09/09/2021
Bébel le magnifique
Lundi 6 septembre. Je me remets enfin à publier après un mois de pause (l'été, c'est congés). Je vais sur Twitter pour mettre mon article en lien, puis lire les mots en tendance, afin de connaître l'actualité et l'état d'esprit de mes concitoyens. Habitude qui me laisse le plus souvent désemparée, mais je ne peux m'empêcher d'ouvrir cette boîte de Pandore, cette chambre de Barbe-bleue cachant des horreurs. Soit les mots en tendance twitter rassemblent des polémiques plus ou moins (surtout +) stériles, soit ce sont des noms de personnes, et quand ces dernières sont âgées, les tweets annoncent le plus souvent une réalité inéluctable.
Je lis "Belmondo". Mon cœur s'arrête comme le sien, puis je me raisonne : "non c'est impossible, on sait tous qu'il est immortel, surtout après son AVC qui devait le laisser paralysé et muet, mais qu'il a vaincu comme le super héros qu'il était. Non, c'est comme le "Elton John" de la semaine dernière, où j'avais protesté : "Je vais le voir en concert dans un mois, déjà que ça devait être en 2020 et reporté à cause du covid, il ne va pas clamser maintenant, comme le batteur des Rolling stones juste avant la tournée ! Qu'il attende au moins la fin du concert pour mourir sur scène comme Molière !" (je plaisante hein). En réalité le "Elton John" en tendance twitter présentait simplement un nouveau single promo.
Belmondo en top tweet annonce peut-être une récompense pour sa carrière, ses 80 films… J'hésite à cliquer, car j'ai peur de la réponse. Mais je ne peux pas faire l'autruche, si un drame s'est produit, tôt ou tard, je l'apprendrais. Je retiens mon souffle, puis je me lance.
Immédiatement je tombe sur une photo accompagnée de ces mots : "Belmondo est décédé…" Je ne lis pas la suite, par réflexe je me bouche les oreilles (plutôt que les yeux : je lisais pourtant, je n'entendais rien !) Je m'exclame : "NOOOON !" La fenêtre est ouverte (il fait 30 degrés) tout le quartier entend mon désespoir. Tout twitter (mes 12 millions de fans) peut le lire ensuite, car je ne peux le contenir, il faut que je partage ma peine. Chagrin qui se noie sous une vague déferlante d'hommages. Comme le décès de Bacri, la mort de Bebel est un choc et je me souviendrais toujours du moment où j'ai appris la nouvelle (lire en lien). Les deux acteurs incarnaient deux facettes opposées, mais pourtant emblématiques des Français : le râleur et le charmeur.
D'autres noms apparaissent ensuite en tendance twitter : Gérard Depardieu, Alain Delon... Depardieu a fait un coma éthylique en apprenant la nouvelle ? Delon n'a pas supporté la mort de celui auquel on l'associait depuis 60 ans, et est parti avec lui, comme les vieux couples où l'un ne survit pas au décès de l'autre ? Il n'a pas supporté que Belmondo aie le haut de l'affiche, l'inverse de la rivalité de Borsalino ?
Non, c'est juste un loto macabre : "à qui le tour ?" Qui sera le dernier des mohicans ? Je pense à Pierre Richard, 87 ans, Trintignant, 90, Michel Bouquet, 95 ans, que j'ai vu tremblant sur scène en 2013 dans Le roi se meurt, mais qui résiste toujours...
Je ne supporte plus ses pensées morbides (mais pas prophétiques ! non !) et je pars m'aérer dans le parc voir les petits canards. Pour reprendre un tweet devenu célèbre et souvent parodié depuis, écrit par un internaute en apprenant la destruction de Notre dame : "Je suis dehors. Je me suis enfuie de table (j'ai appris la nouvelle à 16h30, donc l'heure du goûter). Je peux pas gérer. .J'y arrive pas. Je suis seule à pleurer dehors parce que putain c'est Belmondo et j'ai l'impression de crever."
