Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/08/2014

Robin Williams : pourquoi t'as fait ça ?!

robin williams.jpgMardi 12, j’allume mon téléphone portable. J’ai reçu un sms :« Robin Williams est mort ! »
Habituellement j’apprends les tristes nouvelles par Twitter, mais là je suis dans mon trou perdu sans Internet. Je pense : « Mort de quoi ? Dans ce milieu, sûrement la drogue, le suicide… car il était jeune, 40 ans… » Puis l’angoisse m’étreint, j’ai un doute,  je relis le message… Non, ce n’est pas possible, j’avais mal vu ! Ce n’est pas Robbie Williams qui est mort, mais Robin, l’acteur ! (je vérifie sur le net : certains internautes ont confondu les deux et rendu hommage au chanteur).

Trop tard, chansonnite aigue oblige, je garderai en boucle toute la journée les paroles de la chanson Feel de Robbie Williams, qui correspondent peut-être aussi à l’état de Robin. Mais je remplace malgré moi real love par "life" :

robin will hunting.jpgI just wanna feel
Real love feel the home that I live in
Cause I got too much life
Running through my veins
Going to waste

I don't wanna die
But I ain't keen on living either
Before I fall in love
I'm preparing to leave her

Scare myself to death
That's why I keep on running
Before I've arrived
I can see myself coming

Je dois aller au marché. Je croise les vieilles commères du coin, qui connaissent tout le monde et colportent tous les potins (on les surnomme « les baboles » dans mon patelin). L’une d’elles achète des fleurs (pour fleurir la tombe de Robin ?)
Elle me voit : « Te fais une de ces têtes ! » (elle espère sans doute un nouveau ragot, mais oui, je suis en deuil !!) 
Moi, voix étranglée : - Robin Williams est mort !
Les vieilles, en chœur : - Qui dont ?
Ah, les péquenaudes ! Paysannes incultes, on voit que vous vous couchez à 20h comme les poules et que vous n’avez jamais regardé un film de votre vie ! (je rappelle que le seul film que ma grand-mère avait vu au cinéma était La vache et le prisonnier, en 1959…)
Moi : - Mais si, un grand acteur Américain…
- Oh ben moi l’Amérique, c’est loin ! (L’Amérique, l’Amérique, je veux pas l’avoir, et je l’aurai pas.)

robin williams vietnam.jpgJe passe vite mon chemin et retourne chez moi, voir la seule source d’information disponible : les journaux télévisés. Je peux donc regarder en boucle les mêmes extraits : de films (« Goooood Morning Vietnaaaaam ! ») Lorsque Robin Williams reçoit l’oscar du meilleur second rôle pour Will Hunting : « Je veux remercier mon père, là-haut. Quand je lui ai dit que je voulais être acteur, il a répondu : « magnifique. Apprends quand même un deuxième métier au cas où, comme soudeur »

Difficile de parler de Robin Williams sans donner des évidences : un grand acteur, capable de faire rire comme d’émouvoir. Un clown triste. Un homme trop sensible, qui restait un grand enfant (Hook où il incarnait Peter Pan).
Je tombe dans le travers de l’identifier à ses rôles oui, mais chaque acteur montre forcément une part de lui-même dans ses personnages. Je n’imaginerais pas les solides Robert de Niro ou Lino Ventura incarner Peter Pan ou Madame Doubtfire… 

Le choc est encore plus terrible lorsque j’apprends que Robin Williams s’est suicidé. M’enfin ! Pourquoi ! Tout le monde l’aimait ! Je ressasse la question et la pose à tout mon entourage.
« Il était dépressif, accro à la drogue et à l’alcool ». Oui mais pourquoi ? Encore un cliché, mais j’imagine qu’il se sentait dépassé par son succès, que le public l’identifiait à ses rôles de gentil comique, et qu’il pensait ne pas mériter tant de marque d’affection, car évidemment, personne n’est tout noir ou tout blanc, il avait une face cachée, il n’était pas que le mec cool de service… 
Je suppose qu’il ne supportait pas le décalage entre la vie idéalisée de ses films et la réalité, qu’il ne supportait plus la pression et surveillance des médias, la perte de son anonymat, qu’il sentait que les gens projetaient et attendaient beaucoup de lui, et qu’il ne se sentait pas capable de supporter un poids si lourd…

