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29/03/2014

Diplomatie

diplomatie.jpgLe 24 août 1944, hôtel Meurice. Le gouverneur de Paris, le général Von Choltitz, reçoit de la part d’Hitler l’ordre de détruire la capitale. Le consul Suédois Nordling assiste en secret aux derniers préparatifs : les ponts et les monuments emblématiques de la ville sont minés et une seule confirmation les fera exploser. Le consul passera la nuit à convaincre le général de ne pas commettre une telle folie irréparable… Vous pouvez voir la bande annonce de Diplomatie ici.

Paris brûle-t-il ? Ou plutôt Paris se noie-t-il, car l’explosion des ponts devait plonger sous l’eau le cœur de la ville. « Devait » évidemment, car Paris n’a pas été détruit, la Tour Eiffel, l’opéra Garnier sont toujours là…Contrairement à Titanic, Paris n’est pas immergée, et comme Titanic, on connaît la fin de l’histoire. Pourtant on se laisse happer par cette histoire passionnante.
En tant que littéraire fan de discours, je me suis évidemment régalée à écouter cette joute verbale, cette démonstration implacable et irrésistible de l’art de la rhétorique. J’étais accompagnée d’une scientifique, pas très cinéphile, et surtout pas très bavarde, qui a autant aimé que moi.

Les personnages ont réellement existé et se sont rencontrés pour parlementer, mais on ne sait pas ce qu’ils se sont dit réellement, l’auteur l’a imaginé. Ce film de Volker Schlöndorff (Le tambour, palme d’or et oscar du meilleur film étranger en 1980) est adapté d’une pièce de théâtre. Les deux acteurs principaux incarnaient déjà les personnages.
On sent qu’ils sont rodés, se connaissent, et peuvent peaufiner leur ton, leur gestuelle, leurs regards. Ils déclament leur texte avec une grande aisance. C’est un plaisir d’observer et d’écouter ces deux grands que sont Niels Arestrup (césar du meilleur acteur dans un second rôle pour Un prophète, et plus récemment Quai d’Orsay) et surtout André Dussollier, sa voix grave et douce reconnaissable entre toutes.
Le film étant adapté d’une pièce, on pourrait reprocher un côté « théâtre filmé », manquant de scènes d’extérieur et avec une mise en scène peu imaginative. Mais il fait appel à des images d’archives percutantes, et le texte est si puissant qu’il occulte ce souci.

Comme le consul incarné par Dussolier, j’aimerais maîtriser l’art du discours et de la diplomatie… Faire passer les idées en douceur, savoir convaincre, s’adapter au profil de l’interlocuteur, à ses retournements de position, et avoir de la répartie. Je peux prévoir un texte pour persuader quelqu’un (me faire des scénarios avec dialogue complet est ma spécialité), mais la personne réagit rarement comme prévu, et j’en suis décontenancée. Souvent, je trouve la bonne répartie… mais après deux heures de rumination : « J’aurais dû dire ça ! » Si l’interlocuteur est hostile, même si j’ai une réponse adéquate, je n’ose pas la sortir car j’ai peur d'envenimer les choses. Je reste muette d’étonnement, ou je rougis de colère, et je pars avant de dire des choses blessantes. Ou alors, si le sujet est important, j’explose sans mesurer mes propos.

Ainsi, avec Papillote dans le rôle du consul, le dialogue aurait tourné cours très vite. Offusquée, je n’aurais pas pris de pincettes ni abusé de la flatterie comme Dussollier :
« Qu’est ce que j’apprends ?! C’est quoi ce bordel ?! Hitler veut faire sauter Paris, tout ça parce qu’il voit qu’il va perdre la guerre et veut se venger ? Et faire disparaître en priorité les monuments comme l’opéra Garnier, justement son préféré, parce qu’il a été refusé dans une école d’art ? Nan mais vous vous rendez compte que c’est complètement crétin, vous êtes pas aussi con pour faire une débilité pareille, hein, M’sieur Von Truc, Saucisse là ?! »
Non, c’est sûr, avec moi, Paris aurait sauté, et le film aurait duré deux minutes.

Et vous, que pensez-vous du film ?