20/12/2016
Cigarettes et chocolat chaud
Denis Patar (Gustave Kervern) est un père atypique et débordé. Il se débat entre deux boulots, l'un dans une animalerie, l'autre dans un sex-shop la nuit. Depuis la mort de sa femme, il oublie son chagrin en travaillant énormément, mais il délaisse aussi ses deux filles, Janine, 13 ans, et Mercredi, 11 ans, qui s'élèvent seules. Comme il a encore oublié d'aller chercher la cadette à la sortie de l'école, un signalement est fait et une enquêtrice sociale (Camille Cottin, Connasse princesse des coeurs) passe à la loupe le quotidien de la famille. Pour garder ses filles et montrer qu'il est un bon père, Denis doit suivre un stage de parentalité et rentrer dans le rang... Voir bande annonce en lien.
Vu le sujet, le film pourrait sombrer dans le mélo, mais il est en fait une comédie tendre et délurée dans le style de Little Miss Sunshine, avec une famille aussi farfelue. Les couleurs acidulées et l'univers fantasque et enfantin fait aussi penser à Wes Anderson, particulièrement Moonrise Kingdom où deux enfants tentent de se débrouiller seuls sur une île. Par la mélancolie des souvenirs égrenés, Cigarettes et chocolat chaud rappelle aussi Le premier jour du reste de ta vie. Et justement, la réalisatrice, Sophie Reine, dont c'est le premier film, est la monteuse du film de Rémi Bezançon.
Le film est touchant car il est en partie autobiographique, comme la réalisatrice nous l'explique :
« Mon père s’est retrouvé seul à nous élever avec mon frère et ma sœur, j’ai eu envie de décrire cette vie là : un papa débordé qui cherche à protéger à tout prix ses enfants d’un monde « où les mamans et les cochons d’inde meurent sans prévenir ». J'ai un mal fou à situer la norme, peut-être parce que j’ai grandi dans un appartement à Paris avec un singe et une chèvre comme animaux de compagnie ! Chez les Patar, comme chez les Reine, on porte des chaussettes dépareillées, on va au boulot avec des fringues multicolores parce que les tutus fuchsia des unes ont déteint sur les pantalons crème des autres, on mange des chips au petit-déj... Bien loin des 5 fruits et légumes par jour et du régime sans gluten ! »
Pour sauvegarder l'innocence de ses filles et ne pas leur rappeler le décès de leur mère, le père s'évertue à cacher la mort de leur cochon d'inde, en n'hésitant pas à en teindre un nouveau pour qu'il est la même couleur que l'animal décédé. L'inverse de Jeux interdits en quelque sorte où des enfants donnent des sépultures aux animaux morts, comme pour remplacer le sort des humains tués par la guerre et qui n'ont pas de tombes.
Ces idées originales m'ont beaucoup fait rire. Comme la petite dont la tête est constamment couverte de poux, et qui les revend à ses camarades pour qu'ils puissent sécher l'école.
J'ai aussi adoré les idées poétiques, comme les fillettes qui élèvent des lucioles pour remplacer l'électricité. Mais les lucioles meurent très vite : encore une référence, cette fois à l'excellent film Le tombeau des lucioles où deux orphelins tentent de survivre pendant la guerre.
J'ai adoré Camille Cottin, toujours parfaite, aussi tête à claques que dans Connasse (voir mon article en lien). Son stage de récupération de points est délirant, et pourtant réel. On apprend à des parents très différents, débordés, trop laxistes ou autoritaires, à éduquer leurs enfants, en rejouant des scènes et appliquant à la lettre des principes qui ne peuvent pourtant pas être indiqués systématiquement. Ce qui donnent des scènes excellentes et très moqueuses, qui sonnent volontairement faux : l'enfant hurle, se roule par terre en cassant des objets. Je reste calme : « je me mets à la hauteur de l'enfant et je lui explique que je comprends son ressenti, qu'il a voulu exprimer sa colère, mais que mon sentiment est... »
Cependant les scènes moqueuses, les idées farfelues et poétiques font parfois place à des moments plus conventionnels et guimauves qui m'ont fait tiquer. Comme lorsque les deux filles jouent au bowling en éclatant de rire avec l’assistante sociale, ce qui fait penser à une pub pour bonbons ou jouets pour enfants « youpi, on est la famille idéale, on se marre trop ! » Ou bien lorsque le père et ses filles font une danse de la joie dans la rue. J'ai pensé : « M'enfin Gustave, toi l'auteur de Groland, de films trashs et subversifs comme Mammuth, Louise Michel ou Le grand soir (voir mon article), que viens-tu faire là-dedans ? » L'acteur nous l'explique lors d'une rencontre après la projection du film:
« Le genre de la comédie familiale est à l'opposé de mon style, et j'ai eu beaucoup de mal à faire la scène de la danse : je suis un punk rebelle moi ! »
C'est pourquoi j'ai trouvé que parfois Kervern n'était pas vraiment dans son rôle. Même si son allure de nounours planant sied parfaitement à son image de père à la ramasse, l'aspect plus gnangnan que le film prend parfois ne lui convient pas du tout. En revanche Camille Cottin est toujours excellente dans le rôle de l'emmerdeuse pète-sec. J'ai aussi trouvé que rajouter une maladie à l'une des filles était superflu et à la limite de verser dans le pathos.
