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23/08/2015

Le tout nouveau testament de Jaco van Dormael

tout nouveau testament.jpgDieu existe. Il habite à Bruxelles. Il est odieux avec les humains et sa famille. On a beaucoup parlé de son fils, mais très peu de sa fille, qui a 10 ans. Cette dernière parvient à rentrer dans le bureau secret de son père et balance par SMS les dates de décès de tout le monde. Puis elle s’enfuit, à la recherche de 6 nouveaux apôtres, afin de rendre le monde meilleur… Voir bande annonce ci-dessous.

LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT est très original, drôle, poétique, délirant, et vaut vraiment le coup d’œil. Il fallait avoir l’idée d’imaginer un Dieu… odieux. Fini le sage impressionnant à la longue barbe blanche. Ici c’est un beauf aigri qui reste devant son ordinateur toute la journée en robe de chambre. Il est interprété par Benoît Poelvoorde, dans l’un de ses meilleurs rôles. Il est aussi infect que son personnage de C’est arrivé près de chez vous. Depuis son ordinateur, il s’amuse à créer chaque jour des conflits, des dommages climatiques, et même des lois de l’emmerdement « loi 2218 : la file d’à côté avance toujours plus vite ».
tout nouveau testament femme.jpgSa femme (Yolande Moreau, aussi ahurie que son rôle chez les Deschiens) « sort pas de la cuisine, sinon il cogne dessus ». Mais sa fille se rebelle, s’échappe et trouve 6 nouveaux apôtres improbables : un clochard, une épouse délaissée (Catherine Deneuve), un employé taciturne, un assassin (François Damiens)…

L’idée de donner à chaque humain la date de son décès est géniale. On a tendance à remettre au lendemain, à se dire qu’on a le temps, à ne pas voir la fin. Mais là, ces sms remettent tout en question, comme le disent les médias dans le film : « qu’allons-nous faire du reste de notre vie ? » est la question la plus fréquente sur les réseaux sociaux. » Certains pensent : à quoi bon continuer à travailler, s’il ne me reste que si peu à vivre ? Pourquoi ne pas réaliser mes rêves ? Partir en voyage, avouer enfin mon amour à la femme que j’aime, comme le font deux personnages ? Un ado, qui ne mourra que dans 62 ans, filme ses défis improbables sur internet dans des séquences hilarantes : il se jette d’une fenêtre ou d’un pont, car il sait qu’à chaque fois une circonstance insolite le sauvera !

Le film cultive un humour noir et irrévérencieux qui m’a fait éclater de rire à de nombreuses reprises. Comme une femme qui reçoit sa date de décès imminente, fait tout pour l’empêcher et de cette façon la provoque…
Avec les dates de décès connues, La criminalité stoppe net. Il ne sert plus à rien d’essayer d’éliminer un ennemi puisque cela ne modifiera en rien la date fixée pour sa mort.
On peut voir dans le film une charge amusée contre les nouvelles technologies et les médias. Victor le clochard est le seul à rester indifférent à toute cette agitation : il n’a pas de portable et n’a donc pas reçu le texto. Un pauvre  technicien de service anonyme devient soudain une superstar adulée, car il est l’homme qui vivra le plus longtemps…

tout nouveau testament fille.jpgLe réalisateur, Jaco Van Dormael, est l’auteur de l’un de mes films favoris, Toto le héros. Il exploite ici ses thèmes de prédilection : les enfants, souvent mal aimés et incompris, ou les adultes qu’ils sont devenus, ayant abandonnés leurs rêves mais se réveillant soudain à la vie et à l’amour.
Le cinéaste explique son intérêt pour l’enfance : « Parce que c’est l’âge des premières fois, le moment de la vie où les sensations sont à leur paroxysme. On n’est pas encore policé, on n’a pas encore plié l’échine. On ne cherche pas à correspondre à ce que les autres attendent de vous. Puis on devient adulte et on transporte l’enfant qu’on a été au fond de soi. Les adultes ne sont que des enfants qui ont grandi. J’aime la vision, un peu surréaliste, qu’ils ont du monde. L’est-elle d’ailleurs plus que celle qu’on acquiert en croyant devenir raisonnable ? »

Comme toujours, Van Dormael opte pour une mise en scène très poétique (les tulipes qui dansent sur Trenet dans Toto le héros m’avait subjuguée quand j’étais ado, je n’avais encore jamais vu une telle inventivité). Le réalisateur révèle : « Les scènes de rêves des personnages, je les ai souvent rêvées. Avec l’âge, je travaille beaucoup en rêvant. Je me couche en pensant à un passage précis du film, et le matin, je me réveille avec la scène. »
Autre idée originale et poétique : chaque humain aurait une musique qui le caractérise, triste ou joyeuse. Haendel, Trenet ou même Dalida… Pour moi, je pense que ce serait Smile away de McCartney ou Dans un vieux rock n’ roll de Sheller (« j’ai dans la tête un transistor qui fredonne !») 

