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22/03/2020

Le doutage : journal de confinement des gueux

confinement, littérature, on va tous creverLe « Journal du confinement » de Leïla Slimani, jour 1 : « J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant » Leïla Slimani, Ecri - vaine.
Dans le premier article du journal qu’elle tiendra dans Le Monde, la romancière raconte sa sidération.

confinement, littérature, on va tous creverLe « Journal du confinement » de Papillote, jour 1 : « J’ai dit à mon ordi que c’était un peu comme dans Zombie » Papillote, blo - gueuse.
Dans le premier article du journal qu’elle tiendra dans Le cinéma de Papillote, la gueuse raconte sa dépression.

confinement, littérature, on va tous creverJour 1. Cette nuit, je n’ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de ma chambre, j’ai regardé l’aube se lever sur les collines. L’herbe verglacée, les tilleuls sur les branches desquels apparaissent les premiers bourgeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis à la campagne, dans la maison où je passe tous mes week-ends depuis des années.
Pour éviter que mes enfants côtoient ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous nous sommes séparés, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrions. Ma mère est restée à Paris et nous sommes partis. D’habitude, nous remballons le dimanche soir. Les enfants pleurent, ils ne veulent pas que le week-end se finisse. Nous les portons, endormis, dans la cage d’escalier de notre immeuble. Mais ce dimanche, nous ne sommes pas rentrés. La France est confinée et nous restons ici.

confinement, littérature, on va tous creverJour 1. Cette nuit, je n'ai pas trouvé le sommeil. Par la fenêtre de mon studio, j'ai regardé midi continuer sur la rue. Le trottoir dégueulasse, les échafaudages sur les branches desquels apparaissent les premières fientes de pigeons. Depuis vendredi 13 mars, je suis encore à Paris, dans le 20 mètres carrés où je passe toutes mes journées depuis des années.
Pour éviter que je côtoie ma mère, il a fallu trouver une solution. Nous avons continué à ne pas nous voir, sans savoir dans combien de temps nous nous reverrons. Ma mère est restée dans sa cambrousse et je suis restée à Paris. D'habitude, je suis chez moi le dimanche soir. Je pleure, je ne veux pas que le week-end se finisse. Je me porte, déprimée, de la chaise de bureau au lit 40 cm à côté. Mais ce dimanche, je ne suis encore pas sortie. La France est confinée et je suis restée ici.

confinement, littérature, on va tous creverTout s’est arrêté. Comme dans un jeu de chaises musicales. Le refrain s’est tu, il faut s’asseoir, ne plus bouger. Un, deux, trois, soleil. Tu as perdu, il faut recommencer. D’un coup, le manège a cessé de tourner.
Il y a une semaine, je faisais encore la promotion de mon dernier roman. Je me réjouissais de rencontrer des lecteurs dans les librairies de France. Certains disaient,
« Je vous fais la bise, ça n’a jamais tué personne », et d’autres se moquaient de moi quand je refusais les selfies ou les poignées de main. « On ne va quand même pas croire à ces conneries », ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain.

confinement, littérature, on va tous creverNon non rien a changé, tout a continué. Le manège enchanté, tournicoti Tournicoton, moi je suis Pollux et je tournicote en rond.
Il y a une semaine, je faisais encore des examens pour ma dernière maladie. Je me réjouissais de rencontrer des docteurs dans mon hôpital parisien. Certains disaient "
je ne vous serre pas la main, ça pourrait vous tuer" et d'autres se moquaient de moi quand je refusais les poignées de main: "c'est sûr qu'avec ce que vous avez et votre boulot, vous allez choper cette connerie !" ai-je entendu. Il faut bien y croire puisque c’est là, puisque nous voilà cloîtrés, calfeutrés. Puisque jamais l’avenir n’a paru aussi incertain.

confinement, littérature, on va tous creverNous sommes confinés. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. Il est 6 heures du matin, le jour pointe à peine, le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, le camélia a fleuri. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre son amoureux, en cachant son visage dans son cou quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction.

confinement, littérature, on va tous creverNous sommes cons-finis. J’écris cette phrase mais elle ne veut rien dire. C'est une barbarité, je trouve ça tout à fait bouleversif. Je ne sais pas, je ne sais plus. Il est midi, le jour est bien entamé, il paraît que le printemps est déjà là. Sur le mur qui me fait face, l'échafaudage est désert. Je me demande si je n’ai pas rêvé. Ça ne peut pas être, enfin plus de travaux en permanence, plus de bruits insupportables. Cela ressemble aux histoires qu’on invente à Hollywood, à ces films que l’on regarde en se serrant contre sa bouillotte, en cachant son visage sous la couette quand on a trop peur. C’est le réel qui est de la fiction.

confinement, littérature, on va tous creverJ’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi et quand je suis en pleine écriture d’un roman, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon bureau. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Je sais rester en repos dans ma chambre. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement protégé. Le confinement ? Pour un écrivain, quelle aubaine ! 

confinement, littérature, on va tous creverJ’aime la solitude et je suis casanière. Il m’arrive de passer des jours sans sortir de chez moi parce que personne ne m'invite, et quand je suis en pleine écriture d’un roman que personne ne lira jamais, je m’enferme pendant des heures d’affilée dans mon studio. Je n’ai pas peur du silence ni de l’absence des autres. Mais je ne sais pas rester en repos dans ma chambre plus de 3 heures. Je ne peux écrire qu’une fois mon isolement contraint. Le confinement ? Pour un écrivain dans une grande maison en famille à la campagne, quelle aubaine ! Pour un nerveux hyperactif coincé seul dans un petit studio à Paris, quelle plaie !

Le doutage, un journal de confinement bouleversif, à suivre.