Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/07/2013

Marius et Fanny

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannySur le Vieux Port de Marseille, dans les années 30, Marius et Fanny s’aiment depuis leur plus tendre enfance, sans oser se le dire. Panisse, leur aîné de 30 ans, riche marchand de voiles, souhaite épouser Fanny, la pauvre marchande de coquillages. Cet évènement révèle enfin les sentiments de Marius, jaloux, et pousse les jeunes amoureux dans les bras l’un de l’autre. Tout irait pour le mieux si Fanny n’avait pas elle aussi une rivale, indomptable celle-ci : la mer…  Le romanesque Marius rêve de découvrir des terres lointaines et exotiques, voir ailleurs si l’herbe n’est pas plus verte, ou plutôt l’eau plus bleue. Ceci signifierait quitter son destin tout tracé : quitter son père, César, ne pas reprendre le bar familial, où se réunit tout ce petit monde, et bien sûr quitter Fanny…

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyJe ne résume pas le deuxième film, Fanny, car je révélerais le choix des personnages à la fin du premier opus. Même si ceci n’est pas le plus important : le plus intéressant, ce sont les réparties irrésistibles et la manière inéluctable avec laquelle les évènements s’enchaînent. Comme beaucoup, je connaissais déjà l’histoire, car j’ai vu et revu les premières adaptations de Pagnol quand j’étais petite. Je craignais donc un peu de m’ennuyer, car les deux films vus à la suite accumulent 3 heures. Pourtant, comme nous l’annonçait Daniel Auteuil en début de séance : « Vous verrez, ça coule tout seul ». Les situations s’enchaînent bien, les dialogues sont drôles, intelligents, émouvants, on ne voit pas le temps passer.
Même archi connue, l’histoire de ces amants tragiques est toujours aussi fascinante. Même si le contexte nous paraît vieilli, à l’heure où la plupart des couples avec enfants ne sont pas mariés (25 à 30 % en moyenne en France), ces amoureux semblent intemporels : Fanny, la femme sage et responsable, qui se sacrifie et qui prend en fait les décisions (c’est elle qui déclare sa flamme à Marius, etc). Marius, le doux rêveur qui ne sait pas ce qu’il veut vraiment…
Daniel Auteuil donne le thème principal des films : "Ce que je raconte, c’est la trajectoire d’individus qui n’accomplissent pas leur propre vie. Et c’est une tragédie de ne pas pouvoir accomplir son propre destin. C'est ça qui me bouleverse et que je raconte, la vie des autres."


cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyJ’avais peur que dans cette nouvelle adaptation signée Daniel Auteuil, l’acteur réalisateur touche à un mythe. Il reprend le rôle inoubliable de Raimu, comment osait-il se comparer à ce géant ? Comment allait-il refaire les scènes cultes, comme celle de la partie de cartes ? Allait-il  « me fendre le cœur » ? Pas du tout. Comme il nous l’a expliqué lui-même : de ce point de vue, on ne jouerait qu’une seule fois les pièces de théâtre, on ne proposerait plus les classiques : « j’ai joué Molière, et j’aurais aimé qu’il soit à côté de moi pour me donner des indications ».

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannycinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyQu’apportent les nouvelles versions de Daniel Auteuil alors ? J’avoue que je ne me souviens plus en détail des films originaux, que je n’ai pas revus depuis 20 ans (coup de vieux), mais Auteuil leur amène sans doute de la modernité. Les premiers films datent des années 30, à l’époque, le jeu des acteurs était très théâtral, d’ailleurs les films étaient à l’origine des pièces de théâtre. Orane Demazis, qui incarnait Fanny, en rajoutait dans la grande tragédie et m’agaçait un peu.

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyRien de tout cela chez la jeune Victoire Bélizy, son jeu reste beaucoup plus intériorisé. En plus, comme le disait un spectateur à Daniel Auteuil : « merci, elle au moins, elle est jolie » (Orane Demazis se retourne dans sa tombe) et Auteuil de répondre : « oui mais Pagnol était fou d’Orane Domazis (ils étaient mariés), il ne voyait pas ça ! ». De même, je trouve que le jeune Raphaël Personnaz, qui interprète Marius, est bien plus charmant que l’austère Pierre Fresnay (même si j’appréciais cet acteur charismatique à la diction si singulière, dans Le corbeau, l’assassin habite au 21...)

