18/02/2011
J'ai plus les yeux en face des trous (ter)
Je dois maintenant apprendre à rééduquer ces petits rebelles d’yeux qui se font la malle.
L'orthoptiste approche son crayon de mon regard, je dois fixer la pointe et n’en voir qu’une seule. En général la mine se dédouble au bout de trois secondes puis la deuxième s’éloigne, s’éloigne… ce qui signifie qu’un œil se barre aussi. Là l’orthoptiste crie :
« Ramenez votre œil ! Ramenez votre œil ! Je le vois, il s’en va là !
- Je peux pas, il veut pas ! »
C’est surréaliste comme conversation, mais ceux qui ont fait de la rééducation comprendront.
Après, l’orthoptiste me fout sous le nez l’image d’un lion à côté d’une cage, et je dois faire rentrer l’animal dans son cachot. Je ne suis pas un dresseur moi, je ne maltraite pas les gentilles bêtes de la savane. Je ne parviens qu’à faire rentrer la tête de la pauvre bestiole. Pareil pour l’âne, je dois lui recoller sa queue (quelle idée de perdre sa queue aussi). Après je regarde une bouée qui doit se transformer en puits (en fixant le centre je dois voir un vide en profondeur), mais à la place j’observe une tour qui me fonce dessus (donc l’inverse de l’effet recherché)...
Rigolez hein, vous verrez quand vous serez vieux des yeux comme Mémé Papillote.
Les séances durent une vingtaine de minutes, deux fois par semaine, pendant deux ou trois mois. L’ophtalmo m’explique que ce travail est intense, donc après chaque séance j’aurai des migraines qui me forceront à me coucher. Ben non. J’ai pas dû assez travailler (c’est pour ça que le lion ne rentrait pas dans sa cage)
Au bout de trente séances, j’arrive à peu près à contrôler les mouvements de mes yeux. Je peux voir double ou net à la demande.
Un an plus tard, les migraines reviennent. Je retourne chez l’ophtalmo. Il m’avait annoncé que l’hypermétropie disparaîtrait sûrement dans l’année, et pourtant il me déclare maintenant que ma vue a empiré et qu’il triple ma correction. Je m’imagine déjà avec des lunettes à vie. Surtout qu’apparemment, les verres donnent l’impression que mes yeux sont plus gros, et mes yeux sont déjà grands. Pour m’énerver mon frère m’imite en écarquillant les yeux et en me donnant un nouveau surnom, la chouette (celui qui ose m’appeler comme ça sera banni de ce blog je vous préviens !)
Je dois revoir le médecin. Cette fois, un peu échaudée par la première un peu psychédélique, je vais voir une autre orthoptiste conseillée par mon ophtalmo.
Je lui précise que mes toutes nouvelles lunettes et corrections ne me permettent pas de voir net à plus de deux mètres, et de près, je vois très gros. Je mets essentiellement mes lunettes pour lire ou regarder l’ordi, mais c’est embêtant quand même (quand je me lève pour me réapprovisionner en chocolat, je n’ai pas le réflexe d’enlever mes lunettes et je me cogne aux meubles)
Au fil des séances, le problème ne s’améliore pas. L’orthoptiste est de plus en plus impatiente et m’engueule :
« Si vous ne voyez rien, c’est parce que vous regardez mal ! Vous ne faites pas d’efforts !
Moi : - Je vous assure, je vois flou de loin avec ces lunettes ! Ça ne me le faisait pas avant !
Orthoptiste :- Arrêtez d’accuser les lunettes! Le problème vient de vous !»
A la fin des 20 séances, j’ai réappris à contrôler mes yeux, mais je ne vois toujours pas net de loin. Alors je développe le syndrome Bernard Pivot, que j’ai gardé depuis : je regarde par-dessus mes lunettes. Les enfants que je garde se moquent de moi en disant que ça me donne l’air d’une vieille (je préfère dire d’une intello, non mais)
Un an plus tard, je prends le rendez-vous de contrôle chez l’ophtalmo. Il est absent et sa secrétaire me conseille un collègue.
Le nouvel ophtalmo observe mes verres :
« Mais qu’est ce que c’est que ça ! C’est un grossissement à 0,75 et vous n’avez besoin que de 0,25 ! Normal que vous ne voyez rien dans vos lunettes !! Et vous êtes restée un an comme ça ?!!
Moi : - Mais l’orthoptiste m’a dit que c’était de ma faute !
Ophtalmo : - Et quel est son nom ? Ça m’intéresse de le savoir ! »
Je lui donne. Il me révèle qu’elle est la femme de l’ancien ophtalmo… Pas étonnant qu’elle me dise que le problème venait de moi. Elle ne voulait pas avouer que son mari avait fait une erreur…
Je trouve ce médecin très compétent et je le revois chaque année pour mon suivi. Puis je déménage sur Paris. Je vais chez une nouvelle opthalmo. Elle est très sympa, on discute pendant une heure. Pourtant j’aurai préféré parler de mes yeux plutôt que du marché de l’emploi, de l’agriculture biologique et des … extraterrestres. Elle me note sur un bout de papier la fréquence radio d’un programme occulte diffusé à 3 heures du matin. Cette émission donne des révélations fracassantes sur les mystères qui nous entourent, mais qu’on nous cache.
Entre deux délires, l'orthoptiste me regarde vaguement les yeux, pour m’annoncer qu’elle ne peut pas diagnostiquer l’évolution de mon hypermétropie parce que j’ai une conjonctivite, ça fausse les résultats. Bon, tant mieux, je ne vais pas me retrouver avec une correction inappropriée pour une fois. Je reviendrai plus tard. Elle me prend 125 euros, car au lieu de me donner un collyre comme tous les autres, elle me fait un fond de l’œil pour une simple conjonctivite… elle m’affirme que je serai remboursée intégralement. J’ai reçu 44 euros de la sécu.
Bizarrement, je ne suis jamais retournée chez la fana d’extraterrestres.
Et vous, vous tombez aussi sur des médecins bizarres ou c'est moi qui les attire tous ?
16:54 Publié dans J'ai bobo là | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : orthoptie, chouette, la hulotte, le journal le plus lu dans les terriers | | Facebook