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03/12/2013

Zulu, noir c'est noir

zulu.jpgEn Afrique du Sud, des policiers enquêtent sur le meurtre d’une jeune femme. Ce qui pourrait être un crime isolé ordinaire révèle une affaire bien plus complexe et sordide...

Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir. Zulu commence avec des plans classiques pour les films policiers : le flic (Orlando Bloom) dort, le réveil sonne, le type semble dépité, et son premier réflexe est de boire au goulot une bouteille de whisky (mouui… moi au réveil je bois ma chicoré, l’ami du petit déjeuner, on ne joue pas dans la même catégorie). Parfois dans ce genre de film, on a le droit à la somptueuse femme nue à côté du gars, qui se fait virer comme une malpropre ("dégage, j’ai du boulot") (il me reste encore mon génépi à finir). Zulu choisit cette option, avec en prime les tatouages du héros : traduction, c’est un homme complexe et torturé, un flic aux allures de bad boy, qui cache des démons intérieurs. Pourquoi pas. Puis choisir Orlando Bloom, l’elfe lisse et coincé du Seigneur des anneaux, le gentil héros amoureux de Pirates des Caraïbes, c’est une idée originale, comme nous l’explique le réalisateur : « Orlando n’a jamais joué dans ce genre de films (…) il  dégage une énergie très positive, et pouvait justement éviter le cliché » (hum).

Orlando/Brian le flic rebelle, a pour partenaire Forest Whitaker (Le majordome), qui joue le policier placide, calme et rassurant, et Conrad Kemp, le timide très amoureux de sa femme. Les amis, différents et complémentaires, se réunissent autour du repas dominical. On se croirait presque dans Vincent François Paul et les autres. Que nenni. Les flics partent mener une enquête de routine, et là, bam, sans prévenir, tout part en sucette, les flingues sont de sortie, le sang gicle, les mains et les oreilles volent (ou presque). Mémé se retrouve bouche bée et clouée à son fauteuil. M’enfin ?! Mais que se passe- t-il ?
A partir de là l’histoire prend une toute autre tournure, l’enquête sur le meurtre de la jeune fille est rapidement élucidée et oubliée, une fille tabassée à mort, c’était de la gnognotte, on passe aux choses sérieuses, avec des méchants détestables partout, des gentils qui meurent, du complot, des rebondissements, et du sang, beaucoup trop de sang…

zulu persos.pngJe préfère donc vous prévenir, le film est violent, mais ce n’est pas pour vous faire fuir : au contraire, prévenus, vous pourrez mieux vous plonger dans l’histoire. Zulu est un thriller sociopolitique. Il évoque la réalité de l’Afrique du Sud, son passé l’apartheid, ses conséquences aujourd’hui.
Le réalisateur Jérôme Salle a choisi cette histoire, adaptée d’un roman, car elle se déroule en Afrique du sud, un pays qu’on voit rarement au cinéma, et elle évoque le sujet du pardon. Pardon ? Pour se venger un personnage abat tous les méchants qu’il trouve, comme dans un jeu vidéo shoot them up, puis s’acharne en poursuivant à cloche pied le dernier des salauds... (il pardonne quoi, Zulu, le film bisounours de l'année)
Le pardon se fait surtout à travers des références aux « commissions vérité et réconciliation » mises en place à la fin de l’apartheid, afin d’éviter l’engrenage de la vengeance et de permettre aux bourreaux de demander pardon à leurs victimes et d’être ensuite amnistiés. Pourtant ce sujet n’est guère détaillé comme s’en justifie le réalisateur : « car il est très connu pour un Sud africain, c’est comme si on nous expliquait le 14 juillet ». Dans le film, le père d'Orlando/Brian était un bourreau, et celui de Forest, une victime. Pour le metteur en scène les personnages sont à l’image de leur pays, vivant avec le poids du passé. Noir ou Blanc, ils portent la responsabilité des actes de leurs parents. Forest Whitaker l’analyse ainsi : « On n’efface pas en une décennie des années de haine et de combat. Comment dépasser le sentiment de violence ? Comment considérer comme partenaire aujourd’hui celui qui était oppresseur hier ?»