J’ai raconté le pitch du film et ses meilleures scènes à une connaissance très croyante. Par exemple celle où Dieu arrive dans une église qui accueille les nécessiteux. Le prêtre s’adresse à lui :
- Dieu nous dit « aime ton prochain comme toi-même »
- J’ai jamais dit ça. Mais l’autre là (montrant le Christ sur la croix) il est parti en sucette. Tout ce qu’il a réussi à faire, c’est se faire clouer sur un cintre, comme une chouette. »
Le curé ne le croit pas évidemment (encore un illuminé qui se prend pour Dieu) mais Poelvoorde lui révèle en détail ses souffrances d’adolescent (amour déçu) qui l’ont conduit à cette vie de célibat, et se moque de lui. Le prêtre saute à la gorge de Dieu et l’étrangle…
En mimant, très enthousiaste, cette scène à une personne pratiquante, elle était assez choquée « oh là là j’irai pas voir ce film alors, ça ne va pas me plaire ! » J’étais étonnée par sa réaction, car je n’y avais même pas pensé. Pour moi le film ne joue pas sur la provocation gratuite. Il est plutôt plein de bons sentiments, avec la fille de Jésus qui sauve ses apôtres, tous esseulés, en les ouvrant à l’amour…  
D’ailleurs lorsqu’on demande au réalisateur : « Avez-vous un instant craint de choquer l’Église catholique ? » il répond : «  J’y ai très peu pensé. Je n’ai aucun plaisir à chercher à choquer (…) J’ai seulement raconté un conte »
Il précise : « Je ne suis pas croyant mais j’ai reçu une éducation catholique. Je m’intéresse aux religions comme je m’intéresse aux belles histoires. Enfant, je me suis posé la question : pourquoi n’a-t-il rien fait lorsqu’on a crucifié son fils ? Pourquoi ne fait-il rien quand des enfants meurent de leucémie ? Pourquoi est-ce que Batman sauve les gens et pas Dieu ? »

J'étais pareille ! On m’avait inscrite par tradition familiale aux cours de cathé. Je n’appréciais pas vraiment l’enseignante, son sourire constamment béat, ses yeux exorbités, sa façon de nous parler en articulant, avec une voix aigüe, comme si on était neuneus. Lorsqu’on a abordé le chapitre des miracles, j’ai demandé « mais c’est pas possible de marcher sur l’eau ?  Comment il a fait ? » elle était décontenancée, bégayait, et n’avait aucune réponse tangible à me fournir « c’est comme ça, c’est un miracle ». Quand je suis rentrée chez moi, j’ai dit que je ne voulais plus y retourner et que je préférais passer mes mercredis matins à regarder le Club Dorothée! Ma famille était effarée mais je ne comprenais pas pourquoi.  La prof de cathé, énervée, a harcelé ma mère pour que je rende mon livre « car il coûtait cher ». Mais je n’ai pas voulu et je l’ai racheté, car j’adorais lire ces histoires, que je lisais comme les contes de Perrault ou de Grimm que je dévorais à l’époque ! 

Le réalisateur l’atteste : « le film a la forme d’un conte : quelqu’un qui n’aurait pas reçu d’instruction religieuse pourrait tout aussi bien apparenter LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT  au Petit Chaperon rouge ou à Alice au pays des merveilles, tous ces récits inscrits dans la mémoire collective. Le tunnel, qui relie le lave-linge de l’appartement de Dieu au lavomatic, et qu’empruntent Éa puis son père, me parait typique du genre. »
Jaco Van Dormael explique que le film : « est une manière de dire, sur le ton de la comédie : « Le paradis, c’est ici et maintenant ; ce n’est pas après la mort. Nous n’allons pas vivre longtemps. Aime et fais ce qui te plaît. »
Il ajoute : « Et si Dieu avait été une femme, qu’est-ce que ça aurait donné ? » On a des éléments de réponses truculents dans le film, avec les actions de la fille de Dieu et surtout de sa femme…

La personne très croyante va voir le film sous mes conseils. Je pense qu’elle rira aux blagues et verra la bonté enfantine qui se dégage de ce film.
En partenariat avec LE PACTE, j’ai le plaisir de vous permettre de voir LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT en gagnant 5X2 places. Pour cela, répondez à cette question :
- Citer un autre film du réalisateur Jaco Van Dormael.