Le titre du film m'a aussi chagrinée. Il est en fait tiré d'une chanson de Rufus Wainwright, Cigarettes and chocolate milk. Les personnages sont aussi fans de David Bowie, cité malicieusement par des clins d’œil (le cochon d'inde s'appelle Ziggy par exemple)
Cigarettes et chocolat chaud
Ce ne sont que quelques unes de mes dépendances
Tout ce que j'aime semble un peu plus fort
Un peu plus abondant, un peu plus nocif pour moi
Si vous avez aimé Little Miss sunshine comme beaucoup, que vous aimez l'univers extravagant de Wes Anderson, la nostalgie enfantine de Rémi Bezançon, courrez voir ce film, vous allez l'adorer !
20:45 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma, cinéma français, camille cottin, gustave kervern | | Facebook
02/10/2016
Toni Erdmann
L’affiche du film promettait « La comédie de l’été ! » Un collègue me l’a conseillé « il est génial, toute la salle était pliée. Je l’ai vu deux fois » (il dure 2h45 !) J’y vais donc dans l’intention de m’en payer une bonne tranche. Je n’ai pas fait l’école du rire, mais… en quoi ce film est-il une comédie ? Je le trouve au contraire très triste (attention spoiler):
Inès exerce le métier de « consultante » : elle aide les multinationales à virer des employés. Un job puant donc (et qu’on ne me dise pas « faut bien vivre ! Ya pas de sot métier ! » Non : elle a le choix). Comme d’énormes sommes d’argent sont en jeu, l'employée subit beaucoup de pression, fait de la lèche et est disponible 24h/24. C’est enfin le week-end, elle est avec son père qu’elle voit rarement à cause de son travail aux 4 coins du monde (dont elle n’a le temps de visiter que les buildings hideux). Elle essaie de se détendre au hammam, mais elle « doit » accompagner la femme de son patron faire les boutiques. Comme beaucoup de personnes qui subissent leurs vies, Inès se venge sur plus faible qu’elle : son masseur, ou sa stagiaire : elle tâche sa chemise de sang ? Elle pique sans vergogne celle de sa subordonnée et lui fait porter la sienne dégueulasse ! La jeune stagiaire, brave toutou, adhère à fond à ces mauvais traitements : « je voulais savoir, est-ce que vous me trouvez assez carpette compétente ? »
Inès humilie également son amant, qui est un collègue. L’homme révèle que leur boss est au courant de leur « relation » : « il m’a dit de ne pas trop te baiser pour que tu ne perdes pas ta gnaque » S’ensuit alors une scène de « non sexe » tue l’amour au possible. Mais où le scénariste est-il allé chercher une idée aussi tordue ?
Le père d’Inès semble son contraire : il privilégie les liens humains à l’argent, en divertissant les vieux dans une maison de retraite et en donnant des cours de piano à des enfants. A priori il me semble donc bien plus sympathique que sa fille. Sauf que… c’est un gros lourdaud, mais alors un de compète. Il utilise un coussin péteur et se râpe du fromage sur la tête… Dans la première scène, le facteur lui apporte un colis. Il le reçoit déguisé en lui faisant croire qu’il a commandé une poupée gonflable et en lui tenant la jambe trois plombes (je signale qu’en France en tout cas –le film est allemand mais ça doit être pareil chez eux- un facteur a exactement 14 secondes pour délivrer une lettre, le temps pris en plus n’est pas payé : je pense que le pauvre postier à autre chose à faire que de subir des blagues interminables).
