26/04/2022
Jacques Perrin
Jeudi, en triant mes papiers, je retombe sur le dossier de presse du documentaire Les saisons. J'interromps alors mon ménage de printemps pour me plonger dans ce souvenir si agréable. Quelques heures après, j'apprends que le réalisateur du film est décédé.
Je me rappelle de cette séance de ciné en 2016, dans un hôtel somptueux de la capitale, et surtout de la rencontre avec les membres de l'équipe. J'assistais à l'époque à beaucoup de projections et interview, encore plus lorsque j'étais journaliste ciné, et quand on les enchaîne toute la journée, que le film nous a déplu, que les débats s'éternisent, on a parfois hâte de rentrer chez soi. Ce soir-là, le Q&A avait été particulièrement long, plus d'une heure, mais j'aurais pu rester toute la nuit. Car un intervenant éclipsait les autres, rayonnait par sa présence, son charisme, son élocution, sa voix douce, son humilité, son humour, et ses propos si justes et passionnants. C'était Jacques Perrin.
Il était le réalisateur et producteur du film. Il nous a expliqué la prouesse de tourner des documentaires animaliers, la patience infinie que le genre requiert : des années de tournage, ici 5, pour un film de 2 heures. Comment font-ils pour suivre au plus près les bêtes sauvages, comme des lynx par exemple ? Jacques Perrin nous a révélé qu'ils filmaient les animaux dès leur naissance, pour les habituer à l’homme.
Et lorsqu'on voit des animaux en mauvaise posture, comme dans Les saisons, le hérisson tué par le hibou grand duc ? Perrin nous a répondu avec humour : « vous vous doutez bien qu’on n'allait pas sacrifier un animal que l’on connaît depuis sa naissance et qui nous prend pour ses parents » L'oiseau n’attrapait en fait qu’un leurre.
Grand défenseur de la nature et des animaux, Jacques Perrin était un pionnier dans le film documentaire de grande envergure, diffusé en salles et pas seulement à des heures indécentes sur des chaînes sans audimat. Voir pour la première fois un documentaire animalier sur grand écran, ses images et cette musique somptueuses, a été un grand choc pour moi. C'était Le peuple migrateur, en 2001. C'était la première fois que j'étais aussi émue devant un film, à la fois éblouie, mais aussi révoltée et triste (les oiseaux englués dans le pétrole, celui enfermé dans une cage qui voit ses copains s'envoler, celui qui parvient à s'enfuir, et ceux qui ont traversé des continents entiers pour se faire buter à leur arrivée par les premiers écologistes de France les chasseurs.)
Pendant des mois, j'ai écouté la musique magnifique de Bruno Coulais, dont "To be by your side" de Nick Cave♥. Aujourd'hui, je l'ai mise à nouveau en boucle en pensant à Jacques Perrin, en allant au parc voir si les oeufs de la cane qui couve depuis des jours ont enfin éclos. Mais la brave maman est toujours en place, immobile, à réchauffer ses petits. J'ai écouté toute la bo du peuple migrateur en guettant le retour de la fauvette. Ce petit oiseau de 20 grammes parcourt chaque année des milliers de km puis revient au printemps au même endroit. Un exploit qui m'éblouit.
Every mile and every year
For every one a little tear
I cannot explain this, dear
I will not even try
Jacques Perrin a également réalisé d'autres bijoux du documentaire animalier, comme Océans, et produit Microcosmos, le peuple de l'herbe. C'était un producteur opiniâtre et engagé, non seulement pour la cause animale, mais aussi pour les droits de l'homme. Il a ainsi produit d'autres films chocs de mon adolescence, Z de Costa Gavras, et La victoire en chantant de Jean-Jacques Annaud, tous deux oscar du meilleur film étranger. Jacques Perrin estimait que « l’exemplarité » était la chose la plus nécessaire : « Des gens qui nous permettent de croire. Comme un Jean Moulin dans la Résistance. On vit de sombres temps, disait Brecht. Mais la clarté, c’est une histoire d’ombre »
Vendredi, journée de la terre, il aurait été judicieux que les chaînes de télé programment en hommage à Jacques Perrin l'un de ses documentaires. Seul Mycanal en propose. A la place, seules France 5 a diffusé Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer, et Arte Les demoiselles de Rochefort. Dans ces deux films, Jacques Perrin interprète un marin.
Un rôle qui lui sied bien, car ado, l'acteur a oeuvré comme mousse sur un chalutier. Les histoires de ses coéquipiers habitués des mers lointaines ont conforté son goût de l'aventure et de l'évasion. Enfant placé en pension, il passait ses nuits d'insomnie à s’imaginer « partir ailleurs », « respirer autrement ».
