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30/06/2020

Le cactus, suite

gaston cactus 2.jpgJe réponds en tout point à la description du cactus donné par Corinne Maier. Une collègue correspond elle à la définition du pleutre hypocrite, qui refuse de prendre position, de dénoncer les abus pour améliorer les choses, et qui n'hésite pas à copiner avec des collègues toxiques qui peuvent apporter des faveurs. Elle me conseillait de faire semblant de m'intéresser aux décérébrés, mais ensuite, se plaignait d'avoir "l'impression de ne plus faire travailler son cerveau et de stagner". Oui, à force d'écouter en boucle les récits de pouffiasses en virée à Zara et des gastros du merdeux de sa cheffe, on perd ses neurones. Je préfère passer mes pauses avec mon bouquin.
Après deux années de lutte, j'ai finalement réussi à faire sanctionner le monstre qui empoisonnait le service. Je pensais fêter cette victoire avec les autres collègues harcelés en sabotant le pot de départ du démon, mais le confinement en a décidé autrement. Je n'ai même pas pu lui dire adieu en versant du laxatif dans son mousseux et en lui préparant un beau discours ("Chère grognasse. Tes insultes et cris quotidiens vont tellement nous manquer...")

J'ai également enfilé ma cape de justicière lors d'une énième formation à la con, en disant au formateur tout haut ce que nous les "formatés" ressassions tout bas : "Pourquoi on doit se taper des formations inutiles comme ça ? Je suis ici depuis 3 ans, à part (truc et muche) vous nous avez rien appris. On a passé 2 jours à vous écouter alors que ça aurait pu durer 2 heures ! La première matinée entière à nous demander de nous présenter ? On ne se connait pas, on ne se reverra pas, quel intérêt à part perdre du temps et justifier la durée et le coût exorbitant de votre formation ?"

gaston balançoire.jpgEncouragés par ma diatribe, les formatés ont surenchéri et le formateur à la con a passé un sale quart d'heure. A la fin, une femme m'a prise à part. Elle m'apprend qu'elle est l'une des dirigeantes de l'entreprise, responsable des missions de formation. Vous pensez peut-être qu'elle m'a reproché ma virulence ? Absolument pas. A mon grand étonnement, elle était... admirative ! Pourtant, c'est elle qui avait contribué à employer ce formateur sans intérêt. Je pense que cadre sup, elle s'ennuyait dans son boulot vide de sens, à organiser des réunions et des formations inutiles, à pratiquer la langue de bois en permanence. Et quelqu'un qui osait dénoncer ce système lui apportait une bouffée d'air frais. Elle m'a cependant conseillé d'y rentrer à pieds joints : "mais pourquoi vous restez à ce statut si peu élevé avec vos capacités, les études que vous avez faites ? Vous pourriez passer des concours catégories A !"

Déjà, 10 postes dans toute la France pour 10 000 postulants, c'est beaucoup de boulot, de mémo à apprendre par coeur comme un chien savant, pour peu de chance de réussite. J'ai essayé de passer un concours à mes débuts encore optimistes dans l'entreprise : on m'a carrément dit pendant l'oral que j'étais "trop diplômée pour le poste, que j'allais m'ennuyer et partir 6 mois après !"  Même si je valide le concours, je devrais quitter ma boîte, dont le principal intérêt est d'être à 5 minutes à pied de chez moi. (Inconvénient : je ne peux pas prétexter des problèmes de transports pour mes retards).

travail,comment s'amuser au travail,comment supporter ses collèguesEnsuite, je ne veux justement pas faire partie du système ! J'ai la chance de ne pas être intégrée à une équipe, de ne pas avoir de compte à rendre, de ne pas avoir de chef sur le dos qui m'infantilise, me compare à mes collègues pour augmenter les cadences et créer des conflits et jalousies. Personne ne sait exactement ce que je fais ni même où je suis (on se déplace beaucoup dans les locaux). Et là, on me conseille de monter en grade, pour avoir un bureau fixe en open space, être surveillée en permanence ? Non merci. Je préfère nettement travailler moins pour gagner moins, et en réalité gagner plus : du temps pour moi et les vraies choses importantes de la vie (manger, dormir...). Evidemment si mon boulot consistait à trouver un vaccin contre le cancer de la connerie, j'y consacrerais 70 heures par semaine, mais un "bullshit job" qui peut être effectué par n'importe quel abruti... Non, le boulot, y en a pas beaucoup, faut le laisser à ceux qui aiment ça.