Comme la plupart des comiques, son humour servait à masquer sa trop grande sensibilité, son anxiété. Robin Williams était paraît-il un homme profond, cultivé, généreux, sensible aux malheurs du monde, qu’il portait sur ses épaules.
Comme la plupart des célébrités, il devait être seul au fond, à penser que les gens le côtoyait uniquement pour la gloire et les avantages qu’il représentait, et non pour ce qu’il était réellement… J’ai toujours les paroles de Feel en tête : 

robin williams docteur.jpgI just wanna feel
Real love and the love ever after
There's a hole in my soul
You can see it in my face
It's a real big place

Come and hold my hand
I wanna contact the living
Not sure I understand
This role I've been given

Mais Robin Williams sentait au contraire sa carrière décliner, avec des rôles moins intéressants, plus espacés, ou répétitifs : son dernier grand succès est Will Hunting en 1997, pour lequel il a reçu son unique oscar (du meilleur second rôle) puis  Photo obsession et Insomnia en 2002, deux films où il casse son image de gentil en incarnant des sociopathes. Il voyait la confiance des producteurs de cinéma, l’affection du public ou de ses proches s’éloigner. Mais  aussi la vieillesse et son déclin arriver (il avait 63 ans et un début de Parkinson). Ce sont des poncifs, mais malheureusement ils sont souvent vrais. Les gens ne se suicident jamais pour une seule raison, et c’est parfois un événement paraissant mineur qui fait déborder le vase… 

robin williams fisher king.jpgPeut-être s’identifiait-il trop à ses rôles… Comme dans Le roi pêcheur, qui recherche le Saint Graal puis le perd, où il prononce ce beau discours (voir en lien) : « C'est à toi que je vais confier le Saint Graal, afin qu'il puisse guérir le cœur de l'homme. Mais l'enfant était aveuglé par d'autres visions, le rêve d'une vie de pouvoir, de gloire et de beauté (...) Le jeune enfant grandit, et sa blessure grandit en même temps. Jusqu’au jour où il n’a plus de raison de vivre. Il n’a plus foi en l’homme, pas même en lui-même. Il ne peut aimer, ni se sentir aimé. Il est las de la vie ici-bas. Il se laisse mourir. »

On ne saura jamais vraiment pourquoi il a fait ça. Il laisse un vide immense.
robin williams cercle.jpgComme beaucoup, je l’ai adoré dans Le cercle des poètes disparus, où il incarne le prof qu’on aimerait tous avoir. Comme j’aurais aimé qu’un prof me dise : « À présent dans cette classe, vous apprendrez à penser par vous-même, vous apprendrez à savourer les mots et le langage ! » Proche de ses élèves, compréhensifs, il les encourage à développer leurs capacités, sans se soucier du conformisme : "Je ne vis pas pour être un esclave mais le souverain de mon existence." « C’est dans ses rêves que l’homme trouve la liberté. Cela fut, est et restera la vérité. » 

Son personnage dans Will Hunting est assez proche : cette fois-ci, un psychologue qui guide un jeune homme tourmenté, surdoué qui se trompe de chemin. (Matt Damon, auteur du scénario avec son ami Ben Affleck, pour lequel ils recevront un oscar).

robin williams mme doubtfire.jpgRobin Williams interprétait souvent des rôles proches du monde de l'enfance : Madame Doubtfire, où il se déguise en vieille nourrice pour voir ses gosses dont il n’a plus la garde. Jumanji, où il est prisonnier d’un jeu dont des enfants le libèrent (Kirsten Dunst, à 13 ans). L’acteur incarnait souvent de grands enfants : Hook de Steven Spielberg, où il joue Peter Pan. Jack de Coppola, un enfant dans un corps d’adulte. Le baron de Munchausen de Terry Gilliam, où il est le roi de la lune. J’aime aussi Robin Williams dans ses rôles de rêveur décalé , comme dans Le monde selon Garp, où il est écrivain.

