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30/05/2017

Concert de Roger Hodgson, Supertramp

musique, supertrampSuite du billet sur les concerts
Les versions live sont presque toujours supérieures aux disques. Une exception, mon frère qui a fait tous les concerts possibles imaginables m'avait pourtant prévenue : Roger Hodgson, leader de Supertramp, joue comme sur les albums : mêmes instruments, mêmes rythmes, on a l'impression d'écouter le vinyle. Je ne voyais donc pas l'intérêt de mettre 70 euros dans ma place de concert, mais j'accompagne tout de même devant l'Olympia mon frangin qui n'a pas hésité à raquer. Car ce dernier me raconte sa technique : quand un concert qui l'intéresse est complet ou trop cher, ou qu'il l'a déjà vu mais souhaite y retourner sans trop payer, il se rend devant la salle juste avant le spectacle, avec 20 ou 30 euros dans la poche, selon le prix initial du concert. Il trouve toujours quelqu'un avec une place en trop : la vendre à moitié prix, c'est toujours ça de pris. Mon frère a pu revoir Polnareff et d'autres artistes ainsi.

Effectivement devant l'Olympia, j'aperçois un homme au milieu de la file d'attente, même pas devant pour se mettre en évidence, avec une simple feuille de papier « vend places ». Rien à voir avec les arnaqueurs qui refourguent les billets à des prix exorbitants en alpaguant les passants qui n'ont rien demandé, je vois bien que la personne a improvisé une annonce à la hâte. J'hésite, je n'ose pas l'aborder parce que je n'ai pas le prix exact des billets sur moi, je trouve ça un peu malhonnête (pourtant le gars n'a même pas mentionné le tarif : il est ouvert à la négociation). Mais mon frère et ses voisins de file qui m'ont entendue tergiverser et ont participé à la conversation, m'encouragent : "mais vas- y ! " "mais oui, vous ne risquez rien !" Soutenue et emportée par la foule (qui nous traîne et nous entraîne) qui s'identifie à moi (« oh oui, payer moitié prix, c'est vraiment bien ! » « J'espère que vous pourrez ! J'aurais bien voulu !») j'attends le dernier moment, juste avant que le type rentre en salle, pour négocier :
musique, supertramp« Vous vendez vos places combien ?
- J'en ai 3 ! à 90 euros chacune…
- Ah oui mais moi j'en veux qu'une, et j'ai que 35 …»

Il tire la tête, mais de toute façon, il perdra son argent… Donc il finit par accepter, en râlant. Déjà, j'étais pas spécialement motivée par le concert, je l'aide en lui offrant 35 euros, mais il n'est pas content... Il refuse tout de même de donner ses sésames aux arnaqueurs qui les revendraient deux fois le prix (les mecs crieront quand il rentrera dans la salle avec son trésor perdu). A sa place, j'aurais fait le bonheur des passants en leur proposant gratuitement les billets, mais il préfère les jeter plutôt que les donner... Il les avait achetés 9 mois à l'avance pour ses trois enfants, sans penser qu'ils seraient à cette période-là en vacances à l'île Maurice avec leur mère, dont il est divorcé. Ce n'est que le jour même qu'il se préoccupe de revendre les places en bricolant une affiche. Je n'ai donc pas beaucoup de scrupules : l'homme a l'air assez riche pour se payer des séjours sur une île paradisiaque où je ne pourrais jamais mettre les pieds, et ne pas prévoir des mois à l'avance la revente de ses billets. Moi avec ma paie misérable, si je sais que je vais perdre 270 euros, je lance une alerte enlèvement chez Interpol.
Je me retrouve donc, grâce à l'oubli de cet homme, placée en plein milieu du premier balcon, la meilleure place, la plus chère, pendant que mon frère qui a payé son billet le double du mien se retrouve chez les gueux au fond de la salle.