Envoyez vos réponses par le lien « me contacter », avec vos noms et coordonnées postales. Vous avez jusqu’à lundi 31 août. Jeu qui se limite à la France métropolitaine. Le film sort en salle mercredi 2 septembre.

A vous de jouer !

 

24/06/2012

Le grand soir

grand soir.jpgBenoît Poelvoorde♥♥ incarne « un punk à chien », «Not», du nom gravé sur son front. Il vient traîner dans la zone commerciale où ses parents (la mère Brigitte Fontaine, toujours aussi chtarbée) tiennent une « pataterie » et son frère (Albert Dupontel ♥♥) est vendeur dans un magasin de literie. Ce dernier, qui veut mener une existence classique (il est marié et a un bébé) ne jure que par le confort matériel. Il ne voit pas d’un bon œil la venue du marginal. Pourtant, suite à son licenciement, Dupontel quitte le rang pour suivre la punk-attitude de son frère : rejeter la société de consommation et vivre sa vie comme il l’entend… (voir bande annonce en lien ci-dessous)

Le grand soir est signé par le duo de Groland, Gustave Kerven et Benoît Délépine. Ils ont réalisé ensemble quatre films, et je trouve que ce dernier est le meilleur. Pour Aaltra et Avida, je n’étais pas habituée à cet univers particulier, cet humour noir et absurde, ces personnages pitoyables. J’ai plus apprécié Louise Michel, avec Yolande Moreau (ex Deschiens) : son patron délocalisant l’usine, elle paie un tueur à gages ridicule (Bouli lanners) pour le faire assassiner. J’ai aussi aimé Mammuth, où Depardieu part à la recherche de ses points de retraite manquants.

grand soir feu.jpgLe grand soir, qui fait référence à la notion révolutionnaire prônant une société nouvelle, commence par la longue errance de Poelvoorde/Not dans les rues de sa ville jusqu’au centre commercial, à la recherche de bières et de quelqu’un avec qui les partager. Comme souvent chez les réalisateurs, le début est  lent et contemplatif, pour signifier le vide et la dure vie du punk, et j’ai craint de m’ennuyer, à tort. On voit ensuite toute la famille réunie autour d’un repas surréaliste. Les deux fils parlent en même temps de choses totalement différentes : le punk de son mode d’existence et de l’accueil que lui font les habitants, le fils rangé du dernier appareil high tech à la mode et de l’achat à crédit.  Toute la salle de cinéma explosait de rire, ce qui était le but, mais je ressentais d’abord le malaise que crée ce décalage. J’ai eu la même sensation lorsque Dupontel, licencié, le compte en banque vidé par sa femme qui l’a foutu dehors, tente de s’immoler en plein supermarché, devant tous les clients poussant leur chariot, sans que personne ne réagisse. Le film illustre l’individualisme de la société et le repli sur soi en temps de crise. S’il crée un goût de révolte à travers les actes des personnages pour s’en sortir et réveiller les consciences, il ne donne pas vraiment d’espoir.

grand soir not dead.jpgLes réalisateurs utilisent souvent des plans larges afin de montrer l’absence de communication entre les personnages, comme pour la scène dans le supermarché. J’ai éclaté de rire lorsque Poelvoorde tente lamentablement de vanter les mérites de son frère licencié en tendant un C.V trempé à une hôtesse, tandis qu’à l’arrière plan on voit Dupontel  crever des ballons un par un (voir l'extrait en lien). Plus tard, avec un magnifique plan séquence dans un vaste champ, Dupontel/Don Quichotte se battra contre un pauvre arbuste.
J’ai vraiment estimé que le film démarrait et devenait drôle lorsque Dupontel se met à péter les plombs. Comme les autres spectateurs, j’ai pu rire de bon cœur à de maintes reprises face aux situations absurdes. Certaines idées scénaristiques sont même poétiques : les personnages décident d’aller littéralement « droit devant eux » sans dévier de leur chemin pour prendre la route balisée. Ainsi ils traversent un lotissement en escaladant les barrières, rentrant chez les habitants, ressortant par la porte du jardin, tout simplement parce qu’ils vont « tout droit ». L’utilisation des lettres des enseignes publicitaires est également une belle idée poétique.

L’humour noir est toujours de mise, par exemple lorsque les deux frères surprennent un homme la corde au cou et tentent de le dissuader de se suicider : « mais ce n’est pas original comme façon de faire ! » « Tu vois, je suis psychologue, j’ai senti qu’il n’allait pas bien ». L’homme suivra le conseil : il mettra finalement fin à ses jours de manière beaucoup plus spectaculaire.

