14/07/2019
De Parasite à Memories of murder, classement :
Bong Joon-Ho a enfin obtenu la palme d'or avec Parasite ! Si je devais classer ses films, je mettrai en premier :
- Memories of murder, 2003
Histoire vraie du premier serial killer coréen, mobilisant 300 000 policiers, qui ont interrogé + de 3000 suspects. Un faits-divers si incroyable que le cinéaste n'a pas tout retranscrit. Par exemple, les inspecteurs désespérés ont consulté des voyants : "s'ils se baignaient nus dans la mer en guise d'offrande aux esprits, le tueur serait arrêté en moins d'un mois". "Deux policiers haut-gradés choisirent la dernière nuit de janvier pour se déshabiller et s'asperger mutuellement d'eau glacée avec un baquet". Etc. Memories of murder reste pour moi numéro un, car c'est le premier film de Bong que j'ai découvert. Une telle claque à l'époque que je n'ai pas osé le revoir avant 15 ans, par crainte de ne plus le trouver aussi bien. Précaution inutile : j'ai été autant scotchée la deuxième fois. Incontournable.
- Parasite, 2019
Lire ici et là.
- Mother, 2009
Encore un thriller révélant l'incompétence de la police coréenne, mais dans un registre plus dramatique. Un jeune un peu simplet est accusé de meurtre. Sa mère tente tout pour l'innocenter et trouver le vrai coupable. Très beau, très sombre.
- The host, 2006
En déversant des produits toxiques dans le fleuve de Séoul, les Américains ont crée malgré eux un monstre qui attaquent les habitants. Une famille de paumés se concerte pour retrouver la plus jeune fille enlevée par le nouveau Godzilla. Comme Parasite, un film sur une famille atypique, qui mélange comédie et horreur.
- Snowpiercer, le transperceneige, 2013
En 2030, l'ère glaciaire est installée. Les survivants s'entassent dans un immense train où les plus pauvres survivent dans des wagons sordides, tandis que les plus riches s'amusent dans le confort des wagons de tête. Une poignée d'hommes tentent de renverser cette éternelle lutte des classes. Les riches contre les pauvres, un thème récurrent chez Bong, cette fois-ci traité dans un film d'action.
- Okja, 2017
Refusé à Cannes car produit par Netflix. Une multinationale américaine créée des cochons géants pour nourrir ses concitoyens toujours plus obèses et avides de viande. Le meilleur animal, Okja, a été élevé et aimé par une fillette et son grand père dans la campagne coréenne. Lorsqu'elle apprend que son meilleur ami va être mangé, la fillette, aidée d'une organisation de défense des animaux, part en croisade. Toujours la dénonciation de l’impérialisme américain, éloge de la simplicité et de l'écologie contre le consumérisme, toujours du grand guignol, mais le scénario m'a paru plus léger et caricatural (adapté au public américain ?)
- Shaking Tokyo, 2008 (court métrage faisant partie de Tokyo ! regroupant un film de Michel Gondry et un de Leos Carax). Un hikikomori (les Japonais vivant reclus) tombe amoureux de sa livreuse de pizzas. Un film sympathique, dommage qu'il n'arrive qu'en 3eme position après Carax le timbré et son film bien nommé "merde")
- Barking dog, 2000. Le premier film de Bong, qu'il a ensuite renié et qui demeure "introuvable" selon le distributeur. Je possède pourtant le DVD. Cette petite comédie où un professeur est obnubilé par les aboiements d'un chien dans son HLM est pourtant sympathique. On y voit les prémisses de la filmographie de Bong : la description de la vie des pauvres en collectivité...
19:27 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, palme d'or, cinéma coréen | | Facebook
11/07/2019
Parasite, qui est l'intrus ?
ENFIN !!! Enfin Bong Joon-Ho est récompensé, et par la palme d'or ! Enfin il est reconnu du grand public : un million d'entrées ! + de 15 ans, depuis l'énorme claque de son chef-d'oeuvre Memories of murder, 15 ans que je dis qu'il est un génie ! Mais la plupart du temps, on me répond : "qui c'est ?"