 

27/06/2020

Le cactus

travail,chômage,comment supporter ses collèguesLe monde entier est un cactus
il est impossible de s'asseoir
Dans la vie, il y a que des cactus
Moi je me pique de le savoir

J'ai commencé jeune ma vocation de glandeuse mauvais esprit en prenant comme modèle Gaston Lagaffe, puis ado en lisant le cultissime Le droit à la paresse de Paul Lafargue. J'engloutis les récits et documentaires sur le travail (Libre et assoupi, ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés, L'open space m'a tuer, Malaise au travail, le harcèlement moral). Je savais que j'allais subir ce qui étaient décrits dans ces oeuvres sans même avoir encore commencé à trimer.

Je relis pour la troisième fois Bonjour paresse après l'avoir prêté à une personne indigne de le lire et comprendre. Pourtant, Corinne Maier (dont j'ai lu quasiment tous les livres, comme le génial No kid) me prévient dès l'introduction :
"Avertissement : ami individualiste, passe ton chemin
Toi l'individualiste, mon frère d'armes et de coeur, ce livre ne t'est pas destiné, car l'entreprise n'est pas pour toi. Le travail dans les grandes sociétés ne sert qu'à menotter l'individu qui, laissé à lui-même, se servant de son libre entendement, pourrait se mettre à réfléchir, à douter, voire, qui sait, à contester l'ordre ! Et cela, ça n'est pas possible. Si l'individu se trouve parfois porteur d'idées nouvelles, il ne faut à aucun prix que celles-ci dérangent le groupe. Il est clair que dans un monde où il est conseillé d'être souple, bien vu de changer son fusil d'épaule toutes les cinq minutes et en rythme avec les autres, l'individualiste est brandon de discorde. Aussi, on lui préfère le pleutre, le mièvre, l'obéissant, qui courbe le dos, joue le jeu, se coule dans le moule et, finalement, réussit à faire son trou sans faire de vagues.

travail,chômage,comment supporter ses collèguesOr non seulement notre sauvageon individualiste est incapable de faire comme les autres, mais quand en plus il a des idées arrêtées, il renâcle au compromis : il inspire donc légitimement la méfiance. Les DRH le voient venir de loin: raideur, obstination, entêtement, sont les qualificatifs qui fleurissent dans son dossier à la rubrique graphologie. Et cela, ne pas savoir se plier, c'est moche; moche de sortir du travail dès sa tâche de la journée accomplie; moche de ne pas participer au pot de fin d'année, à la galette des rois, de ne pas donner pour l'enveloppe du départ en retraite de Mme Michu; moche de rentrer à l'hôtel en trombe dès la réunion terminée avec les partenaires; moche de repousser le café proposé pendant la pause-café, d'apporter sa gamelle alors que tout le monde déjeune à la cantine.

Ceux qui se comportent ainsi sont considérés par leurs collègues comme des cactus de bureau car la convivialité est exigée, sous forme de pots, de blagues convenues, de tutoiements et de bises hypocrites (toutes choses à simuler sous peine d'exclusion).
Mais peut-être nos plantes rugueuses ont parfaitement compris quelle était la limite à ne pas franchir entre le travail et la vie personnelle. Peut-être ont-elles réalisé qu'être tout le temps disponible pour une succession invraisemblable de projets, dont la moitié sont complètement idiots et l'autre moitié mal emmanchés, c'est à peu près comme changer de partenaire sexuel 2 fois par an : quand on a 20 ans, la chose peut avoir son charme mais, au fil des années, cela finit par devenir franchement une corvée."

Je réponds en tout point à la description du cactus donné par l'autrice.
Suite demain

 

 

 

 

24/06/2020

Mauvais esprit

mai 68 matraque.jpgJe modifie un billet de 2009, car l'histoire pourrait encore m'arriver. Je n'ai pas changé, je prends toujours le chemin qui me plaît.

