27/05/2012
La rubrique nécrologique de la semaine : Lagaffe danse Stayin' alive
Lundi matin, 8 heures, le réveil se met en route comme chaque jour sur Radio Nostalgie :
« On apprend le décès de Robin Gibb, l’inoubliable Bee Gees, des suites d’un cancer du côlon, à l’âge de 62 ans… »
Je vous laisse deviner quelle chanson m’a occupé l’esprit toute la journée. Quand on invente « staying alive », on n’a pas le droit de mourir.
Déjà, en m’habillant, j’abandonne enfin mon manteau d’hiver pour mettre mon blouson en skaï . Je choisis inconsciemment un jean au fond évasé, un peu patte d’eph, et des bottines en cuir. Bref, le sosie de John Travolta marchant dans Saturday night fever.
Je sors pour rejoindre le métro, toujours la chanson en tête. Je me rends compte que j’avance en rythme, comme l’acteur. (Malgré moi, dès que j’entends de la musique dans la rue, je ralentis et me cale sur le tempo, même si je n’aime pas l’air que j’entends.) Je fredonne. Sur le quai, une femme me fait un large sourire et hoche la tête d’un air entendu. Elle m‘aperçoit chuchoter le « ha, ha, ha, ha, stayin’ alive, stayin’ alive » tout en dodelinant la tête. Voyant qu’elle a compris la référence (elle a dû apprendre la nouvelle) je balance furtivement un bras en bas et l’autre en haut avec le doigt levé, comme Travolta. La femme éclate de rire. Un type l’entend et se retourne vers moi, mais replonge immédiatement dans ses pensées. Dans le métro, les gens ne sont guère attentifs et restent dans leur bulle déprimée.
J’arrive au bureau. Le lundi matin, le chef est en réunion jusqu’à 9h30. Alors quand le chat n’est pas là, les collègues partent en longue pause café et la Papillote danse. Seules deux (sur dix) collègues sympas sont présentes. Je rentre par la porte du fond et traverse l’allée centrale de l’open space en chantant :
« Well you can tell
by the way I use my walk
I'm a woman's man
no time to talk
Music loud and women warm
I've been kicked around
since I was born ! »
J’atteins le bout de l’allée et me retourne en faisant le classique déhanché de Travolta. Mes collègues sifflent et tapent des mains :
« Whouhouh ! C’est tout à fait ça !
- Tu danses trop bien ! »
A cet instant, la porte du bureau s’ouvre brusquement :
- C’est quoi ce bordel ?! »
Ouf, ce n’est pas le chef, simplement le collègue qui m’avait demandé de faire son boulot à sa place. Pour une fois, je ne suis pas prise en flagrant délire.
20 minutes plus tard, Prunelle revient de sa réunion. Comme toujours, les conversations cessent en plein milieu d’une phrase. Je trouve cette réaction stupide et hypocrite. Prunelle doit forcément nous entendre jacasser et rire depuis le fond du couloir, et quand il ouvre la porte, plus un bruit ! C’est un chef mais pas un kapo tout de même, même si la traduction signifie la même chose. Il déteste quand on parle, pourtant je rappelle que l’on fait un travail répétitif qui ne nécessite aucune concentration. Alors je papote tout de même de temps en temps pour briser le silence pesant, pour que le temps passe plus vite, et Prunelle pousse de lourds soupirs pour signifier son mécontentement. Parfois quand mes collègues rigolent de mes réflexions, il les gronde comme des enfants : « oh, un peu de sérieux ! » et les employés baissent la tête sans dire un mot jusqu’au restant de la journée, interminable.
Rompant le silence de mort, le collègue qui m’avait surprise dit au chef :
« Vous avez raté quelque chose tout à l’heure !
-Ah ? Quoi ?
-Papillote qui chantait et dansait ! Fallait voir ça !
Le chef me lance un regard furibond. Je suis cramoisie. Mais comme d’habitude, j’en rajoute une couche :
-Nan mais le chanteur des Bee Gees est mort ce matin, fallait bien lui rendre hommage ! »
Et pis d’abord, je n’ai pas chanté Stayin’g alive en entier, seulement le premier refrain, et je n’ai pas fait ma chorégraphie complète, savamment élaborée au fil des soirées arrosées.
Je pense que mon collègue a tenu là sa vengeance, puisque je n’ai pas fait son travail à sa place et qu’il s’est donc fait engueuler par Prunelle.
Je vous rassure, le jour du décès de Donna Summer, je n’ai pas fait la chorégraphie des Full Monty sur Hot Stuff.
19:57 Publié dans La rubrique nécrologique, On connaît la chanson, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : travail, gaston lagaffe est mon idole, bee gees, donna summer, musique, saturday night fever | | Facebook