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13/03/2021

La nuit, j'écrirai des soleils

nuit soleil.jpgBoris Cyrulnik a popularisé le concept de résilience. J'apprécie sa douceur et son optimisme. J'ai lu quasiment tous ses livres, mon préféré reste "autobiographie d'un épouvantail".
Ce dernier ouvrage promettait de me plaire : le neuropsychologue constate que la majorité des écrivains, surtout du 19e, étaient orphelins. Il en conclut que l'art a transcendé leur manque. L'écriture leur a aussi permis de sortir de l'isolement, en créant une communion d'émotions partagée par les lecteurs.
C'est justement un constat que j'ai fait jeune, en lisant les biographies en postface de mes livres scolaires. Je me disais qu'un jour, si j'ôtais mon poil dans la main (à ce niveau on peut carrément parler d'un cheveu de Raiponce) je ferais des recherches pour le démontrer. Cyrulnik a bossé à ma place, ouf. 

L'avantage et l'inconvénient à la fois, c'est qu'il se répète, à travers toute son œuvre mais aussi dans le même bouquin. Par exemple, dans un précédent livre (je ne sais plus lequel), il citait un enfant qui réussit à se cacher lors d'une rafle allemande. Dans son autobiographie, il raconte encore cet épisode, mais en avouant que cet enfant, c'était lui, sans dire qu'il l'avait déjà révélé anonymement.
Cyrulnik ne manque ni de cohérence ni d'organisation, mais il a tellement peur de ne pas être compris du grand public en expliquant des concepts psy (attachement secure/insecure, résilience, etc...) qu'il reformule ses phrases (j'ai le même souci). Comme j'ai la mémoire qui flanche, je me souviens plus très bien, ce procédé m'arrange, mais Boris devrait peut-être consulter un confrère pour ce problème de radotage.

J'ai pris 6 pages de notes sur le bouquin. Je vous en livre 2, en 2 parties. J'ai regroupé les extraits qui traitent de l'écriture, en enlevant ceux qui détaillent les concepts psys. Je n'ai pas suivi l'ordre du livre, car parfois, l’auteur parle d'un sujet, puis d'un autre, pour revenir plus loin sur le premier thème. 

Besoin du manque pour créer :

p 85 : " Le manque aiguillonne le plaisir de vivre, c'est dans le noir qu'on espère la lumière. Sous la pluie on attend le soleil, en prison on rêve de liberté. "Ecrire pour sortir de prison ou pour oublier qu'on n'a pas de famille" dit l'écrivain T. Ben Jelloun. Que voulez-vous écrire quand on est aimé par de braves gens, qu'on se routinise à l'école, quand on gagne sa vie avec un petit boulot ? Rien. Rien à dire, rien à écrire. Normal quoi. rien.
Sans manque, nous n'aurions rien à créer. Sans rêves, nous serions inertes. Notre existence ne serait qu'un vide, un non sens pire que la douleur.

p 133 : "Quand il n'y a pas d'autre à aimer, on se replie sur soi. Mais quand on aime un autre et qu'il vient à manquer, il faut des mots pour combler le vide. Cela explique pourquoi "la fréquence de l'orphelinage ou des séparations précoces dans les populations créatives est un fait frappant". (André Haynal, dépression et créativité)
Vite, un récit pour évoquer ce qui a disparu. Sur 35 écrivains français les plus célèbres du 19e, 17 ont subi une perte, mort ou séparation d'un ou des deux parents. Balzac, Hugo, Rimbaud, Dumas, Maupassant mais aussi Baudelaire, Rousseau, Poe, Voltaire, Dostoïevski... Plus tard, Mallarmé, Sartre, Cocteau, Genet...
Les récits qu'on construit pour remplir ce vide créent un sentiment d'existence, malgré tout."

p 111 : "Un deuil est une perte douloureuse qui contraint à la créativité. "
Une création naît de l’absence, c'est ainsi qu'elle parvient à tisser des liens invisibles.
p 296, conclusion : "Je ne suis plus seul au monde, les autres savent, je leur ai fait savoir. En écrivant j'ai raccommodé mon moi déchiré ; dans la nuit, j'ai écrit des soleils."