11/03/2020
Vivarium
À la recherche d'une maison, un jeune couple effectue une visite en compagnie d’un mystérieux agent immobilier et se retrouve pris au piège dans un étrange lotissement… Voir la bande annonce ici.
"You need not worry, you need not care
You can't go anywhere Shangri-la"
Le film s'ouvre sur un coucou, cet oiseau parasite : la femelle pond dans le nid d'une autre espèce. Lorsque l’œuf éclos, il pousse les autres hors du nid. Les braves parents lourdauds élèvent alors un petit qui n'est pas le leur, qui fait trois fois leur taille, et parfois en meurent d'épuisement... Ce film en est l'allégorie.
Etre en couple, devenir propriétaire et faire des gosses. Un idéal de vie, un rêve que la société nous vend, mais qui peut se transformer en cauchemar. Comme dans Vivarium, mi thriller mi-fantastique, où tout est exacerbé. Les maisons typiques de lotissement sont si semblables et artificielles qu'elles ressemblent à un décor sous cloche, avec de faux nuages dessinés et un soleil artificiel, qui rappellent The truman show. Qui a crée ce cadre, qui tire les ficelles ?
Acheter une maison, c'est bien lorsqu'on en a les moyens, mais faire croire que la propriété est accessible à tous conduit les plus pauvres à l'endettement. Ils se retrouvent dans des maisons uniformes, sans âme, avec de nombreux vices de fabrication, collées les une aux autres, sans intimité. Ces habitations se situent en banlieue lointaine, et les gens se ruinent en taxe d'habitation, essence etc. Ils perdent un temps fou dans les trajets, ne voient plus leur famille car ils doivent partir tôt et rentrer tard. Pour rembourser leur maison, les propriétaires doivent renoncer aux vacances, aux loisirs, et d'ailleurs, dans ces cités dortoirs loin de tout, les sorties culturelles sont rares. Tout cela crée stress, fatigue, divorce, isolement. Cette problématique est très bien résumée dans l'excellent documentaire "La France pavillonnaire, les dessous d'un modèle." Et ce film de science-fiction la pousse à son paroxysme.
Vivarium m'a également fait penser à ma chanson préférée des Kinks, la sublime Shangri la :
The little man who gets the train
Le petit homme qui prend le train
Got a mortgage hanging over his head
A une hypothèque au-dessus de sa tête
But he’s too scared to complain
Mais il est trop effrayé pour se plaindre
’cos he’s conditioned that way
Car il a été conditionné de cette manière
Vivarium m'évoque aussi la chanson Little boxes, au générique de la série Weeds :
Little boxes on the hillside, little boxes made of ticky-tacky
Petites boîtes sur le coteau, petites boîtes faites de bric et de broc
Little boxes, all the same.
Petites boîtes, toutes pareilles.
And they all have pretty children, and the children go to school
Et ils ont tous de beaux enfants, et les enfants vont à l'école
And then to the university, and they all get put in boxes
Et ensuite à l'université, et ils sont tous mis dans des boîtes
And they all come out the same.
Et ils ressortent tous pareils.
La société prône également les enfants comme étape nécessaire au bien-être du couple, et le film montre l'inverse, avec un bébé étrange qui leur est imposé d’élever jusqu'à sa maturité. L'enfant passe son temps devant des programmes de télévision que les parents ne comprennent pas.
Le fossé des générations, le poids, la désillusion et le stress que peuvent amener un enfant sont amplifiés ici. Certains s'imaginent que leur progéniture va combler leur manque d'affection et ressouder les liens. Mais 50% des couples qui se séparent le font dans la première année après la naissance d'un enfant, car ce dernier change leur relation : le père peut reprocher à sa femme de le délaisser au profit du gosse, etc. Les parents se retrouvent fatigués et énervés par les cris et demandes incessantes du bébé. Ils peuvent aussi être déçus de constater que le fruit de leurs entrailles, leur fils leur bataille, ne leur ressemble pas ou n'est ni un génie ni un être adorable.
Dans le film, le couple qui se disloque est interprété par deux excellents acteurs, Imogen Poots, qu'on a vu dans 28 jours + tard et Jesse Eisenberg, qui décidément choisit bien ses rôles, après The social network ou bienvenue à zombieland par exemple.
Le film m'a également fait penser à l'une des meilleures séries qu'il existe, Black mirror, et à la 4ème dimension rediffusée en ce moment sur Canal+. J'ai retrouvé également des références à l'univers de Richard Matheson, qui mêle réalisme et fantastique, où des êtres monstrueux envahissent le quotidien le plus banal.
J'ai apprécié Vivarium, les thèmes abordés m'interpellent, les décors sont fascinants, et plusieurs mois après l'avoir vu, je me souviens encore précisément de certaines scènes. Je regrette néanmoins qu'il n'aille pas plus loin dans la parabole, l'étrange et la terreur. Ou alors, il aurait dû être plus court (1h40), car une fois que l'on a compris où il voulait en venir, on s'attend un peu à la suite, même si la fin est vraiment saisissante. J'ai l'impression que pour s'adresser au grand public, le réalisateur, Lorcan Finnegan, a choisi un consensus, mais j'aurais préféré un traitement plus radical. Voici comment il explique la genèse de son film dans le dossier de presse :
"Devenir propriétaire n’est une aubaine que lorsqu’on se croit dans un conte de fées. Les publicités insidieuses vous promettent une « vie idéale», une version fantasmée de la réalité à laquelle nous finissons par aspirer. Elle devient presque l’appât d’un piège dans lequel nombre d’entre nous sont tombés. Une fois pris au piège, nous travaillons toute notre vie pour payer nos dettes. Des zones naturelles sont détruites pour laisser place à des rangées de maisons identiques, les véritables labyrinthes d’une société uniforme et morose. Nous dégustons avec ignorance des aliments transformés, emballés dans du plastique. Les médias sont en compétition avec les parents d’aujourd’hui pour insuffler toujours plus d’idées saugrenues aux enfants. Le rêve de posséder une maison virera bientôt au cauchemar. C’est le consumérisme qui nous consume, pas l’inverse. Vivarium est né à la suite de tous ces constats. Le choix du fantastique est un moyen de les amplifier. C’est un conte à la fois surréaliste et tordu, à la fois sombre, ironiquement drôle, triste et effrayant."
16:22 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, cinéma sf | | Facebook
Commentaires
C'était le film que j'avais prévu d'aller voir vendredi 13 mars mais je n'ai pas pu...
dernier film vu avant... Un fils que j'ai beaucoup aimé...
Écrit par : Carole Nipette | 20/03/2020
ah oui, pile vendredi le lendemain du confinement.. d'ailleurs je note mon confinement depuis mardi mais en fait c'est depuis vendredi, mais dimanche j'étais sortie un peu dans le quartier.
Écrit par : Papillote | 20/03/2020
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