J’avoue aussi qu’en voyant la bande annonce, le jeu des acteurs et le faux accent marseillais me rebutaient. J’avais l’impression de regarder un extrait de Plus belle la vie… Les comédiens ont tous un accent différent, par exemple un personnage parle comme un Parisien pour se donner plus d’importance. Leur manière de jouer aussi, théâtrale, avec de grands emportements, me faisait aussi reculer. Mais c’est le film, les tempéraments des personnages qui veulent ça, et tout coule de source dès la deuxième scène. Et en revoyant des extraits des originaux de Pagnol, les accents et le jeu des acteurs paraissent beaucoup plus marqués !

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyQuant à Daniel Auteuil, il reprend facilement l’accent qu’il possédait jeune avec le rôle d’Ugolin, dans Jean de Florette et Manon des sources, qui avaient également marqué ma jeunesse. Il ne tente pas ici d’imiter la prestation de Raimu, il est plus en retenue, plus simple, plus doux : à son image.
Marie-Anne Chazel est parfaite dans le rôle d’Honorine, la mère de Fanny. Avec ses emportements faciles, j’ai cru voir un instant l’ombre de « Zézette épouse X ».
Jean-Pierre Darroussin incarne un Panisse plus amène que celui des premiers films, l’acteur Charpin. Petite, je trouvais à ce dernier des regards torves et un air hautain qui me dégoûtaient. Ici, Darroussin me semble plus sensible, et j’adhère mieux au personnage. Dans la première trilogie, Panisse me faisait plus l’effet d’un vieux dégoûtant qui s’achète une pauvre jeune fille. Ici, Darroussin lui apporte plus d’humanité, celle d’un homme de 50 ans, inconsolable d’être veuf et sans enfant, qui caresse enfin l’espoir de faire le bonheur d’une famille.
La suite de la trilogie, César, n’est pas encore tournée et sortira l’année prochaine. Mais ce dernier film peut se voir facilement indépendamment des premiers : il se déroule 20 ans après.

cinéma,cinéma français,pagnol,daniel auteuil,marius et fannyEn résumé, je partais avec des appréhensions, et j’ai été agréablement surprise, j’ai beaucoup aimé. Je me surprenais à m’emporter avec eux, à lever les yeux au ciel et à invectiver l’écran, comme lorsque j’étais enfant (enfin de ce point de vue, je n’ai pas vraiment évolué…) : « M’enfin, pourquoi il dit ça ? »  « Mais pourquoi tu lui dis pas que tu l’ai-meuuuuuh !!!! » « Mais il comprend rien ce couillon ! » « Bah vas-y, casse-toi pauvre con ! » (Daniel Auteuil nous a révélé ensuite qu’il observait nos réactions depuis la cabine du projectionniste, hum). Je riais en voyant la tête jalouse et ahurie de Marius, filmé en gros plan, qui fulmine quand Panisse courtise Fanny. J’étais émue lors des demi aveux du fils à son père, pudiques tous les deux : « je t’aime bien, tu sais ». De vrais films romanesques.


09/06/2013

Pop Redemption

pop redemtion.jpgDans Pop Redemption, réalisé par Martin Le Gall, 4 amis jouent dans un groupe de black métal depuis leur adolescence : les dead makabés (sic). Comme chaque été, ils font une sorte de « tournée » des salles miteuses. Cette année, grâce à un désistement, ils sont invités au mythique Hellfest ! En route pour la gloire, ils provoquent malgré eux un accident mortel. Ils décident de se cacher sur place, au pays de la fraise, où se tient un festival pop et psychédélique… Pour les satanistes, c’est l’ambiance flower power qui va représenter le véritable enfer. Vous pouvez voir la bande annonce en lien.

