Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/04/2021

Les damnés de la commune

damnes commune.jpgLes damnés de la commune , arte.tv, jusqu'au 20 août
Pour fêter les 150 ans de la commune, voici un documentaire passionnant, résultant d'une enquête de 8 années. Il est illustré de gravures de l'époque et constitué principalement à partir des mémoires de Victorine Boucher, Souvenir d'une morte vivante.
A la fin des années 1860, l'empereur Napoléon III décide de moderniser Paris et la rendre plus salubre, en faisant appel au baron Haussmann. Celui-ci fait raser les maisons vétustes et les rues étroites du centre-ville, pour construire des parcs, des canalisations, de grands immeubles et de larges boulevards où le soleil peut pénétrer, afin d'améliorer la santé des Parisiens. Pour payer les travaux, les loyers augmentent, la misère aussi, et les anciens habitants pauvres du centre sont refoulés à la périphérie.

Le gouvernement tente de détourner la colère des Parisiens en la focalisant sur un autre sujet (astuce toujours d'actualité, en ces temps de Covid où la population se plaint de la mauvaise gestion de l'épidémie). Napoléon III déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. 
Le conflit vire très vite au fiasco : 2 mois après, Napoléon III est fait prisonnier. L’empire s’effondre, la république est proclamée. Le gouvernement provisoire, dirigé par Adolphe Thiers, décide de négocier la paix avec les Prussiens. Mais "vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine" ! Dans la capitale assiégée, les habitants, eux, refusent de se rendre. Le siège de Paris est terrible : les plus riches mangent les animaux des zoos (comme Castor et Pollux, les éléphants du jardin des plantes), les plus pauvres mangent des rats ou meurent de faim.
Après une élection, la Commune de Paris est proclamée le 28 mars 1871. En deux mois, elle instaure de nombreuses réformes : école gratuite obligatoire et laïque, salaires augmentés dans l'enseignement, égalité des sexes et des salaires entre hommes et femmes, aides pour les veuves et les orphelins, limitation de la journée de travail à 10 heures pour les ouvriers, encadrement des loyers et réquisition des logements vacants...

Mais Adolphe Thiers mobilise une armée de Versaillais pour attaquer les Parisiens. S'ensuit de violents combats, qui s'achèvent par la semaine sanglante et la fin de la commune : environ 20 000 morts et exécutions sommaires dans les rues, puis 7000 déportations en nouvelle Calédonie.

Grâce au témoignage de la survivante Victorine Boucher, lu ici par Yolande Moreau, on revit la commune de Paris comme si on y était. Un documentaire passionnant et très émouvant, à voir.

15/04/2021

Allen vs Farrow, l'enquête

allen famille 2.jpg

L'enquête est étrangement menée. La petite Dylan se voit interrogée à 9 reprises, alors qu'elle n'a que 7 ans et que le protocole exige au contraire que l'enfant soit ménagée. Les archives sont supprimées. Les psys conclut que la petite ment : or un autre travailleur social reconnu analyse à son tour la victime et comme d'autres avec lui, estime au contraire qu'elle est crédible. Il révèle qu'il a reçu des pressions pour bâcler son enquête, que son rapport a été tronqué. Il est alors licencié pour insubordination, intente un procès, qu'il gagne
Selon lui et d'autres spécialistes interrogés, la petite ne se contredit pas, décrit précisément des détails (elle fixe un petit train lors de l'agression, etc.) Elle emploie des mots d'enfants pour parler d'actes sexuels qu'elle ne comprend pas, elle ne s'exprime pas comme si elle rapportait les dires d'un adulte. Elle ne semble pas instrumentalisée, car elle sait répondre non. Dans la vidéo témoignage après les faits par exemple, lorsque sa mère lui demande "c'est Woody qui t'a enlevé ta culotte ?" Dylan répond non sans hésiter.  A part cette question précise qui pourrait orienter les paroles de la petite, Mia pose des questions ouvertes, où elle lui demande de raconter ce qui s'est passé sans lui souffler les réponses. 

Certains suggèrent que les enquêteurs favorables au cinéaste étaient contraints :
Woody Allen possède de nombreux soutiens hauts placés, glorifie dans ses films la ville de New-York où s'est tenue l'enquête et lui rapporte beaucoup d'argent en retombées touristiques. Son oeuvre célébrée dans le monde entier engrange des millions pour l'industrie du cinéma. La majorité des médias l'encensent et le défendent. Avant même le verdict, Allen annonce à Mia qu'elle ne peut rien contre lui, qu'il a des soutiens, qu'on le croira lui, pas elle. Que si un procès a lieu, il fera en sorte de ruiner sa carrière, qu'elle soit embauchée nulle part.

