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09/09/2014

Mademoiselle Julie, une femme étonnante

mlle julie.jpgEn 1890, en Irlande, le soir de la saint Jean. Mademoiselle Julie (Jessica Chastain) jeune aristocrate, est seule chez elle avec son valet John (Colin Farrell). Ce dernier doit se marier avec la cuisinière, mais il est attiré par Mlle Julie, sa beauté et son statut social... (voir bande annonce en lien)

Dans la première scène, l’héroïne se promène dans la forêt, sa belle robe et ses cheveux flottants au vent. Les images sont splendides et m’ont rappelé Bright star, où la jeune fille s’assied dans les fleurs pour faire un bouquet et rêver de son prince charmant, le poète John Keats. Je m’attendais à une histoire romantique et littéraire du même genre, le film étant une adaptation d’une pièce de théâtre d’August Strindberg, et se déroulant également au XIXème siècle.
Que nenni. Après cette jolie introduction dans la nature verdoyante, le film se situe principalement dans le décor rudimentaire de la cuisine. Les personnages s’y enferment pour échapper aux « vulgaires » paysans qui fêtent la Saint Jean, la nuit la plus longue et chaude de l’année, où l’on danse autour du feu. La nuit est longue et chaude aussi pour les personnages et un feu brûle en eux : le valet est irrésistiblement attiré par la flamboyante Mlle Julie. Celle-ci en joue, flattée et curieuse des choses de l’amour qu’elle ne connaît pas encore. Elle somme la cuisinière, sa rivale jalouse, de s’enfermer dans sa chambre. Pendant ce temps elle reste seule avec John. Un jeu de charme et de manipulation s’installe entre eux. 

Le début est plaisant. Les répliques et situations font mouche. Sauf que le film tourne à l’hystérie et au sordide, et ne fait plus du tout rêver. Mlle Julie agit de façon inconséquente et ridicule (elle demande à son valet de baiser son soulier, puis elle se jette à ses pieds pour faire de même, et là je ne vous raconte que le moins étrange…) J’espérais des répliques et des retournements de situation plus fins, qui ne venaient pas. La mécanique finit par tourner à vide et à être répétitive, je cite : « je vous hais » la scène suivante « je vous aime » puis « je vous déteste » etc… On décroche devant tant d’hystérie et de manque de discernement.

cinémaSeule la cuisinière, incarnée par Samantha Morton, est réaliste, en ne se faisant aucune illusion contrairement aux deux autres : elle ne sortira jamais de sa condition médiocre, les classes sociales ne se mélangent pas. Elle préfère se résigner et mener une petite vie rangée mais intègre sans remettre en cause l’ordre établi, en allant bien fidèlement  à la messe et  en servant ses maîtres et son mari sans être dupe.  Elle n’a pas de revendication égalitaire, sociale comme John, ou féministe comme Julie
Les acteurs sont comme toujours plein de sensibilité. Colin Farrell se lance dans une déclaration d’amour qui m’a rappelé son rôle dans Le nouveau Monde (où il est amoureux de Pocahontas). Mais il devient vite le contraire, cynique et intéressé. Selon la réalisatrice Liv Ullmann, « Colin Farrell a joué comme quelqu’un qui refuse sa condition de domestique mais ne peut y échapper, dans sa manière de marcher, de parler ou de se tenir. » Il dit à Julie : « vous êtes tout ce que je n’aurai jamais »
La rousse incendiaire Jessica Chastain est parfaite pour ce rôle de passionnée insatisfaite, qui rêve d’être libre d’aimer qui elle veut et d’égalité entre hommes et femmes.  Elle révèle : « je suis toujours en quête d’un ailleurs. »

La pièce a été interdite dans toute l’Europe à la fin du XIXème siècle, jugée moralement et socialement subversive, et trop moderne. La réalisatrice l’a adaptée car elle évoque des sujets  qui la concernent : « Etre vue ou demeurer invisible, donner une image de soi qui ne correspond pas à ce que l’on est vraiment, être aimé pour soi-même et non pour ce que les autres voient en vous, les rapports de sexe, les crises qui en découlent (…) Comme dans la vie, les gens ont beau parler, leurs interlocuteurs n’entendent que ce qu’ils veulent entendre. (…) Les personnages ne demandent qu’à se confier, mais ils ne sont pas entendus et restent seuls… comme nous avec nos téléphones ! »

J’ai apprécié les thèmes de cette pièce, le jeu parfait des acteurs, mais pourquoi tant de rebondissements délirants qui gâchent tout ? L’histoire se veut certainement subtile et profonde, mais au contraire, elle manque d’acuité… La nuit de la Saint Jean est chaude et longue pour les personnages, elle est longue aussi pour nous (2h15 !) et réfrigérante.

