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20/01/2020

Jean-Claude Romand, le roman d'un menteur

romand.jpgJean-Claude Romand, le narcissisme criminel, de Denis Toutenu et Daniel Settelen.
Pour fêter la grande nouvelle de ce début d'année, le retour de Faites entrer l'accusé♥, la meilleure émission juridique de la télé française, quoi de mieux qu'évoquer l'affaire Romand. De toutes les histoires criminelles, celle-ci reste ma préférée, elle
m'a toujours fascinée. Je me souviens des reportages télé de l'époque, puis d'avoir lu le formidable L'adversaire d'Emmanuel Carrère, d'avoir vu le faites entrer l'accusé sur le sujet (à voir en lien), le documentaire Le roman d'un menteur (en lien) et les films sur l'histoire (L'emploi du temps etc)... Il ne me restait plus que le témoignage des psys qui ont interrogé le criminel dans cet ouvrage.

romand famille.jpgRomand porte bien son nom : sa vie est un roman. Comment peut-on mentir à tous pendant 20 ans ? Ce personnage hors du commun voulait être médecin pour séduire la femme qu'il aime, mais il rate sa première année. Plutôt que d'assumer sa défaite, il fait croire qu'il a réussi. Qu'il poursuit ses études, devient docteur, et puis carrément membre de l'OMS... Quitte à mentir pour se la péter, autant revendiquer directement le poste le plus prestigieux.

Pour obtenir le train de vie digne de son prétendu rang, il escroque ses proches, parents, beaux-parents, leur faisant croire à des placements miraculeux en Suisse. Il va même jusqu'à profiter de la détresse de malades en fin de vie, en leur vendant à prix d'or un prétendu nouveau médicament anti-cancer pas encore sur le marché.  Sa famille pense qu'il voyage partout dans le monde ou fait des conférences avec Kouchner (soi-disant un intime), mais il passe en réalité sa vie sur des parkings et des bibliothèques. A combler ses journées en se plongeant dans les livres, il obtient ainsi un vrai savoir médical qui impressionne ses amis devenus de vrais médecins eux, dont un cardiologue qui déclare "à côté de gens comme ça, on se sent tout petit".

Quand ses proches ont enfin des soupçons (après 20 ans, il était temps !) ou réclame leur argent, comment avouer qu'il leur a menti, qu'il n'est pas le grand chercheur de l'OMS qui épate la galerie, mais un chômeur au RSA criblé de dettes ? Impossible, alors il les zigouille (ou tente de le faire). Femme, enfants, parents, beaux-parents, maîtresse, et même le chien (oh non, pas lui !)

Une étude de première main puisqu'elle est écrite par les psys chargés de conclure si Romand était apte à être jugé. On sent que les auteurs ont été affectés et surpris par ce criminel hors-norme. Romand raconte les faits sordides avec une froide précision, avec un regard extérieur, comme s'il ne parlait pas de lui. Il est arrogant, établit lui-même son diagnostic, se veut plus compétent que les professionnels. Il se pose en victime, il n'est pas quelqu'un qui a commis des crimes atroces, mais quelqu'un à qui il est arrivé des choses effroyables.
Après cette étude de personnalité, les psy ont considéré que Romand pouvait comparaître devant une cour d'assises. Il n'est pas fou, "juste" ultra narcissique, son image comptait plus que tout pour lui. Sans réelle personnalité, il ne vivait que pour le paraître, l'idéal qu'il renvoyait. Il pensait qu'être riche, avoir un haut statut social, fréquenter des gens hauts placés (Kouchner) prouvaient sa réussite et sa grandeur.
Il entretenait un sentiment de toute puissance, dû en partie à une enfance choyée par des parents qui ont eu tard cet enfant unique, et l’ont vu comme un miracle. Romand se devait d'être le meilleur, avoir la + belle femme, les + beaux enfants, une grande maison, une carrière prestigieuse. Même pour ce bilan psychologique, sa première question sera de demander aux experts et auteurs de ce livre s'ils viennent de Paris, et il sera déçu d'apprendre qu'ils ne sont "que" Lyonnais. La capitale concentre forcément les meilleurs (reste de la France = province = ploucs). Le caractère exceptionnel de son crime et sa médiatisation continuent d'entretenir son égo : grâce à son crime, il est au centre des projecteurs, il brille.

Ultra narcissique, les autres n'avaient pas pour lui d'existence propre : ils n'étaient là que pour lui être utile (donner de l'argent) et entretenir son image (ses beaux enfants), pour faire pâlir d'envie les voisins et prouver qu'il était admirable. Il voyait ses proches comme une extension de lui-même : en les tuant, puis en brûlant sa belle maison, il s'est tué lui-même. Il ne pouvait pas s'imaginer que sa famille pourrait vivre sans lui et subir la honte de n'être rien. Car sans argent, sans prestige, on est rien pour lui. Mais paradoxalement, Romand admet que c'est en tuant ses proches et l'image qu'il leur renvoyait qu'il a pu devenir lui-même, ne plus vivre dans le mensonge.
Il n'avait pas vraiment de personnalité, il a fait ce qu'on attendait de lui. Ses parents et sa copine le voyaient brillant médecin, il a fait croire qu'il l'était devenu. Surprotégé, peu armé pour le monde (un bizutage au réputé lycée du Parc l'a traumatisé et fait abandonner ses premières études) il s'est crée un monde imaginaire plutôt que d’affronter la réalité. Avec sa tête de nounours inoffensif, on le trouvait insoupçonnable, gentil et serviable, mais il a tué ou tenté de le faire, froidement, 6 personnes. Pendant que sa femme qu'il a assommé avec un rouleau à pâtisserie gisait sur leur lit, il a regardé un dessin animé avec ses enfants (avant de les tuer à leur tour).

Romand est un grand mythomane et manipulateur. Alors qu'il est étudiant, sa petite amie, future épouse, future victime, le largue. Pour la récupérer, il prétend qu'il a réussi médécine et lui fait miroiter un avenir rempli de richesses à ses côtés. Surtout, il l'apitoie en lui faisant croire qu'il a un cancer. Elle ne peut tout de même pas larguer un homme dans un tel état, c'est inhumain ! Il refuse de parler de sa maladie, se rend seul à l'hopital : il paraît ainsi digne et fort, endurant seul cette épreuve. La petite amie admire ce courage et accepte de devenir sa femme. 
Quand les gens posent des questions, il détourne leurs pensées en réactivant son prétendu cancer quand ça l'arrange :
" Au fait chéri, c'est quand que tu m'invites à voir ton bureau de l'OMS ?
- Aïe j'ai mal, je vais plutôt rester ici, j'ai mon cancer qui revient !
- Je ne vais pas te fatiguer avec mes questions, repose-toi !"

En prison, Romand s'est tourné vers la religion, pour vivre encore dans l'illusion d'un homme bon et simplement victime et martyr. Il dispensait ses généreux conseils de médecin. Après 25 ans derrière les barreaux, il a été libéré en avril 2019, et depuis il vit dans un... monastère. 

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