Le juge chargé de l'affaire ajoute que le cinéaste n'a pas été acquitté : le procès n'a tout simplement pas eu lieu, car le juge a pensé que la fillette serait trop traumatisée par une longue procédure. Allen a demandé la garde de Dylan et de Ronan (fils naturel qu'il a eu avec Mia), garde qui lui a été refusée.

Le documentaire explique ensuite qu'il est difficile pour beaucoup de fans de croire en la culpabilité de quelqu'un qu'on adore (Cosby, Jackson, Polanski...) "Les gens ont un rapport existentiel à mon père", observe Ronan Farrow. Son œuvre fait partie de leur identité. Cela est d'autant plus difficile pour eux à croire."
Les médias soutenaient le cinéaste, avec ce dilemme "faut-il séparer l'homme de l'artiste ?" Aujourd'hui encore, beaucoup déplorent que le documentaire reste à charge. Seul un minimise. Ce n'est que récemment, après les scandales Weinstein, Me too, Polanski, Bill Cosby que les mentalités changent. Certains acteurs regrettent aujourd'hui d'avoir tourné pour Woody Allen et refusent d'être à nouveau associés à lui.

14/04/2021

Allen vs Farrow, suite

allen mia.jpgAllen et Mia

Mia Farrow se défend mal à l'époque : elle ne veut pas parler aux journaux, pour ne pas traumatiser sa fille. Woody Allen au contraire, est très offensif, il attaque son ex compagne dans les médias, la fait suivre par des détectives privés afin qu'ils prouvent qu'elle est une mauvaise mère. On pourrait dire : comme tout innocent, Farrow se défend mal : elle pense que la vérité suffit et que la justice triomphera, et que comme tout coupable, Allen crie au scandale, joue les victimes (d'une femme hystérique et jalouse), minimise en faisant de l'humour comme il sait si bien faire.

Le comportement de Woody allen n'aurait pas non plus été normal avec Mia. Il aurait instauré une relation malsaine d'emprise et de dépendance. Selon l'actrice, il ne voulait pas qu'elle tourne avec d'autres réalisateurs, était très en colère lorsqu'elle a accepté Rosemary's baby (son meilleur rôle pour moi).  Il l'isolait de ses proches, la rabaissait. Lui répétait sans cesse que sans lui, elle ne serait rien, ne tournerait aucun film, déjà trop vieille. En public, dans les médias, il l'encensait, en privé, il l'humiliait. "Au bout d’un moment, ce que j’étais ou pensais n’avait plus d’importance. J’avais l’impression de n’être là que pour le servir. Je suis rentrée dans ce rôle". 
Le documentaire démontre que Woody est aussi ambigu avec les femmes dans ses films. Ses personnages sont également obsédés par les jeunes filles de préférence.

Allen et les femmes dans ses films

allen manhattan.jpgUn journaliste étudie les ébauches de scénarios du cinéaste, et il constate que beaucoup de ses idées impliquent des étudiantes ou des serveuses de 17 ou 18 ans, éprises d'un homme adulte (joué par Woody). Par exemple,  Manhattan, qui s'inspirerait de sa véritable histoire avec une lycéenne de 16 ans. Dans le film, l'héroïne a 17 ans, lui 42. C'est elle qui lui court après, veut du sexe tout le temps. Ce n'est pas lui le prédateur de chair fraîche, il retourne la situation. Ce film culte m'avait pourtant dérangée : comment une belle jeune femme pourrait vouloir coucher avec un homme aussi laid et décrépi que Woody Allen ? Franchement qui peut y croire ? Etre attirée par son humour, son intellect oui, mais son physique ? En regardant ses films, j'ai souvent pensé qu'il jouait le pauvre gars perdu qui fait craquer les belles femmes à l'usure, ou en manipulant leur corde sensible. Je ne suis pas la seule à le supposer : "opportunément, elle est folle de lui, tandis que lui feint de la repousser. "Il se sert d'elle pour justifier son comportement de prédateur", analyse la critique ciné Claire Dederer. "On a l'impression, en regardant ses films, qu'il essaie de nous habituer à une certaine conception de l'amour, à ce rapport de force. Il nous conditionne", remarque de son côté la critique Alissa Wilkinson (Vox). "Ça revient de nombreuses fois dans ses films, d'année en année." 
à suivre...