A l’image de cette première scène longue et décalée, je ne sais pas trop quoi penser du film : être consternée ? Être amusée par le côté provoc et enfantin ? Mais beaucoup trop lourd, long (2h45 !) et gentillet ?
Le vieux hirsute et bedonnant ne se trouve pas assez laid visiblement, puisqu’il se rajoute de fausses dents pourries répugnantes (qui sont censées faire rire). Sa fille est aussi laide que lui, avec de tout petits yeux enfoncés et un regard inexpressif qui donne envie de lui foutre des claques pour la réveiller.
Le père est divorcé (qui pourrait supporter ses blagues débiles et son dentier dégueulasse pendant 40 ans ?) et le seul être qui le supporte (malgré lui sans doute) est son chien. Quand ce dernier meurt (sûrement une libération pour la brave bête) comme l'homme n’a plus personne à qui parler, il rend une visite surprise à sa fille, qui n’a pas de temps à lui consacrer puisqu’elle ne vit que pour son travail. Il lui pose alors la question : « es-tu heureuse ? »
Évidemment que non, t’as vu sa gueule ? La dernière fois qu’elle a souri, c'était pour ses 5 ans, quand le père noël s’est pété la gueule dans la cheminée : elle a pensé : un job de supprimé !
Pour lui faire prendre conscience que sa fille est gaie comme un croque-mort, le père et ses fausses dents s’incrustent aux soirées VIP et au taf d’Inès, en se faisant passer pour une espèce de coach, Toni Erdmann. Quelques pintades avides d’hommes influents pour booster leur carrière se laissent berner.
Le vieux décalé qui met le boxon dans les soirées mondaines rappelle Peter Sellers dans « The party » de Blake Edwards, mais en moins drôle et subversif. Car si Peter Sellers fout un bordel monstre, Tony se contente de mettre des fausses dents et d’essayer de se faire passer pour quelqu’un du même monde qu’eux.
Pourtant la scène d’anniversaire m’a fait rire. La fille invite tous ses collègues pour « ressouder l’équipe ». Elle ne sait pas quelle robe mettre, alors au dernier moment elle décide d’accueillir ses invités à poil : seuls ceux qui accepteront de faire pareil auront le droit de rentrer (bien sûr la stagiaire lobotomisée se désape sans rechigner). Cela pour dénoncer le règne de l’apparence qui règne dans ce milieu ultra compétitif. C’est tellement lourd et décalé que ça en est drôle (la fille fait donc mieux que le père).
Inès finit ainsi par comprendre la leçon de son paternel, elle se décoince et se rebelle. Elle se réconcilie avec lui et elle démissionne. Mais décide-t-elle enfin de respecter les autres ? De travailler moins, de prendre le temps de prendre son temps comme Alexandre le bienheureux ? Remet-elle en cause son job et cet univers où l’on apprend à écraser les gens ? Non, elle postule pour un travail identique. C’est vrai que si elle décidait subitement de quitter le tailleur revêche pour le pantalon pattes d’eph et les fleurs dans les cheveux, pour partir élever des chèvres, on aurait trouvé ça gros… mais ça aurait été plus jouissif.
J’ai néanmoins apprécié le film, grâce à sa description minutieuse du monde des consultants, puisque le travail est un sujet qui me passionne (un peu comme celui des serial killers : je suis fascinée par les choses qui me restent incompréhensibles : comment peut-on tuer des gens ? Se tuer au travail ?)
Malgré la lourdeur insupportable de Toni, le film est paradoxalement fin et subtil car il n’explicite pas tout. Les 2h45 me rebutaient, mais elles passent assez vite (je n’ai regardé ma montre que 2 ou 3 fois...)
Ainsi je vous encourage à voir ce film curieux qui provoque la réflexion. Mais qu’on ne me dise pas qu’il est la comédie de l’été !
10:10 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | | Facebook
20/06/2016
Raphaël Personnaz se marie
Avec moi.
Eh oui, après Ryan Gosling et Pio Marmaï, jamais deux sans trois. Que voulez-vous, je suis un véritable bourreau des cœurs.
Après la projection du film Dans les forêts de Sibérie (voir mon billet en lien), le réalisateur Safy Nebbou, le scénariste David Oelhoffen, le compositeur Ibrahim Maalouf et l’acteur principal Raphaël Personnaz viennent échanger avec nous.
Évidemment comme d’habitude je n’ose pas intervenir, ce qui me posait un tantinet problème lorsque c’était mon métier :
« Tu vas interviewer Gérard Lanvin.