« Ce bien-être que nous cherchons, il nous est donné par la beauté du monde. L'observer, la contempler, c'est un principe de régénération comme l'oxygène. » (interview Le figaro, 2016)
Je partage entièrement son avis, moi qui me rends tous les jours au parc voir les petits canards pour oublier l'actualité et mieux dormir la nuit.
Jacques Perrin m'a émue grâce à ses films en tant que réalisateur, mais aussi comme acteur, par exemple dans cette scène de cinéma paradiso, avec la musique d'Ennio Morricone. (voir mon hommage au compositeur en lien).
Je vous laisse, je vais chouiner devant Le peuple migrateur.
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21/04/2022
Alerte rouge
Mei est une ado de 13 ans d'origine chinoise, tiraillée entre respect des traditions familiales et désir de modernité et d'émancipation. Selon les souhaits de ses parents et particulièrement de sa mère très protectrice, elle est une élève studieuse et obéissante. L'ado rêve d'aller au concert d'un boys band avec ses amies, mais sa mère refuse. La jeune fille découvre que lorsque ses émotions débordent, elle se transforme en panda roux, et que cette malédiction est partagée par les femmes de sa famille... Voir la bande annonce en lien.
Alerte rouge, (turning red en anglais) fait évidemment référence aux règles, puisque l'héroïne se métamorphose lorsque les anglais débarquent et que sa mère l'embarrasse en lui apportant un paquet de serviettes hygiéniques devant ses camarades.
De rares spectateurs ont déploré qu'ils ne pouvaient ainsi pas s'identifier au personnage, d'autant plus qu'elle est Chinoise et que sa religion est importante dans le film (ses parents possèdent un temple). J'ai peu de points communs avec Mei, pourtant j'ai apprécié Alerte rouge.
Dans la grande majorité des scénarios, le personnage principal est un homme. Enfant je m'identifiais ainsi aux héros des films du dimanche soir, donc à James Bond, Indiana Jones, Bebel ou même l'anti héros Pierre Richard, car les femmes dans ces films n'étaient pas des modèles, présentées soient comme des femmes fatales traîtresses responsables de la chute du héros, des femmes faciles et vénales, soit comme des femmes "pures et innocentes", mais cruches et dépendantes que le héros devait sauver.
Je salue l'originalité (l'audace ?) de Pixar de choisir d'évoquer les règles et aussi les communautés ethniques et religieuses. Je ne suis ni Chinoise ni croyante, pourtant le propos du film reste universel, car il traite avant tout d'adolescence, cette période de bouleversements physiques et émotionnels qui crée de fortes tensions, la nécessité de les contrôler ou de vivre avec. Alerte rouge parle du choix de rester ou non dans les valeurs familiales que traversent tous les jeunes : normalement, on est tous passé par une phase de crise d'ado rebelle, où on trouve nos parents ringards, peu compréhensifs et tyranniques. La relation entre Mei et sa mère est très réaliste, on sent le vécu (la réalisatrice et scénariste a convoqué des souvenirs). La relation progresse lorsque Mei se rend compte que sa mère vit les mêmes tourments avec sa propre mère. Mei s'imaginait que sa mère avait toujours été cette adulte inflexible et sûre d'elle, mais sa mère redevient une ado devant sa propre mère.
L'importance de l'identification à un groupe autre que la famille pour l'émancipation des ados est également bien traduite, à travers les liens forts qui unissent Mei à ses copines. L'importance de s'intégrer et de faire comme les autres aussi, avec les goûts vestimentaires et les boys band à la mode.
je n'ai pas connu le groupe d'amies de l'héroïne (je préférais lire au cdi pendant la récré que me mêler à mes camarades), ni sa passion pour les 2be3, euh les 4town, même si les boys band ont émergé à mon époque. J'avais déjà des goûts de vieux (pas les mêmes que mes parents, aux goûts encore plus anciens !) en écoutant les Beatles et d'autres groupes pas de mon âge. Le film a pourtant réussi à me mettre dans la tête la chanson du groupe, nobody like U, à écouter en lien. Chanson typique pour ado : faire croire qu'ils sont différents alors que les paroles sont calibrées pour plaire au plus grand nombre. A cet âge, j'appréciais un air qui parlait de différence aussi, I'm not like everybody else des Kinks.
J'ai lu le complexe du homard de Dolto deux fois, mais je ne me retrouvais pas vraiment dans la description de l'ado typique, comme elle est décrite dans le film. Pourtant malgré toutes ces différences, j'ai pu quand même apprécier Alerte rouge, drôle, enlevé, pertinent. Un bon film, mais pas le meilleur Pixar, il n'atteint pas les niveaux des Toy story, Le monde de Nemo, Monstres et cie ou Les indestructibles. Je déplore qu'il ne soit pas sorti en salles, comme les précédents (Soul, très bien, et Luca, pas mal).
