28/03/2022
Invisible man, la femme manipulée
Le film est classé par mycanal en horreur, mais c'est en réalité un thriller psychologique. Il revisite le mythe de l'homme invisible, mais du point de vue de sa femme. L'homme invisible est ici un scientifique réputé et millionnaire, mais est aussi (comme souvent chez les hommes assoiffés de pouvoir, comme le démontre Marie-France Hirigoyen dans son excellent livre Les Narcisse) un manipulateur pervers, un tyran domestique qui surveille les moindres faits et gestes de sa compagne. Cette dernière est interprétée par Elisabeth Moss, qui choisit toujours aussi bien ses rôles (Mad men, La servante écarlate...) La femme parvient à s'enfuir de la demeure où elle est maintenue captive, le compagnon délaissé se suicide. Pourtant, elle se sent toujours traquée, observée, les objets bougent autour d'elle... Elle est convaincue que le brillant opticien a réussi à développer une invention le permettant de devenir invisible, mais personne ne la croit.
Un film qui surfe habilement sur les thèmes actuels du harcèlement, de la manipulation perverse et des violences conjugales. Certains peuvent penser que l'héroïne exagère, est forcément coupable de quelque chose : "pourquoi elle ? elle a dû le chercher ! Puis elle n'est pas si malheureuse, elle vit dans une maison gigantesque, son mec est riche et peut lui offrir tout ce qu'elle désire !"
La mise en scène, faite de plans larges, nous permet d'être aux aguets comme l'héroïne : on cherche en arrière-plan un objet qui bouge, qui trahirait la présence de l'homme invisible. La suggestion, ce qu'on ne voit pas, ce qu'on imagine, est toujours plus effrayante qu'une démonstration dans les films d'horreur, qu'une créature souvent grotesque mal modélisée (c'est ça leur monstre ? mais il est mal fait ! il bouge mal !)
Cette mise en scène crée un climat d'angoisse, mais ce qui m'a véritablement glacé le sang, c'est lorsque même l'entourage proche de la victime se désolidarise d'elle et la pense paranoïaque. Le pire, dans le film comme dans la réalité, ce ne sont pas les blessures physiques et morales. C'est de ne pas être crue, de passer pour folle et se retrouver isolée. C'est exactement ce qu'on entend après les féminicides et dans chaque Faites entrer l'accusé : "Je ne peux pas croire qu'il ait tué sa femme, c'était un collègue irréprochable, toujours serviable." "Mon fils, mon frère est doux et gentil avec moi, c'est impossible qu'il frappe sa femme !"
On ne sait jamais comment les gens se comportent réellement dans l'intimité de leur couple. Par exemple, Jonathan Daval était un collègue et un gendre idéal, un homme doux, effacé, serviable, tout petit, avec une voix aigue et tremblotante, une tête ronde de poupon. Tout le monde se souvient de son discours où il pleurait à chaudes larmes pour qu'on lui rende sa femme, soutenu par les parents de la victime, qui semblaient presque moins atteints que lui. Ces derniers le consolaient comme un petit enfant. Et pourtant, ce gendre qu'ils pensaient insoupçonnable a frappé, étranglé de longues minutes et brulé le corps de leur fille.
Dans la réalité, les victimes subissent souvent sans être crue et sans pouvoir agir. Dans le film, la femme parviendra-t-elle à se défendre contre un homme qui fait deux fois son poids, et en plus, invisible ? Un thriller original et efficace, à voir.
- Invisible man de Leigh Whannell , 2020 sur Mycanal
- Les Narcisse, ils ont pris le pouvoir de Marie-France Hirigoyen
16:48 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma | | Facebook
Commentaires
Toujours pas vu et ce qui m'avait fait hésiter à aller le voir au ciné c'est justement parce que c'était classé en horreur... il va falloir une séance de rattrapage !
Écrit par : Carole Nipette | 20/04/2022
Je n'ai pas trouvé qu'il faisait peur, c'est plutôt du suspense, thriller psychologique
Écrit par : Papillote | 21/04/2022
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