- Oh non, il joue toujours les rôles de rustre pas sympa, et si il était pareil en vrai ? Et qu’il me dit « casse toi tu pues et Marche à l’ombre ! » (je confirme qu’il a tiré la tronche pendant toute la conférence de presse)
« Catherine Deneuve, c’est une chance, une star pareille !
- Justement, elle m’intimide trop ! »
« Miou-Miou, elle fait plus cool, puis c’était la copine de Dewaere.
- Par solidarité avec Patrickou, je ne veux pas lui parler ! Elle avait qu’à pas le quitter pour Julien Clerc ! »
Parfois les artistes eux-mêmes m’encouragent, comme Marc Jolivet ou Forrest Whitaker « Et vous mademoiselle, vous n’avez pas posé de questions ?
- Non mais ça va, les autres journalistes ont déjà tout dit !
- Vous êtes sûre ? Ne soyez pas timide ! »
Ou pire comme Kyan Khojandi qui me parle comme si j’allais faire une syncope en me mettant la main sur l’épaule « ça va, tout va bien ? »
Je suis très à l’aise en société.
Donc ce soir-là, je n’ose pas poser de questions sur le tournage (info principale : ils ont beaucoup picolé de vodka). Je n’ose pas dire au réalisateur Safy Nebbou que j’ai apprécié son film L’autre Dumas. Et je n’ose pas dire à Raphaël Personnaz que je trouve qu’il est l’un des meilleurs acteurs français actuels. Pourtant je sais que les artistes apprécient qu’on leur dise qu’on aime leur travail, surtout quand on le connaît vraiment : « Salut ! c’était sympa ton truc, j’avais jamais entendu parler de toi avant, c’est quoi ton nom ?
- C’est mon 218ème film et ça fait 35 ans que je fais ce métier. »
J’espère rattraper ma timidité lors du cocktail. Sans micro, sans spectateurs. Avec un coup dans le nez, désinhibée, j’arriverai bien à choper Raphaël Personnaz dans un coin.
Uniquement pour parler du film et par amour du cinéma évidemment. J’ai un bac+5 en ciné, tout ce qui m’intéresse, c’est le 7ème art :
Moi, collée au buffet : "- Bah dis-donc je croyais que Canal+ était au bord de la faillite avec leur nouvelle dictature présidence et 200 000 abonnés en moins depuis le début de l’année, mais ils n’ont pas lésiné sur les petits fours ! Scronch scronch Puis ya de la vodka : on est obligé de faire comme dans le film : se saouler ! Hips
BestFêtardeForever : - T'es sûre qu'on peut se resservir ?
- Je suis abonnée à Canal depuis 18 ans, la seule irréductible qui ne télécharge aucun film, c’est moi qui finance tout ça ! Puis on accède facilement au buffet pour une fois, où sont-ils tous passés ?"
On se retourne et voit juste derrière toute l’équipe du film pour la séance photo officielle, et tout le monde qui la mitraille. Je suis tellement près des artistes qu’à mon avis on m’aperçoit sur la moitié des photos en train de me goinfrer « c’est qui l’ogresse dans le coin ? »
BFF : - Raphaellou est juste là ! Faut absolument que tu lui parles !
Qu’est-ce je peux bien lui dire ?
« Bonjour, j’ai adoré votre prestation. Surtout la scène où vous êtes à poil dans la neige. Non mais il fallait oser, on sait que le froid est peu flatteur pour les hommes. Alors justement, pour ne pas rester sur cette impression, je vous propose de rejouer la scène dans des conditions optimales, grandeur nature… Mais sans l’ours. Et sans moi aussi hein, je regarde, le paysage, c’est tout. »
Hum. C’est peut-être un peu trop direct comme approche. Lui dire que j’ai vu une grande partie de ses films et même ses pièces de théâtre ? Dans Au bonheur des ogres, il est touchant en frère protecteur mais gaffeur. Dans la pièce Les cartes du pouvoir, il était totalement habité par son rôle, on ne voyait que lui. Dans Marius et Fanny de Daniel Auteuil, (voir mon article en lien) il joue un Marius très convaincant et bien plus beau que Pierre Fresnay qui a réussi à me tirer des larmes quand il annonce à Fanny « je t’aime bien, mais plutôt que de vivre notre histoire, je vais d’abord aller faire le tour du monde voir si l’herbe est pas plus verte ailleurs, et si non, je reviendrai dans un an en donnant des nouvelles tous les 36 du mois, tu m’attendras bien sagement hein ? » Eh bien non !