pop redemption groupe.jpgCette comédie très second degré joue sans cesse sur la parodie et le décalage entre les différents univers : le black métal et la pop, mais aussi la contradiction entre les rêves d’enfance et la réalité du quotidien. Le héros s’imagine future star et sataniste, mais habite chez sa grand-mère grabataire et s’occupe d’elle tendrement… Dans la première scène, le groupe répète ses chansons, avec le leader habité par ses textes, mais est brutalement ramené au monde réel : les musiciens doivent libérer le studio, qui est en fait le cellier d’un restaurant, car l’un d’eux doit terminer son service…
Certaines scènes sont hilarantes, comme l’accident, qui a fait exploser de rire toute la salle. Le film rappelle l’esprit des Inconnus, comme leur génial clip « Vice et versa ». On voit également la patte d’Alexandre Astier, créateur de Kaamelott, co-scénariste et fan des Beatles. Le roi Arthur est ici excellent dans un rôle de flic irascible qui se veut imperturbable, mais que tout vient contrarier et qui reste dépassé. Dans sa voiture, il écoute des chansons qui évoquent Stone et Charden ou Michel Fugain…

pop redemption beatles.jpgL’idée originale de mêler des satanistes à l’univers des yé-yé me plaît beaucoup, bien évidemment. Le film fait de nombreuses références aux Beatles (la traversée d’Abbey Road, le superbe générique de fin en dessin animé qui rappelle Yellow submarine…) Des citations des fab four pontuent les différentes parties du récit.

J’aime aussi que le film fasse découvrir l’univers méconnu des métalleux. Une adolescente tente d’expliquer à sa mère la genèse du black métal et la différence entre les courants (trash, death etc…) (mémé radio nostalgie n’a toujours pas compris). A une époque, quand mémé était jeune, je connaissais quelques métalleux et gothiques. Leur look (habits de noir, cheveux longs pour les hommes etc) impressionnait les passants, mais la plupart n’était que de gentil nounours, comme le montre bien le personnage interprété par Grégory Gadebois : une sorte de viking entouré d’enfants et père au foyer.

Le film exploite aussi l’entrée dans l’âge adulte et la crise de la trentaine : les 4 personnages se sont connus adolescents et ont fait les 400 coups ensemble. 15 ans plus tard, ils se sentent « devenus responsables » et veulent arrêter la musique : l’un, propriétaire d’un restaurant, ne pense qu’à ses crédits à rembourser, l’autre veut s'occuper de ses marmots… mais le leader, incarné par Julien Doré, ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, le black métal, c’est toute sa vie, il croit toujours en ses rêves (devenir célèbre).
pop redemption julien-dore-.jpgEn voyant au générique Julien Doré, issu de la télé réalité (il est le gagnant de la nouvelle star de 2007), j’avais un peu peur. Le chanteur à barrette, connu pour sa version très originale de Moi Lolita, allait-il être à la hauteur ? C'est un chanteur, pas un acteur (même s'il est doublé pour le chant guttural du black métal). Je l’avais vu dans le calamiteux film de Pascal Thomas, Ensemble, nous allons vivre une très très grande histoire d’amour, et sa prestation caricaturale ne m’avait pas convaincue. Mais dans Pop rédemption, Julien Doré est vraiment une révélation. Il porte le film sur ses épaules (les autres personnages sont surtout des faire-valoir).

Ce qui m’a surtout marqué, c’est qu’il est très touchant. Le réalisateur nous expliquait en fin de séance que c’est l’acteur lui-même qui a apporté cette touche d’humanité : « mon personnage est exécrable (autoritaire, il impose son point de vue à ses camarades) les spectateurs ne pourront pas l’apprécier. » Alors Julien Doré a montré comment un homme qui croit toujours en ses rêves, qui possède une telle volonté, se retrouve subitement seul et affaibli en apprenant que ses compagnons lâchent le groupe, et que pire, ils n’ont jamais été vraiment amis. Cet homme qui paraît dur est en fait très sensible et naïf. Un des personnages explique que sa femme veut un enfant, et les autres l’interrompent : « c’est gênant ce que tu dis ». Ils se connaissent depuis 15 ans, se voient chaque semaine pour répéter leur musique, mais ne partagent rien au final …

Si le film commence très bien, il s’essouffle en cours de route, avec des invraisemblances et de grosses facilités (les musiciens improvisent de la pop comme s’ils en jouaient depuis des mois, etc). Ce qui est vraiment dommage car l’idée de départ était excellente. Mais le film laisse malgré tout un bon souvenir. L’atout principal de Pop rédemption est sa bonne humeur communicative. Un bon fell good movie.