J’ai apprécié la musique, de Schubert, Tchaïkovski, Chopin, mais pourquoi reprendre, plusieurs fois en plus, le trio pour piano de Schubert indissociable de Barry Lindon, le chef d’œuvre de Stanley Kubrick…

 

07/09/2014

A la télé cette semaine

morning glory.jpgCe soir sur France4, Morning Glory, sur le quotidien d’une émission télé matinale. Une jeune productrice (Rachel McAdams) est engagée pour redresser les audiences, mais elle se heurte au présentateur vieux jeu (Harrison Ford) qui ne veut pas changer ses méthodes. Une comédie intéressante pour découvrir l’envers du décor de la télé, les coups bas, la course à l’audimat, l’ambition… Mais la morale de l’histoire est désolante : la productrice n’hésite pas à reléguer l’information au second plan et préfère ridiculiser son présentateur en le mettant en scène dans des sujets sans intérêt. A l’inverse, je vous conseille vivement la série The newsroom : les journalistes résistent à l’info people et aux pressions de la hiérarchie. Ils font du vrai travail d’investigation, sur des sujets importants, et restent le plus possible neutres. Passionnant.
sur Arte, un classique du western, Il était une fois dans l’Ouest.

gone baby gone.jpgLundi sur HD1, Gone Baby gone, un thriller très sombre où un couple de détectives recherche une enfant disparue. Pour vous donner une idée, le film est une adaptation du roman de Dennis Lehane, qui a également écrit Mystic River  et Shutter Island. Le meilleur film de Ben Affleck selon moi (avant (The town et Argo).

Mardi, autre film avec Ben Affleck sur NT1, Paycheck de John Woo, une adaptation du roman de science-fiction de Philip K.Dick. Un ingénieur qui travaille sur des dossiers secrets accepte de voir sa mémoire effacée à la fin de chaque contrat. Mais après le dernier CDD de 3 ans, il s'aperçoit qu’il a refusé son salaire colossal pour le remplacer par des objets en apparence anodins. Il tente alors de retrouver le fil des années oubliées.

kick-ass.jpgA 22h25 sur M6, Kick-Ass. Un adolescent ordinaire, un père et sa fillette, malgré leur absence de supers pouvoirs, décident de devenir des héros justiciers. L’humour noir du film est irrésistible. J’adore la scène du « Tu voudrais quoi pour ton anniversaire ? - Une Barbie et un petit poney. Mais non je rigole, un flingue ! » Le début qui montre avec justesse les affres de l’adolescence, me fait penser aux prologues des films de Spiderman, quand on voit le héros batailler avec son quotidien (ces passages réalistes sont d’ailleurs mes préférés). Même si la fin cède aux techniques de films d’actions violents, elle est tournée avec tellement de virtuosité, d’humour et de détachement que je l’ai appréciée. Du même réalisateur Matthew Vaughn, j'avais déjà beaucoup aimé Stardust et Layer cake.

Mercredi, TMC diffuse le dernier spectacle de Florence Foresti à Bercy. Je ne l’ai pas vu mais j’ai adoré ses précédents shows, Mother Fucker et surtout ses sketches à la Cigale.

Jeudi, soirée série, avec le retour de 24 heures chrono et la dernière saison de Mad Men sur Canal+. J’ai adoré les premières saisons révolutionnaires de 24, mais les invraisemblances m’ont vite lassée. Je continue par habitude et curiosité à regarder Mad Men, série d’ambiance où il ne se passe pas grand-chose.
Arte propose ses séries le même soir, avec un biopic romancé de Ian Fleming, l’auteur de James Bond, puis la rediffusion d’Ainsi soient-ils, sur les prêtres. La vie de Fleming ne me fascine pas vraiment jusque-là (et pourquoi choisir un acteur aux yeux aussi hideux, Dominic Cooper ! Il m’avait déjà gâché Raisons et sentiments !) 

 

06/09/2014

Gemma Bovery : places de ciné à gagner

cinéma, places de cinéma à gagner, Fabrice LuchiniMartin (Fabrice Luchini) licencié de son travail d’éditeur parisien, a repris la boulangerie paternelle, dans un village normand, afin de retrouver « l’équilibre et la tranquillité ». C’est raté : il s’ennuie, jusqu’à l’arrivée d’un couple d’Anglais, Charles et Gemma Bovery. Le littéraire trouve alors matière à nourrir son esprit romanesque : il piste la jeune femme en s’imaginant qu’elle est la réincarnation de son héroïne favorite : Emma Bovary… (voir bande annonce en lien)

