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28/04/2019

Indochine en concert, censuré à la télé

Indochine, concert, musique française

Lire le début ici.
Comme je connais principalement les tubes d'Indochine des années 80 (qui passent sur radio nostalgie) et que je n'ai pas vu le groupe depuis la tournée Paradize en 2002, je passe les jours précédents le show à réviser ses classiques et le dernier album, 13. Bien m'en a pris : Indochine le joue en intégralité, donc les 13 chansons, sur les 23 présentées ! Je n'ai observé ça qu'une seule fois, lors du dernier concert (excellent) de Calexico.

Indochine, concert, musique françaiseDans le dernier album, j'apprécie particulièrement la chanson Station 13 (parfaite pour danser et faire ma gym).
Indochine débute le spectacle en enchaînant 5 titres du dernier disque. Ce n'est qu'en 6ème chanson qu'il propose un de leur tube récent, Alice et June, sorti en 2005. Les vieux comme moi qui s'étaient arrêtés aux années 80 doivent être largués  : "on s'est trompé de jour ? T'as vu le chanteur est blond en +, pourtant il a toujours été brun  ! C'est la tournée de Sophie Davant en fait ?"
Car oui, lorsque le groupe arrive sur scène, je ne reconnais pas son leader. J'ai cru qu'il avait les cheveux blancs : « mais c'est qui ce pépé sur scène ?  Il est où Nicola Sirkis avec ses plumes de corbeau sur la tête ?
 » S'il est devenu platine, il n'a toujours pas découvert le peigne et se coiffe encore avec un pétard.

Le groupe propose enfin un vieux tube, Tes yeux noirs, pour lequel le leader monte dans les gradins à la rencontre du public. Il enchaîne avec une nouvelle chanson, Gloria. Asia Argento se trémousse sur l'écran géant au-dessus de nous. (Elle fait des roulades, je crois que c'est supposé être sexy, ça me fait plutôt penser au clip des Inconnus Vice et versa où le musicien se roule dans l'herbe et finit la tête dans une bouse). L'actrice apparaît finalement en chair et en os. La chanson traite d'amour passion (pas sûr, avec les paroles toujours absconses, c'est difficile de comprendre de quoi on parle : amour ? mort ? Couple séparé par la mort, ou qui meurt d'ennui ?) Les deux artistes se collent l'un à l'autre pour signifier leur amour, chantent bouche contre bouche pour mimer des baisers. C'est censé être glamour, mais je pense plutôt que lorsqu'on est stressé et qu'on chante depuis 1 heure comme Sirkis, on a la gorge sèche, donc l'haleine fétide, et que la pauvre Asia doit avoir envie de changer les paroles :
A combien risques-tu le risque de mourir demain 
Dans d'autres territoires il n'y a plus qu'un baiser 
Un baiser qui nous sépare et qui nous fera du mal
Surtout à moi parce que tu pues de la gueule

Après cet instant glamour n'est-ce pas, et cette chanson douce que ne me chantait pas ma maman, Indochine propose des paroles bien plus virulentes, Trump le monde. Le chanteur résume tout le mal qu'il pense de la politique du président des Etats-unis, en nous demandant de le huer et de lui faire un doigt d'honneur. Lorsque le concert est diffusé sur TMC deux jours plus tard, en direct, je me demande bien comment la télévision publique va gérer ce moment. Eh bien, lorsque Sirkis entame son discours politique, il est tout simplement coupé au milieu d'une phrase par la pub. Le discours anti Trump et la chanson sont censurés à la télé. J'imagine bien les dirigeants de la chaîne affolés : "mais qu'est-ce que c'est que ça ? Arrêtez tout ! Viiiite !" Je pense qu'ils étaient au courant en amont et que la coupure de la chanson était prévue, mais que le monteur a pris un malin plaisir à laisser le début du discours pour montrer aux téléspectateurs qu'une censure avait lieu. En effet, ça n'a pas manqué d'être remarqué et dénoncé sur Twitter. C'est beau la liberté d'expression en démocratie.

La chanson Un été français n'est toutefois pas coupée :
Indochine, concert, musique françaiseQuand je suis cerné 
Je rêve d'un été français 
Un été parfait 
Où rien ne pourra m'arriver 
Pardonne-moi si ici 
Tout devient froid national 
Un pays infernal 
À nous la petite mort

Tout le public reprend en chœur. Grâce à l'impressionnante mise en scène, les films en 3D au plafond, les jeux de lumière, la deuxième scène dans la foule, au plus près du public, la communion entre le groupe et ses fans est totale. C'est dans ce moment de ferveur qu'Indochine entame la deuxième partie du concert "ça y est, c'est du lourd" comme s'exclament mes voisins : leurs chansons les plus connues, les tubes des années 80.

