Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/11/2014

Tiens-toi droite (ne plions pas !)

tiens toi droite.jpgSam (Noémie Lvovsky) est mère de famille nombreuse. Elle est débordée, entre son travail de nuit et l’éducation de ses filles, qu’elle laisse la plupart du temps se débrouiller seules. L’une d’elle, obèse, poste des vidéos sur le net dans lesquelles elle se montre sans pudeur. Cette enfant est fan de la filiforme Lili (Laura Smet) miss Nouvelle Calédonie, un peu nymphomane et cruche, qui sort avec un riche industriel qui pourrait être son père. Lili est choisie pour devenir un nouveau modèle de poupée. C’est Louise (Marina Foïs) qui dirige ce projet. Elle a obtenu ce poste pistonnée par son amant.

Ce résumé vous paraît un peu compliqué ? Il est à l’image du film, où les histoires s’entremêlent. Quand on lui pose la question « n’y a-t-il pas un risque de brouiller un peu la clarté du récit ? » la réalisatrice, Katia Lewkowicz, répond : « Non, cela permet d’avoir plusieurs niveaux de lectures. Peu importe si on ne suit pas tous les fils. Le principal est d’en tenir un ! » Point de vue original ! Sans doute faut-il voir le film plusieurs fois pour mieux saisir la narration.

La cinéaste explique que Tiens-toi droite s’appelait initialement Etats de femmes : « ce que je voulais raconter, c’est cette culpabilité spécifiquement féminine : l’oppression des femmes, par elles-mêmes (…) Chacune voulant devenir l’autre : être à la fois « la maman et la putain », la mère au foyer qui se met à travailler, la working girl qui essaie d’aimer (...) L’idée du film est venue après un dîner, où j’étais assise à côté d’une femme de mon âge qui ne faisait rien dans la vie. (…) pourquoi ai-je perçu cette inactivité comme un renoncement, alors qu’elle le vivait très bien elle-même ? »

J’ai adoré les différents teasers du film, que je trouve drôles, originaux, décalés. Le film l’est, mais la multitude de sujets et la narration complexe m’ont un peu fait décrocher. Surtout, j’ai trouvé les personnages antipathiques. Relisez le résumé pour le comprendre, ça me paraît évident :

tiens toi droite smet.jpg- Lili, nympho nunuche, qui sort avec un vieux parce qu’il est riche : beurk…
- Louise, Une arriviste qui se sert de son mec pour parvenir à ses fins. Elle est une femme d’affaires intraitable : elle décide de supprimer tous les modèles différents de poupées pour en créer un seul. Bravo, comme ça les gamines n’auront qu’un seul exemple à suivre, surtout quand on voit qu’il ressemble à un cheval Laura Smet et ses grandes dents et son absence de formes, merci d’encourager l’anorexie chez les petites filles. Louise baisse les prix des anciennes poupées et provoque volontairement une rupture de stock pour créer une attente chez le pigeon client, puis met en vente son modèle unique, qu’elle vend trois fois plus cher que les anciens…  belle mentalité. Elle a quitté l’entreprise familiale, où travaillent sa mère, ses sœurs et ses tantes, qui ont en fait toutes été engrossées sans broncher par le patron… (mais elles décident 40 ans après de porter plainte, il était temps).
- Sam, une mère qui néglige ses gosses : elle vient d’accoucher et laisse le bébé sous la surveillance de ses filles qui n’ont même pas 10 ans pendant qu’elle part bosser. Elle ne voulait pas d’autre enfant mais s’est laissée engrosser elle aussi, incapable de s’opposer à son mari...
- La fille de Sam, obèse, qui prend pour modèle une cruche anorexique. La cinéaste précise : « j’ai réfléchi à la notion d’enfant roi, aujourd’hui, c’est la femme de 13 ans qui décide. Je suis assez sidérée par ces jeunes filles qui veulent très vite devenir femmes et restent prisonnières des plus gros clichés, ne parlent que de mariage, jouent avec ça. »

tiens toi supermarché.jpgLa réalisatrice voulait dénoncer le mal que les femmes se font à elles-mêmes, mais pourquoi les rendre si peu sympathiques ? Elle révèle « j’espère un spectateur qui (…) se dira « je connais cela, ces mêmes paroles, je les ai déjà murmurées… je fais en quelque sorte le pari de l’empathie ». Pour moi, il est raté, je ne ressemble pas du tout aux personnages !

Si le film avait été fait par un homme, je pense qu’on l’aurait taxé de misogynie. Il se veut au contraire plutôt féministe, avec son excellent titre, « tiens-toi droite ! » Il résonne pour moi comme une injonction que j’ai entendue souvent : se tenir droite et raide, engoncée dans un carcan de bonnes manières, ne pas faire de vagues, obéir. (C’est pour ça que j’ai pris en rébellion comme modèle ce rêveur de Gaston Lagaffe et sa posture avachie). Pourtant le titre signifie plutôt l’inverse selon la cinéaste : « tenons-nous droit, ne lâchons rien, ne descendons pas au-dessous du seuil minimal d’estime de soi. Relevons le menton et continuons d’avancer. »

Je vous invite à regarder ici le tumblr qui dénonce les clichés que les femmes mais aussi les hommes entendent dans leurs vies, et vous en reconnaîtrez certainement quelques-uns, comme moi : « et sinon, vous pensez avoir des enfants ? (en entretien d’embauche) » « c’est pas joli dans la bouche d’une fille » « bonne à marier » … Pour les hommes : « fais pas ta chochotte » «  un homme, ça n’exprime pas ses sentiments » etc.

Et les hommes justement dans tout ça ? Heureusement, à part le directeur du pressing, ils ne sont pas montrés comme des brutes ou des minables. « Je voulais à tout prix éviter l’opposition homme-femme. (…) Je voulais que les hommes soient près des femmes, qu’ils essaient de les accompagner, qu’ils les regardent se débattre en leur disant : si tu as besoin de moi, je suis là. Mais qu’elles ne les voient plus, trop concentrées sur leur chemin. »

Tiens-toi droite est un film très original, complexe, qui soulève de nombreuses questions. Je vous conseille vivement de le voir pour vous en faire votre propre opinion.