Je suis installée à côté de mon bienfaiteur, qui continue de grogner sur son argent perdu. Je suis assez gênée en attendant que le concert commence, dans 30 interminables minutes. Je le remercie encore, mais il râle encore plus, l'air de penser « je fais le bonheur d'une pouilleuse, si elle me remercie encore, je la remets à la rue » « quand je pense que je pourrais être avec mes gamins là et que je me retrouve avec une misérable inconnue » « j'aurais dû refourguer mes billets à trois mannequins pouffes, il y en a peut-être une qui aurait accepté de me payer en nature » « je pourrais même être avec ma femme à me dorer sur la plage, si elle m'avait pas plaqué la garce. Elle est en vacances avec l'argent de la pension alimentaire, j'enlèverai le prix des places sur le versement du mois prochain, na, elle va pas me foutre un procès quand même ou m'empêcher de revoir les gamins pour ça, c'est mes fils ma bataille, fallait pas qu'elle s'en aille.»

Je ne parviens pas à ignorer mon voisin râleur « c'était bien sympa de me permettre d'aller au concert pour trois fois moins cher, maintenant, tu m'oublies » J'essaie de le requinquer en parlant de Supertramp. Je sais, il y a des moments où il vaut mieux se taire pour ne pas énerver encore plus l'autre, mais je ne sais pas faire, le silence me met mal à l'aise, j'espère toujours améliorer la situation et je préfère mettre les pieds dans le plat, en bonne Gastonne Lagaffe. Je m'enfonce donc :
« A la base je ne voulais pas aller au concert parce que c'est trop cher pour moi (au cas où t'aurais pas encore compris que je suis une pauvresse et qu'on n'évolue pas dans le même monde, casse toi tu pues et marche à l'ombre) et je ne pensais pas connaître assez bien les chansons, j'ai que deux albums. Mais en fait j'ai écouté avant de venir et je me suis aperçue que je connaissais tous les tubes en fait, qui passent beaucoup à la radio.
Il se moque : - Mais oui ! Tout le monde connaît Supertramp! Par contre, impossible de nommer un seul groupe français dont on peut citer dix chansons comme eux !!
- Ben si quand même ? Polnareff, Claude François, Téléphone, Alain Souchon ? Demis Roussos On a aussi des chanteurs très populaires ? »

Il refuse de le reconnaître (peut-être qu'il ne connaît pas le répertoire de la chanson française comme mémé radio nostalgie aussi) Moi qui voulais lui redonner le sourire (on va s'amuser quand même ! L'argent ne fait pas le bonheur ! 240 euros de perdus, 2400 de retrouvés ! Oui c'est un dicton encore plus con que celui des amours déçues !) je m'aperçois qu'en fait je lance une polémique sur les meilleurs chanteurs et que je peux même sous-entendre qu'il est inculte puisqu'il ne peut pas citer 10 chansons de Michou ou Soussou. Oui parfois, Gastonne ferait mieux de se taire.

Heureusement, le concert commence enfin. Et je peux effectivement me rendre compte que je connais presque toutes les chansons, une quarantaine. Une avalanche de tubes qui me ramène à ma jeunesse, lorsque j'écoutais le best of de Supertramp en 33 tours. Vous aussi, vous en connaissez forcément dix, pour citer mon acolyte, et si les titres ne vous disent rien, cliquez sur les vidéos en lien, vous vous exclamerez « ah mais ouii ! Bien sûr ! »  ah moins de vivre dans une grotte sans radio nostalgie. Faites le test : Logical songGive a little bitDon't leave me nowTake the long way home, Breakfast in AmericaCrime of the centuryGoodbye stranger, It's raining again, Lady, Bloody well right...

Comme me l'a signalé mon frère, Roger Hodgson ne change rien à ses mélodies, à la note près comme sur les disques. Mais quel plaisir de chanter avec les 1500 spectateurs de l’Olympia… Une soirée magique. En écoutant chez moi sur internet et même en mettant le volume à fond et en ouvrant la fenêtre de mon salon qui donne sur la rue, je ne parviendrais pas à recréer cette ambiance : « allez, les passants, tous avec moi ! « dreamer ! You're nothing but a dreamer, can you put your hands in your head, oh no! » Ce qui mettra l'ambiance par contre, c'est lorsque les voisins appelleront les flics.