Au boulot, dans l'open space m'a tuer, le big boss ouvre soudainement la porte. Quand le chat est là, les souris ne dansent pas. Les employés se pétrifient, interrompant leur sieste activité pour regarder l'étonnante arrivée du roi descendu inhabituellement de son trône et se mêler à la populace. Le sire traverse solennellement l'immense salle, sans dire un mot (il ne va tout de même pas s'abaisser à un "bonjour"), l'air grave. Il arrive tout au fond de la pièce, c'est-à-dire à la place des cancres qui peuvent glander en douce, c'est-à-dire la mienne :
« Suivez-moi, j’ai à vous parler. »

mai pourquoi.jpgComme un seul homme, tous les employés se retournent vers moi, l'air interrogatif qui signifie "mais qu'est-ce que t'as fait ?!"
Je leur réponds avec la mimique qui veut dire "Bah j'en sais rien ! (rien, justement ?) : je hausse les sourcils et les épaules, paumes vers le ciel, joues remplies d'air que je vide d'un coup. (Il paraît que la moue dite "de la bouche qui pète" pour symboliser l'ignorance ou le désintérêt est typiquement française !) Une porte se trouve à côté de moi pour fuir en douce, mais emprunter une voie de garage pour se retrouver dans le couloir désert, ça ne fait pas partie de la mise en scène de terreur du souverain. Il préfère retraverser toute la salle en prenant l'allée centrale, sous les regards de l'assistance. J'ai l'impression d'être un condamné qui suit son bourreau jusqu'à l'échafaud en place publique.

Arrivé à la guillotine, dans le bureau du directeur, ce dernier me révèle enfin la raison de son show :
Boss : « Tout d’abord, votre travail est excellent. Vous êtes vraiment très efficace. Là-dessus il n’y a aucun problème.
Ah s'il savait... Je suis tellement rapide que je finis mon boulot de la journée à midi et je passe le reste du temps à surfer sur internet...

Le boss poursuit : En revanche, je trouve que vous faites du mauvais esprit. J’ai peur que vous influenciez les autres. Quand vous êtes venue demander pour…enfin… »

mai 68 fleur.jpgIl s’interrompt car il n’ose pas me révéler la vraie raison qui lui pose problème :
J’ai été la seule à oser demander pourquoi notre salaire sur la fiche de paie était inférieur de 100 euros au chiffre annoncé dans l'offre d'emploi. Certains ne l'avaient même pas remarqué !
Le dirlo ne peut pas m'en blâmer. Alors il me reproche ce que j’estime être des détails :
Lors d’une réunion de bilan, une responsable nous a dit :
« vous avez fait le double de travail demandé ! C’est génial ! »
J'ai répliqué sur le ton de la plaisanterie : « On a le droit à une prime ? »
La femme a éclaté de rire : « Je voudrais bien mais ce n’est pas de mon ressort ! »

Sauf que le patron n’a pas trouvé ça drôle du tout. Il me blâme donc aujourd’hui :
« JAMAIS vous n’aurez de primes, c’est bien clair ? »
Moi : - Je le sais bien, c’était une plaisanterie…
Boss :- Ici, on ne plaisante pas. Votre humour est très malvenu
J'ai de la peine à réprimer un sourire. Sérieusement ? C'est le bagne ici ?

Il me regarde au fond des yeux, sans sourciller, pendant tout l’entretien. Il tente de déceler le trublion qui sommeille en moi.
Il s’attend peut-être à ce que je me lève et fasse le salut militaire: « Sir, yes sir ! »
Ou il pense que je vais chanter, la main sur le cœur : « C’est la lutte finale, groupons-nous et demain… »

dewaere chaussettes.jpgMe reprocher d’influencer les autres par mon humour, au lieu de me faire peur, je trouve ça plutôt flatteur. Lorsque je reviens dans l'open space, je reprends l'allée centrale et parade avec le sourire triomphant, en repensant à Patrick Dewaere dans Coup de tête. Il  se fait virer de son entreprise, fait un coup d'éclat dans le bureau du directeur et revient acclamé par les collègues (voir scène en lien).
« Monsieur le président, j’aimerais vous dire deux mots. On m’a viré du foot il y a trois semaines, aujourd’hui on me vire de l’usine… Je suppose que vous allez me reprendre mon logement… Je vous dois tout monsieur le président, alors je vous rends TOUT ! (Il se déshabille, puis voit le regard narquois de la présidente)  Je vous enverrai mon slip par la poste ! (Il salue) et mes chaussettes !»

Je ne pousse pas le bouchon jusqu'à me désaper comme mon acteur fétiche: "vous nous refusez les 100 euros ? Très bien, alors la somme représentant les vêtements que je porte, je vais donc les retirer..."

emeute.jpgJe me contente de raconter l’anecdote à mes collègues, en mimant la scène et la tête du dirlo. Mes camarades sont morts de rire :
"Ouais, demain t’amènes ta banderole !"
"C’est pour quelle heure la manif ? "
Au lieu de me faire taire, en agissant ainsi, le boss a au contraire renforcé mon esprit narquois et la cohésion du groupe contre lui.

