08/03/2015
Baby-sitting, 6 ans après
Souvenez-vous… C’était ma troisième note sur le blog, le 28 novembre 2008. Ma première garde d'enfants dans une famille :
"Samedi soir, je bosse. Enfin, mon boulot consiste à jouer à « croque carottes » avec des gosses de 4 et 7 ans. Éreintant.
La mère me dit : « Les enfants doivent être couchés à 21h30 au plus tard ». L'heure fatidique approchant, les petits refusent d’abandonner la partie de « stop ouistiti ». Je n’insiste pas trop : comme ça je m’occupe des mômes. Je ne suis pas grassement payée juste pour lire pendant qu’ils dorment. Et c’est samedi. Et puis les parents ne le sauront pas… Je cogite : "21h30, ils devraient être couchés…" Ils vont aux toilettes, se lavent les dents. Le fils se dirige vers son lit, la fille repose son tube de dentifrice… C’est bon, tout s’est bien passé. Il est 21h35. C’est pas pour cinq minutes… Allez vite, au dodo.
Et là, innocente, la petite dit : « c’est quoi ça ? Sur le savon ? Du sang ? »
Je regarde brièvement, entraînant déjà la fillette vers sa chambre : « Je sais pas… Sûrement du rouge à lèvres. » Tout en me disant qu’effectivement, ça ressemble à du sang, mais bon, on va pas chipoter, j’ai des enfants à coucher, et il est déjà 21h36 ! »
Soudain, la petite hurle. « DU SANG ! DU SANG !! DU SANG PARTOUT !!!»
En effet, j’en vois sur son pyjama, sur l’évier, par terre…
La gamine devient hystérique : « J’SUIS COUPEE ! J’SUIS COUPEE DU DOIGT!!
Et elle part en courant à travers la maison en semant des gouttes sur le sol.
Zen comme d’habitude, j’imagine juste que son doigt pendouille et que son frère l’a empalé en scandant « redrum ! redrum ! », que le sang va couler à flots, comme dans Shining.
Dans la réalité, la fille s’est simplement coupée avec... le bord du tube de dentifrice. Vous me direz, faut le faire. Spécialiste des bobos partout, j’ai déjà réussi cet exploit.
Je cherche un désinfectant, des pansements… rien. Je pense : « C’est impossible ! Sa mère est docteur ! Y en a forcément sous ton nez ! » La gamine hurle de plus belle, son frère est à deux doigts de faire une syncope. On entend le moindre bruit dans ces vieux immeubles haussmanniens mal insonorisés, et je prévois les flics qui sonnent à la porte : "c'est ici le gamin qu'on étripe ?" Dix minutes plus tard, je me résous à appeler la mère. Comme elle est au milieu d’une fête, elle n’entend pas son portable. Je m’efforce de laisser un message calme. Je force un peu la dose. Je chantonne d’une voix guillerette : « C’est juste pour savoir où sont les pansements, parce que la petite s’est un petit peu coupée » comme si je disais « C’est juste pour dire que c’est trop kikou lol avec les enfants ! Big bisous baveux ! Youpi ! »
Finalement je fais un bandage avec les moyens du bord : un mouchoir en papier. La petite se calme d’un coup. Elle enchaîne comme si rien ne s’était passé : « ze veux que tu me lises l’histoire avec la princesse ». Je m’exécute (pan !) tout en regardant discrètement la blessure. Oui, j’imagine encore que la coupure va se rouvrir et que la fillette va se vider de son sang dans la nuit…
Puis je remonte la piste de sang que la petite Poucette a laissée par terre. Je nettoie les gouttes sur le sol, l’évier, le mur. Comme une meurtrière qui fait disparaître la scène de crime. J’imagine les parents qui rentrent et voient le tableau : moi à quatre pattes par terre, en train de nettoyer le sang avec mon éponge, le t shirt taché de rouge, et leur disant avec un grand sourire niais : « tout s’est bien passé ! Non, j’ai tué personne ! » (cliquez sur l'excellentissime pub "il ne faut pas se fier aux apparences")
Quand les parents reviennent, ils sont un peu inquiets : « ça a beaucoup saigné ? » Pour ne pas les alarmer, je réponds « non, pas du tout ». Comme il reste encore des preuves sur le tapis, j’avoue que « si, un peu ». Heureusement la mère est cool : « Le doigt ça saigne beaucoup… j’ai rien chez moi pour soigner...pour un docteur...les cordonniers sont les plus mal chaussés… »
Soulagée qu’elle le prenne si bien, prise dans mon élan d’honnêteté, je me lâche. Je laisse éclater au grand jour mes talents scénaristiques et mon goût pour les films d’horreur. En fait, pour minimiser l’incident, je donne des détails avec l’humour et la légèreté qui me caractérisent (c’est ironique). La mère rigole, mais le père se sent mal : « Ah ! Non ! Raconte pas ! Je déteste le sang ! » Forcément, un parent ne ressent pas la situation de la même manière. Pour lui son enfant chérie avait échappé à la mort… Il n’aime pas le cinéma gore quoi.
Bref, pour une première garde dans cette famille que je ne connaissais pas, ça commence fort. Et bien sûr, les enfants qui devaient impérativement se coucher à 21h30, étaient au lit à 22 heures."
Plus de six ans après, je garde toujours ces enfants. A maintenant 10 et 13 ans, ils ont un tantinet changé...
Suite demain
22:08 Publié dans Parfois, je travaille | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : comment trouver une bonne baby-sitter | | Facebook
Commentaires
je me souviens d'avoir lu cette histoire sur le blog ! six ans déjà !
Écrit par : Céline | 10/03/2015
"c'est ici le gamin qu'on étripe ?" ^^ super l'image de Shining...
Écrit par : Ben | 10/03/2015
Céline : Le temps passe trop vite !
ben : j'ai été cool, je n'ai mis qu'une petite photo de Shining, pour faire moins gore...
Écrit par : Papillote | 10/03/2015
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