Comme pour Aaltra, la B.O est signée par Les wampas, qui ont d’ailleurs enflammé la croisette au dernier festival. On voit un concert du groupe lors du film. Poelvoorde slame au-dessus du public, pensant communier avec lui, mais les spectateurs le portent jusqu’à une poubelle… Comme beaucoup je pense, j’ai découvert les Wampas avec leur fameuse chanson polémique, qui comme toute œuvre censurée provoque inéluctablement l’effet inverse escompté : le public curieux se presse de découvrir l’objet de la discorde. Je parle de la chanson Chirac en prison (« j’attends 2007, c’est mon seul espoir de sortir du brouillard, c’est ma dernière chance, faut que j’aie confiance en la justice française ».) Lors du passage de la pub, le nom du président était barré par un rectangle noir et un « bip » pour ne pas le reconnaître ! La télé refusant d’en faire un clip,  les Guignols s’en chargeront. Les Wampas ont ensuite connu le succès avec leur hit Manu Chao. Dans Le grand soir, on entend leur chanson Comme un punk en hiver.
grand soir chien.jpgOn peut écouter aussi des refrains de Noir Désir ou Brigitte Fontaine : je suis in- inadaptée. La chanteuse a d’abord refusé d'apparaître dans le film, expliquant qu’elle ne voulait jouer qu’une « sorcière dans la forêt ». Les réalisateurs ont alors réécrit le scénario en remplaçant le terme « la mère » par « la sorcière dans la forêt » et Brigitte Fontaine a accepté le rôle…
Autre star du film, le chien bien évidemment ! La même race que celui de The artist, mais pas du tout le même caractère : il a mordu toute l’équipe durant le tournage, envoyant même le premier assistant à l’hôpital. Un vrai rebelle, un punk quoi.

18/07/2011

A la télé cette semaine : A history of violence, Out of Africa, Benoît Poelvoorde...

history-of-violence.jpgCe soir, ne ratez pas à 22h40 sur France 2 A history of violence de David Cronenberg, avec Viggo Mortensen♥♥♥. Les critiques s’accordent pour dire que ce film est excellent, je l’apprécie beaucoup aussi, même si lors de sa sortie je l’ai trouvé un peu trop classique pour un Cronenberg (la mouche, existenz).

Un bon père de famille, bon travailleur, bon citoyen, un homme discret apparemment sans histoire, étonne tout le monde en abattant deux tueurs. Il devient un héros et fait la une des journaux. Un malfrat reconnaît alors en lui un ex coéquipier lui ayant fait faux bond, et décide de le traquer, lui et sa famille… Qui est réellement cet homme à priori paisible ? D’où lui vient cette violence ? Sa famille et son entourage le connaissent-il vraiment ? Un homme peut-il changer?  la rédemption est-elle possible ? Jusqu’où peut-on aller pour protéger les siens ? Vous avez une heure 40 pour obtenir une réponse dans cette histoire de la violence.

outofafrica.jpgJeudi, France 3 diffuse le grand classique Out of africa, grande histoire d’amour impossible: tout y est, les paysages grandioses de l’Afrique, la musique romantique et sublime de John Barry, le beau et indomptable Robert Redford, la nostalgie du temps passé (avant la première guerre mondiale). Mais bon, Robert est un chasseur qui tue les gentil nanimaux de la savane, alors je ne l’aimais pas trop quand j’étais petite. Non mais.

Comme documentaire qui donne envie de se réfugier dans une grotte, vendredi si vous l’avez raté, LCP rediffuse La bataille de Tchernobyl.

c-est-arrive-pres-de-chez-vous-dvd-r0-35478.jpgHier, peut-être avez-vous regardé la biographie de Benoît Poelvoorde. Il est pour moi l’un des meilleurs acteurs de notre époque (mon préféré reste toujours Dewaere, décédé en 1982…) Comme Patriiiick, son humour, son extrême sensibilité, sa vitalité et son anxiété qui transparaissent à l’écran me parlent beaucoup. Certains ont été étonnés de le voir sombrer dans la dépression, mais pour moi c’est évident que Poelvoorde est un clown triste. Il avoue être un perfectionniste qui doute de tout. Je l’ai découvert dès son premier film, C'est arrivé près de chez vous, qui a été un véritable choc et une révélation (même si en le revoyant récemment, j’ai quand même été un peu choqué parfois… je me fais vieille). Lors de l’avant-première du Vélo de Ghislain Lambert, je lui ai un peu parlé, on a fait quelques blagues (il avait mal compris mon prénom). En bonne groupie j’ai demandé un autographe, que j’ai perdu lors de mon déménagement.

Et vous, appréciez-vous Benoît Poelvoorde ? Avez-vous vu les films cités ?