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05/09/2009

Les vieux

fleur du jardin.jpgA la campagne, on connaît des vieux vraiment vieux. (Oui je sais, pour être politiquement correcte, je devrais écrire « personne âgée », « du troisième âge » ou je ne sais quel nouveau terme inutile. J’appelle un chat un chat : un vieux est une personne plus âgée que moi. La définition change donc à chaque anniversaire.)
Comme on dit dans mon patelin, ces vieux « savent plus c’qu’ils y cherchent ». Traduction : « ils perdent la boule ».

Le téléphone sonne. Une femme prévient qu’une vieille cousine l’a appelé pendant 20 minutes en pensant s’adresser à ma mère. La cousine lui a raconté que, voulant caresser un chat de l’autre côté de la rue, elle a traversé et une moto l’a heurté. Elle s’en tire avec des égratignures, mais on l’a transporté à l’hôpital, les gendarmes sont venus…bref toute une histoire.

Plus tard, le téléphone sonne encore. Je réponds.
Moi : «  Allo ?
Vieille : -Ah ! C’est Bibiche !
Moi : - euh…non…
Vieille : - Bibiche, c’est mémé Nono !
Moi : - euh… j’vous passe ma mère ! »
c’est la vieille cousine qui confond ses interlocuteurs.

Coïncidence, pendant que la cousine répète son aventure à ma mère en pensant s’adresser à sa fille, deux autres vieux se pointent chez nous. L’un s’est fait opérer de la thyroïde. Les docteurs ont touché les cordes vocales et depuis il ne lui reste qu’un mince filet de voix. Un médecin a voulu faire la même opération sur ma mère. Heureusement que celle-ci a refusé, car un an plus tard, verdict du docteur : « C’est étrange, je ne pensais pas que les médicaments vous soigneraient, vous êtes guérie ! »

La deuxième personne a la maladie d’Alzheimer. Elle n’est plus autonome. Si elle cuisine une tarte, elle la laisse refroidir sur le rebord de la Litchi étonné.jpgfenêtre, l’oublie puis en refait une. A noël, les convives ont ainsi eu droit aux doubles des plats. Déjà que le repas était copieux…
Installée dans notre salon, la femme parle peu, les yeux perdus dans le vague (« les vieux ne parlent plus ou alors seulement du bout des yeux »). Gênée, je me demande si elle parvient à suivre la conversation. La femme s’anime enfin en remarquant les chats qui jouent : « Oh ! Mais t’as deux chats ! ». Elle replonge immédiatement dans l’inertie, pour se réveiller encore en sursaut trois minutes plus tard quand le chat se frotte à ses jambes : « oh ! Mais t’as deux chats ! »

papille étalée.jpgSi la femme oublie le présent, elle se souvient en revanche très bien du passé. Elle me raconte avec précision comment, 67 ans auparavant, elle donnait à manger à un résistant caché dans les bois. L’homme, (dont elle se rappelle parfaitement le nom mais que moi j’ai déjà oublié) a été dénoncé et elle ne l’a plus jamais revu.

Si les faiblesses des vieux me mettent mal à l’aise, j’aime bien quand ils racontent des anecdotes « des autrefois » comme on dit ici. Parfois les gens s’adressent aux vieux comme s’ils avaient deux ans ou étaient demeurés. Moi je leur parle avec leur accent et leur patois sans même m’en rendre compte.

J’essuie mes lunettes avec un mouchoir en tissu. La femme le regarde sous toutes les coutures, puis le garde dans ses mains. Elle fait de même avec mon gilet posé sur une chaise :
« C’est à moi ça ?
- non c’est le mien. »
Elle récidive cinq minutes après, puis demande avant de partir :
Femme : « - c’est à moi ça ?
Moi : - Non, c’est le mien
Femme (embarassée) : -  je m’excuse, hein ! »
Bien sûr je n’ai pas osé lui dire qu’en revanche, elle partait avec mon mouchoir. Cette forme de kleptomanie due à l’alzheimer lui est déjà arrivée, mais dans un grand hôtel et avec un vêtement beaucoup plus luxueux…

En la raccompagnant elle et son mari opéré de la thyroïde, ma mère croise le fils de sa cousine :
- Alors, ta mère s’est fait renverser par une moto ?
- Penses-tu ! Elle a tout inventé ! C’est pas la première fois, elle a un semainier pour ses médicaments, parfois elle prend tout d’un coup et elle a des hallucinations. »

Conclusion de cette journée, comme on dit par chez moi : « eh ben, y fait pas bon d’vieillir. »

Après avoir bien plombé l’ambiance, la prochaine fois je vous raconterai les conséquences de la crise économique sur… ça va je déconne. Ce n’est pas de ma faute, c’est la rentrée qui est déprimante… Non, dans les prochains textes je reviendrai à des sujets aussi sérieux que le tricot ou mon daltonisme découvert à 14 ans (ça faisait longtemps que j’avais pas alimenté la rubrique « j’ai bobo là »)

Quizz on connaît la chanson : qui est l’auteur de la citation en italique sur les vieux ?