Samedi, Roger Hodgson refaisait son concert, cette fois-ci au Grand Rex... Devinez ce que j'ai fait ?
Sur la centaine de concerts que j'ai dû faire, même pour ceux dont je ne connaissais aucune chanson, j'ai rarement été déçue, je me suis rarement ennuyée. Sauf deux exceptions :

suite demain

19/11/2013

Les garçons et Guillaume, à table !

garcons et guillaume affiche.jpgTout est dans le titre. Guillaume Gallienne raconte sa jeunesse, où il se sentait, plutôt on le percevait, différent. Sa mère l’estime plus fragile que ses frères. Pendant que ces derniers partent en voyage sportif et viril, Guillaume est envoyé en Espagne pour apprendre la danse parmi les femmes... Adolescent, sa tante fantasque l’encourage même à sortir avec des hommes pour « tester ». Mais en fait, le veut-il, qui est-il vraiment ?
Comme l’explique le réalisateur, ce film délirant est en fait « un véritable coming out inversé ». Il raconte sa quête d’identité, et comment elle lui a permis de devenir acteur. « Quand j’étais enfant, ma mère disait : « Les garçons et Guillaume ». Ce « et » m’a fait croire que pour rester unique aux yeux de cette maman sans tendresse mais extraordinaire, pour me distinguer de cette masse anonyme qu’étaient les garçons, il ne fallait surtout pas que j’en sois un. J’ai tout fait pour être une fille, donc, et quel meilleur modèle que ma mère ? C’est ainsi que j’ai commencé à jouer, dès que je me suis mis à l’imiter. Comment je suis devenu un acteur en devenant ma mère pour réussir à devenir moi. » Le jeune homme imite parfaitement sa mère, et dans le film, il interprète les deux rôles !

Cette comédie est pour moi la meilleure de l’année. (voir bande annonce en lien). Un véritable Ovni, objet visuel non identifié, grâce à la personnalité hors norme de Guillaume Gallienne. Le film oscille en permanence entre fou rire, absurdité, poésie et drame. Un univers décalé (quand il s’imagine tomber dans la piscine au son de Don’t leave me now de Supertramp, qui me trotte dans la tête depuis), hilarant (quand il refait une scène de Sissi l’impératrice) tragi-comique (quand sa grand-mère confond des mots) et même angoissant (le pensionnat de garçons).
Avec un sujet aussi délicat (la quête d’identité sexuelle), on pourrait basculer dans le vulgaire, mais le film évite avec brio cet écueil. Malgré le sujet très personnel, Gallienne parvient à rester pudique. Le mélange des genres (au sens propre comme au figuré) est un exercice difficile, mais on passe avec facilité du rire aux larmes, de l’émotion à la réflexion, dans un parfait dosage.
L’acteur devenu adulte a atteint le recul nécessaire pour faire rire de ses tracas, percevoir avec lucidité son histoire, ou au contraire la réinventer.

garcons et guillaume, danse.jpgGallienne parvient à nous émouvoir, avec grâce. Même si évidemment on n’a pas vécu la même expérience improbable, Gallienne nous permet de nous identifier à ses doutes existentiels : on a tous eu un jour, à moins d’être sociopathe, l’impression d’être parfois différent, décalé, incompris, mais aussi timide, maladroit et naïf. De rester passif et d’angoisser, mais de s’en sortir grâce à l’humour. Le film est en somme une formidable histoire de résilience.

Pour un premier film, la mise en scène est maîtrisée. Pas de baisse de rythme, les réparties fusent. Gallienne joue un grand dadais qui se pose des questions existentielles, à la Woody Allen, avec un humour qui rappelle Certains l’aiment chaud… On trouve même des références à l’univers d’Almodovar, avec des personnages féminins hauts en couleur.