Zulu a été tourné dans les Cape flat, quartiers « colored » là où aucune équipe de tournage n’a jamais mis les pieds : là où sévissent les gangs. Pour réussir cet exploit, le co-scénariste Julien Rappeneau (fils de Jean-Paul) plaisante « on a dû dealer avec les gangs pour pouvoir tourner : leur acheter toute leur coke, si vous en voulez… » Orlando Bloom s’est même fait voler son ordinateur, et pour le récupérer, le gang qui assurait la sécurité du tournage menaçait de violer l’auteur du larcin… Aaaah, c’est frais, c’est gai…
Je ne comprends pas trop pourquoi le réalisateur est « tombé amoureux de Cape town où se déroule l’histoire. Après y avoir vécu presque une année entière, je me sens chez moi là-bas ». Mémé Papillote a la phobie de l’avion et fait une jaunisse à l’idée de quitter sa tanière, alors les gangs des bidonvilles... Enfin, lorsqu’on sort des township, la beauté et la diversité des paysages est à couper le souffle : désert, mer, falaises…

En tournant dans de réels bidonvilles, à ses risques et périls, on sent que le réalisateur a mis toutes ses tripes dans le film. Mais il n’était pas obligé d’en étaler autant à l’écran… Malgré l’intérêt certain de Zulu, toute cette violence gratuite m’a fait progressivement décrocher de l’histoire, et j’ai passé autant de temps à me cacher les yeux qu’à suivre l’écran. Le film est interdit au moins de 12 ans, je ne le savais pas, et je ne m’étais sans doute pas préparée.
Le co-scénariste nous assure cependant que le roman dont est adapté le film est « plus violent » et que le scénario est « édulcoré, car ça en devenait ridicule : dans le livre, on arrache les deux mains et on les met à cuire au barbecue » (on a eu le droit qu’à une seule main coupée et gentiment laissée tranquille ensuite, quelle chance). Jérôme Salle nous affirme « je ne voulais pas être complaisant avec la violence, je n’aime pas qu’on m’en impose en général » Ah ?! Je n’ose pas imaginer ce que ça aurait été dans le cas contraire… Mémé doit être une grosse chochotte, pourtant j’aime beaucoup les films à sensation, mais lorsqu’ils sont tellement outranciers qu’on peut les prendre à la rigolade, et sans rapport avec la réalité (on voit rarement des zombies et des loups garous dans les rues de Paris). Ici, le film est sérieux et on sait que ces faits atroces existent, ce n’était pas la peine de le souligner autant… Le cinéaste voulait « tourner un film âpre (…) rude, au montage serré, pour coller à la violence de l’histoire. » En effet.

Zulu a poil orlando !.jpegOn a la chance de pouvoir poser des questions à l’équipe. La première personne se lance : « Est ce que le film a été difficile à tourner ? » (au milieu des gangs, penses-tu, après le tournage on faisait du tricot). Mais la question primordiale, pour mon amie et moi, est plutôt : « Est-ce que les scènes de nu avec Orlando Bloom étaient difficiles à tourner ? » C’est son vrai cul qu’on voit à l’écran ?  Je ne doute pas que l’acteur ait donné de sa personne : pour se mettre dans son personnage il a fait des abdos fessiers pendant trois mois il est arrivé un mois avant le tournage pour parler avec l’accent du pays.

D’ailleurs, le film étant français, et se déroulant en Afrique du sud, pourquoi choisir des acteurs anglais et américains ? « car on avait besoin de deux acteurs connus » et bankable. Mais tout le reste de l’équipe et du casting est composé de Sud-africains. Orlando Bloom estime que « Parce que Jérôme est français, parce qu’il n’a pas grandi en vivant tous les aspects sociopolitiques de ce pays, il a pu garder un œil objectif sur les aboutissants de son histoire. »
Si l’acteur s’est aussi tant investi dans son rôle, c’est sans doute aussi parce que son père, qui n’était en fait pas son père biologique (il l’a découvert à 13 ans), était un journaliste et écrivain sud-africain connu, militant anti-apartheid. Il a dû fuir le pays et c’est ainsi qu’il a rencontré la mère d’Orlando en Angleterre.

Le film est adapté du roman éponyme de Caryl Férey. L’écrivain avait «  une totale confiance (…) la vision que donne Jérôme correspond à la mienne ». Je n’ai pas lu le livre, mais certains personnages féminins du roman sont délaissés dans le film.
Jérôme Salle est le réalisateur des deux Largo Winch, que je n’ai pas vus, et du thriller Anthony Zimmer, avec Yvan Attal et Sophie Marceau. Le cinéaste révèle « si c’est mon quatrième film, c’est peut-être le premier dont je sois vraiment fier. En tout cas, c’est celui qui ressemble le plus à ce que je souhaite faire en matière de cinéma. »

Vous pourrez le constater par vous-même en allant voir Zulu. Je ne vous mets pas la bande annonce qui dévoile trop le film, mais une featurette sur les personnages.