Il est aussi excellent dans Trois mondes, Le temps des aveux, Quai d'orsay… Pourtant si je lui cite toute sa filmographie, Il va me prendre pour une groupie, alors que je suis juste cinéphile, je n’avais même pas repéré qu’il jouait dans tous ces films puisque dans la plupart, il interprète des seconds rôles. Mais si je dis ça, il va penser qu’il n’est pas assez charismatique pour être remarqué.
Comment l’aborder ? En jouant la carte de la connivence !
« Salut Raphi ! Comment ça va depuis la dernière fois ? Mais si tu te souviens, La faute à Fidel de Julie Gavras, en 2006 ? Oui la conférence de presse, la seule journaliste qui n’a posé aucune question cachée dans un coin, c’était moi ! Comment ça tu ne te souviens pas ? Je suis pourtant inoubliable !»
Non vraiment, que lui dire ?
Comme ça fait 10 minutes que je suis plantée devant lui, il finit par me repérer :
« Oui ?
- Euh… il faudrait que je parle, enfin : « le personnage de Teddy m’évoque celui de Marius, ce besoin irrépressible de fuir, de vouloir échapper à son quotidien, de se sentir libre… Pourtant le quotidien n’est pas forcément routine et morosité, il n’est que ce qu’on en fait, il faut le voir avec un regard différent. Car comme disait le grand philosophe…
Mais tout ce que j’arrive à faire, c’est de le fixer avec mes grands yeux ronds sans pouvoir prononcer un mot.
- C’est pour une photo ?
- euh… vmrmpfk…»
J’ai donc un magnifique cliché avec Raphaël Personnaz, impeccable et photogénique, et moi avec un air crispé et absent (« mais pourquoi j’ai rien dit ? ») qui pourrait illustrer une campagne sur les ravages de l’alcool « tu t’es vu quand t’as bu ? »
A 20 ans, on est fraîche comme la rosée du matin, à 35, comme la bouteille de rosé de la veille.
Le réalisateur nous voit prendre des photos et plaisante à la cantonade « si vous voulez le numéro de Raphaël Personnaz, c’est le 06… »
Pourtant je relativise mon cliché raté, lorsque quelques jours plus tard, pour illustrer mon article, je cherche une photo de Raphaël Personnaz sur Internet. Et là, sur quoi je tombe ?
Une image de lui avec Reem Kherici, peut-être sa compagne. Avec ses petits yeux, son air que je trouve sévère et son sourire carnassier, elle est mon opposée et me rappelle Eva Mendès, la femme de mon autre chouchou Ryan Gosling ! M’enfin, mais qu’est-ce qu’ils ont tous ?!
(Pour la situer, c’est elle qui joue la SS Frieda et Carlotta, « l’inexpugnable arrogance de votre beauté qui m’asperge » dans Oss117, Rio ne répond plus. Elle a également réalisé Paris à tout prix, sur une it girl : tout à fait moi).
19:34 Publié dans On connaît le film, Si si, je suis une fille | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, cinéma français, raphaël personnaz | | Facebook
18/06/2016
Dans les forêts de Sibérie : libre et seul au monde
Teddy (Raphaël Personnaz) trouve sa vie vaine et futile, envahie de choses et de gens superficiels. Il décide alors de tout plaquer, travail, famille, amis, pour partir vivre dans une cabane de 9 m carrés au bord du lac Baïkal. Là-bas, seul et loin de tout, il se sent enfin libre, libre d’être lui-même… Mais perdu dans le blizzard, il est secouru par Aleksei, un Russe en cavale qui vit comme lui isolé dans la forêt. Les deux hommes que tout oppose vont allier leur solitude… Voir bande annonce en lien.
Le retour à la nature, à un mode de vie plus respectueux de l’environnement, loin de l’agitation des villes, des technologies modernes qui nous coupent parfois de notre essence, sont des thèmes dans l’air du temps qui plaisent à mémé écolo nulle en nouvelles technologies.
