois je pense "nan c'est rien, ça va passer, oublie que t'as aucune chance, on sait jamais sur un malentendu ça peut marcher". Puis en ce moment, la "petite grippette" ne m'encourage pas à sortir. Et pour des piqûres, encore moins. La dernière fois ya deux mois, après 5 jours d'empalements par des perfusions grosses comme le pipeau du déconfinement prochain, mes veines ne pouvaient tellement plus supporter que les infirmières ont dû s'y prendre à 3 pour me piquer 7 fois : "désolées pour le massacre" à la tronçonneuse. Mes bras ont ressemblé pendant 3 semaines à ceux d'une toxico du canal saint martin. J'aurais bien tenté les piqûres par téléconsultation sinon, je suis sûre que mon médecin a un petit côté marabout. Il pourrait sinon me lancer la seringue de loin comme l'infirmière le fait à De funès dans L'aile ou la cuisse (voir en lien) mais mon docteur n'est pas aussi sadique.
Mais arrête de dire dans ton lit
Que tu vas faire tout sauter
Toussoter 
 
Je téléphone d'abord pour savoir comment on procède, car je n'ai pas spécialement envie de me retrouver dans une salle d'attente bondée alors que je slalome déjà entre les joggeurs et crachats dès que je sors de chez moi.
Secrétaire :
- Oui vous pouvez venir cet après-midi, il est réservé aux patients atteints du covid.
- Mais je l'ai pas moi ! Et je suis à risque en + ! 
- Ah non pardon, je voulais dire que le covid, c'est le matin, l'après midi, c'est les téléconsultations.
- Il va me vacciner par téléphone ? (un marabout, j'en étais sûre !)
- Non (ah flûte) mais vous pouvez venir, la salle d'attente sera vide."
Allons viens et calme-toi
Parle-nous, ouvre-toi
 
Je sors donc de chez moi...
à suivre...