17/03/2013

Comment j'ai assisté aux César ou Beaucoup de bruit pour rien

beaucoup_de_bruit_pour_rien.jpgJe participe souvent aux jeux de Canal + pour les abonnés, qui permettent de voir des films ou séries en avant première. Je ne gagne jamais. Au bon vieux temps où Internet n’existait pas, mémé Papillote envoyait un pigeon voyageur son courrier postal et recevait à tous les coups un cadeau. J’ai encore le frisbee jaune vif avec le logo Canal +, la VHS des Guignols de l’info de noël 1991 et le super magazine à la couverture brillante sur les Ovnis par exemple. Collector.
Et là, des années après, la roue tourne enfin. Je suis présélectionnée, et pas pour n’importe quoi : assister à la cérémonie des César ! Ni une ni deux j’appelle la France entière pour l’informer de la bonne nouvelle : « je recevrai un coup de téléphone pour confirmer le 13 février, dans un mois. »
Un mois après, le téléphone sonne. Je ne réponds pas. Comme son nom l’indique, je ne porte pas mon portable (à cause des ondes). Je le laisse dans la cuisine à 10 mètres de moi et je n’entends pas la sonnerie.
1 heure après, rebelote.
1 heure plus tard, j’entends enfin. (Je viens grignoter du chocolat dans la cuisine). Appel masqué : « Rah, c’est encore Boubou télécom qui veut me vendre une connerie, scronch scronch, je réponds pas tiens, bien fait, z’ont qu’à poireauter, ‘toute façon je mange, scronch scronch. »
1 heure après, idem. « Ils exagèrent, d’habitude ils ne rappellent que le soir »
1 heure après, toujours pareil. « M’enfin, c’est fini oui ? Vous allez me laisser tranquille ! »
30 secondes après la fin de la sonnerie, mémé réagit enfin « Oh purée ! C’était sûrement Canal + ! Nan c’est pas possible j’ai pas pu louper ça ! »
Je suis restée collée aux mauvaises ondes de mon portable tout le restant de la journée.
Le téléphone n’a jamais resonné.
Quand jvous dis que mon frère me surnomme Gastonne, le terme est judicieux. Gastonne, ya le téléphone qui sonne, mais ya jamais personne, qui réponne. Nan mais allô quoi.
C’était une énième incroyable aventures inexistante de Papillote : « comment j’ai failli assister à la cérémonie des César ».

cesar 2013 kevinou.jpgDe toute façon, c’est chaque année pareil : des blagues vaseuses, des remerciements inintéressants, une cérémonie interminable. Heureusement Kevin Costner recevait son César d’honneur. Hé ! On ne le donne pas aux vieux d’habitude ? Kevinou tu ne vas pas clamser hein ? Il semblait très ému, touchant, toujours aussi craquant malgré ses 58 ans. Ce qui m’a donné envie de revoir Sens unique diffusé la semaine dernière sur Arte, surtout pour le regarder dans son bel uniforme blanc…

Ce soir sur Arte d’ailleurs, Beaucoup de bruit pour rien, joyeuse adaptation de Shakespeare par Kenneth Branagh, avec Emma Thompson, au temps où ils formaient un couple et où leur collaboration étaient fructueuse (l’excellent Peter’s friends, Dead Again, Henri V…) Jaoui et Bacri au moins, ils se sont séparés, mais continuent de faire des films ensemble…

femme d 'à côté.jpgDemain, autre film d’amour, mais cette fois-ci ni léger ni romantique: la passion qui torture deux ex amants se retrouvant dix ans après : le magnifique film de François Truffaut, La femme d’à côté, avec Fanny Ardant et Gérard Depardieu. En prime, le grand Georges Delerue signe la musique.