Avec la littérature, l’enfance, l’imagination ; la dépression était un thème récurrent de son œuvre : Au-delà de nos rêves, adapté d’une nouvelle de Richard Matheson, où il plonge en enfer pour sortir sa femme coincée par la dépression. Le roi pêcheur, où il interprète encore un prof de lettres, qui a sombré dans la folie et vit dans un monde imaginaire depuis la mort de sa femme. Docteur Patch, inspiré de l’histoire vraie d’un docteur sorti d’une dépression grâce au rire, et développe cette méthode…

Dépression qui aura raison de Robin Williams, lundi 11 août 2014. Il restera éternellement l’homme qui nous a fait rire, émus, et encouragé à croire en nos rêves : « Peu importe ce qu’on pourra vous dire, les mots et les idées peuvent changer le monde ». Les films et les acteurs aussi.

 

Rendez-vous sur Hellocoton !

Commentaires

Très bel article, touchant et émouvant. Merci !

Écrit par : Alain | 18/08/2014

Merci beaucoup !!

Écrit par : Papillote | 18/08/2014

Bel article !

Il luttait depuis de nombreuses années contre la dépression auxquels s'étaient ajoutés addictions à l'alcool et la cocaïne. Il s'était confié lors d'une itw que j'avais vue.

Il a tenu le coup pendant 40 ans, il avait 4 projets de films donc sa carrière n'était pas finie mais la dépression est une maladie grave et elle a fini par l'emporter.

Je l'adorais et sa mort a touché le monde entier, j'espère que de tout en haut, il l'a su !

Écrit par : Electra | 20/08/2014

Ton article est vraiment magnifique. Moi aussi j'ai été choquée de cette terrible nouvelle et pendant deux-trois jours d'affilée je ne pensais qu'à ça, j'avais du mal à réaliser ce qui s'était passé.

Écrit par : tinalakiller | 21/08/2014

Bel article oui.

La mort des personnes célèbres ne m'affecte pas en général. Ne les connaissant pas, ça ne me touche pas. Mais là, je sais pas, j'ai trouvé ça vraiment triste.

Commentaire ma foi fort intéressant.

Biz.

Écrit par : Rock and Tea | 21/08/2014

Peut-être qu'il y a un peu de tout ça, mais j'ai lu aussi qu'il était bipolaire (grande sensibilité et multiples addictions, le tableau est assez fréquent chez les bipolaires) et apparemment, le passage à l'acte peut se produire en cas d'"état mixte", c'est-à-dire quand le mental est down et le corps up, désinhibé : c'est plus rare dans la dépression, car l'apathie empêche le passage à l'action, en quelque sorte...

J'ai vu une conférence TED dernièrement sur le sujet de toutes ces maladies "neuronales" (le chercheur employait volontairement ce terme pour ne pas dire "mentales", qui sous entend 'folie" alors que ce n'est pas ça).

Et donc, ce chercheur expliquait qu'il faudrait qu'on prenne conscience que oui, ces maladies tuent, comme peuvent tuer les maladies cardio-vasculaires par exemple, parce qu'il serait urgent qu'il y ait des politiques publiques de recherche et de prévention, au lieu de laisser cela au domaine du simple "drame individuel".

J'ai trouvé ça hyper intéressant : quand un homme comme Robin Williams se suicide, on se dit tous plus ou moins "mais pourquoi, il avait tout ?!". Se dire qu'il avait une maladie non soignée et qu'il en est mort comme il aurait pu mourir d'une crise cardiaque, ça change la perspective, je trouve...

Écrit par : anacoluthe | 22/08/2014

Electra : 4 projets de films pourtant... ils n'ont pas suffi à lui redonner le sourire alors...

Tina : waouh, merci beaucoup ! idem, j'y ai beaucoup pensé...

Écrit par : Papillote | 22/08/2014

Rock and tea : Certains acteurs comme Robin Williams, je les vois dans des films depuis toute petite, des films qui m'ont marquée, alors quand ces acteurs disparaissent, ça fait un choc, comme si c'était quelqu'un de proche qui disparaissait... Puis mourir par suicide, c'est d'autant plus choquant.

Anacoluthe : je ne savais pas pour la bipolarité de Robin Williams ! oui, ces maladies tuent aussi, c'est important de nous le rappeler, merci.

Écrit par : Papillote | 22/08/2014

Les commentaires sont fermés.