Ce film possède un charme fou. J’ai gardé un sourire béat pendant toute la séance : haaa, le charme de la campagne normande, cette verdure qui me rappelle ma région, ces maisons en pierre avec les rhododendrons devant la porte… Le charme d’un scénario, surtout d’un héros (Luchini) romanesque, passionné, littéraire, imaginatif… Le charme pédant de Niels Schneider, aussi vénéneux que dans les Amours imaginaires de Xavier Dolan. Le charme de l’actrice Gemma Arterton, sa fraîcheur, son naturel désarmant. Elle faisait déjà succomber un village entier dans Tamara Drewe de Stephen Frears. Ce film était l’adaptation d’une bande dessinée de Posy Simmonds, tout comme l’est Gemma Bovery. 

cinéma, places de cinéma à gagner, Fabrice LuchiniLuchini fait son Luchini, en citant des bons mots littéraires et en pontifiant : « Les gens pensent que la vie à la campagne est merveilleuse, mais il y a énormément d’anti dépresseurs. Ou alors y a le calva. » Si vous faites partie de ceux que l’exubérance du comédien exaspère, vous serez content d’apprendre que les propos de Martin/Luchini sont constamment rabroués par sa femme devant tout le monde, sans qu’il ne bronche. Vous pourrez voir ce film, car le comédien y est assagi, pépère qui aime promener son chien et faire son pain. Il reste observateur et vit sa vie par procuration. Non pas en mettant du vieux pain sur son balcon pour attirer les moineaux les pigeons, mais en offrant du pain maison à sa voisine Gemma, qu’il épie depuis sa fenêtre. Son personnage un peu pathétique est attachant. Personne ne le comprend, sa femme, qui se moque de son imagination fertile, son fils qu’il appelle « le couillon » et qui préfère Call of Duty à Emma Bovary, ce à quoi Luchini répond : « J’aimerais mieux que tu te drogues plutôt que d’entendre des conneries pareilles » 

cinéma, places de cinéma à gagner, Fabrice LuchiniSi vous n’aimez ou ne connaissez pas le roman de Flaubert, sachez aussi que ce n’est pas essentiel, le film n’étant pas une adaptation. Il est plutôt un hommage et une toile de fond, comme l’est Alceste à bicyclette au Misanthrope de Molière, dans lequel Luchini a aussi joué. J’admets avoir lu Emma Bovary adolescente, et comme l’héroïne du film, en avoir pensé « il ne se passe pas grand-chose ». Comme l'exprime Luchini : « C’est quoi Madame Bovary aujourd’hui ? Une prise de tête pour les étudiants qui sont obligés de le lire pour les épreuves du bac ! Grâce à Gemma Bovery, ils vont découvrir une puissance libidinale folle qui se confronte au réel. Et peut-être réviser leur position sur l’auteur. » J’avais pourtant aimé l’adaptation de Claude Chabrol. Même si pour moi Isabelle Huppert est froide et hautaine, tout le contraire de Gemma Arterton, qui correspond mieux à ce personnage sensuel et passionné. 
Comme elle, tous les acteurs sont parfaits, avec une mention spéciale à Elsa Zylberstein, hilarante et insupportable en caricature de grande bourgeoise obsessionnelle et condescendante.

cinéma, places de cinéma à gagner, Fabrice LuchiniJ’ai beaucoup apprécié l’originalité de ce film réalisé par Anne Fontaine. On retrouve la rencontre improbable entre personnages opposés et comiques de Mon pire cauchemar, mais aussi la sensualité de l’excellent et troublant Perfect Mothers.

J’ai le plaisir de pouvoir vous faire gagner 5x2 places pour Gemma Bovery. Pour ceci, il suffit de répondre au quiz papillotien traditionnel :
- Quiz "On connaît le film" : Dans quel film (que j’adore) Fabrice Luchini incarne-t-il un écrivain qui, pour pouvoir publier un livre sur les rapports amoureux,  accepte de séduire une fille choisie par son éditeur, alors qu’il pense qu’elle est « immmoooonde ! » ?
- Quiz "On connaît le livre" : Dans Alceste à bicyclette,  les personnages incarnés par Fabrice Luchini et Lambert Wilson souhaitent adapter une pièce de théâtre. Quel est son titre et qui en est l’auteur ?
- Quiz "On connaît la chanson" : quelle est la chanson citée dans mon texte et qui en est l’auteur ?
Envoyez vos réponses avant ce mardi 9 septembre à midi, par mail (« me contacter » en haut à gauche sous la photo). Les gagnants seront prévenus mardi après-midi. Les places sont valables uniquement en France métropolitaine. Le film sort en salles mercredi.

A vous de jouer et bonne chance !