Quand je bossais au service culture d'un journal, à la réunion de travail, la rédactrice en chef m'avait sommé :
- Toi aujourd'hui, tu vas interviewer Machin (réalisateur français tombé dans l'oubli)
- Ah non, ya le festival du cinéma asiatique, j'y vais chaque année, avec Bong Joon-Ho qui vient présenter son dernier film, je ne rate pas ça !
- Le cinéma asiatique ? Quel intérêt ? (sic !)
- C'est juste le meilleur cinéma actuel, c'est tout.
- Jamais entendu parler. (sic bis) Tu iras interviewer le réalisateur français insignifiant."
(Pourquoi mettre à la tête d'un service culture, quelqu’un qui en manque cruellement...)
Evidemment j'ai désobéi. Je me souviens encore de la tête éberluée de la rédac chef quand elle s'en est aperçue.
Parasite m'a rappelé l'époque où je donnais moi aussi des cours particuliers à "mlle de", une aristocrate. Une vraie peste qui croyait que tout lui était dû et ne voyait donc pas l’intérêt d'étudier, puisque de toute façon, elle réussirait grâce à son nom connu et son réseau (aujourd'hui, elle bosse pour une start-up). Sa sœur en revanche estimait que les gens médiocres à l'école finiraient "poubelleurs".
Comme la demeure de Parasite, celle de Mlle de était immense. Le salon recouvert de marbre et de mobilier Louis Philippe acheté aux enchères était plus grand que l'appartement HLM où on avait vécu à 6, et j'en veux pour preuve que les petites y jouaient au badminton et à la trottinette... Le père fumait des gros cigares en lisant "yacht magazine" et la mère menaçait de s'installer en Suisse "car en France on paie trop d’impôts".
La leçon sur la révolution française et les classes sociales m'a marquée par cet échange :
"C'est quoi être riche pour toi ?
- Ben vivre dans un château.
- Mais alors tu es de quel niveau toi ?
- Bah normale" (dire que moi aussi la gueuse, je me considérais de la classe moyenne...)
La mère m'avait ensuite confié ses problèmes financiers, relativisant selon elle le fait qu'elle me payait au lance pierres : la famille venait d'acheter, en plus de leur logement principal dans le quartier le plus huppé de la ville, un chalet à Courchevel : "on a hésité, mais on a pensé que les enfants seraient plus à l'aise avec chacun leur espace, donc on a choisi finalement un chalet plus grand avec une 4ème chambre, et du coup on a dû l'acheter à crédit. Sinon avec juste 3 chambres, on le payait comptant évidemment."
Evidemment.
Comme la mère de Parasite qui estime que les gribouillis de son morveux sont dignes d'un génie (il est juste incompris) la mère de Mlle de expliquait le désintérêt de sa progéniture pour les études par le fait que la gamine était "surdouée" donc qu'elle "s'ennuyait" avec des gosses qui n'étaient pas de son niveau intellectuel. La petite peinait pourtant à soutenir un raisonnement cohérent, ses rédactions et son orthographe restaient déplorables. Mais la mère a quand même réussi à faire admettre sa fille dans "le meilleur collège privé de la ville" ("je connais bien le directeur, c'est un ami de la famille, il me doit bien ça".)
Avec ses propos de connivence comme si je les approuvais automatiquement, comme si on faisait partie du même milieu, je ne sais pas si la mère était si repliée sur son monde qu'elle ne se rendait pas compte que je n'en faisais pas partie, ou si elle estimait que mon avis de gueuse ne primait pas et tentait de me rabaisser, en me jetant à la face ses privilèges. En tout cas, l'histoire ne s'est pas terminée comme dans le film, mais comme pour Parasite, je me demande encore : "qui est l'intrus ?"