Siffler en travaillant
C'est un bon stimulant
Qui vous rend le coeur plus vaillant

C’était un communiqué du SCME, Syndicat des Chats au Mauvais Esprit.

 

06/12/2019

Merci patron, quel plaisir de travailler pour vous

merci patron film.jpgOn est heureux comme des fous !
Une chanson d'actualité en ces temps de révolution grève générale.
Vous savez que je suis atteinte d'une maladie incurable, la chansonnite aiguë. Elle fait des ravages sur mon lieu de travail.
Chaque jour au boulot, les locaux gris de l'entreprise, cette immense étendue de cases de béton, ces bureaux gris qui se succèdent, me rappellent les images du ministère de l'information du film Brazil. Le héros travaille dans un environnement semblable au mien : froid, immense, gris, bétonné et sans lumière. Alors, comme lui, je m'échappe de mon quotidien terne en fredonnant Brazil; comme lui, je m'imagine réparer les injustices en luttant contre le système bureaucratique.
Comme les gueux de Métropolis ou du Roi et l'oiseau, je suis reléguée dans les bas-fonds, les sous-sols sans fenêtres. Parfois je parviens à m'échapper dans les étages. Officiellement pour pouvoir bénéficier du soleil et ne pas me transformer en Nosferatu le vampire. Officieusement, pour pouvoir être tranquille. Et ne plus être obligée de fredonner ou siffloter entre mes dents pour ne pas déranger les autres, et pouvoir enfin danser chanter en liberté, aller jusqu'au bout du rêve.

brazil bureau.jpgMalheureusement, souvent, je suis contrainte de devoir côtoyer des gens, les collègues et les clients. (et je fais des rimes en "an"). Mais moi je vis d'amour et de danse, je vis comme si j'étais en vacances. Alors je continue de siffloter Brazil, car moi, je vis d'amour et de risque, quand ça ne va pas, je tourne le disque.
Jusqu'au jour où un collègue m'a demandé :
"Mais c'est quoi ce truc que tu siffles ?" (Depuis 5 ans tout de même, il était temps de s'en rendre compte. Ou alors il restait très patient.)
- Ben la musique de Brazil, tu ne trouves pas qu'on se croirait dedans ?
- Connais pas.
- Dans ce film de Terry Gilliam, le héros travaille dans des locaux aussi moches que les nôtres et...
Collègue, impatient, m’interrompt en ronchonnant : - Ouais en tout cas c'est chiant que tu chantes tout le temps."

brazil collegues.jpgMoi, je vis d'amour et de rire, je vis comme si y avait rien à dire. Un jour j'aurai la chance d'être entourée de collègues un minimum sympas et culturés, avec lesquels je pourrais échanger plus de 2 phrases, je ne désespère pas. 
Et encore, il ne m'a pas reproché de faire de la batterie. Car lorsque je m'efforce de ne pas chanter, la mélodie reste en tête, et je la tape avec les index sur le bureau.
Il tape sur les bambous et c'est numéro un
Dans son île on est fou quand on est musicien
Tu le verras toujours bien dans sa peau quand il prend ce tempo.

Les collègues ne sont pas les seuls rabat-joie, les clients aussi :
"- Ça fait plus d'une heure que j'attends ! Appelez-moi le directeur !
Celui-ci est justement là. Je lui présente le problème (le client).
Dirlo, sérieux, note scrupuleusement, longuement, avec calme, les réclamations du client qui le houspille :
- Très bien je vais faire remonter l'information. Votre nom, c'est Jérôme, c'est ça ?
- OUI, JÉRÔME C'EST MOI, non je n'ai pas changé... "

Evidemment, ce n'est pas le client mécontent qui a répondu, c'est moi. Admettez que j'étais obligée, ça sortait tout seul, même sans être atteint de chansonnite aiguë incurable.
Vu l'air consterné du dirlo et du client, j'en conclus qu'eux non plus n'apprécient pas mes talents de chanteuse.

C'était un message de Papillote, actuellement en pleine reconversion, à la recherche d'un emploi (à radio nostalgie, ce serait bien). 
A suivre : quiz On connaît la chanson

Brazil, tomorrow was another day
The morning found us miles away
With still a million things to say