11/12/2014
Men, women & children... et les blogueurs !
Portraits croisés d’adolescents et de leurs parents. Ils passent leur temps sur leurs écrans, portables, facebook, sites de rencontre. Pourtant malgré ses réseaux sociaux, ils sont incapables de communiquer vraiment…
Helen et Don (Adam Sandler) se lassent de leur vie de couple monotone. Ils expriment facilement sur Internet leur vie la plus privée et leurs frustrations à des inconnus, sans savoir en parler au premier concerné : le compagnon juste à côté. Quant à leur fils de 15 ans, il surfe sur des sites pornographiques, qui par leurs prouesses impossibles, le coupent de la réalité de la vie amoureuse. Il est alors incapable de suivre une relation normale avec une fille, Hannah. Adepte des émissions de télé-réalité, Hannah veut absolument connaître la célébrité. Pour cela, elle crée un site internet où elle expose des photos d’elle. Harcelé par sms, Tim se réfugie dans le monde imaginaire des jeux en ligne. Il rencontre une fille isolée comme lui, mais par sa mère (Jennifer Garner) qui la surprotège. Cette dernière a peur des dangers d’Internet et espionne les moindres faits et gestes de sa fille sur les réseaux sociaux.
Les dangers d’Internet, le manque de communication et la société du paraître : voici les thèmes principaux abordés par le film. Adam Sandler déplore : « on trouve tout et n’importe quoi sur Internet. Il y a de quoi traumatiser un homme adulte, alors imaginez un ado de quinze ans ! (…) L’un des points forts du film est de montrer combien les gens deviennent insensibles et blasés ». Le réalisateur Jason Reitman ajoute : « Si on veut faire quelque chose de potentiellement nocif (comme un personnage qui devient anorexique) il y a toujours quelqu’un, derrière l’écran, prêt à vous dire que c’est bien. Et on se replie donc au sein de ces communautés au lieu d’être proches de nos amis et de notre famille. »
Le cinéaste explique : « Si vous abordez des thèmes difficiles avec humour, d’une certaine façon cela favorise le dialogue et permet d’aller plus en profondeur pour évoquer des sujets plus sombres qui, parfois, nous mettent mal à l’aise. C’est pour cette raison que j’ai choisi des acteurs comiques » (comme Adam Sandler, « Funny people »).
J’ai trouvé justement que le film se borne à un simple constat, quasi documentaire, sans développer de vraies histoires de cinéma, pleines d’émotion. Il n’est également pas assez drôle, ces sujets sont souvent tristes et glauques. Je n’ai pas senti l’ironie mordante et légère de son Thank you for smoking. On retrouve en revanche les sujets de prédilection de Reitman : l’incommunicabilité en amour (In the air, Last days in summer) et ses personnages favoris, les adolescents (Juno) et ceux qui se comportent comme tels (Charlize Theron dans le très bon Young adult).
Il est rare de voir un film traiter des réseaux sociaux (à part l’excellent The social network de David Fincher). Pourtant, on s’attend ici aux différents profils montrés, car on les connaît déjà. A moins de vivre dans un trou perdu sans Internet, comme la famille Papillote, qui ne possède ni téléphone portable ni ordinateur (ma mère se croit enfin branchée quand elle me dit « tu écris un maille ? »)
Mon surnom étant pourtant mémé nulle en nouvelles technologies, je me suis tout de même un peu reconnue dans ce film. Moi aussi, je passe plus d’une heure par jour à envoyer des sms… mais uniquement à mes amis que je connais « IRL » comme on dit. Je ne dialogue pas souvent sur twitter ou facebook, et seulement avec des blogueuses que je lis depuis longtemps, que j’ai rencontré pour certaines. Elles m’ont d’ailleurs dit que je correspondais à l’image que je donne sur le blog. Certaines me croyaient même moins bien, car en général les gens se vantent sur Internet, alors que je fais plutôt preuve d’autodérision… Je me souviens du : « ah c’est toi ? Mais je croyais que t’étais grosse ? Ben oui, tu te surnommes l’estomac sur pattes ! » A l’inverse, j’ai vu des blogueuses qui se proclamaient reines de beauté et de la mode, enchaînant les conquêtes (rencontrées sur Internet !) Je pensais passer pour une plouc sortie de ma cambrousse comme d’habitude mais j’avais l’air d’une mannequin à côté… (j’ai surpris aussi la triste conversation de certains hommes sur une de ces femmes : « c’est elle ?! Mais on dirait une vache ! »)
C’est le paradoxe des nouvelles technologies, censées nous relier les uns aux autres, mais qui provoquent l’inverse : on reste fixé sur nos écrans, à dialoguer avec des inconnus sur les réseaux sociaux, ou pire à monologuer dans le vide, sans voir les gens autour de nous. Sur Internet, on peut se créer une nouvelle identité (comme une adolescente du film qui se crée un avatar) mentir pour se mettre en valeur : personne ne nous connaît pour vérifier qui l’on est vraiment.
Il est dommage que le film, malgré sa multitude d’exemples, n’aborde pas celui des blogueurs : c’est celui qui inonde Twitter de bons mots (en général moqueurs, les plus faciles, la tendance actuelle) qui sera le plus populaire. Il faut publier le plus possible, même si les propos sont ineptes, uniquement pour avoir une visibilité. « être connu » se confond avec « être reconnu »… J’ai d’ailleurs souri lorsque certains blogueurs influents, ayant totalement intégrés les nouveaux principes des réseaux sociaux, ont critiqué le film… Il n’y a que la vérité qui fâche.
Jason Reitman espère qu’« Avec un peu de chance, (le film) poussera le spectateur à réfléchir sur son identité, sur sa place dans la société et ses rapports à son entourage ». Pari réussi pour moi.
14:56 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cinéma, jason reitman | | Facebook