16:09 Publié dans Oh ? y a des gens autour !, On connaît le film, Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, parasite, c'est la lutte finale | | Facebook
09/07/2019
Parasite
Ma critique pourrait se résumer en une courte phrase : "c'est génial, courez-y." Allez voir ce chef-d'oeuvre comme je l'ai fait, sans savoir de quoi il parlait : le nom de Bong Joon Ho, l'un de mes réalisateurs préférés, me suffit. Sinon, vous pouvez lire la suite :
Dans Parasite, toute une famille est au chômage. Elle habite un quartier insalubre envahi de cafards, et vivote comme elle le peut de petits boulots. Le fils réussit à donner des cours particuliers chez des gens richissimes. En découvrant leur train de vie et la paie qu'il reçoit, il décide de faire recruter sa famille pour qu'elle en profite aussi... Voir la bande annonce en lien.
La première partie du film, un sourire béat illuminait mon visage, au point que j'en avais mal aux zygomatiques. Ce début en comédie sociale pleine de rebondissements est totalement jouissif. La suite tourne à la comédie noire, au thriller, voire au gore. Parasite est si riche qu'il en est inclassable.
Sous son apparence de comédie parfois grand guignol, Parasite est d'une grande profondeur et n'interroge pas seulement la société coréenne actuelle : le chômage touche le monde entier, et l'argent domine le monde. Qui sont les parasites au final ? Les pauvres qui veulent bosser à tout prix, ou les riches qui leur demandent de faire des choses qu'ils réprouvent ou jugent humiliantes (se déguiser lors d'une fête pour enfants) : "je vous paie pour ça".
Les personnages, pauvres ou riches, sont cupides, stupides et condescendants : les pauvres bernent les riches trop crédules, les riches estiment qu'ils sont supérieurs (les dessins du gamin sont forcément géniaux) que les pauvres sentent mauvais... Même s'ils se côtoient quotidiennement, ils ne comprennent pas ce que vivent les autres : lors d'un déluge qui ravage les habitations insalubres des bas quartiers, les riches de la colline se réjouissent de la fraîcheur apportée par l'averse... Tous vivent pour l'argent, mais aussi pour leur famille.
A l'image de la filmographie du réalisateur, Parasite traite de l'importance des liens familiaux. Le père de Bong est décédé lors de l'écriture du scénario, et le film semble un hommage au dévouement de cet homme.
Bong Joon ho apprécie Claude Chabrol, son film préféré de ce cinéaste, qu'il a visionné des dizaines de fois, est le même que moi, l’excellent Que la bête meure. Gros choc de mon adolescence, avec l'inénarrable Jean Yanne en brute perverse : "eh bien ce ragoût est tout simplement dégueulasse" demeure une de mes boutades fétiches pour casser l’ambiance des dîners de famille, comme dans cette scène en lien. Comme chez Chabrol, on retrouve la satire grinçante des bourgeois dans Parasite. Les pauvres "affreux sales et méchants" ne sont pas en reste. Par son côté thriller et suspense, le Coréen revendique également les inspirations de Clouzot (Les diaboliques) et d'Hitchcock. Il s'est également inspiré du classique La servante de Kim Ki young, ou dans un registre plus européen, the servant de Joseph Losey.
Si je devais émettre des bémols, j'ai trouvé le film un poil long, et je n'imaginais pas la fin ainsi, mais justement, le réalisateur nous surprend jusqu'au dénouement.
La palme d'or met enfin en lumière un cinéaste qui le mérite. Comme souvent, le festival de Cannes se réveille des années après, et ne récompense pas selon moi le meilleur film du nouveau palmé. Parasite est peut-être plus accessible que le reste de la filmographie de Joon Ho. Lors d'une rencontre avec le distributeur, il avouait avoir été scotché par Memories of murder en 2003, mais ne pas l'avoir acheté car "le public français n'était pas prêt". L'erreur est réparée 15 ans après, en le ressortant en salles, et en obtenant les droits de Parasite.
17:17 Publié dans On connaît le film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bong joon ho, parasite, cinéma, palme d'or, cannes 2019 | | Facebook