Moi aussi je rêve de pouvoir hurler en pleine nature sans déranger les voisins en beuglant du Polnareff « il était une foiaaah, toi et moah aaahh, n’oublie jamais çaaa, toi et moahh ah aahh !! » Moi aussi je rêve de pouvoir faire du patin à glaces sur un lac gelé immense juste pour moi toute seule, sans Philippe Candeloro pour me dépasser et bousculer, sans règle à respecter « faut tous aller dans le même sens sinon on se rentre dedans ! Et faut tourner en rond autour de la barrière ! »
Ça doit être super de se balader dans des paysages sublimes (magnifiés par la musique d’Ibrahim Maalouf) sans touristes tous les 2 mètres « Rah ! Mais y avait un pic épeiche, il s’est barré maintenant ! »
Mais au bout d’un moment, tout seul, on s’ennuie un peu non ? Ce que fait le personnage après avoir relu pour la 12ème fois sa collection de poches (à la lueur d’une bougie, l’électricité, c’est tellement superflu) avoir joué seul aux échecs (perso j’ai un solitaire mais je n’y arrive pas, je laisse toujours deux billes).
Quitte à être seul, ne pas subir les horaires et les contraintes de la vie moderne, il suffisait que le héros reste au chômage chez lui. Pas besoin de partir à 10 000 km. Être sans emploi est souvent perçu comme une maladie honteuse, et il se serait vite retrouvé isolé : « Tu fais quoi dans la vie ? » « Rien. Je suis chômeur » « oh quelle horreur ! Vite écartons nous de cet individu sinistre, des fois que le chômage soit contagieux ! »
Teddy ne voulait plus subir les sollicitations incessantes du monde actuel, surtout avec son métier lié à l’internet. Il suffisait qu’il se coupe des réseaux sociaux comme moi (« tiens, Jennifer-Apolline me demande en amie sur facebouc. Mais qui c’est ? »)
Laisser sa famille et ses amis, ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain, je trouve ça égoïste. (alors que moi j'ai pas laissé le blog sans prévenir) Ses proches comptent si peu pour lui ? Il se fiche de les inquiéter, qu’ils aient peur qu’il tombe dans le lac (il a failli) se fasse attaquer par un ours (il a failli) meurt de faim et de froid (il a failli). Si on ne répond pas à mes sms, j’imagine que la personne est morte. Alors si elle part seule en Sibérie…
Être seul pour tester sa débrouillardise, c’est une bonne idée. Mais pas pour Gastonne Lagaffe avec deux mains gauches, car la seule fois où on m’a laissée seule en plein hiver à la cambrousse, j’ai jamais réussi à allumer un feu dans le poêle (en revanche j’ai bien enfumé toute la maison) et je me suis gelée les miches pendant deux jours en attendant le retour de mes sauveurs. Puis tuer le pauvre Bambi pour le bouffer, ah non, je préfère manger mes chaussures comme Charlot. Au pire, je finirai comme dans Into the wild, autre histoire vraie (attention spoiler) : je crèverai de faim parce qu’incapable de conserver la viande.
Être seul pour réfléchir sur soi-même, se retrouver, savoir ce que l’on veut vraiment, apprendre de ses erreurs, c’est très bien. Mais pour vraiment se connaître, il faut surtout se confronter aux autres, et à d’autres points de vue.
Et justement, une autre personne très différente arrive. Pas une femme qui veut extirper le héros de sa routine et de sa solitude (je rêvais pourtant de me projeter dans le rôle de la sauveuse de Raphaellou). C’est un meurtrier qui a quitté femme et enfants pour se cacher volontairement dans ce trou pendant 12 ans et échapper à la prison (perso, je préfèrerais la taule). Un personnage fort et complexe. Il a tué un homme, mais en sauve un autre, Teddy. Il veut éviter le jugement et l’emprisonnement, mais se punit bien plus en vivant seul. La pire des geôles est mentale…
Le film est tiré de l’histoire vraie de l’aventurier Sylvain Tesson, mais le personnage d’Aleksei a été rajouté ici, car tout seul à se morfondre, le héros s’ennuyait, et donc le spectateur aussi… David Oelhoffen a collaboré judicieusement au scénario, en apportant son expérience tirée de son film Loin des hommes, où deux personnages opposés et isolés (Viggo Mortensen♥ et Reda Kateb) apprennent aussi à se connaître dans un endroit désertique. Du réalisateur Safy Nebbou, j’apprécie également son film L’autre Dumas tiré de la relation ambiguë entre l’écrivain (Depardieu) et son nègre (Poelvoorde).
Quant à l’acteur principal, Raphaël Personnaz, on peut dire qu’il donne de sa personne (pas naze, oui j’ai fait l’école du rire), comme il en plaisante lui-même lors d’une rencontre à l’issue de la projection du film…
Suite demain
17:13 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, raphaël personnaz | | Facebook