- Alerte rouge de Domee Shi, Pixar sur Disney+
17:59 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, pixar, disney | | Facebook
07/04/2022
Bilan "je suis culturée" de mars
8 FILMS :
Coup de cœur :
- Alerte rouge de Domee Shi, Pixar sur Disney+
Bien :
- La boîte noire de Yann Gozlan, 2021, sur Mycanal
- Les 2 Alfred de Bruno Podalydès, 2021, Mycanal
Pas mal :
- The Batman de Matt Reeves, 2022
- Kaamelott volet 1 d'Alexandre Astier, 2021, sur Mycanal
- Un espion ordinaire de Dominic Cooke, 2021, sur Mycanal
- Fisherman's friends de Chris Foggin, 2020, sur Mycanal
- Les traducteurs de Régis Roinsard, 2020, sur Mycanal
4 SERIES :
Coup de cœur :
- Ovni(s) saison 2, de Martin Douaire et Clémence Dargent, 2021, sur Mycanal
Pas mal :
- Yellowjackets, 2021, sur Mycanal
- Why women kill, de Marc Cherry, 2020, M6
Bof :
- La femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre, de Rachel Ramras, 2022, Netflix
9 LIVRES :
Coups de cœur :
- Algues vertes, l'histoire interdite d'Inès Léraud et Pierre Van Hove, 2021
- Grandeur et décadence de Liv Strömquist, 2017
- La rose la plus rouge s'épanouit, Strömquist, 2019
- I'm every woman de Liv Strömquist, 2018
- Il était une fois Idées noires, André Franquin
Pas mal :
- Meta maus de Art Spiegelman, 2011
- Insolente Veggie, une végétalienne très très méchante, de Rosa B, 2015
- Kiki de Montparnasse de José-Louis Bocquet, Catel Muller, 2007
- Les cerveaux de la ferme, au cœur des émotions et des perceptions animales, Sébastien Moro, Layla Benabid, 2021
28 DOCUMENTAIRES :
Portraits :
Coups de cœur :
- Jim Carrey : l'Amérique démasquée, sur Arte.tv jusqu'au 08/06
- Gisèle Halimi, la cause des femmes, La case du siècle sur France.tv jusqu'au 06/05
Bien :
- L'alpiniste de Peter Mortimer, 2021, sur Mycanal
- Poutine, l'espion devenu président, sur France.tv jusqu'en 2023
- Zelensky, l'homme de Kiev sur Arte.tv jusqu'en 2023
Pas mal :
- Marguerite Duras, l'écriture et la vie, aux arts et caetera, France.tv
- Pierre-Auguste Renoir, entre rococo et impressionnisme, sur Arte.tv jusqu'au 30/05
Société :
Coup de cœur :
- Il était une fois l'amour à la française
Bien :
- Buried, la mémoire enterrée sur Mycanal
- Quand les bourgeois font leur cinéma d'Alain Riou, sur Mycanal
- Hollywood interdit, l'heure du pré code (1929/1934) sur Mycanal
- People et politiques, petits services entre amis ? Complément d'enquête, Sur France.tv jusqu'en 2023
- Bad vegan sur Netflix
Animaux :
Coups de cœur :
- Des fraises pour le renard sur France.tv jusqu'au 12/04
- Caméras espions au pays du froid
- Planète animale, les jeux de l'amour sur France.tv jusqu'au 09/04
- L'Europe sauvage, faune et flore des Alpes
Pas mal :
- Les animaux sauvages d'Europe : le lynx, sur Arte.tv jusqu'au 01/06
- Le panda géant sur Arte.tv jusqu'au 22/05
- Le fabuleux destin des mésanges sur Arte.tv
- Au cœur des Carpates, le royaume de l'ours, sur Arte.tv jusqu'au 30/04
Nature / évasion :
- Les îles Féroé, beautés brutes en Atlantique sur Arte.tv jusqu'au 04/06
- Les parcs nationaux américains : great smoky mountains sur Arte.tv
- Les 4 saisons du Yorkshire
Sciences :
42, la réponse à presque tout : sur Arte.tv
- Pourquoi manger ce qu'on mange ?
- Pouvons-nous sauver les arbres ?
- Les algues vont-elles sauver la planète ?
- Et si la poussière n'existait pas ?
17:14 Publié dans Je suis culturée | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : documentaires, arte, france tv, cinéma, littérature, bd | | Facebook