13/04/2021

Allen vs Farrow

allen farrow.jpgEn 1992, Woody Allen est accusé de viol sur la fillette de 7 ans qu'il a adoptée avec Mia Farrow
Un documentaire de presque 4 heures, très fouillé, avec de nombreuses images d'archives et témoignages : psys qui ont suivi et interrogé la petite, juge en charge de l'affaire, proches, mais surtout, le témoignage de la victime Dylan, filmée à l'époque, puis adulte, et de celui de sa mère, Mia. Je craignais un documentaire racoleur, difficile, mais j'ai trouvé que les témoignages restaient fins et pudiques. Je tente un résumé ici.

Allen et les femmes

allen famille.jpgMia Farrow et Woody Allen ont vécu 12 ans ensemble. Mia avait déjà adopté de nombreux enfants, et Woody, d'abord réticent, accepte une nouvelle adoption à condition qu'il choisisse lui-même la petite selon des critères physiques : blonde aux yeux bleus. Le cinéaste devient très proche de cette enfant, Dylan, et Mia se réjouit de ce soudain instinct paternel. Mais il est justement trop proche, la fillette se plaint de gestes déplacés. Confiée à des psys, ces derniers confirment que le cinéaste se comporte bizarrement et qu'il ne faut jamais le laisser seul avec la petite. Dylan échappe pourtant à la vigilance de ses baby-sitters, et Allen en aurait profité pour l'agresser. Les jours suivants, la petite ressasse ce qu'elle a subi et sa mère la filme. Les vidéos apparaissent dans le documentaire, ainsi que de nombreux enregistrements des conversations téléphoniques entre Mia et Allen.
On y découvre un Woody Allen à l'antipode de l'image de brave gars pataud comique qu'il se donne dans les films : il se montre glacial, détaché, sans émotion. Mia pleure, bouleversée, lui demande pourquoi il a fait ça, et il se contente de répondre "tu sauras quand le moment sera venu".

On pourrait reprocher au documentaire d'être à charge : il ne donne la parole qu'à Mia Farrow et à ses défenseurs (les proches, les témoins, les psys, le juge...) Mais le cinéaste a refusé d'être interviewé. Woody Allen est néanmoins souvent entendu dans le documentaire : à travers les enregistrements de ses conversations téléphoniques avec Mia Farrow, d'anciennes interviews, et surtout son autobiographie qu'il récite en livre audio, où il décrit sa relation avec la fillette, puis sa future femme, Soon yi, l'autre fille de Mia. 

Allen et la petite Dylan

Il explique ainsi qu'il adorait Dylan et accédait à ses moindres désirs : elle oublie son doudou, il réserve une place en première dans un avion pour aller le chercher. Elle regarde Le magicien d'Oz et aime les chaussures de l'héroïne, il lui fait fabriquer la réplique le jour même pour qu'elle trouve la paire sur son lit le soir. Il raconte ces détails pour se discréditer, mais à l'inverse, cela démontre son obsession pour la fillette, ce ne sont pas des agissements normaux.
Dylan devenue adulte, mais aussi l'entourage, témoignent longuement de son comportement ambigu (lui faire sucer son pouce et d'autres détails scabreux que je vous épargne). Les parents d'élèves et professeurs révèlent que Woody passait des heures devant l'école à observer la petite derrière la fenêtre de sa classe par exemple. 

Allen et Soon yi

allen soon.jpgUn autre comportement de Woody dérange, avec une autre fille adoptée par Mia, Soon yi. Peu avant l'agression de Dylan, Mia découvre des photos pornographiques de Soon yi prises par Woody Allen. La jeune fille est âgée de 21 ans à l'époque, lui 56. Il la connaît depuis son adoption, une dizaine d'années auparavant.
Ce dernier ne peut qu'avouer devant les preuves, en se justifiant : "ce n'est qu'une passade"
. Les portiers de son immeuble, ses femmes de ménage qui trouvaient les préservatifs usagés après le passage de l’adolescente chez le cinéaste, estiment que la relation dure en réalité depuis des années, la fille était encore mineure, au lycée.
C'est une enfant renfermée, qui n'a jamais eu de petit ami avant Woody. Pour la sortir de sa coquille, Mia demande à Allen de l'emmener à des matchs de basket et des séances de ciné. Le réalisateur confirme dans son autobiographie que leur relation a débuté ainsi, parce que Mia lui demandait de s'occuper de sa fille : comme si c'est Mia qui l'avait voulu et provoqué. Pourtant elle lui demandait juste de la sortir, pas de coucher avec...

Lorsque Mia porte plainte après le viol de la petite Dylan, Allen change de stratégie : finalement, il ne vit plus une passade avec Soon-yi, mais une vraie histoire d'amour. Il convoque les médias et se justifie ainsi : il n'a pas pu violer sa fille adoptive Dylan, puisqu'il est amoureux d'une autre de ses filles, Soon yi. Mia est jalouse, elle invente le viol pour se venger.
à suivre demain