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11/11/2021

Yesterday

yesterday film.jpgJack aimerait vivre de sa musique, mais il ne chante que dans des bars bruyants où seuls ses amis l'écoutent. Après un accident pendant une étrange coupure d'électricité, le musicien se réveille dans un monde où les Beatles n'ont jamais existé : il est l'unique personne qui se souvient de leurs chansons... Voir le trailer en lien.
Idée simple mais astucieuse, qui m'a rappelé Jean-Philippe : Johnny Hallyday est resté un anonyme et le fan Luchini tente de le transformer en la star qu'il a toujours connue. Dans Yesterday, Jack ne recherche pas Paul McCartney : il lui pique tout simplement ses compositions.

Fan des Beatles, je ne pouvais qu'apprécier ce film. La première moitié est jubilatoire. Je chantais devant mon écran comme dans un karaoké.
Quand Jack essaie de se rappeler les paroles, des mots du quotidien l'aident. Lorsqu'il débarque dans l'école de sa meilleure amie au milieu de son cours, elle lui en veut, ce qui lui rappelle ces paroles :
"Back in school again, Maxwell plays the fool again
Teacher gets annoyed"

Quand son amie vient le voir à l'hôpital après son accident :
"Merci de t'occuper de moi. Will you still need me, will you still feed me, when im 64 ?
- Je sais pas, on verra. Pourquoi 64 ?"

Atteinte de chansonnite aiguë et connaissant les paroles des Beatles par coeur, j'étais ravie de jouer au quiz et de reconnaître When i'm 64 et Maxwell silver hammer de Macca. Je vais d'ailleurs publier la suite des quiz Beatles, écrits depuis... 3 ans et oubliés ! 
Malheureusement le quiz géant cesse assez vite, pour ne pas perdre les néophytes et que le film reste accessible à tous. On y entend donc surtout les chansons les plus connues, Hey Jude, Help, All you need is love... On sent une préférence pour Paulo normal c'est le meilleur.
J'étais très enthousiaste devant la première moitié du film : un humour so british délicieux, un rythme enlevé, une finesse d'esprit... J'ai adoré la scène où Jack joue nonchalamment Yesterday à la guitare devant ses amis, et ceux-ci, ne connaissant plus ce chef-d'oeuvre, le découvrent pour la première fois. Ils sont émus comme moi lorsque McCartney l'interprète en concert

yesterday film piano.jpgL'émotion tourne vite au comique, pudeur anglaise oblige. Jack essaie de réitérer ce moment, où il s'est senti enfin écouté et apprécié, devant ses parents, en leur jouant Let it be. Mais sa famille, habituée à ses échecs et mélodies médiocres, ne l'écoute pas vraiment, l'interrompt, décroche au téléphone... Malgré leur bonne volonté et leur gentillesse, les parents ne peuvent s'empêcher de voir Jack d'une façon un peu condescendante : c'est le petit et ses lubies : j'aurais voulu être un artiste, pour pouvoir faire mon numéro...

La réception d'une oeuvre d'art dépend de son contexte et de son auteur : si l'artiste est mondialement respecté, on s'attend à apprécier sa chanson. Si on est dans une salle de concert, on l'écoute attentivement. Mais là, les parents sont dans leur salon et pensent au préalable que leur fils est un chanteur raté...
Combien de chefs-d'oeuvres ainsi perdus, car leurs auteurs sont comme Jack : des gens talentueux, mais peu considérés par leur entourage, qui les incite à abandonner leurs rêves "tu avais dit que si la dernière chanson ne fonctionnait pas, tu reprendrais ton travail de magasinier ?"
Des gens modestes, dans les deux sens, à la fois timides et pauvres, qui n'ont aucune chance de côtoyer les stars et les contacts qui pourraient faire reconnaître leurs capacités. Jack le rappelle souvent : on ne s'attend pas à ce qu'une personne pauvre sorte de sa condition sociale : même avec un don, il sera toujours "le magasinier indien qui a réussi".

La gloire arrive enfin, avec Ed Sheeran, dans son propre rôle. Ce dernier se fait intelligemment sa petite promo, puisqu'en se comparant à Jack, il se compare aux Beatles, et qu'il glisse sa nouvelle chanson dans le film. Il défie le musicien d'improviser une mélodie en 15 minutes, mais il reconnaît néanmoins que celle de Jack est meilleure que la sienne : il ne peut rivaliser avec McCartney et the long and winding road...

Le talent de Jack (ou plutôt des Beatles) est enfin reconnu, et c'est là que le film commence à se perdre, comme Jack étourdi par la gloire. La satire du milieu musical, où l'argent et le consensuel priment sur la création, est plutôt réussie, mais la manager cupide qui voit la musique comme un produit mercantile et non de l'art, me semble trop caricaturale.

yesterday sourire faux.jpgLe personnage qui m'ennuie le plus, c'est celui de la meilleure amie, incarnée par Lily James (vue entre autres dans Downton abbey ou Le cercle littéraire de Guernesey.) Au début, elle restait dans l'ombre, et j'étais soulagée qu'elle ne soit qu'une amie de Jack, que ce scénario original ne soit pas gâché par une classique histoire d'amour niaiseuse. Patatras, au milieu du film, la groupie s'offusque : pourquoi je ne suis pas dans la case And I love her ?"
Pire, alors que Jack trouve enfin la reconnaissance qu'il a si longuement attendu, elle lui demande de choisir entre sa carrière ou elle ! Comment peut-on donner un tel ultimatum à un artiste ? Imaginez si Linda avait dit à Paul : "gnagnagna, les troubadours les guitares, c'est fini, Yesterday, c'était hier justement, maintenant tu vas t'occuper de moi, the lovely Linda !" Un peu ce qui est arrivé à Lennon quand il a rencontré Yoko Ono et a mis entre parenthèses sa carrière pour élever son gosse, beautiful boy...

Le dilemme se pose moins à Jack, puisqu'il n'a pas à renoncer à sa création, vu qu'il s'est contenté de reprendre les chansons des Beatles, et qu'il vit un syndrôme de l'imposteur. Mais Jack était pauvre, mal considéré. Il connait enfin l'ascension sociale, la reconnaissance et la richesse, et une femme lui demande de tout quitter pour elle ! L'argent ne fait pas le bonheur et pour vivre heureux, vivons cachés, j'en suis convaincue. Mais tout de même... "tu crèves la dalle ? oui mais t'as une amoureuse, alors contente-toi de vivre d'amour et d'eau fraîche !" Slumdog millionnaire, du même réalisateur Danny Boyle, parlait déjà d'un Indien pauvre et amoureux qui tente de fuir sa condition sociale, et le film m'avait dérangée à l'époque en mélangeant une histoire d'amour naïve et kitsch dans le style de bollywood, des personnages qui dansent, avec la réalité sordide d'un bidonville. De ce réalisateur, j'ai mieux apprécié Petits meurtres entre amis, Sunshine et 28 jours + tard.

Comme Slumdog millionnaire, je reproche à Yesterday sa bluette trop niaise. Le scénariste Richard Curtis est spécialiste des comédies sentimentales réussies mais qui pêchent parfois par leur excès de mièvrerie (Love actually, Bridget Jones...) 
Autre déception : j'attendais un caméo de Paul et Ringo, mais non...  Les auteurs ont demandé l'avis des ex beatles avant de sortir le film. Ringo était très enthousiaste, Paul a adoré voir Yesterday incognito dans un cinéma, mais ils ne jouent pas leur propre rôle comme Johnny Halliday dans Jean-Philippe, dommage.