 

04/09/2014

Boys like us (enfin presque)

boys like us.jpgRudolf, la trentaine, se fait plaquer par son petit copain. Il décide alors de quitter Paris et de retourner dans son village natal autrichien, au pied des montagnes. Ses deux meilleurs amis, boulets immatures, s’incrustent dans le voyage… (voir bande annonce en lien)

En recevant le pitch, qui commence par « trois amis gays » comme si c’était primordial, j’ai pensé « ok, mais c'est un film uniquement pour les gays ou pas ? » Parce que justement, comme mon nom féminin l’indique, je ne suis pas vraiment Boys like us… Je craignais le film communautaire, qui s’adresse en priorité aux homos, avec des private joke incompréhensibles pour moi, dont je me sentirais exclue. Mais curieuse comme un chat toujours, j’ai voulu vérifier avant de juger.
Ok, l’avant-première avait lieu dans un cinéma du marais… Ok, la salle était majoritairement remplie de gays… Et la fête, dont je pensais qu’elle se déroulerait dans une salle appartenant au cinéma (j’avais adoré la soirée de Dans la cour, avec Catherine Deneuve, Pio Marmaï et plein d’autres acteurs) avait lieu dans un bar. Arrivée parmi les premières, je me suis retrouvée avec les habituées. J’ai vite remarqué que le pub était essentiellement fréquenté par des femmes, certaines cheveux très courts, recouvertes de tatouages, forte carrure et air sévère, qui m’ont tout de suite fait penser à Josiane Balasko dans Gazon maudit…  J’admets qu’au début je n’en menais pas large, toute seule dans mon coin avec ma bière, en regardant mon téléphone pour me donner une contenance (« j’attends mes 45 amis, non non, je ne suis pas du tout seule et perdue dans un monde inconnu… qu’est-ce que je suis venue foutre ici… et si Josiane me drague ? »)
Dans les cocktails ou les projections presse, je ne me sens parfois pas à ma place, les journalistes parlent entre eux, je ne connais personne et reste isolée. Dans le bar, celle qui distribuait les sésames pour obtenir des boissons en a donné à tout le monde autour de moi en m’ignorant, il a fallu l’intervention de la distributrice du film : « Elle est invitée ! » Je n’ai pas su si, comme d’habitude, la serveuse pensait de prime abord que je n’avais pas l’air de travailler dans le milieu du cinéma (ce qui est vrai d’ailleurs, malgré moi), ou si elle m’a prise pour une habituée des lieux ! Rentrée chez moi, j’ai pu vérifier sur le site du bar qu’il est « par et pour les meufs, gouines, bies, trans’, queers » mais le site ajoute « participatif et ouvert à toutEs ». Dont les Boys like us.

Le film est également ouvert à tous, l’homosexualité des personnages n’entre pas vraiment dans les ressorts du scénario. Leurs situations peuvent être partagées par chacun : la recherche de l’amour, l’amitié, le travail… L’un, très anxieux, pense toujours à son ex 6 ans après leur rupture, et croit même le voir à plus de 1000 km de chez lui. L’autre, très cool, préfère enchaîner les conquêtes sans s’attacher. L’un est au chômage et préfère se la couler douce, tandis que l’autre se démène pour trouver un travail.  

J’ai apprécié l’humour un peu décalé et plutôt bon enfant. Le réalisateur se moque gentiment de ses personnages inadaptés à leur environnement : parisiens branchés perdus dans la campagne, décalage culturel entre la France et l’Autriche, gay coincé par une dame qui tente de lui marier sa fille, héros qui retourne après 17 ans dans son village natal resté identique, alors que lui a beaucoup changé…
Lorsqu’un personnage garde des enfants, il est accompagné d’un homme d’apparence inquiétante, couvert de tatouages et carrure d’armoire à glace. Mais lorsque ce dernier parle, on se rend compte qu’il possède une petite voix aiguë et qu’il semble doux comme un agneau. Les mioches ne sont pas du tout effrayés et jouent avec lui à « 1-2-3 soleil », dans un cimetière, comme si c’était un terrain de jeu habituel…

Le film montre ainsi qu’il ne faut pas se fier aux apparences, accepter les différences ; oser aller à contre-courant, et garder l’esprit ouvert et bienveillant. Pourtant les deux boulets n'adoptent pas cette attitude, ils sont peu sympathiques : méprisants ou grossiers avec les gens qui tentent de les aider (serveurs, hôtesse d'accueil etc). Je trouve aussi que le jeu des acteurs sonne assez faux. La comédie est agréable, mais assez anodine et parfois caricaturale. J’ai apprécié les paysages sublimes de la montagne autrichienne, ainsi que la musique d’Haussmann, qui était aux platines lors de la soirée (voir en lien).