A suivre

 

02/04/2019

Captive state, la nouvelle armée des ombres

captive state.jpgLes extra-terrestres ont envahi la Terre. Le gouvernement collabore avec l'envahisseur, pour maintenir l'humanité en vie, mais aussi être maintenu au pouvoir. Il exerce un contrôle constant sur la population. Chaque individu porte un implant qui le surveille, les voyages sont interdits, et internet a été coupé pour empêcher les communications. Le peuple est sommé de travailler pour les aliens, en extrayant pour lui les ressources naturelles de la planète. Mais clandestinement, à Chicago, des rebelles tentent de combattre l'ennemi et de rétablir la liberté… voir la bande annonce ici en lien.

J'ai adoré ce film. Pour moi il traite d'un sujet essentiel : l'importance de la résistance pour obtenir de bonnes conditions de vie. Qu'est-on capable de faire pour la liberté ? Vaut-il mieux rester en vie mais en étant esclave, ou se battre, quitte à mourir dans l'ombre et à se sacrifier pour les autres ? La majorité accepte d'être privée de ses droits, car on s'habitue à tout, en justifiant ses reculs par les éternels : "oui mais ya pire ailleurs" "oui mais au moins on garde ça".  
Captive state est-il un simple film d'action à la Independence day, où un héros dégomme à tout-va les méchants aliens avec sa bande de potes ? Absolument pas. Le film est beaucoup plus subtil. On ne voit quasiment pas les envahisseurs, qui vivent en sous-sol. Comment atteindre un ennemi invisible, qu'on ne connaît pas ?

captive state, metropolitan films, cinéma, science fictionL'ennemi bien plus présent est le gouvernement. Il collabore avec les extra-terrestres afin de garder sa place au pouvoir. Il justifie cette position par des discours de propagande : depuis que les aliens sont sur Terre, la criminalité a fortement diminué, le chômage est inexistant. Evidemment, l'armée est omniprésente et supprime les fauteurs de troubles. Le chômage n'existe plus puisque les humains travaillent de force pour les envahisseurs. Mais la liberté d'expression n'existe plus non plus, les gens sont tous fichés, filmés et écoutés au moindre signe suspect, jusque dans leur chambre à coucher. Les médias sont contrôlés, la communication, la liberté d'expression et de circulation ne sont plus possibles. Le gouvernement fait croire que la surveillance de la population est pour son bien, pour maintenir la sécurité.

Le parallèle avec l'actualité est évident. En Chine, la population accepte d'être surveillée et notée en permanence, en France, on remet en cause le droit de manifester, aux Etats-Unis, Trump sévit...
Captive state est exactement ce que j'attends d'un film : du divertissement, avec une vraie histoire, de la tension constante (vont-ils réussir ?) un découpage et une mise en scène parfaits, avec une musique qui colle parfaitement aux images. De l'émotion, du suspense, mais aussi de la réflexion sur des sujets primordiaux. Tout le long du film, je pensais "que ferais-je à leur place ? que feraient les autres ?" Sous couvert de science-fiction futuriste, Captive state livre en réalité une réflexion essentielle sur la société actuelle, sur les dérives d’un État de surveillance et la menace qui pèse sur les droits civiques et les libertés individuelles

Le film est réalisé par Rupert Wyatt. Le basculement de société était déjà à l'oeuvre dans son plus grand succès : la planète des singes, les origines. Les résistants de Chicago en 2025 rappellent ceux de la France occupée pendant la seconde guerre mondiale. Le réalisateur confirme ses références, Jean-Pierre Melville et son magistral L'armée des ombres fait partie de ses films préférés. 
Comme L’armée des ombres, Captive state est un film sur la résistance, qui décrit parfaitement les rouages d'un réseau clandestin. L'incroyable capacité des rebelles à se débrouiller avec les moyens du bord, leur habileté à contourner la censure est captivante et admirablement décrite. Le film ne glorifie pas un héros seul qui sauve le monde, mais montre des individus lambda, qui ne se connaissent pas, aux profils très différents, qui se réunissent pour un but commun : combattre l'ennemi et libérer le peuple. Ils savent qu'ils doivent opérer en secret, sans montrer leur bravoure, sans se faire remarquer. 

Les rapports complexes et ambigus entre les personnages évitent tout manichéisme. Pas de gentils super héros d'un côté, pas de méchants abjects de l'autre. Chacun à ses raisons justifiées. Le policier maintient une forme de paix et veut éviter au fils de son ami une mort certaine s'il rentre dans la résistance. Le jeune particulièrement tête à claques je trouve, pense d'abord à se sauver lui et sa copine. Il ne veut pas combattre car il a peur de mourir, qu'on s'en prenne à ses proches. Un autre au contraire, qui a pourtant l'aspect veule et falot, devient en fait résistant "pour l'avenir de son fils"... 

Je ne peux que vous encourager à voir Captive state, demain dans les salles.