Le film est aussi une belle rencontre : à l’issue de la séance, Guillaume Gallienne vient nous parler. Tandis que les autres interlocuteurs restent en moyenne une demi-heure, l’acteur bavarde trois fois plus longtemps, et si on ne l'avait pas arrêté, je suis sûre qu’il nous aurait raconté ses anecdotes passionnantes pendant encore des heures…
En arrivant, certainement pour marquer la différence avec son « personnage » et montrer que le film est aussi une fiction, Gallienne parle d’une voix grave et mesurée, avec des gestes retenus. Il nous informe tout de suite, d’un air sérieux et blasé : « Je passe mes journées en promo à parler de ma mère, j’en ai un peu marre de la psychanalyse à la Mireille Dumas… »  mais immédiatement, l’acteur se met à imiter la présentatrice « parlez-moi de votre mère », les rires jaillissent et Gallienne joue son éternel rôle de comique. Très volubile, il répond de bonne grâce aux questions, et finit par se rendre compte « en fait, je fais ma Mireille Dumas ! » On voit bien que même s’il tente de s’en défendre au début, il adore parler de lui et de sa mère.
Au fil de l’entretien, il reprend d’ailleurs les mêmes mimiques, la voix plus aiguë et les gestes plus doux de sa génitrice… troublant. Mais rassurez-vous, Guillaume Gallienne ne sort pas son couteau comme Norman Bates se prenant pour sa mère dans Psychose… Non, l’arme de Gallienne, c’est le rire.

garcons et guillaume, mère.jpgJe ne suis pas la seule à être surprise par ce mimétisme : sa propre famille le confondait avec sa mère. Dans le film, Gallienne interprète les deux personnes. Comme des heures de maquillage étaient nécessaires, il jouait son personnage féminin le matin (avec 4 heures de préparation) et l’après midi le personnage masculin (3h de maquillage) et il restait dans ses rôles : « le matin, l’équipe avait l’impression d’être dirigée par une femme autoritaire de 45 ans, et le soir par un ado de 15 ans abruti et niais ».

Je ne peux m’empêcher de me dire que, sans doute déçue d’avoir déjà deux garçons, sa mère espérait une fille, et qu’elle traite Guillaume (comme) Tell. Est-elle vraiment comme ça ? Tout est vrai ? Comment a-t-elle réagi ? L’acteur répond, d’un air détaché :
« oh très simplement, elle a eu envie de se défenestrer… » La dame a de l’humour et a accueilli le film comme l’hommage qu’il est à sa personne. Le réalisateur précise : « Ce film ne dit évidemment pas « La » vérité mais la mienne. C’est mon histoire. L’histoire subjective d’un acteur. A la recherche des émotions qui l’ont façonné. Peut-on être plus sincère qu’un acteur qui raconte intimement comment il l’est devenu ? »

Comme Guillaume Gallienne, j’étais entourée de frères, mais j’ai vite vu que pour être mieux considérée dans la société, il fallait leur ressembler (mais ça ne me disait rien, c’est tellement mieux d’être une fille). Pour me convoquer aux repas, ma mère ne criait pas mon prénom, mais m’appelait par celui de mes frères, belles sœurs, neveux, et même des chats… Elle citait quatre ou cinq noms avant de trouver le bon (enfin quand elle se rendait compte de son erreur, j’ai pris l’habitude du nom composé à rallonge, et quand on donne mon prénom du premier coup, je suis toujours étonnée « moi ? T’es sûre ? Mais tu veux pas parler au chat plutôt ? »)

Je connaissais Guillaume Gallienne grâce à ses  hilarants « bonus de Guillaume » où il imagine des scènes coupées et les castings de films célèbres. Il est aussi pour moi le personnage le plus intéressant du film Astérix au service de sa majesté.


Vous l'aurez compris, courez voir Guillaume Gallienne au cinéma...