leçon de piano.jpgJeudi sur Chéri 25, encore une histoire d’amour passion, La leçon de piano. Je l’ai découvert à 12 ans environ, mon oncle me l’avait montré en VHS, me mettant un casque sur les oreilles, pendant qu’il conversait à côté avec les grands. Le bedonnant et libidineux Harvey Keitel m’avait répugné en enlevant sa tunique pour essuyer le piano avec, et je me rappelle encore de la scène du doigt coupé… J’étais sans doute trop jeune et trop sensible.

love and secrets ryanou.gifLes histoires d’amour finissent mal, en général, avec Love and secrets programmé sur Canal+ ce mois-ci, très bon film malheureusement resté inédit en salles, avec la lumineuse Kirsten Dunst et Ryan Gosling ♥♥♥. Il s’inspire d’une histoire vraie : dans les années 70, une jolie étudiante fauchée épouse un grand héritier, mais le prince charmant se révèle schizophrène…

Même si on trouve le mot « heart » dans le titre et Sophie Marceau en belle convoitée, Braveheart est bien un film guerrier et sanglant, racontant la vie de William Wallace, héros de l’indépendance écossaise du 13è siècle. Les têtes tranchées, le sang qui gicle sur les batailles très réalistes m’avaient choquée en 1995, mais depuis, Mel Gibson nous a habitué à la violence. Dans La passion du Christ, on assiste à la torture et l’agonie de Jésus pendant deux heures, et dans Apocalypto, les guerriers Mayas s’entretuent et s’enlèvent pour faire des sacrifices humains (vous savez, arracher le cœur de la personne vivante et autres joyeusetés). Braveheart est diffusé lundi sur W9.

les-innocents film.jpgTout autre genre, mais chef d’œuvre, Les innocents, au cinéma de minuit ce soir sur France 3, adaptation du Tour d’écrou de Henry James. L’atmosphère étrange, la beauté des images m’avait fascinée quand j’étais ado.

La prochaine fois, le retour de la rubrique nécrologique, avec plein de chanteurs morts qui m’ont permis de beugler leurs plus grands succès au bureau, à la grande joie de mes collègues grincheux. (vous percevez l’ironie).

09/12/2012

Télé Gaucho

télé gaucho.jpgMichel Leclerc, réalisateur du Nom des gens, césar du meilleur scénario original 2011, sort son deuxième film ce mercredi. Si vous avez aimé le premier, vous aimerez forcément Télé Gaucho, car il souffle le même vent de folie et de liberté.
Dans les années 90, Victor, un jeune homme rêveur et cinéphile, étouffe dans un cocon familial étriqué. Il remporte un jeu télévisé et rencontre ainsi la star de la chaîne (Emmanuelle Béart), qui anime une sorte de C’est mon choix. Il obtient un stage dans cette émission. Parallèlement, il intègre une bande de joyeux anarchistes, qui bidouillent leur propre chaîne aux idées radicalement opposées, une télé associative et provocatrice, Télé gaucho… (voir bande annonce en lien).

Le film est en grande partie autobiographique, car le réalisateur évoque son expérience au sein de Télé bocal. Michel Leclerc intègre des images d’archives de la télé associative, et reprend les rubriques déjantées qu’il animait : « ces objets qui nous font chier » et « avant, moi je croyais ». Tout le monde peut participer à télé gaucho, du moment qu’il a des idées et « qu’elles ne sont pas de droite » (« la mode, c’est de droite »). Les apprentis journalistes interrogent les habitants du quartier sur leur mode de vie où sur des questions d’actualité, filment des manifestations (où ils se font régulièrement tabasser) puis diffusent leurs séquences le soir dans leur local-squat de banlieue, où chacun est invité à faire la fête. Il règne au sein de cette équipe un esprit loufoque et libre, avec une bonne humeur, une volonté d’agir et de créer très communicatives.
Comme l’explique le réalisateur, « L’ambiance de Télé gaucho est proche des années 70 : l’amour, la politique, la liberté… à la différence près que dans les années 90, l’ennemi à abattre n’était plus vraiment le pouvoir politique, mais la télé commerciale qui commençait à incarner le pouvoir absolu. »