J'exagère évidemment. J'ai réussi à ne pas chouiner, même quand le JT de france2 s'est terminé par un sadique défilé d'images de l'acteur, sur la musique tristissime du professionnel ou de royal canin, qui a traumatisé toute une génération d'enfants.
Bebel m'a accompagnée toute ma vie. Petite, la déprime de la fin du weekend était atténuée par ciné dimanche, les films populaires de TF1, et donc, le plus souvent, des films avec Belmondo. Le générique de l'émission, puis celui de Gaumont, ( à revoir en lien) créaient l'attente des aventures de l'acteur : des histoires rocambolesques qui permettaient d'oublier qu'on avait école le lendemain. En cliquant sur les génériques en lien, j'éprouve à nouveau les frissons qui me parcouraient enfant. Aujourd'hui, je ne regarde quasiment plus les films populaires de TF1 et j'admets ne pas avoir revu la plupart des Bébel depuis, surtout les "toc toc badaboum" aux scénarios parfois grossiers, qu'il était de bon ton de décrier à la fac de ciné.
Mais Le magnifique reste l'une de mes comédies préférées, et j'ai hésité à mettre en bannière du blog, à la place de Dewaere dans Coup de tête, son personnage François Merlin auquel je m'identifie.
Bébel et son éternel sourire, son cabotinage enfantin, m'ont permis d'espérer que même dans les situations les plus dramatiques, on pouvait s'en sortir. Même son personnage le plus abattu par la vie qu'était François Merlin dans le magnifique surmonte les obstacles en créant Bob saint-Clar. Il illustre l'idée de Boris Cyrulnik : l'acte d'écrire permet la résilience (à lire en lien).
La vie n'est pas un film, mais la vie incroyable de Belmondo l'était. Lui et ses compagnons (Rochefort, De Broca etc.) ont survécu aux horreurs de la guerre et ont décidé ensuite de rire de tout et de profiter à fond. Comme il l'explique dans son autobiographie au titre judicieux, 1000 vies valent mieux qu'une :
"Pour des raisons communes, (avec Philippe de Broca) nous avions choisi de rester des enfants qui jouent, qui transgressent, qui se comportent de façon inconséquente.
Derrière nous, il y avait eu la guerre de 1939, et surtout, l'Algérie. (...) Après avoir assisté à toutes les horreurs commises là-bas par des adultes, il n'a plus jamais voulu en être un. Ce qui m'arrangeait considérablement."
Belmondo avait vu partir ses amis les uns après les autres, Rochefort, Marielle (je n'ai même pas eu le courage de rendre hommage à la plus belle voix du monde) Claude Rich et les autres. Et que serait Bébel sans sa fameuse bande de "copains du dimanche" (le nom prophétique de son premier film) avec laquelle il a fait les 400 coups ? Ou plutôt, pour continuer la comparaison avec son œuvre, avec qui il a fait "le guignolo", "l'incorrigible", le "tendre voyou", "le magnifique", "l'as des as"...
Bébel était tout cela à la fois. Autre point positif que l'on peut tirer de son décès largement médiatisé : les nouvelles générations vont découvrir l'itinéraire de cet enfant gâté, à travers les nombreux hommages rendus à la télé et même sur Netflix. Certains jeunes comme mes neveux fans de OSS 117 vont connaître celui qui a inspiré Jean Dujardin, le magnifique Bob Saint Clar. Pour moi, mon modèle reste son créateur, François Merlin, l'enchanteur qui sublime sa vie morose à travers son œuvre, comme Belmondo a enchanté nos vies par ses films.
à suivre...
18:02 Publié dans La rubrique nécrologique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinéma français, belmondo | | Facebook
Commentaires
Très beau ton billet
Écrit par : Carole Nipette | 11/09/2021
merci ! c'est le coeur qui parle, bébel nous manque !
Écrit par : Papillote | 11/11/2021
Les commentaires sont fermés.