sara forestier.jpgLe film est également autobiographique à travers l’histoire d’amour entre le héros et une fille complètement barrée, judicieusement interprétée par Sara Forestier. Cette romance était déjà racontée dans le court métrage du réalisateur, Le poteau rose, ici en lien. Les profs nous l’avaient montré à la fac, et parmi les dizaines de courts métrages vus, c’est celui qui se démarquait le plus.
Je le trouvais très novateur pour l’époque, poétique, à la fois drôle et mélancolique, très personnel (Leclerc dévoile sa vie la plus intime) mais aussi universel (moi aussi à l’époque j’écoutais L’album Le phare de Yann Tiersen, avec la chanson La rupture ! mais je préférais celle qui est restée mon hymne, Monochrome). Télégaucho est selon son réalisateur « une sorte de gros making-of du Poteau rose ».

Télé gaucho s’attache au personnage de Victor, incarné par Félix Moati, « fils de » Serge. Le héros est « un jeune homme confronté à ses idéaux, à ses ambitions artistiques, à ses premières amours (...) à travers lui, le film pose la question de savoir comment concilier idéalisme et ambition : jusqu’à quel point faut-il renoncer à ses idéaux sans pour autant devenir un cynique ? ».
Mais Télé gaucho est aussi un film de groupe : « J’ai toujours été fasciné par les films de groupe, comme Le péril jeune ou Nous nous sommes tant aimés (je l’adore !), qui racontent l’histoire de trois ou quatre copains sur plusieurs années et qui mêlent la politique, la passion amoureuse et le passage à l’âge adulte. » Le film soutient la comparaison avec ses aînés.

tele gaucho maiwenn.JPGLes personnages sont remarquablement travaillés. « Le mot-clé pour moi, c’est la contradiction ou l’ambiguïté chez chacun. » Eric Elmosnino (césar du meilleur acteur pour Gainsbourg, vie héroïque) campe un chef charismatique, drôle et fédérateur, mais aussi escroc et colérique. Maïwenn est une pasionaria que personne ne prend au sérieux. Elle devait incarner au départ Baya, l’héroïne du Nom des gens, finalement jouée par Sara Forestier. Cette dernière reprend dans Télé gaucho un rôle de fille exubérante assez similaire à celui du Nom des gens, pour lequel elle avait remporté le césar de la meilleure actrice. Emmanuelle Béart, pourtant engagée dans la vie réelle à gauche et en faveur des sans-papiers, joue un personnage cynique à l’opposé.
tele-gaucho-emmanuelle-beart.jpgMais si le film est engagé, il évite cependant d’asséner un message et d’être donneur de leçons. Comme dans Le nom des gens, chaque personnage en prend pour son grade. « Maïwenn explique que peu importe que Patricia (Béart) soit sympa ou pas, elle représente l’ennemie et il faut donc l’abattre. A l’inverse, Victor dit qu’elle risque de se faire virer. J’aime le militantisme et l’engagement politique, mais il y a des limites à la désignation de l’ennemi. »

Le nom des gens évoquait librement l’histoire de Baya, le vrai nom de la compagne du réalisateur, jugée sur son origine (mais la véritable Baya ne couche pas avec les mecs de droite pour les convertir à sa cause !) Télé gaucho raconte la première grande histoire d’amour de Michel Leclerc. Comme Baya supportait mal la comparaison, (voir le film qu’elle en a fait en lien) je me demande comment elle a réagi à Télé gaucho !

Et maintenant, petit quiz On connaît le film, pourriez-vous travailler à la télé, en répondant à la question comme l’a fait le personnage : « Dans le film Le corniaud, quel est le nom du diamant caché dans le klaxon de la voiture de Bourvil ? »